Déclaration de M. André Rossinot, président du Parti radical, sur le parcours du Parti radical, son rôle dans l'UMP, l'échec de la gauche, le débat sur la laïcité notamment à travers le port du voile islamique, la construction européenne, la pensée radicale et la préparation des élections régionales 2004, Paris le 27 octobre 2003.

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Texte intégral

Chers Amis,
Il y a maintenant plus d'un an, nous avons fait le choix collectif et démocratique d'apporter notre soutien à la candidature de Jacques Chirac dès le premier tour des élections présidentielles.
Avec mon ami François Loos que je salue, qui fait un parcours sans fautes au gouvernement, avec Jean Leonetti dès le départ, et avec vous tous, nous avons souhaité poursuivre cet engagement, au sein de l'UMP, dans laquelle l'héritage moral et politique du Parti Radical est non seulement reconnu, voire envié, mais aussi considéré comme un atout. Souvenons-nous, c'est l'attitude méprisante, difficile, de François Bayrou, qui nous a entraînés vers cette rupture stratégique avec nos partenaires de la Nouvelle UDF, dans laquelle, il faut bien le dire, nous étions corsetés.
Aujourd'hui, nous sommes un " parti politique associé " dans l'UMP et fiers de notre différence. Nous sommes le seul des trois partis fondateurs de l'UDF en 1978 (démocrates chrétiens, libéraux et radicaux) à avoir survécu en faisant le choix du changement. Cela aussi il faut le rappeler.
Par ce choix, nous avons enfin retrouvé une réelle marge d'expression et d'expansion au sein d'une grande formation de droite et du centre de taille européenne.
Il reste, que maintenant, c'est nous qui avons aujourd'hui notre destin entre nos mains. Ou bien nous savons nous mobiliser, retrouver force et vigueur, et oser bâtir un grand mouvement politique, ou bien, rentiers de notre héritage, nous nous contenterons de sauvegarder des positions acquises, ici ou là.
C'est à nous de saisir cette opportunité et d'occuper l'espace au centre, centre gauche qui est le nôtre au sein de la vie politique française.
Nous devons à présent prendre conscience que notre légitimité, c'est cette force humaniste, laïque, sociale et européenne qui est la nôtre et qui est également une chance pour la majorité présidentielle.
Aussi, tout notre travail pour les prochains mois et les prochaines années consiste à nous faire reconnaître comme étant en charge de cet espace politique. Et nos amis de l'UMP, alors, croyez-moi, nous aideront dans cette tâche, conscients que notre réussite contribuera au succès collectif.
Le meilleur exemple, c'est le maintien du groupe RDSE au Sénat, qui n'était pas acquis d'avance, et qui a montré l'utilité et l'apport des radicaux pour la majorité sénatoriale. Et je salue son Président Jacques Pelletier et l'ensemble des sénateurs présents aujourd'hui.
Je dis tout cela à la veille d'échéances politiques importantes pour l'ensemble de la majorité. En 2004, c'est à dire demain, nous allons aborder les élections régionales, cantonales et européennes. Je ne veux pas que le 21 mars 2004 soit pour notre majorité ce que le 21 avril 2002 a été pour la gauche.
C'est la raison pour laquelle je suis favorable à des listes d'Union dès le premier tour de scrutin. Nous, UMP-radicaux, avons sur ce sujet une responsabilité, immense, vis-à-vis de notre électorat. Mais notre allié François Bayrou tout autant. Je souhaiterais lui dire ici, que le temps n'est pas venu de jouer perso, comme il le fait en donnant priorité à une stratégie individuelle et présidentielle, au dépend de sa propre famille politique.
La réforme constitutionnelle, qui nous a fait passer du septennat au quinquennat, a en effet changé le temps politique. Dorénavant, dans un quinquennat, il y a le temps de la gouvernance (président, gouvernement, majorité) (4 ans) et celui de la préparation des élections présidentielles (la dernière année). Par l'attitude qu'il a cru devoir adopter cette semaine, François Bayrou a délibérément mis en cause le pacte qui le lie à la majorité, pénalisant à terme ses propres élus.
Ce n'est pas au moment où la France traverse une situation économique difficile et où les Français pourraient douter, que le temps des calculs électoraux personnels doit primer sur le jeu collectif. Je regrette que François Bayrou se trompe encore une fois de priorité, avec le risque que nous nous retrouvions tous coincés entre l'enclume du FN et le marteau de la gauche. Et je ne suis pas sûr que les français qui ont élu les députés UDF en 2002 l'aient fait pour que ces députés renient aujourd'hui la solidarité majoritaire en s'abstenant sur le budget.
Je dis ceci avec d'autant plus de détermination que, si l'on regarde du côté de la gauche, on la voit vivre ses gesticulations. On veut nous faire croire qu'elle se prépare déjà pour les présidentielles, qu'elle a changé sous prétexte que Strauss Khan a aménagé des bureaux, et que Fabius a changé parce qu'il fait de la moto dans l'Ariège.
Quant à Jospin, " l'ex-providentiel Jospin ", il ose parler de mystification, lui qui n'a jamais voulu reconnaître que c'est d'abord sa politique qui est responsable de son échec.
Si la gauche veut faire uvre utile pour la démocratie et le pays, alors qu'elle s'interroge.
Pourquoi le monde ouvrier vote t-il à plus de 50% soit pour le FN, soit pour l'extrême gauche.
Pourquoi la gauche ne veut-elle pas aujourd'hui encore rendre des comptes ?
Quelle rende des comptes sur les retraites, la sécurité sociale, l'insécurité, l'immigration, l'alcoolisme, la violence routièreautant de sujets qu'elle n'a jamais traités alors que la France était à l'époque dans une période de pleine croissance.
Sur tous ces sujets, je veux souligner l'action de l'ensemble du gouvernement et plus particulièrement celle de son premier ministre, Jean Pierre Raffarin, et de son ministre des affaires sociales, François Fillon, qui aujourd'hui, ne se dérobent pas, traitent ces questions, alors que la conjoncture économique est nettement moins favorable.
Pour les régionales de 2004, avec la nouvelle loi électorale, prendra fin le système où l'on perd au suffrage universel et où l'on gagne dans l'hémicycle. Mais soulignons le, et la position de l'UMP et de son Président Alain Juppé est parfaitement claire et irréprochable : il n'y aura pas d'alliance avec le FN.
Qu'en sera-t-il de la stratégie du PS? Il a besoin d'une victoire à tout prix pour faire oublier 2002. Et pour cela, je le crois, il est prêt à en payer le prix fort. D'autant plus que lors du premier tour de la présidentielle, l'extrême gauche a fait prés de 10 % dans trois quarts des départements.
C'est ce qui explique aujourd'hui l'euroscepticisme du PS, son refus de la décentralisation et la course qui le conduit dans tous les forums antimondialistes. Pour gagner à tous prix, le PS veut faire le grand écart entre les " bobos et les bovés ".
Et pourtant la France mérite mieux.
Là est tout le sens de notre action au sein de la majorité. Nous, radicaux, nous avons aussi à apporter des réponses aux grandes questions de la société. La majorité réussira si elle sait s'étendre au-delà de ses terres traditionnelles d'élection. Si elle sait rassembler autour de son action, tous ceux qui se reconnaissent dans les valeurs de l'humanisme ; de la justice sociale ; de la liberté de pensée ; de l'esprit républicain. Elle réussira si elle sait rassembler tous ceux qui estiment que maintenant il y a urgence à une véritable construction politique européenne.
L'un de ces sujets nous est posé clairement aujourd'hui à travers l'affaire du port du voile. Il me semble que l'on se trompe en souhaitant engager immédiatement cette affaire sur le terrain législatif, même si je considère en effet que le temps de la loi viendra et d'ailleurs se sera un moyen supplémentaire de renforcer notre légitimité dans la Constitution européenne.
Dans cette affaire du voile, il est grand temps de ne plus faire semblant de croire que cette affaire se limiterait à une simple question de vêtement. Sous cette ruse se dissimule en fait une volonté délibérée qui veut reconsidérer l'un des principes majeurs qui se trouve au fondement de notre République.
C'est pourquoi, Jacques Chirac a eu raison de redire cette semaine que la laïcité n'était pas négociable. Ses propos l'honorent, comme l'honorent ses positions toujours sans ambiguïté lorsqu'il s'agit de lutter contre les intégrismes, quels qu'ils soient.
Débattre sur le port du voile, je vous le dis très solennellement, c'est déjà reculer. Il est grand temps de ne plus faire semblant de croire qu'au nom d'une certaine tolérance, que dans le souci d'accepter les différences, on pourrait laisser le voile entrer dans l'Ecole de la République.
Débattre sur le port du voile, ne serait-ce même qu'envisager le débat, c'est déjà mettre en difficulté toutes ces jeunes filles, ces jeunes femmes françaises, d'origine musulmane, tellement nombreuses, qui se battent, elles, au quotidien pour s'intégrer et ne pas se soumettre au voile.
Leur combat courageux, parfois face à leur famille ou face aux intimidations de bandes dans un quartier, ce combat tellement respectable pour l'égalité entre femme et homme, pour la liberté, c'est aussi le nôtre.
Toutes ces femmes comptent sur la France et la République. Reculer sur le voile, ce serait d'abord les abandonner, les désespérer. Ce serait nier cinquante ans de lutte des femmes. Ce serait aussi, devant un monde qui nous observe, donner durablement un message dramatique de faiblesse qui comptera, je le pressens, fortement pour l'avenir de notre société.
Le débat piégé, non. La loi républicaine qui s'applique à tous, sans ambiguïté, oui.
Aujourd'hui, nous, radicaux, sommes favorables à un pacte laïque, que nous souhaitons bâtir en commun avec tous les Etats membres de l'Union européenne. Vous le savez, nous proposons la création d'un " Haut Comité de la laïcité et du fait religieux ". La légitimité du Parti radical à s'exprimer sur ce sujet a été illustrée par l'audition d'Arlette Fructus devant la Commission Stasi.
Je souhaiterais le redire. La question de la laïcité ne doit pas être dissociée de celle de l'école. Rappelons, ce que l'on oublie trop souvent, à savoir qu'un régime républicain suppose des citoyens éclairés ayant l'esprit critique et non des individus quasiment dominés par la consommation, la publicité, les médias et les marchands de rêves.
A un moment où s'ouvre le débat sur l'école engagée avec intelligence par Luc Ferry, il est de notre devoir de rappeler que les valeurs de la République s'apprennent d'abord à l'école. Et face à tous ces sujets, le monde enseignant doit retrouver le respect et le soutien de notre société.
Une société qui aux yeux des radicaux ne peut ignorer que l'expression de l'intérêt collectif et de la solidarité, sont deux piliers qui doivent guider toute action. N'oublions jamais que tout individu porte en lui la dignité universelle de l'homme ; c'est un des fondements de la pensée radicale que nous avons hérité du Solidarisme de Léon Bourgeois (Marcel Ruby).
Nous avons rappelé et développé ces thèmes dans " la déclaration de Nancy " en soulignant la nécessité de préserver notre monde naturel, de maîtriser nos conquêtes scientifiques et techniques, de repenser les fondements même des relations politiques et économiques et de pacifier les relations internationales.
Face à cette actualité, le radicalisme apparaît comme une idée neuve qui doit réaffirmer la conception de l'homme dans la société. Une conception qui me conduit en tant que membre du comité directeur de l'association des élus amis d'Israël à demander une évolution de la politique française au Moyen Orient et un renforcement de nos relations avec Israël. Un pays que j'aimerais voir en paix, reconnu dans ses frontières, préservé de la haine, et du fondamentalisme. Mais aussi une France vigilante face aux actes antisémites. Lors de notre prochain Congrès, j'inviterai l'Ambassadeur d'Israël en France à être présent à nos débats.. (Ghanassia).
S'agissant de l'Europe, la pensée radicale ne peut donc être qu'au cur du débat pour sa construction politique. Il nous faut une Europe qui oriente à l'intérieur d'un cadre pacifique l'action des hommes, longtemps séparés par la barrière des préjugés. Aujourd'hui à l'aube du prochain élargissement à ces pays d'Europe de l'est qui ont payé un lourd tribu à Yalta et au totalitarisme soviétique, ces principes n'ont pas perdu de leur actualité.
Le temps de la construction politique de l'Union européenne s'est accéléré dans le cadre des travaux de la Convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing. Quel type de civilisation voulons-nous promouvoir ? Quelles valeurs les Européens incarnent-ils dans un univers où la violence et l'arbitraire l'emportent trop souvent sur la conciliation et le droit ?
Je suis patriote, européen et humaniste, héritier d'un courant de pensée et de celle d'un homme, Jean Monnet, qui a grandement contribué à bâtir l'Europe dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Voilà pourquoi je préfère aujourd'hui la France qui voit son Président parler au nom de son pays et de l'Allemagne plutôt que les français qui critiquent Bruxelles. Il n'y aura pas de France sans Europe et pas d'Europe sans les peuples.
Le temps est donc venu de construire un projet radical et de mettre en valeur les idées et les hommes. C'est la raison pour laquelle, en plus de la rupture stratégique qui nous a conduit à l'UMP, il doit y avoir des réformes sérieuses dans nos méthodes de travail. C'est pour y contribuer que j'ai décidé de faire acte de candidature à la présidence de notre Parti et solliciter vos suffrages. J'ai profondément le désir de sauvegarder et de transmettre notre culture radicale, de faire émerger une relève, et de construire une formation indispensable à la majorité.
Pour cela, je vous propose tout d'abord et comme approche fondamentale l'élaboration d'un projet radical.
- Il faut faire un pacte du parti autour des parlementaires et des élus de terrain et des militants.
- Il faut déclencher une procédure de préparation du projet en 2004 dont la qualité et l'originalité surprendront et feront de nous une référence dans la majorité présidentielle.
Cela dessine le temps de 2004 qui pourrait se conclure à l'automne par un congrès à St Etienne, chez notre Ami Michel Thiollière après que notre université d'été se soit tenue à Antibes chez jean Leonetti.
Ce projet pour l'automne 2004 est notre feuille de route pour élargir notre présence vers l'opinion, pour occuper plus d'espace au sein de l'UMP et pour gagner la bataille du projet dans la perspective des présidentielles et des législatives de 2007.
Je vous propose également une méthode reposant sur un travail collégial et territorial.
- Cela se traduira par des Comités exécutifs vivants, et des réunions thématiques et décentralisés dans les grandes régions, afin de porter la réflexion au plus près du terrain.
- Parallèlement, nous mettrons en place régulièrement un cycle d'auditions place de Valois, qui nous permettra d'accueillir des personnalités, d'enrichir notre réflexion et de faire vivre le siège.
- Il nous faudra initier une nouvelle manière de diriger, collégiale et plurielle, où chacun aura sa place et pourra exercer ses compétences au service de nos valeurs.
- Je souhaite que les jeunes radicaux soient pleinement associés à cette nouvelle dynamique, qu'ils enrichissent les débats et participent activement à l'ensemble de nos instances.
- Je tiens d'ailleurs à féliciter le nouveau président de la Fédération de Paris, mon ami Patrice Gassenbach, qui à sa manière a déjà mis en uvre cette façon d'organiser notre travail.
- Le parti appartient à tous et ses dirigeants devront travailler au service de tous, avec la mise en place d'une vraie politique d'animation de nos fédérations, une valorisation des travaux de nos différentes associations et des contributions de nos commissions .
- Je n'oublie pas que le siège du Parti radical est à la disposition des fédérations et non l'inverse. Je souhaite par conséquent que nous puissions multiplier les échanges avec notamment la mise en place d'une vraie politique de communication interne (journal, communiqué de presse, intranet) indispensable et déterminante pour une communication externe renforcée.
- Toutes ces propositions, je les ai évoquées et discutées lors de mes nombreux déplacements sur le terrain, chez Robert Lecou député Maire de Lodève, avec Arlette Fructus à Marseille et nos amis de PACA, dans la région Centre avec Jean Louis Bernard, en Rhône Alpes chez Bernard Fialaire et Fabienne Levy., à Strasbourg, chez François Loos, à Bayonne chez notre Ami député Maire Jean Grenet, et à Nancy dans le cadre de la réunion du grand est avec nos députés Laurent Hénart et Edouard Jacques, à Marsan dans le Gers où j'ai reçu un accueil personnel et chaleureux d'Aymeri de Montesquiou.
Bien évidemment, il faut que tout soit mis en uvre pour que nous abordions les prochaines échéances électorales et en particulier les régionales et les cantonales, avec la plus claire des déterminations. Le Président de l'UMP à Bayonne nous a assuré que le Parti radical aurait toute sa place. Au moment où il faut discuter de vos places, je ne manquerai pas de le lui rappeler.
Mais ne nous y trompons pas. Il faut savoir se dire la vérité. Notre parti est aujourd'hui à la croisée des chemins, structurellement sauvé, mais affaibli. On occupe certes un espace politique, à une position stratégique, mais nous ne sommes pas assez identifiés et reconnus.
Ne pas vouloir aujourd'hui évoluer à un moment où tout bouge, serait à la fois perdre une chance et nous condamner à disparaître. Il faut donner de la force à l'action à la hauteur du choix stratégique que nous avons conduit. C'est donc une prise de conscience collective qui doit nous conduire à travailler ensemble, de la base au sommet, afin de redonner un sens à notre engagement politique.
Face à ces défis, le radicalisme demeure et s'affirme comme une idée neuve par sa conception de l'homme, de la société, et peut proposer à la libre conscience de nos concitoyens les orientations qui répondent aux défis de ce temps. C'est une nouvelle époque que nous allons vivre. Aujourd'hui, il nous faut oser.
Je vous propose de le faire tous ensemble.
(source http://www.partiradical.net, le 30 octobre 2003)