Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, à "l"Hebdo des socialistes" le 1er avril 2004, sur les conséquences de l'échec de la droite aux élections régionales 2004, et la nécessité pour le parti socialiste d'élaborer un projet politique alternatif.

Prononcé le 1er avril 2004

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Média : L'Hebdo des socialistes

Texte intégral

Q- Comment définir le nouveau contexte politique né après le 28 mars ? Peut-on parler de crise de régime ?
R - De crise de la droite, assurément. De crise du système Chirac, à l'évidence. On peut surtout parler de crise de confiance Une chose est certaine : en reconduisant Jean-Pierre Raffarin et en faisant de la composition du gouvernement une partie de chaises musicales, le Président de la République a pris un risque majeur, celui d'une coupure, d'une fracture devrais-je dire, entre la majorité des Français et ses représentants légitimes.
Face à ce risque, il faut que la gauche soit en capacité de prendre toutes ses responsabilités.
La première, c'est celle de la clarté. Nous disposons, c'est vrai, d'instruments d'action dans les départements et les régions, mais nous ne sommes pas un pouvoir-bis.
La seconde, c'est celle de l'efficacité. Le rôle de l'opposition, c'est de protéger les Français contre une remise en cause du pacte social, notamment à l'encontre des acquis. Enfin, il lui revient de préparer l'alternance à quelque moment qu'elle se situe.
Q - Face au mépris affiché par Jacques Chirac et par toute la droite, le risque de manifestations et d'actions de masse peut-il être écarté ? Et faut-il précipiter les échéances
R - Ce n'est pas l'opposition qui décide des rythmes du calendrier, c'est le chef de l'État ! À lui de prendre conscience des enjeux et de mesurer les rapports qu'il entretient avec les Français.
En revanche, nous devons être prêts. Prêts pour 2007, prêts pour faire des propositions dès à présent sur la décentralisation, la sécurité sociale, les services publics... Prêts, aussi, à élaborer avec nos partenaires des orientations communes qui constitueront, le moment venu, une plateforme alternative.
Je ne crois pas que nous devons, nous socialistes, être pris par l'agitation qui semble saisir la droite. Nous devons, au contraire, avoir le sens des responsabilités et celui des enjeux. Chirac a effectivement pris le risque de multiplier les frustrations, d'attiser les tensions sociales et d'ouvrir des conflits. Si ceux-ci surgissent, à nous d'offrir un débouché politique.
Q - Les vingt régions dirigées par des exécutifs de gauche peuvent-elles constituer un contre-pouvoir ? Sommes-nous dans une situation inédite de cohabitation ?
R - Sûrement pas ! La cohabitation, c'est le partage dans des conditions difficiles, nous en savons quelque chose, du pouvoir de l'État.
Un contre-pouvoir voudrait dire que les régions, voire les départements, pourraient contrecarrer les effets négatifs de la politique gouvernementale. Or, les ordres de grandeur des budgets sont sans commune mesure et les collectivités locales interviennent dans des domaines spécifiques sans avoir les moyens correspondant aux charges qu'elles assument. En revanche, nous devons utiliser tous les leviers de la décentralisation, toutes les compétences des régions et des départements pour améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens.
Ne créons pas une double illusion, celle que nous allons maintenant cogérer le pays et celle qui laisserait croire que nous avons, avec nos territoires, des pouvoirs équivalents à ceux de l'État. C'est faux et nous ne sommes pas dans un État fédéral.
La pédagogie politique est donc primordiale. Il y a ce que nous devons assumer parce que nous avons pris des engagements et il y a ce qui relève du Parlement et du gouvernement, dont les décisions sur les citoyens continuent d'être négatives.
Q Dans la perspective de 2007, le parti va élaborer son projet politique et montrer qu'une autre politique est possible. Quelle va être la méthode d'élaboration de ce projet ? Quels vont être les rythmes ?
R - La méthode doit être nouvelle. Le besoin de démocratie participative, l'exigence d'une intervention militante, notre volonté d'associer les forces vives et, notamment, les partenaires syndicaux et associatifs, exigent que nous ne traitions pas ce qui doit devenir un vrai projet de société pour les dix prochaines années, uniquement à travers le prisme des experts ou de l'intervention nécessaire de nos instances. La méthode comptera presque autant que le fond. En fait, contenu et méthode sont étroitement liés.
Quant au calendrier, je crois qu'il faut ouvrir un processus qui pourrait aller jusqu'à l'automne 2005. Cela nous permettrait de faire un travail d'approfondissement, d'imagination et d'innovation. Ce calendrier ne dispense pas de faire adopter par nos instances (bureau national, conseil national ou conférences militantes) des propositions sur des sujets aussi essentiels que l'avenir de l'assurance maladie ou de la sécurité sociale professionnelle.
Propos recueillis par A.H.
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 5 avril 2004)