Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
In dies Sprooch die nit mini, awa die Sprooch mina Mama esch, erlauwe Se mir se saan, wie glecklich ich Heit sin, eich bie der Erröfnung dieses erschde Treffe (Assises Nationales des Langues / Nationalerdaa der Sprooche frankreichs) zu begrisse.
Als aller erschdes, bin mir doo um die oft unbekannte klingende vielfählt der Mundarte in unser Land se feiere, unn mit voller Kraft ihre hervorragende menschliches Wert se betone ; awa iwerhaupt ach fa do driwer se diskutiere, welli Roll unsere Sprooche in der französische Gesellschaft spiele wäre, unn davon sesamme se schwätze welli entwicklung unn Zukunft se han wäre.
Iweral uf da Welt wird Heit die Sproochvielfälltigkät als ne wesentlichie Kraft der Kreativität unn der Gesammtentwicklung der Gesellschaft annerkannt.
Dans cette langue qui n'est pas ma langue maternelle mais qui est celle de ma mère, vous me permettrez de dire combien je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui pour ces premières Assises nationales des langues de France.
Nous sommes ici d'abord pour célébrer la polyphonie méconnue des parlers de notre pays ; pour affirmer vigoureusement leur éminente valeur humaine ; mais surtout pour discuter ensemble du rôle qui doit être le leur dans la société française, pour traiter de leur développement et de leur avenir.
Partout dans le monde la diversité des langues est aujourd'hui reconnue comme un ressort essentiel de la création culturelle et du développement global des sociétés.
En quelques années, les dispositions prises en France dans les domaines de la culture, de l'enseignement, des médias ont permis des avancées considérables, en réponse à une exigence de diversité qui gagne toujours en force et en audience. L'intérêt que l'Etat porte aux langues régionales n'est pas nouveau ; il ne se réduit heureusement pas aux mesures éradicatrices de la Terreur. La République, en particulier, ne mérite pas l'opprobre dont certains l'accablent.
On a coutume d'accuser Jules Ferry ; qu'on me permette de défendre un peu ce Vosgien et ses amis. Dans les cultures régionales, la Troisième République a vu un palier intermédiaire pour attacher les Français à la Nation. On exaltait la " petite patrie " pour mieux atteindre la grande ; dans un esprit de reconquête, on vantait la riche diversité géographique et culturelle de la France. Cette reconquête passait, il est vrai, par l'élévation intellectuelle de la Nation, grâce à une instruction publique générale, dispensée en français. Mais la politique scolaire républicaine n'eut jamais le caractère uniformisateur qu'on lui prête parfois ; aucun texte, aucun discours officiel ne condamnèrent formellement des langues régionales qui subirent seulement, mais c'était beaucoup, l'ignorance, la méfiance, voire l'urgence à répandre les bienfaits de la République. Il importe aujourd'hui de replacer les langues et cultures régionales au centre de la politique nationale, dont elles permettent de repenser les équilibres : par l 'action interministérielle d'une part, par le dialogue, d'autre part, de l'Etat, des collectivités territoriales et de la société civile. Action gouvernementale, décentralisation : tels sont les fils rouges de nos Assises...
Certes, au moment où, à l'échelle du pays, on constate le recul de la transmission familiale des langues autres que le français, les pouvoirs publics ont un rôle décisif à jouer dans la préservation et la pratique sociale de ces langues, qui constituent une richesse du patrimoine national.
L'enseignement y contribue largement. Quel chemin depuis la loi Deixonne sur " l'enseignement des langues et dialectes locaux " qui, en 1951, a modestement ouvert l'école publique aux langues et cultures régionales ! Au fil des années, cet enseignement a vu ses positions se renforcer au sein de l'Éducation Nationale, pour parvenir au même niveau de dignité et d'exigence que les autres disciplines : enseignement de langues et en langues, dans le cadre de filières bilingues, qui connaissent un succès croissant, prise en compte au baccalauréat, création de concours de recrutements spécifiques : CAPES et examen spécial de professeur des écoles, mise en place des Conseils académiques des langues régionales. Deux chiffres pour illustrer l'effort consacré aux langues régionales :
- en 1989, 26 000 élèves suivent un enseignement de langue régionale ;
en 2003, ils sont plus de 250 000.
Cet effort est appelé à se poursuivre et à s'enrichir. Si toutes les difficultés ne sont pas aplanies, elles ne sauraient masquer les réussites. C'est pour faire le point de ces progrès et des interrogations que les uns et les autres peuvent légitimement poser, qu'un atelier sera consacré à l'enseignement, sous la conduite de la direction des enseignements scolaires au ministère de l'Education nationale.
Pour ce qui concerne le champ proprement culturel dont j'ai la responsabilité, jusqu'à une date récente, la politique linguistique de notre pays avait pour unique objet la langue française, son usage, son rayonnement, le respect des textes qui en fondent l'officialité. Là aussi, les choses changent. Par le décret du 15 mai 2002 qui fonde mes attributions, je suis le premier ministre de la culture à se voir officiellement donner des responsabilités envers le plurilinguisme français. De même, quelques mois plus tôt, l'extension aux langues de France des missions de la délégation générale à la langue française faisait pour la première fois référence à la diversité linguistique dans le nom même d'un service administratif.
L'évolution est heureuse. Cela prouve que les langues de France sont désormais regardées comme des éléments essentiels de la vie culturelle et sociale ; elles ne relèvent pas d'un secteur particulier de l'expérience humaine, mais de tous à la fois ; elles ne dépendent pas d'un département ministériel, mais de tous à la fois. Voilà pourquoi plusieurs de mes collègues du Gouvernement se trouvent à mes côtés, ou sont représentés.
On le voit : il ne saurait y avoir, dans la promotion des autres langues, d'opposition avec le français. Notre action, en Europe et dans le Monde, est un encouragement au plurilinguisme. Le cerveau est conçu pour maîtriser plusieurs langues ; le passage de l'une à l'autre est le lot quotidien de la plus grande partie de l'humanité : les pays francophones, auxquels nous appartenons, nous le rappellent tout particulièrement. La diversité linguistique est une forme première de la diversité humaine. Le Président de la République l'a rappelé à plusieurs reprises : le développement durable de la planète passe par le respect de la diversité des cultures et des langues, tout aussi menacée que la diversité des espèces animales ou végétales. Il serait hypocrite, absurde et vain de considérer que notre seul pays échappe au pluriliguisme ; il serait bien impolitique de considérer, sous prétexte que la République est légitimement pourvue d'une langue officielle, que la France elle-même est monolingue. On a trop longtemps sacralisé un monolinguisme de fiction.
Les choses bougent. Le moment est venu de dresser le bilan des actions menées pour la valorisation des langues de France ; il est temps d'envisager les voies de leur développement.
Un Conseil national des langues et cultures régionales avait été créé en 1985 ; il s'est réuni deux fois et a cessé toute activité depuis longtemps. Les langues de France ont besoin d'une instance de consultation et de suivi qui examine, dans le cadre des orientations définies par le Gouvernement, les questions relatives à leur promotion. Je propose donc de relancer le Conseil national. Il faudra naturellement pour cela modifier le décret de 1985 qui en portait création, donner de nouvelles missions à l'organisme (dans les champs de la néologie et de la toponymie par exemple), en renouveler les membres et le mode de nomination. A travers cet outil, l'action de l'Etat pourra se déployer efficacement, tout en s'inscrivant dans la cohérence et la continuité.
Deux circonstances éclairent ces Assises et lui donnent sens :
La première : la construction d'une Europe de la culture. Aujourd'hui 4 octobre, le projet de Constitution européenne est soumis à la discussion des Etats membres. C'est grâce à la France que l'exigence de diversité culturelle a été introduite dans plusieurs parties du texte. Au titre des objectifs de l'Union il est précisé notamment que celle-ci " respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique ", tandis qu'il est indiqué plus loin que " l'Union contribue à l'épanouissement des cultures des Etats membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale ".
En évoquant l'Europe, je souhaiterais m'attarder un instant sur le cas des langues transfrontalières, auxquelles je suis très attaché. Le flamand, le francique, l'alsacien à sa manière, le basque et le catalan sont autant d'avenues ouvertes entre nos voisins et nous. Ces langues qui ignorent les frontières politiques joueront un rôle privilégié dans la période qui commence. Langues de France et langues d'ailleurs, langues européennes, elles nous ouvrent sur d'autres espaces qui ne sont pas seulement géographiques ; elles sont riches de possibilités d'échanges et de créations que nous ne savons pas encore pleinement exploiter. Le soutien apporté à ces langues transfrontalières nous conduira à résoudre bon nombre de difficultés administratives et institutionnelles ; en ce sens, elles constituent un bon laboratoire européen. C'est à travers elles que nous parlons à l'Europe et que l'Europe s'adresse à nous...
La deuxième : la mise en oeuvre d'une nouvelle étape de la décentralisation. Conformément aux engagements du Président de la République et aux orientations du Premier Ministre, le Gouvernement conduit une politique qui se donne pour objectif de rapprocher les autorités publiques et le citoyen, et de rendre plus efficace l'action de l'Etat dans l'exercice de ses missions essentielles.
Il s'agit de repenser la répartition des tâches entre l'Etat et les collectivités. Dans ce vaste mouvement de réorganisation du pays, il importe que les questions culturelles soient au centre du débat, que les citoyens et leurs élus y participent activement.
Dès lors, c'est en quelque sorte par nature que les langues régionales sont présentes dans la réflexion. Un nouvel instrument juridique est à la disposition de l'Etat et des collectivités territoriales, qui leur permet de mieux assurer leur collaboration dans le domaine qui est le nôtre : les établissements publics de coopération culturelle, ÉPCC. Si une région, associée à d'autres collectivités, prenait l'initiative de créer un organisme de promotion linguistique, le ministère de la culture y prendrait une part active. L'ÉPCC m'apparaît comme l'outil le mieux approprié au développement d'une politique linguistique par les Régions, les départements et les villes : il peut fournir le support d'une structure de conseil, d'expertise et de financement, indispensable à la conduite d'actions durables. Ce type d'établissement peut naturellement s'adapter à la collaboration de plusieurs régions. Une démarche interrégionale de ce type est en cours dans l'espace occitan, ce dont je me réjouis. Les langues transfrontalières offrent aussi des perspectives de coordination entre différents types d'institutions : le travail autour d'une langue commune peut fournir matière à des coopérations inédites, à la découverte de solidarités nouvelles dans l'aménagement culturel du territoire.
Tout autant que que dans la réflexion sur l'Europe, il y a donc dans le mouvement de décentralisation une occasion de repenser notre rapport à la diversité : les langues de France sont une occasion d'approfondir la pensée décentralisatrice. En ce domaine, il n'y a pas de " transfert " : les compétences respectives de l'Etat et de ses partenaires sont à construire ; elle doivent faire l'objet d'une réflexion collective, ouverte à l'expérimentation, à l'imagination, à l'invention.
Aquò qu'ei plan solide lo sens d'aqueste encontre qui voloi que's debanèsse uei.
Comme je viens de le dire en occitan du Béarn, Mesdames et Messieurs, c'est là tout le sens de la rencontre, que j'ai voulu organiser aujourd'hui
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 7 octobre 2003)
In dies Sprooch die nit mini, awa die Sprooch mina Mama esch, erlauwe Se mir se saan, wie glecklich ich Heit sin, eich bie der Erröfnung dieses erschde Treffe (Assises Nationales des Langues / Nationalerdaa der Sprooche frankreichs) zu begrisse.
Als aller erschdes, bin mir doo um die oft unbekannte klingende vielfählt der Mundarte in unser Land se feiere, unn mit voller Kraft ihre hervorragende menschliches Wert se betone ; awa iwerhaupt ach fa do driwer se diskutiere, welli Roll unsere Sprooche in der französische Gesellschaft spiele wäre, unn davon sesamme se schwätze welli entwicklung unn Zukunft se han wäre.
Iweral uf da Welt wird Heit die Sproochvielfälltigkät als ne wesentlichie Kraft der Kreativität unn der Gesammtentwicklung der Gesellschaft annerkannt.
Dans cette langue qui n'est pas ma langue maternelle mais qui est celle de ma mère, vous me permettrez de dire combien je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui pour ces premières Assises nationales des langues de France.
Nous sommes ici d'abord pour célébrer la polyphonie méconnue des parlers de notre pays ; pour affirmer vigoureusement leur éminente valeur humaine ; mais surtout pour discuter ensemble du rôle qui doit être le leur dans la société française, pour traiter de leur développement et de leur avenir.
Partout dans le monde la diversité des langues est aujourd'hui reconnue comme un ressort essentiel de la création culturelle et du développement global des sociétés.
En quelques années, les dispositions prises en France dans les domaines de la culture, de l'enseignement, des médias ont permis des avancées considérables, en réponse à une exigence de diversité qui gagne toujours en force et en audience. L'intérêt que l'Etat porte aux langues régionales n'est pas nouveau ; il ne se réduit heureusement pas aux mesures éradicatrices de la Terreur. La République, en particulier, ne mérite pas l'opprobre dont certains l'accablent.
On a coutume d'accuser Jules Ferry ; qu'on me permette de défendre un peu ce Vosgien et ses amis. Dans les cultures régionales, la Troisième République a vu un palier intermédiaire pour attacher les Français à la Nation. On exaltait la " petite patrie " pour mieux atteindre la grande ; dans un esprit de reconquête, on vantait la riche diversité géographique et culturelle de la France. Cette reconquête passait, il est vrai, par l'élévation intellectuelle de la Nation, grâce à une instruction publique générale, dispensée en français. Mais la politique scolaire républicaine n'eut jamais le caractère uniformisateur qu'on lui prête parfois ; aucun texte, aucun discours officiel ne condamnèrent formellement des langues régionales qui subirent seulement, mais c'était beaucoup, l'ignorance, la méfiance, voire l'urgence à répandre les bienfaits de la République. Il importe aujourd'hui de replacer les langues et cultures régionales au centre de la politique nationale, dont elles permettent de repenser les équilibres : par l 'action interministérielle d'une part, par le dialogue, d'autre part, de l'Etat, des collectivités territoriales et de la société civile. Action gouvernementale, décentralisation : tels sont les fils rouges de nos Assises...
Certes, au moment où, à l'échelle du pays, on constate le recul de la transmission familiale des langues autres que le français, les pouvoirs publics ont un rôle décisif à jouer dans la préservation et la pratique sociale de ces langues, qui constituent une richesse du patrimoine national.
L'enseignement y contribue largement. Quel chemin depuis la loi Deixonne sur " l'enseignement des langues et dialectes locaux " qui, en 1951, a modestement ouvert l'école publique aux langues et cultures régionales ! Au fil des années, cet enseignement a vu ses positions se renforcer au sein de l'Éducation Nationale, pour parvenir au même niveau de dignité et d'exigence que les autres disciplines : enseignement de langues et en langues, dans le cadre de filières bilingues, qui connaissent un succès croissant, prise en compte au baccalauréat, création de concours de recrutements spécifiques : CAPES et examen spécial de professeur des écoles, mise en place des Conseils académiques des langues régionales. Deux chiffres pour illustrer l'effort consacré aux langues régionales :
- en 1989, 26 000 élèves suivent un enseignement de langue régionale ;
en 2003, ils sont plus de 250 000.
Cet effort est appelé à se poursuivre et à s'enrichir. Si toutes les difficultés ne sont pas aplanies, elles ne sauraient masquer les réussites. C'est pour faire le point de ces progrès et des interrogations que les uns et les autres peuvent légitimement poser, qu'un atelier sera consacré à l'enseignement, sous la conduite de la direction des enseignements scolaires au ministère de l'Education nationale.
Pour ce qui concerne le champ proprement culturel dont j'ai la responsabilité, jusqu'à une date récente, la politique linguistique de notre pays avait pour unique objet la langue française, son usage, son rayonnement, le respect des textes qui en fondent l'officialité. Là aussi, les choses changent. Par le décret du 15 mai 2002 qui fonde mes attributions, je suis le premier ministre de la culture à se voir officiellement donner des responsabilités envers le plurilinguisme français. De même, quelques mois plus tôt, l'extension aux langues de France des missions de la délégation générale à la langue française faisait pour la première fois référence à la diversité linguistique dans le nom même d'un service administratif.
L'évolution est heureuse. Cela prouve que les langues de France sont désormais regardées comme des éléments essentiels de la vie culturelle et sociale ; elles ne relèvent pas d'un secteur particulier de l'expérience humaine, mais de tous à la fois ; elles ne dépendent pas d'un département ministériel, mais de tous à la fois. Voilà pourquoi plusieurs de mes collègues du Gouvernement se trouvent à mes côtés, ou sont représentés.
On le voit : il ne saurait y avoir, dans la promotion des autres langues, d'opposition avec le français. Notre action, en Europe et dans le Monde, est un encouragement au plurilinguisme. Le cerveau est conçu pour maîtriser plusieurs langues ; le passage de l'une à l'autre est le lot quotidien de la plus grande partie de l'humanité : les pays francophones, auxquels nous appartenons, nous le rappellent tout particulièrement. La diversité linguistique est une forme première de la diversité humaine. Le Président de la République l'a rappelé à plusieurs reprises : le développement durable de la planète passe par le respect de la diversité des cultures et des langues, tout aussi menacée que la diversité des espèces animales ou végétales. Il serait hypocrite, absurde et vain de considérer que notre seul pays échappe au pluriliguisme ; il serait bien impolitique de considérer, sous prétexte que la République est légitimement pourvue d'une langue officielle, que la France elle-même est monolingue. On a trop longtemps sacralisé un monolinguisme de fiction.
Les choses bougent. Le moment est venu de dresser le bilan des actions menées pour la valorisation des langues de France ; il est temps d'envisager les voies de leur développement.
Un Conseil national des langues et cultures régionales avait été créé en 1985 ; il s'est réuni deux fois et a cessé toute activité depuis longtemps. Les langues de France ont besoin d'une instance de consultation et de suivi qui examine, dans le cadre des orientations définies par le Gouvernement, les questions relatives à leur promotion. Je propose donc de relancer le Conseil national. Il faudra naturellement pour cela modifier le décret de 1985 qui en portait création, donner de nouvelles missions à l'organisme (dans les champs de la néologie et de la toponymie par exemple), en renouveler les membres et le mode de nomination. A travers cet outil, l'action de l'Etat pourra se déployer efficacement, tout en s'inscrivant dans la cohérence et la continuité.
Deux circonstances éclairent ces Assises et lui donnent sens :
La première : la construction d'une Europe de la culture. Aujourd'hui 4 octobre, le projet de Constitution européenne est soumis à la discussion des Etats membres. C'est grâce à la France que l'exigence de diversité culturelle a été introduite dans plusieurs parties du texte. Au titre des objectifs de l'Union il est précisé notamment que celle-ci " respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique ", tandis qu'il est indiqué plus loin que " l'Union contribue à l'épanouissement des cultures des Etats membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale ".
En évoquant l'Europe, je souhaiterais m'attarder un instant sur le cas des langues transfrontalières, auxquelles je suis très attaché. Le flamand, le francique, l'alsacien à sa manière, le basque et le catalan sont autant d'avenues ouvertes entre nos voisins et nous. Ces langues qui ignorent les frontières politiques joueront un rôle privilégié dans la période qui commence. Langues de France et langues d'ailleurs, langues européennes, elles nous ouvrent sur d'autres espaces qui ne sont pas seulement géographiques ; elles sont riches de possibilités d'échanges et de créations que nous ne savons pas encore pleinement exploiter. Le soutien apporté à ces langues transfrontalières nous conduira à résoudre bon nombre de difficultés administratives et institutionnelles ; en ce sens, elles constituent un bon laboratoire européen. C'est à travers elles que nous parlons à l'Europe et que l'Europe s'adresse à nous...
La deuxième : la mise en oeuvre d'une nouvelle étape de la décentralisation. Conformément aux engagements du Président de la République et aux orientations du Premier Ministre, le Gouvernement conduit une politique qui se donne pour objectif de rapprocher les autorités publiques et le citoyen, et de rendre plus efficace l'action de l'Etat dans l'exercice de ses missions essentielles.
Il s'agit de repenser la répartition des tâches entre l'Etat et les collectivités. Dans ce vaste mouvement de réorganisation du pays, il importe que les questions culturelles soient au centre du débat, que les citoyens et leurs élus y participent activement.
Dès lors, c'est en quelque sorte par nature que les langues régionales sont présentes dans la réflexion. Un nouvel instrument juridique est à la disposition de l'Etat et des collectivités territoriales, qui leur permet de mieux assurer leur collaboration dans le domaine qui est le nôtre : les établissements publics de coopération culturelle, ÉPCC. Si une région, associée à d'autres collectivités, prenait l'initiative de créer un organisme de promotion linguistique, le ministère de la culture y prendrait une part active. L'ÉPCC m'apparaît comme l'outil le mieux approprié au développement d'une politique linguistique par les Régions, les départements et les villes : il peut fournir le support d'une structure de conseil, d'expertise et de financement, indispensable à la conduite d'actions durables. Ce type d'établissement peut naturellement s'adapter à la collaboration de plusieurs régions. Une démarche interrégionale de ce type est en cours dans l'espace occitan, ce dont je me réjouis. Les langues transfrontalières offrent aussi des perspectives de coordination entre différents types d'institutions : le travail autour d'une langue commune peut fournir matière à des coopérations inédites, à la découverte de solidarités nouvelles dans l'aménagement culturel du territoire.
Tout autant que que dans la réflexion sur l'Europe, il y a donc dans le mouvement de décentralisation une occasion de repenser notre rapport à la diversité : les langues de France sont une occasion d'approfondir la pensée décentralisatrice. En ce domaine, il n'y a pas de " transfert " : les compétences respectives de l'Etat et de ses partenaires sont à construire ; elle doivent faire l'objet d'une réflexion collective, ouverte à l'expérimentation, à l'imagination, à l'invention.
Aquò qu'ei plan solide lo sens d'aqueste encontre qui voloi que's debanèsse uei.
Comme je viens de le dire en occitan du Béarn, Mesdames et Messieurs, c'est là tout le sens de la rencontre, que j'ai voulu organiser aujourd'hui
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 7 octobre 2003)