Texte intégral
Je vais vous rendre compte rapidement de nos discussions durant ce déjeuner qui est le premier à se tenir à vingt-cinq depuis notre rencontre informelle du Gymnich à Castellorizo. Nous nous sommes penchés sur la question irakienne à un moment difficile qui rend plus que jamais nécessaires à la fois l'unité et l'efficacité de la communauté internationale. Au moment où un projet de résolution est déposé aux Nations unies, le projet américano-hispano-britannique. La France souhaite que l'Union européenne adopte une position unie. Cette position doit être fondée, bien sûr, sur les objectifs et les principes sur lesquels nous nous sommes accordés le 16 avril dernier : l'unité, la stabilité, l'intégrité territoriale de l'Irak, la possibilité d'ouvrir aux Irakiens une perspective claire de retour à la pleine souveraineté et le fait d'accorder un rôle central aux Nations unies qui est indispensable à la fois à la légitimité et à l'efficacité du processus dans tous les domaines. Nous comptons d'autant plus sur nos amis britanniques et espagnols pour s'en faire l'écho auprès des Américains, qu'ils ont co-parrainé ce texte et qu'ils ont donc un rôle tout à fait central dans ce processus.
Le projet de résolution qui a été transmis le 11 mai dernier constitue une base de départ, nous l'avons dit. Il a déjà été amendé et nous attendons un nouveau texte aujourd'hui à New York. Fidèle à sa conviction, la France aborde ces négociations dans un esprit constructif, dans un esprit d'ouverture en visant avant tout l'efficacité de la communauté internationale sur le terrain en Irak, à un moment où, chacun le voit, la situation est non seulement confuse mais difficile.
Nous maintenons un dialogue étroit avec l'ensemble de nos partenaires. Nous sommes en concertation permanente avec l'Allemagne, avec la Russie, au Conseil de sécurité. Notre objectif est que ce texte définisse des solutions conformes aux intérêts du peuple irakien en s'appuyant sur le plus large soutien possible de la communauté internationale. Pour parvenir à ce consensus maximal au Conseil de sécurité des Nations unies, il est indispensable que les préoccupations des différents partenaires du Conseil de sécurité puissent être prises en compte. La France estime qu'il faut apporter en priorité des solutions aux questions auxquelles l'Irak est confronté aujourd'hui, le régime des sanctions, le désarmement, la gestion des ressources pétrolières, la sortie du programme "pétrole contre nourriture". Au-delà de la phase d'urgence, au-delà de la nécessité de répondre à l'urgence humanitaire, nous avons besoin d'établir un régime stable, démocratique et reconnu au plan international, c'est bien au cur de nos priorités. Le Conseil de sécurité doit accompagner l'action de la coalition sans pour autant abdiquer ses propres responsabilités. Pour cela il doit s'appuyer sur des principes forts : l'information et la transparence. Il est important que des rapports réguliers puissent être transmis au Conseil de sécurité pour qu'il soit mieux à même d'apprécier la situation. Il faut évidemment que l'ensemble du processus soit soumis aux règles de droit et il faut un calendrier rigoureux et volontaire.
Nous avons évoqué parallèlement la question du Proche-Orient, à un moment là encore difficile, on le voit avec la multiplication des violences et des attentats terroristes. Nous avons adopté des conclusions rappelant notre objectif qui est la mise en uvre effective et rapide de la "feuille de route" du Quartet ainsi que la mise en place d'un mécanisme de supervision. Nous pensons qu'il faut un engagement clair des deux parties et des actes concrets. L'Union européenne se tient aux côtés des parties pour avancer dans cette voie et les violences doivent renforcer notre détermination à agir. C'est dans cet esprit que je me rendrai en Israël à la fin de la semaine et dans les territoires pour rappeler que chacun doit effectivement faire sa part du chemin. Nous pensons que la paix qui doit être mise en avant doit être globale.
Nous devons donc reprendre l'initiative aussi sur les volets libanais et syrien, réfléchir aux meilleures modalités et nous pensons qu'il convient d'établir une feuille de route spécifique sur ces questions. En définitive, et la reprise de la violence le marque bien, il y a au Proche-Orient l'urgence d'une solution politique, qui implique le dialogue, le respect profond entre les peuples. Il faut aussi des incitations à avancer. C'est le sens du grand programme de développement que l'Union européenne a mis en uvre dans le cadre euro-méditerranéen. Vous savez que se tiendra en Crète une nouvelle réunion entre les pays européens et les pays de la région. Dans le même sens, vous savez que le président Bush a présenté un plan de développement visant à la mise en uvre d'une zone de libre-échange. Nous travaillons donc dans le même sens. Il faut coordonner nos actions.
Nous devons également prendre en compte le sentiment d'injustice qui se développe au Moyen-Orient. Nous voyons bien que de ce point de vue, soit du point de vue de la situation de l'Irak, soit du point de vue de la situation du Proche-Orient, il y a une région confrontée à des problèmes communs. Il faut donc traiter cette question de l'injustice, régler ce sentiment d'incertitude et d'injustice que ressentent les peuples, c'est ce qui doit donc nous mobiliser tout particulièrement dans cette période.
Nous avons également examiné la situation en Côte d'Ivoire. Nous devons encourager le processus qui est engagé dans ce pays, et vous savez à quel point la France est engagée par la présence de ses hommes sur le terrain : nous avons près de 4.000 hommes dans ce pays. Il est important d'avoir une stratégie globale, j'ai insisté sur ce point. Nous ne devons pas nous satisfaire d'agir individuellement dans tel et tel pays de la région : la Côte d'Ivoire ou la Sierra Leone, où les Nations unies sont engagées de façon importante. Il faut prendre en compte l'ensemble de la problématique de la région, y compris la situation au Liberia. C'est-à-dire qu'il nous faut un plan régional, qu'il nous faut un plan Etat par Etat et qu'il faut réfléchir à la possibilité de consolider la paix en mobilisant tous les instruments en appui aux organisations régionales et donc en particulier répondre aux demandes des pays de la région d'un financement de forces spécifiques comme on le voit aujourd'hui en Côte d'Ivoire. Un mécanisme de financement doit être possible pour permettre aux pays de la région de développer une force de sécurité. Il faut le faire bien sûr pour la Côte d'Ivoire, il faut le faire aussi pour les autres pays de la région si l'on veut être efficace.
Nous avons également abordé la situation en République démocratique du Congo pour marquer la dangerosité de cette situation et la nécessité d'appuyer l'effort des Nations unies d'engagement sur place. Il s'agit à la fois de protéger les populations civiles et de sécuriser l'ensemble des installations. Nous avons fixé un certain nombre de conditions à notre participation, vous le savez. Nous souhaitons, et nous avons donné notre accord de principe pour participer à une telle force, qu'il s'agisse bien d'une force multinationale, que son déploiement obéisse à un mandat du Conseil de sécurité fixé par une résolution sous chapitre VII. Nous souhaitons que ce déploiement soit limité dans le temps et qu'il y ait un accord non seulement de la République démocratique du Congo, mais aussi de l'ensemble des pays voisins et nous souhaitons donc que l'Union européenne puisse appuyer un tel processus. Voilà les principaux éléments qui ont été évoqués. Je suis prêt maintenant à répondre à vos questions.
Q - La situation, dites-vous, reste confuse, en Irak, Monsieur le Ministre. Elle est confuse aussi quant au sort de notre confrère Fred Nérac, qui a disparu depuis le 22 mars dernier. Alors, ce matin, Mme Nérac vous a distribué, ainsi qu'à tous vos homologues, une lettre ouverte dans laquelle elle demande l'ouverture d'une enquête du côté britannique, puisque nous sommes là dans la zone de Bassorah, le secteur britannique. Est-ce que vous en avez parlé à votre homologue et est-ce que vous avez des informations puisque les derniers éléments feraient apparaître des indices disant qu'une partie des papiers de Fred Nérac se seraient retrouvés du côté du Parti Baas ?
R - Nous avons, dès que nous avons été informés de la disparition de Fred Nérac, mené notre propre enquête. Nous avons mobilisé, bien évidemment, toutes les ressources qui étaient à notre disposition alors en Irak, à travers les associations ou les organisations. Nous avons saisi bien évidemment nos amis américains et britanniques, saisi aussi notre ambassade à Koweït, pour essayer de trouver le plus grand nombre d'éléments permettant d'avancer. Nous avons été en contact régulier avec Mme Nérac. Le président de la République l'a reçue, je l'ai reçue. Elle est en contact quotidien avec mon cabinet. Elle a été reçue encore vendredi et tous les éléments qui sont à notre disposition ont été transmis à Mme Nérac. J'ai rencontré, vous l'avez dit ce matin, Mme Nérac. J'ai appuyé sa demande auprès de mon homologue et de mon ami Jack Straw, de façon à ce qu'une enquête puisse être diligentée par nos amis britanniques. Je crois qu'ils comprennent et mesurent le drame dont il s'agit et j'ai bon espoir que nos amis britanniques puissent rapidement ouvrir une telle enquête.
Q - Est-ce que vous souhaitiez, Monsieur le Ministre, que le Conseil adopte des conclusions sur l'Irak aujourd'hui ? Et quelles ont été les réactions de vos homologues par rapport à votre position ?
R - Le souhait, bien évidemment, c'est que la position de l'Europe soit la plus commune possible, que nous puissions nous entendre sur les principes à défendre et faire avancer les choses à New York, je l'ai dit, dans un esprit d'ouverture, dans un esprit constructif. Nous sommes évidemment en contact très étroit avec l'ensemble des délégations à New York. Nous le sommes avec nos collègues ici. Je souhaite que les choses puissent progresser. Il ne suffit pas d'une réunion comme celle-ci pour qu'elles puissent avancer. Il faut un travail au quotidien. Nous aurons l'occasion, vous le savez, de nous revoir les uns et les autres pour un certain nombre d'entre nous au milieu de la semaine, à Paris. Notre collègue russe, je le rencontrerai mercredi, en Suède, pour une réunion sur les questions nucléaires à Stockholm. Je le rencontrerai à nouveau pour la conférence sur les routes de la drogue que nous organisons jeudi à Paris. Donc nous avons plusieurs occasions de nous rencontrer. Colin Powell sera lui-même, pour la réunion du G8, à Paris, en fin de semaine. Vous voyez, nous avons l'occasion de maintenir une concertation très étroite. Evidemment, pour le moment tous les problèmes ne sont pas réglés. J'ai évoqué devant vous un certain nombre de questions qui sont pendantes. Un nouveau texte doit être présenté à New York. Je veux croire qu'il prendra en compte largement les préoccupations que nous avons déjà exprimées. Je me suis entretenu pendant le week-end longuement avec Colin Powell pour lui transmettre les préoccupations qui sont les nôtres. Et, une fois de plus je le redis, les préoccupations que nous exprimons sont des préoccupations qui visent à rendre plus efficace l'action menée sur le terrain. Et la conviction qui est la nôtre c'est que, pour être efficace, il faut que nous soyons unis, parce que nous sommes là devant un défi important à un moment où la région connaît de grandes difficultés. Nous le voyons sur le processus de paix, nous le voyons en Irak. D'où la nécessité d'être mobilisés. Et je crois que les premières réactions que j'ai pu observer lors du déjeuner marquaient bien ce souci de chacun d'avancer ensemble pour une position qui, justement, nous permette de relever les défis en Irak.
Q - Y a-t-il eu un vrai débat contradictoire comme cela a été le cas dans le passé ?
R - Il y a un débat et je crois que les positions de chacun sont guidées par le même souci qui est d'aboutir. Nous ne sommes pas dans la situation qui a été celle avant la guerre. Nous sommes dans une situation nouvelle. Dans la paix il faut se retrouver. Dans la paix il faut dépasser les différends qui ont été les nôtres. Nous avons un objectif commun, c'est d'être efficaces et de permettre au peuple irakien d'affronter véritablement les difficultés qui sont les siennes aujourd'hui. Donc je crois vraiment, de ce point de vue, qu'il faut laisser de côté les éléments d'amour-propre. Laissons de côté l'ensemble des préalables ou l'ensemble des positions de principe pour faire avancer la nécessité d'un règlement, ce qui suppose dans l'esprit de la France le respect des principes fondamentaux, la transparence, la concertation. Ceci suppose que nous respections le droit international, que nous utilisions l'ensemble des ressources de la communauté mondiale. Je l'ai dit pour les Nations unies. Elles ont une capacité en termes de légitimité à appuyer le processus politique. Elles ont une capacité à certifier le désarmement. Ne nous privons pas de ces capacités, soyons soucieux d'efficacité. C'est aujourd'hui une nécessité quand je vois la situation de l'Irak.
Q - Vous avez dit que vous comptiez sur vos collègues espagnol ou britannique pour essayer d'arranger un peu le texte. Quels sont les points précis sur lesquels vous leur demandez d'agir ?
R - Les points précis, tout le monde les connaît bien. Une fois de plus sur le désarmement, il faut donner un rôle aux Nations unies. Il faut évidemment trouver le moyen de certifier, de vérifier la situation sur le terrain, quel que soit l'engagement des experts britanniques ou américains. Du point de vue des sanctions il faut pouvoir avancer vers leur levée. Ceci veut dire qu'il faut sortir du système "pétrole contre nourriture" et trouver donc une solution aux questions de désarmement. Sur l'autorité politique, il faut trouver un rôle aux Nations unies qui soit à la mesure de l'enjeu et donc que véritablement le représentant du Secrétaire général des Nations unies puisse avoir la possibilité d'accompagner le processus, d'apporter sa capacité, sa légitimité au bon fonctionnement du processus. Je crois que sur l'ensemble de ces points, nous nous accordons pour souhaiter que chacun puisse jouer tout son rôle, user de toute son influence. Une fois de plus, la question n'est plus aujourd'hui en Irak : qui a soutenu la guerre, qui a soutenu la paix ? La question est : qui peut faciliter la reconstruction politique, économique, sociale et administrative de l'Irak ? Je veux penser que, de ce point de vue, nous avons tous des capacités dont il serait bon que nous puissions les mettre au service des Irakiens. C'est notre souhait le plus cher.
Q - Il semble que vous ayez rencontré à part vos homologues allemand, britannique et espagnol ?
R - Non. J'ai rencontré mon homologue allemand avant la séance. Malheureusement nous n'avons pas pu le faire à quatre parce que, comme vous le savez, à quatre heures se tient la réunion avec les ministres de la Défense. Donc cette réunion n'a pas pu se tenir mais nous avons des contacts entre nous qui nous permettront de continuer la discussion engagée.
Q - Quand pensez-vous que le vote peut intervenir ?
R - Vous savez, le vote aux Nations unies dépend des pays qui ont déposé le texte. Donc je pense que ce vote interviendra quand le texte sera arrivé à maturité. Une fois de plus je le dis, il y a encore du travail à faire.
Q - Vous vous êtes fait le champion, et chacun a applaudi, du droit international. Dans quelques jours, à Genève, la présidence du comité du désarmement va être assurée par Israël, qui occupe illégalement des territoires et qui jusqu'à présent avait été écarté de tout poste important à l'ONU. N'est-ce pas scandaleux au moment où M. Powell, vous-même et d'autres tentent de mettre en uvre la "feuille de route" ?
R - Justement, à partir du moment où chacun souhaite avancer dans ce processus de paix, il est essentiel que chacun fasse, une fois de plus, je le redis, sa part du chemin. Du côté palestinien, vous le savez tous, vous voyez la situation sur le terrain, il faut lutter contre tout cycle de violence, contre toute multiplication de ces violences qui, évidemment, à chaque fois, compliquent davantage les choses. Il faut poursuivre sur la voie des réformes. Du côté israélien, nous l'avons dit, cela fait partie de la première phase de la "feuille de route", il y a la nécessité de mettre un terme à la politique de colonisation, sur la base de la situation de mars 2001, donc de renoncer aux nouvelles implantations. C'est un élément, bien évidemment tout à fait essentiel. Il y a aussi la nécessité de quitter les Territoires et de permettre un retour à la vie normale dans ces territoires occupés. Je crois qu'il est très important que chacun puisse faire face à sa responsabilité et c'est bien tout le sens de ce qui est engagé aujourd'hui entre Européens, Américains, Nations unies et Russie dans le cadre du Quartet. C'est que, on le voit bien, si chacun continue de rejeter sur l'autre la responsabilité du premier pas, eh bien nous attendrons longtemps. Or nous le voyons : la situation ne se pérennise pas dans cette région du monde, elle s'aggrave. Et je voudrais que chacun prenne la mesure de cette aggravation. Le terrorisme aujourd'hui s'accroît. Et il s'accroît non seulement dans cette région, mais également en dehors. Ceci implique bien, une fois de plus, que non seulement nous cherchions à répondre à ces questions par les moyens d'une politique de sécurité - bien sûr, une politique de sécurité est nécessaire, la coordination des efforts de chacun en matière de lutte contre le terrorisme est nécessaire, - mais cela ne suffit pas. Il faut aussi une stratégie politique qui donne tout son sens à la paix. Et c'est l'esprit de la "feuille de route" : une stratégie politique, une perspective de paix qui permettent à chacun d'avoir l'espoir de sortir de la situation dramatique qui est celle de cette région aujourd'hui. Au-delà de cela, je l'ai dit, il faut une stratégie de développement, un intérêt commun à ouvrir et à écrire une nouvelle page. Et il faut répondre au sentiment d'injustice des peuples de la région de façon à mobiliser chacun dans le même sens. Je crois que, du côté des Européens, nous avons, et cela est marqué maintenant depuis de longs mois, une position unie, une détermination commune à agir. S'il y a un dossier sur lequel les Européens sont désireux d'agir ensemble avec énergie et avec volonté, c'est bien celui du Proche-Orient. Il y a là, véritablement une grande détermination. Du côté des Américains, chacun peut se rendre compte aussi, quelle que soit l'analyse que nous faisons de la situation de l'Irak, de la nécessité d'avancer, si nous voulons sortir de cette spirale de violence, si nous voulons vivre dans un monde plus stable. Je pose la question : sommes-nous aujourd'hui dans un monde plus stable qu'il y a quelques semaines ou quelques mois ? Nous pensons que la situation du monde reste une situation de grande insécurité. Pour cela, il faut avancer vers la paix. Il faut mettre en uvre les différentes phases du processus de paix de la "feuille de route". En conséquence de quoi, nous le voyons bien, il n'est pas temps de jeter l'anathème sur tel ou tel. Il faut mobiliser chacun et c'est pour cela que nous pensons que, qu'il s'agisse du côté palestinien ou du côté israélien, il faut sortir des préalables. Sortons de cette querelle sur le fait de voir ou non Arafat, de jouer la carte Abou Mazen ou une autre. Nous pensons qu'il est essentiel de travailler tous ensemble. Yasser Arafat a une capacité. Il est un leader politique démocratiquement élu dans cette région. Soyons cohérents. On ne peut pas vouloir la démocratie d'un côté et refuser, de l'autre, de parler à ceux qui sont démocratiquement élus. Donc je pense que de ce point de vue il faut que nous avancions avec le souci du résultat. C'est ce résultat qui peut permettre de mobiliser la communauté internationale et de donner un nouvel espoir au peuple.
Q - Irez-vous voir Arafat lors de votre déplacement au Proche-Orient ?
R - Je verrai Arafat parce que c'est la position de l'Europe, parce que c'est la position de la France, parce qu'Arafat est élu par son peuple et que nous pensons qu'il ne sert à rien de diviser les Palestiniens. Nous voulons au contraire faire en sorte de continuer à travailler avec Abou Mazen, il est engagé dans une logique de réformes. Il est engagé dans un processus. Nous voulons donc travailler avec le Premier ministre palestinien et nous continuons à avoir des relations avec Yasser Arafat, bien sûr. Rien ne sert de compliquer les choses, elles le sont suffisamment.
Q - Oui, mais justement, si ça compromet vos rendez-vous côté israélien ?
R - Je parlerai avec les autorités israéliennes. Je vais en Israël, je serai reçu par mon homologue. Je verrai mon homologue, je travaille avec mon homologue. Nous avons un agenda chargé et puis, si le Premier ministre, M. Sharon, souhaite me recevoir, je suis bien évidemment très désireux de le rencontrer.
Q - Vous avez l'impression que les Américains exercent les pressions idoines sur le gouvernement israélien ?
R - Je crois que nous n'avons pas le choix. Si nous voulons avancer dans le sens de la paix, il faut que nous encouragions à avancer toutes les parties, cela veut dire la partie palestinienne, cela veut dire la partie israélienne. Il n'est pas question, de ce point de vue d'agir auprès des uns et pas auprès des autres. Il faut que chacun se convainque que la paix, aujourd'hui, est dans l'intérêt de tous. Je dis ça au nom de la France. Je dis ça en temps que pays européen parce que, évidemment, cette région du monde nous concerne. La traduction des problèmes de cette région est immédiate sur notre propre terre européenne. Donc, prenons en compte que nous avons un destin commun, prenons en compte que tout ceci a une conséquence pour notre avenir à tous. Cela doit nous mobiliser. Dans le dialogue que nous avons avec nos amis américains, évidemment, nous ne manquerons pas de leur rappeler et je crois qu'ils en ont conscience. Les Britanniques de ce point de vue-là ont pris une position forte, nous les appuyons. Nous devons avancer dans la voie du processus de paix.
Q - Monsieur le Ministre, la Pologne a fait une demande à l'OTAN pour une aide en Irak. Quelle sera la position de la France sur ce point ?
R - Vous savez, un certain nombre de pays ont été sollicités pour participer à une force. De deux choses l'une. S'il s'agit de pérenniser la force de la coalition éventuellement en accroissant ses moyens, que l'on demande et sollicite un appui technique de l'OTAN, c'est une chose. Nous sommes prêts évidemment à examiner tout cela dans un esprit d'ouverture et nous l'avons déjà dit. Si l'on souhaite véritablement avancer dans la voie d'une force qui ait une légitimité internationale et qui puisse être appuyée par les Nations unies, eh bien travaillons avec le Secrétaire général, avec un représentant du Secrétaire général, définissons un mandat, posons des règles. Mais faisons-le dans un cadre collectif. Nous sommes tous prêts à appuyer les efforts qui sont engagés, à condition, bien évidemment de définir la règle du jeu qui doit aller avec.
Q - Mais, ce que les Polonais demandent, finalement, ce sont les mêmes avantages que l'ISAF 3 a obtenus en Afghanistan. Donc une aide, à ce stade, technique. Pour cette aide technique, vous ne mettez pas de préalable onusien ?
R - Nous sommes prêts à en discuter dans le cadre de l'OTAN et nous l'avons dit, nous l'avons fait savoir à l'ensemble de nos partenaires. Nous souhaitons bien évidemment, parce que je crois que c'est la condition de l'efficacité, dès lors qu'on veut qu'il y ait une force légitime travaillant sur place en Irak dans le contexte que l'on connaît, dotée de tous les moyens, de tous les attributs d'une force, nous souhaitons évidemment qu'elle puisse avoir la plus large légitimité. Nous pensons donc que, évidemment, le soutien et le cadre des Nations unies serait un élément de légitimité supplémentaire.
Je vous remercie./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 mai 2003)
Le projet de résolution qui a été transmis le 11 mai dernier constitue une base de départ, nous l'avons dit. Il a déjà été amendé et nous attendons un nouveau texte aujourd'hui à New York. Fidèle à sa conviction, la France aborde ces négociations dans un esprit constructif, dans un esprit d'ouverture en visant avant tout l'efficacité de la communauté internationale sur le terrain en Irak, à un moment où, chacun le voit, la situation est non seulement confuse mais difficile.
Nous maintenons un dialogue étroit avec l'ensemble de nos partenaires. Nous sommes en concertation permanente avec l'Allemagne, avec la Russie, au Conseil de sécurité. Notre objectif est que ce texte définisse des solutions conformes aux intérêts du peuple irakien en s'appuyant sur le plus large soutien possible de la communauté internationale. Pour parvenir à ce consensus maximal au Conseil de sécurité des Nations unies, il est indispensable que les préoccupations des différents partenaires du Conseil de sécurité puissent être prises en compte. La France estime qu'il faut apporter en priorité des solutions aux questions auxquelles l'Irak est confronté aujourd'hui, le régime des sanctions, le désarmement, la gestion des ressources pétrolières, la sortie du programme "pétrole contre nourriture". Au-delà de la phase d'urgence, au-delà de la nécessité de répondre à l'urgence humanitaire, nous avons besoin d'établir un régime stable, démocratique et reconnu au plan international, c'est bien au cur de nos priorités. Le Conseil de sécurité doit accompagner l'action de la coalition sans pour autant abdiquer ses propres responsabilités. Pour cela il doit s'appuyer sur des principes forts : l'information et la transparence. Il est important que des rapports réguliers puissent être transmis au Conseil de sécurité pour qu'il soit mieux à même d'apprécier la situation. Il faut évidemment que l'ensemble du processus soit soumis aux règles de droit et il faut un calendrier rigoureux et volontaire.
Nous avons évoqué parallèlement la question du Proche-Orient, à un moment là encore difficile, on le voit avec la multiplication des violences et des attentats terroristes. Nous avons adopté des conclusions rappelant notre objectif qui est la mise en uvre effective et rapide de la "feuille de route" du Quartet ainsi que la mise en place d'un mécanisme de supervision. Nous pensons qu'il faut un engagement clair des deux parties et des actes concrets. L'Union européenne se tient aux côtés des parties pour avancer dans cette voie et les violences doivent renforcer notre détermination à agir. C'est dans cet esprit que je me rendrai en Israël à la fin de la semaine et dans les territoires pour rappeler que chacun doit effectivement faire sa part du chemin. Nous pensons que la paix qui doit être mise en avant doit être globale.
Nous devons donc reprendre l'initiative aussi sur les volets libanais et syrien, réfléchir aux meilleures modalités et nous pensons qu'il convient d'établir une feuille de route spécifique sur ces questions. En définitive, et la reprise de la violence le marque bien, il y a au Proche-Orient l'urgence d'une solution politique, qui implique le dialogue, le respect profond entre les peuples. Il faut aussi des incitations à avancer. C'est le sens du grand programme de développement que l'Union européenne a mis en uvre dans le cadre euro-méditerranéen. Vous savez que se tiendra en Crète une nouvelle réunion entre les pays européens et les pays de la région. Dans le même sens, vous savez que le président Bush a présenté un plan de développement visant à la mise en uvre d'une zone de libre-échange. Nous travaillons donc dans le même sens. Il faut coordonner nos actions.
Nous devons également prendre en compte le sentiment d'injustice qui se développe au Moyen-Orient. Nous voyons bien que de ce point de vue, soit du point de vue de la situation de l'Irak, soit du point de vue de la situation du Proche-Orient, il y a une région confrontée à des problèmes communs. Il faut donc traiter cette question de l'injustice, régler ce sentiment d'incertitude et d'injustice que ressentent les peuples, c'est ce qui doit donc nous mobiliser tout particulièrement dans cette période.
Nous avons également examiné la situation en Côte d'Ivoire. Nous devons encourager le processus qui est engagé dans ce pays, et vous savez à quel point la France est engagée par la présence de ses hommes sur le terrain : nous avons près de 4.000 hommes dans ce pays. Il est important d'avoir une stratégie globale, j'ai insisté sur ce point. Nous ne devons pas nous satisfaire d'agir individuellement dans tel et tel pays de la région : la Côte d'Ivoire ou la Sierra Leone, où les Nations unies sont engagées de façon importante. Il faut prendre en compte l'ensemble de la problématique de la région, y compris la situation au Liberia. C'est-à-dire qu'il nous faut un plan régional, qu'il nous faut un plan Etat par Etat et qu'il faut réfléchir à la possibilité de consolider la paix en mobilisant tous les instruments en appui aux organisations régionales et donc en particulier répondre aux demandes des pays de la région d'un financement de forces spécifiques comme on le voit aujourd'hui en Côte d'Ivoire. Un mécanisme de financement doit être possible pour permettre aux pays de la région de développer une force de sécurité. Il faut le faire bien sûr pour la Côte d'Ivoire, il faut le faire aussi pour les autres pays de la région si l'on veut être efficace.
Nous avons également abordé la situation en République démocratique du Congo pour marquer la dangerosité de cette situation et la nécessité d'appuyer l'effort des Nations unies d'engagement sur place. Il s'agit à la fois de protéger les populations civiles et de sécuriser l'ensemble des installations. Nous avons fixé un certain nombre de conditions à notre participation, vous le savez. Nous souhaitons, et nous avons donné notre accord de principe pour participer à une telle force, qu'il s'agisse bien d'une force multinationale, que son déploiement obéisse à un mandat du Conseil de sécurité fixé par une résolution sous chapitre VII. Nous souhaitons que ce déploiement soit limité dans le temps et qu'il y ait un accord non seulement de la République démocratique du Congo, mais aussi de l'ensemble des pays voisins et nous souhaitons donc que l'Union européenne puisse appuyer un tel processus. Voilà les principaux éléments qui ont été évoqués. Je suis prêt maintenant à répondre à vos questions.
Q - La situation, dites-vous, reste confuse, en Irak, Monsieur le Ministre. Elle est confuse aussi quant au sort de notre confrère Fred Nérac, qui a disparu depuis le 22 mars dernier. Alors, ce matin, Mme Nérac vous a distribué, ainsi qu'à tous vos homologues, une lettre ouverte dans laquelle elle demande l'ouverture d'une enquête du côté britannique, puisque nous sommes là dans la zone de Bassorah, le secteur britannique. Est-ce que vous en avez parlé à votre homologue et est-ce que vous avez des informations puisque les derniers éléments feraient apparaître des indices disant qu'une partie des papiers de Fred Nérac se seraient retrouvés du côté du Parti Baas ?
R - Nous avons, dès que nous avons été informés de la disparition de Fred Nérac, mené notre propre enquête. Nous avons mobilisé, bien évidemment, toutes les ressources qui étaient à notre disposition alors en Irak, à travers les associations ou les organisations. Nous avons saisi bien évidemment nos amis américains et britanniques, saisi aussi notre ambassade à Koweït, pour essayer de trouver le plus grand nombre d'éléments permettant d'avancer. Nous avons été en contact régulier avec Mme Nérac. Le président de la République l'a reçue, je l'ai reçue. Elle est en contact quotidien avec mon cabinet. Elle a été reçue encore vendredi et tous les éléments qui sont à notre disposition ont été transmis à Mme Nérac. J'ai rencontré, vous l'avez dit ce matin, Mme Nérac. J'ai appuyé sa demande auprès de mon homologue et de mon ami Jack Straw, de façon à ce qu'une enquête puisse être diligentée par nos amis britanniques. Je crois qu'ils comprennent et mesurent le drame dont il s'agit et j'ai bon espoir que nos amis britanniques puissent rapidement ouvrir une telle enquête.
Q - Est-ce que vous souhaitiez, Monsieur le Ministre, que le Conseil adopte des conclusions sur l'Irak aujourd'hui ? Et quelles ont été les réactions de vos homologues par rapport à votre position ?
R - Le souhait, bien évidemment, c'est que la position de l'Europe soit la plus commune possible, que nous puissions nous entendre sur les principes à défendre et faire avancer les choses à New York, je l'ai dit, dans un esprit d'ouverture, dans un esprit constructif. Nous sommes évidemment en contact très étroit avec l'ensemble des délégations à New York. Nous le sommes avec nos collègues ici. Je souhaite que les choses puissent progresser. Il ne suffit pas d'une réunion comme celle-ci pour qu'elles puissent avancer. Il faut un travail au quotidien. Nous aurons l'occasion, vous le savez, de nous revoir les uns et les autres pour un certain nombre d'entre nous au milieu de la semaine, à Paris. Notre collègue russe, je le rencontrerai mercredi, en Suède, pour une réunion sur les questions nucléaires à Stockholm. Je le rencontrerai à nouveau pour la conférence sur les routes de la drogue que nous organisons jeudi à Paris. Donc nous avons plusieurs occasions de nous rencontrer. Colin Powell sera lui-même, pour la réunion du G8, à Paris, en fin de semaine. Vous voyez, nous avons l'occasion de maintenir une concertation très étroite. Evidemment, pour le moment tous les problèmes ne sont pas réglés. J'ai évoqué devant vous un certain nombre de questions qui sont pendantes. Un nouveau texte doit être présenté à New York. Je veux croire qu'il prendra en compte largement les préoccupations que nous avons déjà exprimées. Je me suis entretenu pendant le week-end longuement avec Colin Powell pour lui transmettre les préoccupations qui sont les nôtres. Et, une fois de plus je le redis, les préoccupations que nous exprimons sont des préoccupations qui visent à rendre plus efficace l'action menée sur le terrain. Et la conviction qui est la nôtre c'est que, pour être efficace, il faut que nous soyons unis, parce que nous sommes là devant un défi important à un moment où la région connaît de grandes difficultés. Nous le voyons sur le processus de paix, nous le voyons en Irak. D'où la nécessité d'être mobilisés. Et je crois que les premières réactions que j'ai pu observer lors du déjeuner marquaient bien ce souci de chacun d'avancer ensemble pour une position qui, justement, nous permette de relever les défis en Irak.
Q - Y a-t-il eu un vrai débat contradictoire comme cela a été le cas dans le passé ?
R - Il y a un débat et je crois que les positions de chacun sont guidées par le même souci qui est d'aboutir. Nous ne sommes pas dans la situation qui a été celle avant la guerre. Nous sommes dans une situation nouvelle. Dans la paix il faut se retrouver. Dans la paix il faut dépasser les différends qui ont été les nôtres. Nous avons un objectif commun, c'est d'être efficaces et de permettre au peuple irakien d'affronter véritablement les difficultés qui sont les siennes aujourd'hui. Donc je crois vraiment, de ce point de vue, qu'il faut laisser de côté les éléments d'amour-propre. Laissons de côté l'ensemble des préalables ou l'ensemble des positions de principe pour faire avancer la nécessité d'un règlement, ce qui suppose dans l'esprit de la France le respect des principes fondamentaux, la transparence, la concertation. Ceci suppose que nous respections le droit international, que nous utilisions l'ensemble des ressources de la communauté mondiale. Je l'ai dit pour les Nations unies. Elles ont une capacité en termes de légitimité à appuyer le processus politique. Elles ont une capacité à certifier le désarmement. Ne nous privons pas de ces capacités, soyons soucieux d'efficacité. C'est aujourd'hui une nécessité quand je vois la situation de l'Irak.
Q - Vous avez dit que vous comptiez sur vos collègues espagnol ou britannique pour essayer d'arranger un peu le texte. Quels sont les points précis sur lesquels vous leur demandez d'agir ?
R - Les points précis, tout le monde les connaît bien. Une fois de plus sur le désarmement, il faut donner un rôle aux Nations unies. Il faut évidemment trouver le moyen de certifier, de vérifier la situation sur le terrain, quel que soit l'engagement des experts britanniques ou américains. Du point de vue des sanctions il faut pouvoir avancer vers leur levée. Ceci veut dire qu'il faut sortir du système "pétrole contre nourriture" et trouver donc une solution aux questions de désarmement. Sur l'autorité politique, il faut trouver un rôle aux Nations unies qui soit à la mesure de l'enjeu et donc que véritablement le représentant du Secrétaire général des Nations unies puisse avoir la possibilité d'accompagner le processus, d'apporter sa capacité, sa légitimité au bon fonctionnement du processus. Je crois que sur l'ensemble de ces points, nous nous accordons pour souhaiter que chacun puisse jouer tout son rôle, user de toute son influence. Une fois de plus, la question n'est plus aujourd'hui en Irak : qui a soutenu la guerre, qui a soutenu la paix ? La question est : qui peut faciliter la reconstruction politique, économique, sociale et administrative de l'Irak ? Je veux penser que, de ce point de vue, nous avons tous des capacités dont il serait bon que nous puissions les mettre au service des Irakiens. C'est notre souhait le plus cher.
Q - Il semble que vous ayez rencontré à part vos homologues allemand, britannique et espagnol ?
R - Non. J'ai rencontré mon homologue allemand avant la séance. Malheureusement nous n'avons pas pu le faire à quatre parce que, comme vous le savez, à quatre heures se tient la réunion avec les ministres de la Défense. Donc cette réunion n'a pas pu se tenir mais nous avons des contacts entre nous qui nous permettront de continuer la discussion engagée.
Q - Quand pensez-vous que le vote peut intervenir ?
R - Vous savez, le vote aux Nations unies dépend des pays qui ont déposé le texte. Donc je pense que ce vote interviendra quand le texte sera arrivé à maturité. Une fois de plus je le dis, il y a encore du travail à faire.
Q - Vous vous êtes fait le champion, et chacun a applaudi, du droit international. Dans quelques jours, à Genève, la présidence du comité du désarmement va être assurée par Israël, qui occupe illégalement des territoires et qui jusqu'à présent avait été écarté de tout poste important à l'ONU. N'est-ce pas scandaleux au moment où M. Powell, vous-même et d'autres tentent de mettre en uvre la "feuille de route" ?
R - Justement, à partir du moment où chacun souhaite avancer dans ce processus de paix, il est essentiel que chacun fasse, une fois de plus, je le redis, sa part du chemin. Du côté palestinien, vous le savez tous, vous voyez la situation sur le terrain, il faut lutter contre tout cycle de violence, contre toute multiplication de ces violences qui, évidemment, à chaque fois, compliquent davantage les choses. Il faut poursuivre sur la voie des réformes. Du côté israélien, nous l'avons dit, cela fait partie de la première phase de la "feuille de route", il y a la nécessité de mettre un terme à la politique de colonisation, sur la base de la situation de mars 2001, donc de renoncer aux nouvelles implantations. C'est un élément, bien évidemment tout à fait essentiel. Il y a aussi la nécessité de quitter les Territoires et de permettre un retour à la vie normale dans ces territoires occupés. Je crois qu'il est très important que chacun puisse faire face à sa responsabilité et c'est bien tout le sens de ce qui est engagé aujourd'hui entre Européens, Américains, Nations unies et Russie dans le cadre du Quartet. C'est que, on le voit bien, si chacun continue de rejeter sur l'autre la responsabilité du premier pas, eh bien nous attendrons longtemps. Or nous le voyons : la situation ne se pérennise pas dans cette région du monde, elle s'aggrave. Et je voudrais que chacun prenne la mesure de cette aggravation. Le terrorisme aujourd'hui s'accroît. Et il s'accroît non seulement dans cette région, mais également en dehors. Ceci implique bien, une fois de plus, que non seulement nous cherchions à répondre à ces questions par les moyens d'une politique de sécurité - bien sûr, une politique de sécurité est nécessaire, la coordination des efforts de chacun en matière de lutte contre le terrorisme est nécessaire, - mais cela ne suffit pas. Il faut aussi une stratégie politique qui donne tout son sens à la paix. Et c'est l'esprit de la "feuille de route" : une stratégie politique, une perspective de paix qui permettent à chacun d'avoir l'espoir de sortir de la situation dramatique qui est celle de cette région aujourd'hui. Au-delà de cela, je l'ai dit, il faut une stratégie de développement, un intérêt commun à ouvrir et à écrire une nouvelle page. Et il faut répondre au sentiment d'injustice des peuples de la région de façon à mobiliser chacun dans le même sens. Je crois que, du côté des Européens, nous avons, et cela est marqué maintenant depuis de longs mois, une position unie, une détermination commune à agir. S'il y a un dossier sur lequel les Européens sont désireux d'agir ensemble avec énergie et avec volonté, c'est bien celui du Proche-Orient. Il y a là, véritablement une grande détermination. Du côté des Américains, chacun peut se rendre compte aussi, quelle que soit l'analyse que nous faisons de la situation de l'Irak, de la nécessité d'avancer, si nous voulons sortir de cette spirale de violence, si nous voulons vivre dans un monde plus stable. Je pose la question : sommes-nous aujourd'hui dans un monde plus stable qu'il y a quelques semaines ou quelques mois ? Nous pensons que la situation du monde reste une situation de grande insécurité. Pour cela, il faut avancer vers la paix. Il faut mettre en uvre les différentes phases du processus de paix de la "feuille de route". En conséquence de quoi, nous le voyons bien, il n'est pas temps de jeter l'anathème sur tel ou tel. Il faut mobiliser chacun et c'est pour cela que nous pensons que, qu'il s'agisse du côté palestinien ou du côté israélien, il faut sortir des préalables. Sortons de cette querelle sur le fait de voir ou non Arafat, de jouer la carte Abou Mazen ou une autre. Nous pensons qu'il est essentiel de travailler tous ensemble. Yasser Arafat a une capacité. Il est un leader politique démocratiquement élu dans cette région. Soyons cohérents. On ne peut pas vouloir la démocratie d'un côté et refuser, de l'autre, de parler à ceux qui sont démocratiquement élus. Donc je pense que de ce point de vue il faut que nous avancions avec le souci du résultat. C'est ce résultat qui peut permettre de mobiliser la communauté internationale et de donner un nouvel espoir au peuple.
Q - Irez-vous voir Arafat lors de votre déplacement au Proche-Orient ?
R - Je verrai Arafat parce que c'est la position de l'Europe, parce que c'est la position de la France, parce qu'Arafat est élu par son peuple et que nous pensons qu'il ne sert à rien de diviser les Palestiniens. Nous voulons au contraire faire en sorte de continuer à travailler avec Abou Mazen, il est engagé dans une logique de réformes. Il est engagé dans un processus. Nous voulons donc travailler avec le Premier ministre palestinien et nous continuons à avoir des relations avec Yasser Arafat, bien sûr. Rien ne sert de compliquer les choses, elles le sont suffisamment.
Q - Oui, mais justement, si ça compromet vos rendez-vous côté israélien ?
R - Je parlerai avec les autorités israéliennes. Je vais en Israël, je serai reçu par mon homologue. Je verrai mon homologue, je travaille avec mon homologue. Nous avons un agenda chargé et puis, si le Premier ministre, M. Sharon, souhaite me recevoir, je suis bien évidemment très désireux de le rencontrer.
Q - Vous avez l'impression que les Américains exercent les pressions idoines sur le gouvernement israélien ?
R - Je crois que nous n'avons pas le choix. Si nous voulons avancer dans le sens de la paix, il faut que nous encouragions à avancer toutes les parties, cela veut dire la partie palestinienne, cela veut dire la partie israélienne. Il n'est pas question, de ce point de vue d'agir auprès des uns et pas auprès des autres. Il faut que chacun se convainque que la paix, aujourd'hui, est dans l'intérêt de tous. Je dis ça au nom de la France. Je dis ça en temps que pays européen parce que, évidemment, cette région du monde nous concerne. La traduction des problèmes de cette région est immédiate sur notre propre terre européenne. Donc, prenons en compte que nous avons un destin commun, prenons en compte que tout ceci a une conséquence pour notre avenir à tous. Cela doit nous mobiliser. Dans le dialogue que nous avons avec nos amis américains, évidemment, nous ne manquerons pas de leur rappeler et je crois qu'ils en ont conscience. Les Britanniques de ce point de vue-là ont pris une position forte, nous les appuyons. Nous devons avancer dans la voie du processus de paix.
Q - Monsieur le Ministre, la Pologne a fait une demande à l'OTAN pour une aide en Irak. Quelle sera la position de la France sur ce point ?
R - Vous savez, un certain nombre de pays ont été sollicités pour participer à une force. De deux choses l'une. S'il s'agit de pérenniser la force de la coalition éventuellement en accroissant ses moyens, que l'on demande et sollicite un appui technique de l'OTAN, c'est une chose. Nous sommes prêts évidemment à examiner tout cela dans un esprit d'ouverture et nous l'avons déjà dit. Si l'on souhaite véritablement avancer dans la voie d'une force qui ait une légitimité internationale et qui puisse être appuyée par les Nations unies, eh bien travaillons avec le Secrétaire général, avec un représentant du Secrétaire général, définissons un mandat, posons des règles. Mais faisons-le dans un cadre collectif. Nous sommes tous prêts à appuyer les efforts qui sont engagés, à condition, bien évidemment de définir la règle du jeu qui doit aller avec.
Q - Mais, ce que les Polonais demandent, finalement, ce sont les mêmes avantages que l'ISAF 3 a obtenus en Afghanistan. Donc une aide, à ce stade, technique. Pour cette aide technique, vous ne mettez pas de préalable onusien ?
R - Nous sommes prêts à en discuter dans le cadre de l'OTAN et nous l'avons dit, nous l'avons fait savoir à l'ensemble de nos partenaires. Nous souhaitons bien évidemment, parce que je crois que c'est la condition de l'efficacité, dès lors qu'on veut qu'il y ait une force légitime travaillant sur place en Irak dans le contexte que l'on connaît, dotée de tous les moyens, de tous les attributs d'une force, nous souhaitons évidemment qu'elle puisse avoir la plus large légitimité. Nous pensons donc que, évidemment, le soutien et le cadre des Nations unies serait un élément de légitimité supplémentaire.
Je vous remercie./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 mai 2003)