Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Membres du Haut-Conseil,
Depuis le décret de création du nouveau Haut-Conseil de la Coopération internationale, le 14 janvier dernier, et son installation officielle par le Premier ministre le 17 février, vous tenez déjà votre troisième réunion plénière. Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici, dans ces murs dédiés depuis longtemps à la coopération et à l'aide au développement et où tant d'acteurs de ces démarches ont oeuvré.
Je salue en particulier deux de mes prédécesseurs dans ce ministère, votre président Jacques Pelletier, mais aussi Charles Josselin, ainsi que de nombreux anciens ou habitués de la "maison" qui lui sont restés fidèles.
Je remercie les rapporteurs qui ont rendu compte des travaux des Commissions, et les membres des dites Commissions pour leur participation à ces travaux.
J'aimerais apporter un éclairage sur trois thèmes en particulier :
- les priorités du gouvernement ;
- les moyens de la coopération ;
- les domaines de réflexion et de recherche.
Les priorités du gouvernement :
J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer les priorités retenues dans le droit fil des engagements du président de la République en matière de coopération.
Mais il n'est pas inutile, je crois, d'en rappeler les points essentiels :
- Porter le volume de l'aide publique au développement à 0,50% du PIB en 2007 ;
- Redonner à l'aide bilatérale sa place prépondérante, tout en respectant nos engagements internationaux, de 62 % en 2001 à 70 % en 2003 ;
- Placer l'Afrique au coeur des priorités du développement - l'Afrique sub-saharienne atteint 57 % de notre aide bilatérale cette année contre 49 % en 2002 - en soutenant en particulier les pays les moins avancés dont les deux tiers sont en Afrique, en accompagnant également la démarche du NEPAD selon l'engagement d'Evian et en faisant nôtres les "Objectifs du Millénaire pour le Développement" ;
- Substituer le partenariat à l'assistance dans l'élaboration de notre politique et de nos programmes, leur montage financier, dans leur mise en oeuvre, leur suivi et leur évaluation ;
- Favoriser la coopération décentralisée, en rendant notamment plus accessible l'information sur ce qui est fait, avec les collectivités territoriales, de métropole ou d'Outre-mer, ce qui est prévu et sur les besoins que nous avons identifiés avec eux ;
- Accentuer le partenariat avec la société civile - les Organisations de solidarité internationale, les associations, le co-développement, le rapport entre les secteurs public et privé ;
- Valoriser l'expertise française en matière de coopération, notamment dans les appels d'offres internationaux ; c'est la mission du nouveau groupement d'intérêt public "France Coopération internationale" ;
- Améliorer l'efficacité de nos instruments de coopération : la coordination des instruments autour des objectifs prioritaires, l'harmonisation des procédures de l'aide, le suivi des situations post conflit... ;
- Enfin, promouvoir la Francophonie et la diversité culturelle, afin de donner à chaque langue, chaque culture, la possibilité d'exister et de perdurer.
Ces priorités doivent nous guider durant l'ensemble de la législature.
Les moyens de la coopération :
Nous devons disposer des moyens de cette politique. Elle est ambitieuse mais nous devons la conduire dans la durée. Nous savons tous que la situation budgétaire actuelle est exceptionnellement difficile.
Dans ce contexte, l'objectif est de sauvegarder l'essentiel, pour être en mesure d'augmenter la voilure dès que les vents seront plus favorables.
Nous allons bientôt entrer dans la discussion du budget devant le Parlement. Je ne veux pas anticiper sur ce calendrier, mais je peux néanmoins évoquer quelques orientations prioritaires.
Concernant l'Aide publique au développement (APD) tout d'abord, dont je rappelle qu'elle est calculée rigoureusement à partir des critères fixés par le Comité d'aide au développement de l'OCDE, et plus particulièrement sur le titre VI, qui alimente le financement du Fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement ;
Après une forte remontée des autorisations de programme (AP) sur le titre VI mais des crédits de paiement (CP) insuffisants en 2003, nous aurons une augmentation importante des CP en 2004 - + 25 % sur le FSP et + 15,33 % sur les projets de l'Agence française de développement. Dans le contexte de contraction générale des dépenses, ces majorations témoignent d'une forte volonté politique en faveur de l'aide au développement.
Les principaux autres postes de dépenses gardent le niveau inscrit dans la Loi de finances initiale pour 2003. Nous sommes donc mieux traités que la plupart des départements ministériels techniques. Seule la coopération culturelle et technique connaît une légère baisse de 2, 92 %.
Alors que dans l'ensemble du projet de budget 2004 les dépenses civiles n'augmentent que de 1,1 %, les crédits du ministère des Affaires étrangères progressent quant à eux de 2,5 %. Et pour ce qui est des moyens dédiés au développement, la hausse est de 9,5 %. La priorité donnée à l'aide au développement est donc une réalité.
En ce qui concerne nos contributions à l'aide multilatérale, nous réclamions depuis longtemps, de la part du Fonds européen de développement, des décaissements plus rapides et plus importants. Heureusement, les choses s'améliorent. Cette ligne de crédit augmentera d'environ 14 % soient 565 millions d'euros en 2004.
En 2003 nos contributions multilatérales ont fortement augmenté, ce qui a permis d'améliorer un peu la place de la France dans les organisations internationales. Cette année la hausse des contributions volontaires, plus 11,56 %, se poursuit au profit de la Francophonie conformément aux engagements pris au Sommet de Beyrouth, de plus 27 % pour la Francophonie internationale.
Quelques mots concernant les annulations de dettes :
Le traitement de la dette représente une part importante du financement de l'Aide publique au développement avec un montant de 1,2 milliard d'euros en 2002. Il en sera de même dans les années à venir avec 1,9 milliard d'euros en 2003 et de 2,4 à 2,7 milliards d'euros en 2004. Je voudrais rappeler que la réduction de la dette des pays pauvres fait partie des "Objectifs du Millénaire pour le Développement", et qu'il est logique qu'elle soit comptabilisée au titre de l'aide au développement. C'est une priorité retenue depuis le Sommet du G8 de Cologne et pour certains pays c'est une des portes de sortie les plus appréciables. Depuis le Sommet d'Evian l'initiative sur les pays à revenu intermédiaire élargit le cercle des Etats pouvant bénéficier d'un allégement de leurs dettes. C'est un progrès appréciable. Cela dit, il convient d'apprécier l'impact réel des annulations de dettes, la part qu'elles doivent raisonnablement prendre dans les politiques de développement, pour ne pas mettre en péril les autres instruments de la coopération. Les réflexions du Haut-Conseil de la Coopération internationale à ce sujet seraient intéressantes.
Ces données concernent l'année 2004 mais elles nous aident en même temps à envisager l'avenir sur une plus longue durée. Elles sont donc indispensables à votre réflexion et à votre recherche.
Les domaines de réflexion et de recherche :
Cela me conduit à évoquer plus spécifiquement la mission confiée au Haut-Conseil de la Coopération internationale qui est de conseiller le gouvernement, à la demande de ce dernier ou de sa propre initiative, de réfléchir, trouver des réponses, en faisant preuve d'imagination, aux principales questions que soulèvent les politiques du développement.
Le programme de travail que vous a fixé le Premier ministre, conformément au décret du 14 janvier 2003, est clair.
Il y a de très nombreux sujets à examiner, mais vous n'avez pas la possibilité de vous consacrer à tous les aspects et les problématiques du développement à la fois. Il vous faut donc faire des choix et approfondir davantage certains domaines.
J'aimerais à ce titre évoquer plusieurs questions que le Haut-Conseil, compte tenu de sa mission et de la qualité et de la diversité de ses membres, pourrait approfondir.
L'un des axes de notre politique de coopération est l'ouverture ; ouverture à nos partenaires du Sud bien sûr, mais aussi aux autres bailleurs de fonds afin de comparer nos pratiques et nos priorités. Une comparaison entre les modes d'organisation de nos principaux partenaires (le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suède, les Etats-Unis, le Japon, l'Italie) serait très utile actuellement. Elle pourrait notamment évaluer la part qui revient aux formes d'aides bilatérales et multilatérales, la place du développement dans la politique du pays, ses priorités, ses enjeux.
Concernant ce chapitre, une réflexion particulière serait utile sur l'aide communautaire, les moyens de l'influencer, de la coordonner au mieux avec notre approche bilatérale, et de garder la priorité donnée aux pays de la zone Afrique Caraïbes Pacifique.
Il me parait également indispensable de consacrer une réflexion approfondie à l'aide-programme et à la part qu'elle doit occuper par rapport à l'aide-projet, tant pour moderniser et rendre plus efficace notre coopération que pour harmoniser notre politique avec celles de nos principaux partenaires. Cette forme d'aide peut prendre des formes très diverses, notamment avec l'apparition et le développement d'une nouvelle forme hybride de l'aide, qui est "l'aide bi-multi". Une vision plus précise de ces différents instruments nous aiderait à cerner les évolutions que nous devons apporter à notre action.
Nous devons aussi nous interroger sur les priorités sectorielles : sont-elles trop étendues ? Sont-elles trop exclusives par rapport aux secteurs non retenus ? Conviennent-elles aux bénéficiaires dans l'esprit de partenariat qui doit être désormais le nôtre ?
L'intégration régionale doit également retenir votre attention : de nombreux efforts ont déjà été accomplis dans ce domaine, quels sont leurs résultats ? Que peut-on faire pour aller plus loin ?
Concernant les conséquences du NEPAD sur nos méthodes d'aide au développement et les partenariats entre les secteurs public et privé ; le NEPAD n'est pas une caisse remplie d'argent, ni un simple inventaire de projets ; c'est avant tout une démarche, une méthode. Je ne l'ai pas vu évoquer dans les sujets retenus par vos Commissions. Il me semble pourtant mériter d'être étudié rapidement pour analyser les adaptations qu'il va nécessiter dans les méthodes de notre coopération, par exemple en matière de partenariat, d'examen mutuel, de participation du secteur privé.
Les concepts nouveaux, comme celui des Biens publics mondiaux, méritent également d'être définis plus précisément.
Enfin, pour ce qui est des sorties de crise, une réflexion d'ensemble sur les programmes DDRRR, devenus incontournables, serait très utile pour mieux orienter et valoriser notre propre action.
Cette réflexion est d'autant plus urgente que la prévention des crises et le maintien de la paix sont aujourd'hui considérés comme des composantes et même des conditions du développement et que certains de nos partenaires posent même la question de savoir quelle part de ces politiques devraient être prises en compte au titre de l'aide publique au développement. La France, qui est l'un des premiers pays développés à avoir dit et démontré sur le terrain que la stabilité et la paix conditionnaient le développement, doit pouvoir participer de façon constructive à ce débat, qui aura lieu dans l'enceinte de l'OCDE.
Mesdames et Messieurs les membres du Haut-Conseil, j'emprunterai ma conclusion à Ernest Renan, qui disait : "Nous avons les idées arrêtées dès que nous cessons de réfléchir". N'ayons pas les "idées arrêtées". Il faut à la fois éviter de naviguer à vue et de rester enfermés dans des concepts figés. Voilà pourquoi vos travaux, qui reposeront sur une connaissance et une expérience de qualité, grâce à vous, nous seront précieux. Ils apporteront aux acteurs de la coopération que nous sommes, les éclairages indispensables sans lesquels il ne peut y avoir de véritables progrès dans l'action.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 octobre 2003)
Mesdames et Messieurs les Membres du Haut-Conseil,
Depuis le décret de création du nouveau Haut-Conseil de la Coopération internationale, le 14 janvier dernier, et son installation officielle par le Premier ministre le 17 février, vous tenez déjà votre troisième réunion plénière. Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici, dans ces murs dédiés depuis longtemps à la coopération et à l'aide au développement et où tant d'acteurs de ces démarches ont oeuvré.
Je salue en particulier deux de mes prédécesseurs dans ce ministère, votre président Jacques Pelletier, mais aussi Charles Josselin, ainsi que de nombreux anciens ou habitués de la "maison" qui lui sont restés fidèles.
Je remercie les rapporteurs qui ont rendu compte des travaux des Commissions, et les membres des dites Commissions pour leur participation à ces travaux.
J'aimerais apporter un éclairage sur trois thèmes en particulier :
- les priorités du gouvernement ;
- les moyens de la coopération ;
- les domaines de réflexion et de recherche.
Les priorités du gouvernement :
J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer les priorités retenues dans le droit fil des engagements du président de la République en matière de coopération.
Mais il n'est pas inutile, je crois, d'en rappeler les points essentiels :
- Porter le volume de l'aide publique au développement à 0,50% du PIB en 2007 ;
- Redonner à l'aide bilatérale sa place prépondérante, tout en respectant nos engagements internationaux, de 62 % en 2001 à 70 % en 2003 ;
- Placer l'Afrique au coeur des priorités du développement - l'Afrique sub-saharienne atteint 57 % de notre aide bilatérale cette année contre 49 % en 2002 - en soutenant en particulier les pays les moins avancés dont les deux tiers sont en Afrique, en accompagnant également la démarche du NEPAD selon l'engagement d'Evian et en faisant nôtres les "Objectifs du Millénaire pour le Développement" ;
- Substituer le partenariat à l'assistance dans l'élaboration de notre politique et de nos programmes, leur montage financier, dans leur mise en oeuvre, leur suivi et leur évaluation ;
- Favoriser la coopération décentralisée, en rendant notamment plus accessible l'information sur ce qui est fait, avec les collectivités territoriales, de métropole ou d'Outre-mer, ce qui est prévu et sur les besoins que nous avons identifiés avec eux ;
- Accentuer le partenariat avec la société civile - les Organisations de solidarité internationale, les associations, le co-développement, le rapport entre les secteurs public et privé ;
- Valoriser l'expertise française en matière de coopération, notamment dans les appels d'offres internationaux ; c'est la mission du nouveau groupement d'intérêt public "France Coopération internationale" ;
- Améliorer l'efficacité de nos instruments de coopération : la coordination des instruments autour des objectifs prioritaires, l'harmonisation des procédures de l'aide, le suivi des situations post conflit... ;
- Enfin, promouvoir la Francophonie et la diversité culturelle, afin de donner à chaque langue, chaque culture, la possibilité d'exister et de perdurer.
Ces priorités doivent nous guider durant l'ensemble de la législature.
Les moyens de la coopération :
Nous devons disposer des moyens de cette politique. Elle est ambitieuse mais nous devons la conduire dans la durée. Nous savons tous que la situation budgétaire actuelle est exceptionnellement difficile.
Dans ce contexte, l'objectif est de sauvegarder l'essentiel, pour être en mesure d'augmenter la voilure dès que les vents seront plus favorables.
Nous allons bientôt entrer dans la discussion du budget devant le Parlement. Je ne veux pas anticiper sur ce calendrier, mais je peux néanmoins évoquer quelques orientations prioritaires.
Concernant l'Aide publique au développement (APD) tout d'abord, dont je rappelle qu'elle est calculée rigoureusement à partir des critères fixés par le Comité d'aide au développement de l'OCDE, et plus particulièrement sur le titre VI, qui alimente le financement du Fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement ;
Après une forte remontée des autorisations de programme (AP) sur le titre VI mais des crédits de paiement (CP) insuffisants en 2003, nous aurons une augmentation importante des CP en 2004 - + 25 % sur le FSP et + 15,33 % sur les projets de l'Agence française de développement. Dans le contexte de contraction générale des dépenses, ces majorations témoignent d'une forte volonté politique en faveur de l'aide au développement.
Les principaux autres postes de dépenses gardent le niveau inscrit dans la Loi de finances initiale pour 2003. Nous sommes donc mieux traités que la plupart des départements ministériels techniques. Seule la coopération culturelle et technique connaît une légère baisse de 2, 92 %.
Alors que dans l'ensemble du projet de budget 2004 les dépenses civiles n'augmentent que de 1,1 %, les crédits du ministère des Affaires étrangères progressent quant à eux de 2,5 %. Et pour ce qui est des moyens dédiés au développement, la hausse est de 9,5 %. La priorité donnée à l'aide au développement est donc une réalité.
En ce qui concerne nos contributions à l'aide multilatérale, nous réclamions depuis longtemps, de la part du Fonds européen de développement, des décaissements plus rapides et plus importants. Heureusement, les choses s'améliorent. Cette ligne de crédit augmentera d'environ 14 % soient 565 millions d'euros en 2004.
En 2003 nos contributions multilatérales ont fortement augmenté, ce qui a permis d'améliorer un peu la place de la France dans les organisations internationales. Cette année la hausse des contributions volontaires, plus 11,56 %, se poursuit au profit de la Francophonie conformément aux engagements pris au Sommet de Beyrouth, de plus 27 % pour la Francophonie internationale.
Quelques mots concernant les annulations de dettes :
Le traitement de la dette représente une part importante du financement de l'Aide publique au développement avec un montant de 1,2 milliard d'euros en 2002. Il en sera de même dans les années à venir avec 1,9 milliard d'euros en 2003 et de 2,4 à 2,7 milliards d'euros en 2004. Je voudrais rappeler que la réduction de la dette des pays pauvres fait partie des "Objectifs du Millénaire pour le Développement", et qu'il est logique qu'elle soit comptabilisée au titre de l'aide au développement. C'est une priorité retenue depuis le Sommet du G8 de Cologne et pour certains pays c'est une des portes de sortie les plus appréciables. Depuis le Sommet d'Evian l'initiative sur les pays à revenu intermédiaire élargit le cercle des Etats pouvant bénéficier d'un allégement de leurs dettes. C'est un progrès appréciable. Cela dit, il convient d'apprécier l'impact réel des annulations de dettes, la part qu'elles doivent raisonnablement prendre dans les politiques de développement, pour ne pas mettre en péril les autres instruments de la coopération. Les réflexions du Haut-Conseil de la Coopération internationale à ce sujet seraient intéressantes.
Ces données concernent l'année 2004 mais elles nous aident en même temps à envisager l'avenir sur une plus longue durée. Elles sont donc indispensables à votre réflexion et à votre recherche.
Les domaines de réflexion et de recherche :
Cela me conduit à évoquer plus spécifiquement la mission confiée au Haut-Conseil de la Coopération internationale qui est de conseiller le gouvernement, à la demande de ce dernier ou de sa propre initiative, de réfléchir, trouver des réponses, en faisant preuve d'imagination, aux principales questions que soulèvent les politiques du développement.
Le programme de travail que vous a fixé le Premier ministre, conformément au décret du 14 janvier 2003, est clair.
Il y a de très nombreux sujets à examiner, mais vous n'avez pas la possibilité de vous consacrer à tous les aspects et les problématiques du développement à la fois. Il vous faut donc faire des choix et approfondir davantage certains domaines.
J'aimerais à ce titre évoquer plusieurs questions que le Haut-Conseil, compte tenu de sa mission et de la qualité et de la diversité de ses membres, pourrait approfondir.
L'un des axes de notre politique de coopération est l'ouverture ; ouverture à nos partenaires du Sud bien sûr, mais aussi aux autres bailleurs de fonds afin de comparer nos pratiques et nos priorités. Une comparaison entre les modes d'organisation de nos principaux partenaires (le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suède, les Etats-Unis, le Japon, l'Italie) serait très utile actuellement. Elle pourrait notamment évaluer la part qui revient aux formes d'aides bilatérales et multilatérales, la place du développement dans la politique du pays, ses priorités, ses enjeux.
Concernant ce chapitre, une réflexion particulière serait utile sur l'aide communautaire, les moyens de l'influencer, de la coordonner au mieux avec notre approche bilatérale, et de garder la priorité donnée aux pays de la zone Afrique Caraïbes Pacifique.
Il me parait également indispensable de consacrer une réflexion approfondie à l'aide-programme et à la part qu'elle doit occuper par rapport à l'aide-projet, tant pour moderniser et rendre plus efficace notre coopération que pour harmoniser notre politique avec celles de nos principaux partenaires. Cette forme d'aide peut prendre des formes très diverses, notamment avec l'apparition et le développement d'une nouvelle forme hybride de l'aide, qui est "l'aide bi-multi". Une vision plus précise de ces différents instruments nous aiderait à cerner les évolutions que nous devons apporter à notre action.
Nous devons aussi nous interroger sur les priorités sectorielles : sont-elles trop étendues ? Sont-elles trop exclusives par rapport aux secteurs non retenus ? Conviennent-elles aux bénéficiaires dans l'esprit de partenariat qui doit être désormais le nôtre ?
L'intégration régionale doit également retenir votre attention : de nombreux efforts ont déjà été accomplis dans ce domaine, quels sont leurs résultats ? Que peut-on faire pour aller plus loin ?
Concernant les conséquences du NEPAD sur nos méthodes d'aide au développement et les partenariats entre les secteurs public et privé ; le NEPAD n'est pas une caisse remplie d'argent, ni un simple inventaire de projets ; c'est avant tout une démarche, une méthode. Je ne l'ai pas vu évoquer dans les sujets retenus par vos Commissions. Il me semble pourtant mériter d'être étudié rapidement pour analyser les adaptations qu'il va nécessiter dans les méthodes de notre coopération, par exemple en matière de partenariat, d'examen mutuel, de participation du secteur privé.
Les concepts nouveaux, comme celui des Biens publics mondiaux, méritent également d'être définis plus précisément.
Enfin, pour ce qui est des sorties de crise, une réflexion d'ensemble sur les programmes DDRRR, devenus incontournables, serait très utile pour mieux orienter et valoriser notre propre action.
Cette réflexion est d'autant plus urgente que la prévention des crises et le maintien de la paix sont aujourd'hui considérés comme des composantes et même des conditions du développement et que certains de nos partenaires posent même la question de savoir quelle part de ces politiques devraient être prises en compte au titre de l'aide publique au développement. La France, qui est l'un des premiers pays développés à avoir dit et démontré sur le terrain que la stabilité et la paix conditionnaient le développement, doit pouvoir participer de façon constructive à ce débat, qui aura lieu dans l'enceinte de l'OCDE.
Mesdames et Messieurs les membres du Haut-Conseil, j'emprunterai ma conclusion à Ernest Renan, qui disait : "Nous avons les idées arrêtées dès que nous cessons de réfléchir". N'ayons pas les "idées arrêtées". Il faut à la fois éviter de naviguer à vue et de rester enfermés dans des concepts figés. Voilà pourquoi vos travaux, qui reposeront sur une connaissance et une expérience de qualité, grâce à vous, nous seront précieux. Ils apporteront aux acteurs de la coopération que nous sommes, les éclairages indispensables sans lesquels il ne peut y avoir de véritables progrès dans l'action.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 octobre 2003)