Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, à RMC le 22 septembre 2003, sur les dispositions de la proposition d'accord interprofessionnel sur la formation professionnelle et la réduction de l'allocation spécifique chômage versée aux chômeurs en fin de droits.

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Jean-Jacques Bourdin -. Sujets du jour : le chômage, les plans sociaux, la politique du Gouvernement. Vous avez regardé le Premier ministre, hier soir, sur M6 ?
François Chérèque -. "Oui, je l'ai regardé. Je ne suis pas resté jusqu'au bout, je l'avoue, j'ai arrêté à 11h20."
Vous vous êtes endormi en le regardant ?
- "Non, mais j'ai trouvé que c'était une émission un peu trop longue qui ne laissait pas assez de place au débat. En plus, le sujet d'inquiétude numéro 1 des salariés, le chômage, a été abordé à partir de 11 heures. Il aurait été préférable de l'aborder en début d'émission."
Qu'avez-vous retenu de cette émission ?
- "J'ai retenu un Premier ministre qui voulait montrer qu'il était en phase avec les problèmes d'actualité mais qui persistait dans sa politique sur les impôts, qui nous a fait beaucoup de promesses pour les hôpitaux, pour un nouveau droit pour les chômeurs dont on ne sait pas trop ce qu'il est. On ne sait pas comment tout cela sera financé, donc les inquiétudes restent."
On reparlera de ce droit au reclassement et du chômage. L'actualité, c'est Alstom : le groupe est sauvé, nous dit-on. L'Etat engage 800 millions d'euros, les banques créancières s'engagent aussi à sauver le groupe mais les emplois ?
- "Sauver le groupe, c'était ce que souhaitait la CFDT, bien évidemment. On a toujours dit que si l'Etat ne pouvait pas s'engager que les banques devaient le faire. C'est ce qui se fait. Maintenant, nous n'avons pas d'information suffisante."
Que savez-vous ?
- "Rien. Les syndicalistes qui ont été reçus hier n'ont pas eu d'informations. Ce n'est pas parce que l'on sauve l'entreprise qu'il n'y aura pas de plans sociaux et qu'il n'y aura pas éventuellement de fermeture d'établissements. C'est toujours l'inquiétude et on se positionnera sur l'ensemble du dispositif lorsque l'on saura l'avenir des emplois et des différents établissements."
Les plans sociaux s'accumulent. Que vous disent vos militants ?
- "Ils sont inquiets, vous le savez. Quand on voit une entreprise comme Alstom, qui a des difficultés et qui doit avoir la mobilisation de tout le pays pour le sauver, imaginez la situation dans les petites entreprises. Généralement, quand on a ces gros établissements en difficultés, on a tous les sous-traitants, toutes les petites entreprises. Là, il n'y a pas de mobilisation médiatique aussi importante."
Le Gouvernement attend la croissance ; vous aussi ?
- "Tout le monde attend la croissance, mais je crois que le Gouvernement attend la croissance avec un peu trop de passivité. Au lieu de baisser les impôts..."
Mais que faire alors ?
- "Justement : le premier reproche que l'on a fait au Gouvernement, c'est de ne pas se rendre compte suffisamment tôt qu'il y avait ce problème du chômage qui augmente maintenant depuis deux ans et demi, qui augmentait avant qu'il n'arrive au pouvoir, et de baisser les impôts, ce qui favorise plus l'épargne que la consommation. Or on a besoin de moyens pour la formation ; on vient de négocier un accord sur la formation, on décidera mercredi si la CFDT le signe, mais ce sont des moyens supplémentaires..."
Allez-vous le signer ?
- "On se pose la question. On a plutôt une vision positive de cet accord. Maintenant, on va consulter nos responsables pour décider mais c'est plus de moyens en particulier pour les entreprises de moins de 10 salariés, où on va plus que doubler les moyens, ce sont des droits nouveaux pour les salariés, de la formation dans le temps de travail, or du temps de travail avec une rémunération supplémentaire. Ce sont des droits nouveaux pour les jeunes, c'est ce que l'on appelle un passeport formation avec des entretiens réguliers et des bilans de compétences. Donc cela, c'est du plus."
Concrètement, je suis salarié d'une entreprise, je serai dans l'obligation de suivre une formation ?
- "Pas dans l'obligation, parce qu'un droit individuel va être créé..."
L'entreprise me proposera une formation tout au long de ma vie professionnelle...
- "Voilà. L'entreprise aura plus de moyens à mettre à disposition du salarié pour la formation..."
Qu'est-ce à dire "formation" ? Quelle formation ?
- "Cela dépend du type de formation initiale. Par exemple, on vient de créer un droit supplémentaire pour les jeunes, pour avoir une formation qualifiante supplémentaire. Pour les salariés qui sont dans les entreprises, qui n'ont pas eu de formation quand ils étaient jeunes, ils pourront faire plus de formations sur le temps de travail, parce que l'on augmentera les moyens, mais aussi, des moyens pour faire une formation en dehors du temps de travail, s'il est intéressé, avec une rémunération. Ce sont de nouveaux droits qui arrivent. Maintenant, le Gouvernement doit compléter le dispositif en particulier pour les salariés qui ne sont plus au travail. Parce que nous, nous faisons l'effort de négocier pour les salariés qui sont dans l'entreprise, maintenant, il faut aussi parler des salariés qui sont au chômage et c'est ce que nous attendons du Gouvernement pour compléter."
Puisque nous parlons du chômage, revenons sur cette décision de l'Etat : 130 000 demandeurs d'emplois - moi, je les appelle des "chercheurs" d'emploi - ayant épuisé leurs droits à l'assurance chômage et pris en charge par l'Etat, seront moins indemnisés à partir de 2004."
- "On a là une décision du Gouvernement que la CFDT conteste totalement. Les gens qui regardent cela avec un peu de recul se disent "de quoi s'agit-il ?". Il s'agit simplement que lorsque des personnes sont en fin de droit aux Assedic, elles sont basculées vers l'allocation spécifique de solidarité, qui est un peu plus importante que le RMI, et cela, jusqu'à ce qu'elles retrouvent un emploi."
Elles peuvent l'avoir à vie, à la limite ?
- "Oui. Mais est-ce que vous imaginez qu'il est confortable d'être sur une allocation guère plus importante que le RMI - c'est à peu près 30 euros en plus. Certains diront : "ils vont basculer sur le RMI, 30 euros, c'est rien du tout !". Mais 30 euros, c'est important quand on gagne le RMI."
C'était donc illimité jusque-là ?
- "C'était illimité et cela va être réduit sur deux ans. Ensuite, les gens basculeront sur le RMI, c'est-à-dire, à la charge des départements. Ce qui me semble le plus choquant dans cette histoire, c'est que l'on voit bien que le Gouvernement vient de s'empêtrer dans une politique de baisse des impôts, donc de réduire les moyens de l'Etat. Inévitablement, quand on réduit les moyens de l'Etat, on a moins de moyens pour financer et là, ils font des économies sur le dos des gens qui sont plus en exclusion. Je pense qu'il y avait d'autres priorités à faire dans notre pays, à un moment où le chômage augmente, on a toujours besoin d'un traitement social du chômage."
Vous êtes quand même un des partenaires privilégiés du Gouvernement, c'est vrai, vous l'avez été sur le dossier des retraites. Est-ce que le Gouvernement vous déçoit ?
- "Depuis qu'il est au pouvoir, nous sommes critiques sur sa politique de l'emploi. On a eu plus de mal à faire entendre notre parole sur l'emploi l'année dernière parce qu'il y avait d'autres sujets prioritaires dans la tête du Gouvernement. Maintenant, nos critiques apparaissent au grand jour comme étant justifiées. Maintenant, on se positionne vis-à-vis du Gouvernement en fonction des dossiers. Sur le dossier des retraites, il nous semble que la réforme qu'il a faite est positive. Un exemple important : il va y avoir dès 2004, 200 000 salariés qui partiront à la retraite parce qu'ils ont commencé à travailler jeunes, ils partiront avant 60 ans. 200 000 personnes qui vont partir à la retraite, cela va jouer sur les chiffres du chômage. Donc, on va bien que là, il y a eu des décisions positives. Par contre, d'autres décisions sur la politique de l'emploi sont mauvaises."
Est-il vrai que le taux de chômage des cadres a progressé de 30 % sur un an ?
- "Oui, il progresse de façon très importante. Ce qui montre bien que l'inquiétude que l'on peut avoir, pour ce chômage, ne concerne pas uniquement les personnes qui n'ont pas de qualification mais concerne tous les salariés. D'où l'inquiétude dont vous parliez tout à l'heure. Personne n'est exclu de cette difficulté."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 septembre 2003)