Texte intégral
Messieurs les Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
La question qui nous réunit aujourd'hui, " Quel avenir pour la recherche ? " est de celle, vous l'imaginez aisément, qui, dans les circonstances actuelles, me préoccupent particulièrement... comme chacun d'entre vous, ainsi qu'en témoigne votre présence. Que sera notre recherche à l'horizon 2010, cet horizon que se sont fixés en mars 2000 les chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union Européenne rassemblés à Lisbonne pour que l'Union devienne "l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique de la planète". C'est bien un formidable défi.
Or, depuis quelques semaines, la communauté de la recherche française a plus largement exprimé son inquiétude que sa confiance dans l'avenir. Des pétitions ont circulé, des articles ont été publiés, des cris d'alarme ont été prononcés. Tous ces discours m'ont sensibilisée mais aussi heurtée pour certains procès d'intention sans fondement. Je tire de toutes ces manifestations, un enseignement majeur : la remarquable capacité qu'a notre pays dans son ensemble, à commencer par les chercheurs et enseignants-chercheurs, à se mobiliser pour promouvoir et soutenir la recherche nationale. De cette mobilisation en faveur de la science, je retiens en particulier les attentes fortes de tous ces jeunes, doctorants ou chercheurs venant d'être recrutés, qui ont envie que les choses bougent, qui ont envie de donner sens à leur envie de science. Cette mobilisation, je la fais mienne de part mon passé de chercheuse et mon engagement ministériel.
Je crois qu'est venue l'heure de tirer des leçons de cette mobilisation.
La première leçon est que sans conteste, comme en témoigne la publication de l'ouvrage qui nous réunit, un ouvrage qui précisément naît de la réflexion de jeunes acteurs de la recherche que je tiens à féliciter vivement pour leur initiative, il faut engager une discussion d'ampleur sur l'avenir de la recherche française, sur son état et sur ses perspectives. En ce sens, la réunion d'aujourd'hui s'inscrit dans ce large débat que je souhaite voir s'ouvrir et qui va permettre de mettre sur la table l'ensemble des problèmes qui se posent.
Une deuxième leçon importante est que les échanges récents ont mis en lumière trois grands modèles. Il est intéressant de voir que ces trois modèles s'imposent comme des référents pour des chercheurs d'horizons très différents, mais qu'ils constituent autant de points d'ancrage de notre réflexion collective. C'est à la lumière de ces modèles que notre système de recherche doit être renforcé, validé, réformé. Mais il faut aussi être soucieux d'adapter de tels modèles à la réalité actuelle de la recherche française, à son histoire et à ses spécificités de fond.
Le premier modèle est le modèle gaullien. Porté par une ambition nationale forte, il repose sur une logique de grands projets et s'appuie sur la mobilisation coordonnée des laboratoires publics et des industriels. Ces grands projets supposent l'intégration de savoirs et leur développement industriel. Cette espèce d'âge d'or a incontestablement valeur emblématique et il nourrit beaucoup des interventions récentes, à commencer par la réflexion sur l'avenir de la recherche qui nous interpelle.
Croyez bien que je suis très soucieuse de tout l'apport du modèle gaullien. D'abord en mesurant l'importance des réussites technologiques d'alors, allant de l'aéronautique à l'industrie nucléaire. Cela inspire mon souci constant de porter des grands projets qui transcendent les clivages entre recherches fondamentale et appliquée, au nom de préoccupations fortes. Le secteur spatial ou la recherche de l'énergie de demain à travers le projet ITER ont mobilisé par exemple une part significative de mon action depuis quelques mois. De même, j'ai veillé à stimuler l'innovation non pas pour " industrialiser " la recherche mais au contraire pour lui donner les moyens d'irriguer le quotidien de nos concitoyens, pour lui permettre aussi d'être un vecteur de progrès social, de croissance maîtrisée et partagée.
Beaucoup des récentes interrogations sur la recherche ont eu aussi un point commun, la mise en valeur d'un modèle américain. Par un curieux paradoxe, on a entendu au même moment des critiques sur une prétendue hégémonie américaine dans le monde et la mise en valeur des grandes réussites des Etats-Unis, à commencer par la priorité forte accordée à la recherche. Ce modèle américain me semble d'autant plus significatif que j'ai eu la chance d'être la première ministre française invitée après le déclenchement des hostilités en Irak et que j'ai reçu un accueil particulièrement chaleureux de la part de mes interlocuteurs.
Le modèle américain s'apparente au modèle gaullien par la logique de mobilisation globale des laboratoires et des entreprises, tout en laissant une place essentielle à la recherche fondamentale. Il présente toutefois une grande originalité, à commencer par une extrême souplesse.
Alors bien sûr, il ne s'agit pas de transposer ce qui n'est pas transposable mais de s'interroger collectivement sur ce qui amène la recherche américaine à bénéficier d'un primat international incontesté.
Parmi les gages du succès, l'intégration réussie des jeunes chercheurs. Elle s'opère de façon souple et c'est dans cette direction que j'ai souhaité comblé une lacune reconnue par tous, en multipliant les contrats de post-doctoraux et que je souhaite voir les jeunes chercheurs assumer des responsabilités scientifiques réelles dans la conduite des projets qu'ils auront soumis et qui auront été retenus par leur établissement de rattachement, le ministère, l'Europe, une collectivité territoriale ou un partenaire industriel. La recherche américaine repose sur des processus très stimulants comme la logique de moyens globaux correctement calibrés et accordés sur des objectifs, et plus largement sur une reconnaissance de la performance au sens de l'atteinte d'objectifs clairement identifiés. Tout un chacun s'accorde sur la nécessité aujourd'hui de réfléchir ensemble sur les mécanismes de reconnaissance de l'excellence scientifique, en termes financiers ou de déroulement de carrière. Il y a aux Etats-Unis une culture de l'efficacité économique et sociale, qui s'appuie sur une évaluation rigoureuse : une évaluation transparente, reconnue et distanciée, et donc acceptée et partagée.
Le modèle américain nous offre donc des pistes mais il ne constitue bien sûr pas la panacée.
Nous avons une autre histoire, d'autres traditions, une autre manière de concevoir le monde.
Et je crois en ce sens que si les modèles gaullien et américain ont été porteurs pour la deuxième partie du XXe siècle, il nous reste à construire un autre modèle, celui du XXIe siècle. Un modèle qui pour nous Français, ne pourra être qu'européen.
C'est un chantier difficile mais un chantier extrêmement stimulant.
Un chantier difficile car l'Europe est encore une mosaïque en devenir et que l'une des voies de l'unification sociale et politique revient précisément à ce que des activités comme la recherche ou le spatial soient clairement reconnues comme des priorités, des compétences unificatrices.
L'Europe de la recherche ne sera une réalité à part entière que si la recherche devient un vrai outil de l'harmonisation des territoires et de la cohésion sociale.
Parler de l'Europe de la recherche, c'est construire une recherche d'excellence capable d'imposer une ambition européenne forte. Or, l'excellence ne se décrète pas. Elle se suscite.
Quels seront les fondements de cette excellence ? Je crois qu'elle pourrait se décliner en sites géographiques et en réseaux.
Pour les sites, je pense que l'important est qu'ils offrent une taille critique, en termes d'enseignants-chercheurs, de jeunes -étudiants, doctorants, post-doctorants-, d'infrastructures de qualité, mais aussi un budget opérationnel important. Ces sites d'excellence européenne restent aujourd'hui encore largement à stimuler, en partant notamment du rôle majeur joué par les grandes universités : des pôles universitaires qui deviendront autant d'étapes incontournables dans la formation des étudiants européens, notamment des doctorants ; des pôles universitaire qui seront aussi soumis à une saine émulation, notamment pour s'imposer au sein de la concurrence mondiale.
Parmi les exemples de réseaux qui apparaissent au niveau européen, je peux citer le projet de " grid computing ", cette grille de calcul qui permet de tirer partir des ressources non utilisées à un instant donné par les ordinateurs qui la constituent. Le Grid computing n'est en ce sens qu'un modèle des différents réseaux destinés à mobiliser les efforts des enseignants-chercheurs, au service d'objectifs clairement identifiés. Des réseaux qui ont vocation à mieux rationaliser les efforts, à les unifier à tous les niveaux de la chaîne de production et de diffusion des connaissances.
Car la recherche a aussi vocation à aménager des zones moins dotées. On ne construira pas d'accélérateurs de particules partout. Mais on doit donner à la recherche le rôle d'un levier de développement de toutes les régions.
Cela suppose de tenir un discours courageux. On ne fera pas tout partout, sinon on le fera mal. Et certains pays injustement appelés petits peuvent nous servir d'exemples quand ils privilégient un ou deux grands secteurs. On fera très bien ce que l'on décidera de faire. Et on le fera sur une logique de projet, sur la base d'engagements pluriannuels dans des sites choisis.
Ces choix reflèteront des dynamiques territoriales, qui doivent pouvoir émerger et se concrétiser. Ils s'enracineront en elles et en tireront leur force.
Plus en profondeur, nous devons mettre en place un modèle européen pour traduire dans les faits notre patrimoine culturel et intellectuel. C'est là tout le sens d'une culture européenne partagée.
Qu'il y ait une culture européenne, de grands penseurs l'ont montré. Je pense notamment à Fernand Braudel avec l'histoire de la Méditerranée. Je pense à Stefan Zweig et ses Souvenirs d'un européen qui ont beaucoup fait pour diffuser cette culture de l'Europe des années trente.
N'oublions pas cet héritage, ce patrimoine, cet humanisme qui sont notre histoire, notre richesse et qui peuvent être notre avenir.
L'Europe du Nord nous enseigne ainsi chaque jour l'importance d'une culture scientifique présentée, échangée, discutée au gré de débats citoyens sur les grandes questions. C'est en ce sens que les sciences humaines et sociales ont un rôle majeur. Prenons un exemple, celui de la relation franco-allemande. En cette année du 40ème anniversaire du Traité de l'Elysée, j'ai souhaité que des chercheurs de sciences humaines et sociales puissent ainsi apporter leurs expériences à nourrir un socle de réflexion commune, condition d'une recherche fructueuse. C'est un pas dans la direction d'un véritable espace européen de la recherche.
Bâtir un modèle européen représente un défi crucial. Je crois que grâce à ses potentialités et à ses succès, à ses chercheurs et à son rayonnement, la science française a un rôle unique à jouer pour y contribuer de manière décisive.
Vous l'avez compris. La recherche française représente à mes yeux un extraordinaire potentiel. Un potentiel qui ne peut que s'affirmer en se nourrissant des modèles que j'ai mentionnés : en développant une culture de grands projets ; en renouvelant ses méthodes et ses structures ; en déclinant une excellence européenne, au niveau des territoires et de la société.
Cette recherche française ne se fera qu'en unissant tous nos efforts, pas obligatoirement dans un climat dépassionné car la recherche est passion, mais en tout cas dans un climat constructif seul capable de bâtir l'avenir.
Si j'ai accepté l'honneur de devenir ministre de la recherche, c'est pour servir la recherche française.
Plus que jamais, je souhaite être aux côtés des chercheurs comme je l'ai toujours été. Mais pour réussir les ambitions qui sont les miennes, je souhaite aussi que les chercheurs accompagnent ma réflexion et mon action.
Poursuivons donc la rencontre si stimulante d'aujourd'hui pour traiter en profondeur et tous ensemble des questions qui engagent et engageront la recherche de notre pays.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 2 mai 2003)
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
La question qui nous réunit aujourd'hui, " Quel avenir pour la recherche ? " est de celle, vous l'imaginez aisément, qui, dans les circonstances actuelles, me préoccupent particulièrement... comme chacun d'entre vous, ainsi qu'en témoigne votre présence. Que sera notre recherche à l'horizon 2010, cet horizon que se sont fixés en mars 2000 les chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union Européenne rassemblés à Lisbonne pour que l'Union devienne "l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique de la planète". C'est bien un formidable défi.
Or, depuis quelques semaines, la communauté de la recherche française a plus largement exprimé son inquiétude que sa confiance dans l'avenir. Des pétitions ont circulé, des articles ont été publiés, des cris d'alarme ont été prononcés. Tous ces discours m'ont sensibilisée mais aussi heurtée pour certains procès d'intention sans fondement. Je tire de toutes ces manifestations, un enseignement majeur : la remarquable capacité qu'a notre pays dans son ensemble, à commencer par les chercheurs et enseignants-chercheurs, à se mobiliser pour promouvoir et soutenir la recherche nationale. De cette mobilisation en faveur de la science, je retiens en particulier les attentes fortes de tous ces jeunes, doctorants ou chercheurs venant d'être recrutés, qui ont envie que les choses bougent, qui ont envie de donner sens à leur envie de science. Cette mobilisation, je la fais mienne de part mon passé de chercheuse et mon engagement ministériel.
Je crois qu'est venue l'heure de tirer des leçons de cette mobilisation.
La première leçon est que sans conteste, comme en témoigne la publication de l'ouvrage qui nous réunit, un ouvrage qui précisément naît de la réflexion de jeunes acteurs de la recherche que je tiens à féliciter vivement pour leur initiative, il faut engager une discussion d'ampleur sur l'avenir de la recherche française, sur son état et sur ses perspectives. En ce sens, la réunion d'aujourd'hui s'inscrit dans ce large débat que je souhaite voir s'ouvrir et qui va permettre de mettre sur la table l'ensemble des problèmes qui se posent.
Une deuxième leçon importante est que les échanges récents ont mis en lumière trois grands modèles. Il est intéressant de voir que ces trois modèles s'imposent comme des référents pour des chercheurs d'horizons très différents, mais qu'ils constituent autant de points d'ancrage de notre réflexion collective. C'est à la lumière de ces modèles que notre système de recherche doit être renforcé, validé, réformé. Mais il faut aussi être soucieux d'adapter de tels modèles à la réalité actuelle de la recherche française, à son histoire et à ses spécificités de fond.
Le premier modèle est le modèle gaullien. Porté par une ambition nationale forte, il repose sur une logique de grands projets et s'appuie sur la mobilisation coordonnée des laboratoires publics et des industriels. Ces grands projets supposent l'intégration de savoirs et leur développement industriel. Cette espèce d'âge d'or a incontestablement valeur emblématique et il nourrit beaucoup des interventions récentes, à commencer par la réflexion sur l'avenir de la recherche qui nous interpelle.
Croyez bien que je suis très soucieuse de tout l'apport du modèle gaullien. D'abord en mesurant l'importance des réussites technologiques d'alors, allant de l'aéronautique à l'industrie nucléaire. Cela inspire mon souci constant de porter des grands projets qui transcendent les clivages entre recherches fondamentale et appliquée, au nom de préoccupations fortes. Le secteur spatial ou la recherche de l'énergie de demain à travers le projet ITER ont mobilisé par exemple une part significative de mon action depuis quelques mois. De même, j'ai veillé à stimuler l'innovation non pas pour " industrialiser " la recherche mais au contraire pour lui donner les moyens d'irriguer le quotidien de nos concitoyens, pour lui permettre aussi d'être un vecteur de progrès social, de croissance maîtrisée et partagée.
Beaucoup des récentes interrogations sur la recherche ont eu aussi un point commun, la mise en valeur d'un modèle américain. Par un curieux paradoxe, on a entendu au même moment des critiques sur une prétendue hégémonie américaine dans le monde et la mise en valeur des grandes réussites des Etats-Unis, à commencer par la priorité forte accordée à la recherche. Ce modèle américain me semble d'autant plus significatif que j'ai eu la chance d'être la première ministre française invitée après le déclenchement des hostilités en Irak et que j'ai reçu un accueil particulièrement chaleureux de la part de mes interlocuteurs.
Le modèle américain s'apparente au modèle gaullien par la logique de mobilisation globale des laboratoires et des entreprises, tout en laissant une place essentielle à la recherche fondamentale. Il présente toutefois une grande originalité, à commencer par une extrême souplesse.
Alors bien sûr, il ne s'agit pas de transposer ce qui n'est pas transposable mais de s'interroger collectivement sur ce qui amène la recherche américaine à bénéficier d'un primat international incontesté.
Parmi les gages du succès, l'intégration réussie des jeunes chercheurs. Elle s'opère de façon souple et c'est dans cette direction que j'ai souhaité comblé une lacune reconnue par tous, en multipliant les contrats de post-doctoraux et que je souhaite voir les jeunes chercheurs assumer des responsabilités scientifiques réelles dans la conduite des projets qu'ils auront soumis et qui auront été retenus par leur établissement de rattachement, le ministère, l'Europe, une collectivité territoriale ou un partenaire industriel. La recherche américaine repose sur des processus très stimulants comme la logique de moyens globaux correctement calibrés et accordés sur des objectifs, et plus largement sur une reconnaissance de la performance au sens de l'atteinte d'objectifs clairement identifiés. Tout un chacun s'accorde sur la nécessité aujourd'hui de réfléchir ensemble sur les mécanismes de reconnaissance de l'excellence scientifique, en termes financiers ou de déroulement de carrière. Il y a aux Etats-Unis une culture de l'efficacité économique et sociale, qui s'appuie sur une évaluation rigoureuse : une évaluation transparente, reconnue et distanciée, et donc acceptée et partagée.
Le modèle américain nous offre donc des pistes mais il ne constitue bien sûr pas la panacée.
Nous avons une autre histoire, d'autres traditions, une autre manière de concevoir le monde.
Et je crois en ce sens que si les modèles gaullien et américain ont été porteurs pour la deuxième partie du XXe siècle, il nous reste à construire un autre modèle, celui du XXIe siècle. Un modèle qui pour nous Français, ne pourra être qu'européen.
C'est un chantier difficile mais un chantier extrêmement stimulant.
Un chantier difficile car l'Europe est encore une mosaïque en devenir et que l'une des voies de l'unification sociale et politique revient précisément à ce que des activités comme la recherche ou le spatial soient clairement reconnues comme des priorités, des compétences unificatrices.
L'Europe de la recherche ne sera une réalité à part entière que si la recherche devient un vrai outil de l'harmonisation des territoires et de la cohésion sociale.
Parler de l'Europe de la recherche, c'est construire une recherche d'excellence capable d'imposer une ambition européenne forte. Or, l'excellence ne se décrète pas. Elle se suscite.
Quels seront les fondements de cette excellence ? Je crois qu'elle pourrait se décliner en sites géographiques et en réseaux.
Pour les sites, je pense que l'important est qu'ils offrent une taille critique, en termes d'enseignants-chercheurs, de jeunes -étudiants, doctorants, post-doctorants-, d'infrastructures de qualité, mais aussi un budget opérationnel important. Ces sites d'excellence européenne restent aujourd'hui encore largement à stimuler, en partant notamment du rôle majeur joué par les grandes universités : des pôles universitaires qui deviendront autant d'étapes incontournables dans la formation des étudiants européens, notamment des doctorants ; des pôles universitaire qui seront aussi soumis à une saine émulation, notamment pour s'imposer au sein de la concurrence mondiale.
Parmi les exemples de réseaux qui apparaissent au niveau européen, je peux citer le projet de " grid computing ", cette grille de calcul qui permet de tirer partir des ressources non utilisées à un instant donné par les ordinateurs qui la constituent. Le Grid computing n'est en ce sens qu'un modèle des différents réseaux destinés à mobiliser les efforts des enseignants-chercheurs, au service d'objectifs clairement identifiés. Des réseaux qui ont vocation à mieux rationaliser les efforts, à les unifier à tous les niveaux de la chaîne de production et de diffusion des connaissances.
Car la recherche a aussi vocation à aménager des zones moins dotées. On ne construira pas d'accélérateurs de particules partout. Mais on doit donner à la recherche le rôle d'un levier de développement de toutes les régions.
Cela suppose de tenir un discours courageux. On ne fera pas tout partout, sinon on le fera mal. Et certains pays injustement appelés petits peuvent nous servir d'exemples quand ils privilégient un ou deux grands secteurs. On fera très bien ce que l'on décidera de faire. Et on le fera sur une logique de projet, sur la base d'engagements pluriannuels dans des sites choisis.
Ces choix reflèteront des dynamiques territoriales, qui doivent pouvoir émerger et se concrétiser. Ils s'enracineront en elles et en tireront leur force.
Plus en profondeur, nous devons mettre en place un modèle européen pour traduire dans les faits notre patrimoine culturel et intellectuel. C'est là tout le sens d'une culture européenne partagée.
Qu'il y ait une culture européenne, de grands penseurs l'ont montré. Je pense notamment à Fernand Braudel avec l'histoire de la Méditerranée. Je pense à Stefan Zweig et ses Souvenirs d'un européen qui ont beaucoup fait pour diffuser cette culture de l'Europe des années trente.
N'oublions pas cet héritage, ce patrimoine, cet humanisme qui sont notre histoire, notre richesse et qui peuvent être notre avenir.
L'Europe du Nord nous enseigne ainsi chaque jour l'importance d'une culture scientifique présentée, échangée, discutée au gré de débats citoyens sur les grandes questions. C'est en ce sens que les sciences humaines et sociales ont un rôle majeur. Prenons un exemple, celui de la relation franco-allemande. En cette année du 40ème anniversaire du Traité de l'Elysée, j'ai souhaité que des chercheurs de sciences humaines et sociales puissent ainsi apporter leurs expériences à nourrir un socle de réflexion commune, condition d'une recherche fructueuse. C'est un pas dans la direction d'un véritable espace européen de la recherche.
Bâtir un modèle européen représente un défi crucial. Je crois que grâce à ses potentialités et à ses succès, à ses chercheurs et à son rayonnement, la science française a un rôle unique à jouer pour y contribuer de manière décisive.
Vous l'avez compris. La recherche française représente à mes yeux un extraordinaire potentiel. Un potentiel qui ne peut que s'affirmer en se nourrissant des modèles que j'ai mentionnés : en développant une culture de grands projets ; en renouvelant ses méthodes et ses structures ; en déclinant une excellence européenne, au niveau des territoires et de la société.
Cette recherche française ne se fera qu'en unissant tous nos efforts, pas obligatoirement dans un climat dépassionné car la recherche est passion, mais en tout cas dans un climat constructif seul capable de bâtir l'avenir.
Si j'ai accepté l'honneur de devenir ministre de la recherche, c'est pour servir la recherche française.
Plus que jamais, je souhaite être aux côtés des chercheurs comme je l'ai toujours été. Mais pour réussir les ambitions qui sont les miennes, je souhaite aussi que les chercheurs accompagnent ma réflexion et mon action.
Poursuivons donc la rencontre si stimulante d'aujourd'hui pour traiter en profondeur et tous ensemble des questions qui engagent et engageront la recherche de notre pays.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 2 mai 2003)