Texte intégral
Q - Vous avez défendu ces derniers mois une "diplomatie de principes", au point d'envisager de faire jouer le droit de veto de la France à l'ONU, et la France va maintenant approuver une résolution qui est le reflet de la politique américaine en Irak. Comment l'expliquez-vous ?
R - En votant cette résolution, la France reste fidèle à ses principes : ce texte ne légitime pas la guerre, il ouvre la voie à la paix qu'il nous faut construire ensemble. Il y a une urgence qui tient à la confusion et à l'incertitude sur le terrain. Nous faisons le choix de l'unité et de la responsabilité de la communauté internationale.
Au terme de la négociation, grâce à la volonté de compromis de part et d'autre, des progrès importants ont été faits. Les Nations unies reviennent dans le jeu et j'ai la conviction qu'elles seront demain au centre de l'action internationale. Un dispositif articulé se met en place : nomination d'un représentant spécial des Nations unies, dont l'indépendance est soulignée ; transparence dans la gestion des ressources pétrolières ; reconnaissance du rôle des inspecteurs dans le contrôle du désarmement ; prolongation pour six mois du programme "Pétrole contre nourriture". Les Etats-Unis ont accepté, au terme d'une durée de douze mois, un rendez-vous pour évaluer le dispositif mis en place. Ils ont également accepté un contrôle, sous la forme de rapports réguliers au Conseil de sécurité.
La résolution distingue clairement deux temps : celui de l'autorité mise en place sous l'égide de la coalition et celui où un gouvernement légitime, internationalement reconnu, pourra être constitué en Irak. Nous pensons qu'il y a désormais une véritable clarification qui ouvre la voie à un travail efficace des Nations unies. Le texte qui est aujourd'hui présenté est très différent de la première version. Dans le projet initial, le rôle du représentant spécial par exemple était très imprécis ; dans le texte actuel, il est partie prenante, un acteur important du processus politique mis en place. La réalité des choses sur le terrain, leur complexité, ont convaincu chacun de la nécessité d'agir. La place faite aux Nations unies permettra justement de mobiliser toute la communauté internationale.
Q - La coalition américano-britannique n'a cependant pas l'intention de soumettre à un mandat de l'ONU la force de stabilisation qu'elle est en train de mettre sur pied ?
R - Dans la phase de sécurisation, nous l'avons toujours dit, les forces sur le terrain ont une responsabilité particulière. La force de stabilisation n'est actuellement que la force de coalition élargie. La question d'une force internationale se posera le moment venu. Mais elle ne pourra se poser que dans le cadre d'un mandat défini par l'ONU.
Q - Pensez-vous pouvoir restaurer vos rapports d'autrefois avec le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell ?
R - Quelles qu'aient été les circonstances, j'ai toujours gardé avec Colin Powell des rapports amicaux et maintenu le dialogue. Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur le fonctionnement de l'administration américaine. Le président de la République est en contact avec le président Bush, qui sera en France dans quelques jours ; je travaille en confiance avec Colin Powell, qui sera à Paris ce soir. Il est très important que nous puissions travailler ensemble tant sont nombreux les défis auxquels est confrontée la communauté internationale. On le voit bien dans le domaine du terrorisme, de la prolifération, du crime organisé ou des crises régionales. L'unité de la communauté internationale, comme on le verra à la réunion du G8, est au cur des efforts pour relancer la croissance et promouvoir le développement.
Au-delà de la crise irakienne, il est essentiel que nous soyons capables de faire converger nos actions. Cette conviction de la France n'est peut-être pas partagée aujourd'hui par tous, mais je suis persuadé que les réalités du terrain, la nécessité de l'action internationale nous rapprocheront. C'est pourquoi la France veut se montrer constructive, sans renoncer pour autant bien sûr aux valeurs, aux principes qui sont les siens.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mai 2003)