Texte intégral
Je souhaite d'abord vous dire à quel point je suis heureux de recevoir à Paris Cheikh Mohammed Sabah Al Salem. Sa visite s'inscrit dans le cadre du dialogue étroit et régulier que nous entretenons de longue date avec le Koweït. Elle m'a permis de renouveler le message d'amitié et de solidarité tout récemment adressé à Cheikh Sabah, premier vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères.
Notre entretien de ce soir a été l'occasion d'échange de vues approfondi sur la situation régionale et bien sûr sur le dossier irakien, et a permis de faire le point sur l'ensemble des questions d'intérêt commun entre nos deux pays.
Le Koweït est pour nous un pays qui compte. Nous avons tissé au fil des années, des relations profondes, d'estime et d'amitié entre nos deux pays, nos deux peuples et nos dirigeants. Nous savons que sa situation géographique et son histoire le rendent extrêmement sensible aux tensions régionales. La France attache une importance particulière à la douloureuse question des personnes disparues au Koweït, à la concertation et aux échanges d'analyse avec ses autorités.
Sur la question irakienne qui revêt bien sûr, vous le savez tous, une importance particulière pour le Koweït, j'ai exposé à Cheikh Mohamed nos analyses et nos actions. Vous savez que la position française est celle d'une forte préoccupation concernant la situation humanitaire. Nous considérons qu'il y a urgence à faire face à ces situations douloureuses et en même temps, pour ce qui concerne l'avenir, le futur de l'Irak, nous souhaitons bien sûr l'aborder dans un esprit d'ouverture, de pragmatisme dans un esprit constructif, soucieux que nous sommes de la plus grande concertation avec l'ensemble des pays de la région, l'ensemble des pays arabes.
Q - Aujourd'hui, le Premier ministre Tony Blair et le président américain George Bush ont parlé d'un rôle vital de l'ONU pour l'après-guerre en Irak. Selon vous, y a-t-il une différence entre vital, central, prédominant ? Avez-vous une réaction à ce qu'ils ont dit aujourd'hui ?
R - Permettez-moi d'abord de dire que la France se félicite bien sûr de la position qui a été adoptée par le président Bush et le Premier ministre, M. Blair, aujourd'hui. Aux termes du communiqué, comme vous le dîtes, est évoqué le rôle vital des Nations unies. Nous sommes, je crois, tous d'accord, pour conférer aux Nations unies, un rôle important - la France parle de rôle central, ainsi que d'ailleurs la plupart des Etats européens. Ce qui est important c'est que nous soyons tous convaincus de la capacité des Nations unies à apporter une aide précieuse en terme de légitimité, conférer une légitimité, parce que les Nations unies, évidemment, regroupe l'ensemble de la communauté mondiale, qu'ensuite les Nations unies peuvent fédérer les efforts de chacun des Etats du monde. Il y a donc pour nous évidemment un rôle tout à fait central que peuvent jouer les Nations unies. Je serais amené dans le cadre de la concertation étroite que nous avons à la fois avec les Américains et avec les Britanniques, à développer ce que pourrait être ce rôle, au cours des prochains jours. Je rencontrerai, en particulier demain comme vous le savez, le ministre des Affaires étrangères britanniques, Jack Straw, ici. Ce sera l'occasion de poursuivre la concertation sur ce sujet.
Q - Monsieur le Ministre, jusqu'à présent, vous n'avez pas demandé l'arrêt des hostilités. Pourquoi ? Considérez-vous que le pouvoir actuel en Irak est toujours légitime et légal ?
R - Sur votre première question, nous avons toujours dit que nous souhaitions l'issue la plus rapide et la moins meurtrière possible à ce conflit douloureux. Par ailleurs, je crois que tout le monde a compris que la France n'a jamais eu aucune complaisance vis-à-vis du régime irakien et a toujours pensé que, sans Saddam Hussein - le président de la République l'a dit à plusieurs reprises - évidemment la situation serait beaucoup plus simple.
Q - Monsieur le Ministre, la France va-t-elle reconnaître un gouvernement provisoire ou bien cela sera un gouvernement sous l'occupation ?
R - Evidemment la question aujourd'hui ne se pose pas. Je l'ai dit, d'abord, la guerre n'est pas terminée. Nous faisons face tous les jours à des affrontements tragiques et nous voyons la situation des populations civiles. L'urgence pour la France, c'est bien ce risque humanitaire que nous voyons au quotidien. Nous l'avons dit à plusieurs reprises. Passée la période de la guerre, il y aura alors une phase, dite de sécurisation, extrêmement importante où il faudra faire en sorte que l'unité de l'Irak, la stabilité de l'Irak puissent être assurées, que les forces présentes sur le terrain aient une responsabilité particulière. Cela va de soi. Quand s'engagera l'autre phase, celle de la reconstruction administrative, politique, économique de l'Irak, alors bien sûr la légitimité des Nations unies sera incontournable pour soutenir ce processus de reconstruction. Et vous le savez, nous l'avons dit à plusieurs reprises, dans l'esprit de la France, comme dans l'esprit des Européens, c'est bien un rôle central qui devra être donné aux Nations unies pour permettre d'assurer cette représentation des Irakiens. Mais c'est une autre affaire et nous aurons l'occasion d'en reparler.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 avril 2003)