Interview de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président délégué de l'UMP, à France 2 le 1er septembre 2004, sur l'attitude de solidarité de la communauté musulmane dans l'attente de la libération des otages français détenus en Irak, les relations entre le Medef et le gouvernement et le calendrier électoral pour 2007.

Prononcé le 1er septembre 2004

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Média : Emission Les Quatre Vérités - France 2 - Télévision

Texte intégral

QUESTION : Nous sommes toujours dans l'attente s'agissant du sort de nos deux compatriotes détenus en otages. La diplomatie fait son travail, toutes les filières possibles sont activées, les appels à la clémence se sont multipliés, des informations contradictoires ont même circulé sur les chaînes arabophones. Vous êtes, je l'imagine, en tant que responsable politique tenu au courant par les autorités françaises, y a-t-il dans l'ensemble de ce puzzle des raisons d'espérer une issue favorable ?
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : Des raisons d'espérer, sûrement, compte tenu des pays arabes, de la communauté musulmane française qui est exemplaire et de toutes celles et tous ceux qui pour sauver nos deux compatriotes qui sont en même temps des journalises et vos amis, se sont mobilisés. D'abord il y a une cohésion nationale extraordinaire ; toutes les forces politiques sont unanimes et soudées, c'est très important. Et la communauté musulmane avec le docteur Boubakeur, personnalité hautement respectable a lancé tous les messages nécessaires de la manière la plus claire, la plus précise. Et nous les hommes politiques français, nous devons être reconnaissants de cette attitude-là. Cependant, j'étais encore hier soir même un peu tard avec le Premier ministre, nous attendions, nous espérions que peut-être une bonne nouvelle arriverait, pour l'instant, il n'en est rien. Donc notre inquiétude est quand même très grande et nous voulons dire aux familles de vos deux collègues, de nos deux compatriotes, familles qui ont une attitude là aussi d'une dignité extraordinaire que bien entendu nous pensons à elles et à eux, à tout moment.
QUESTION : M. Gaudin, est-ce que la communauté musulmane n'a pas enfin pris conscience de l'intérêt qu'elle a à ne pas subir cet amalgame avec l'Islam extrémiste ?
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : Absolument, en tout cas déjà beaucoup de positions avaient été prises dans notre pays, dans le sens de la modération et du respect. Et pour nous, c'est le respect des valeurs fondamentales de la République, de la démocratie. Nous sommes un pays laïc mais respectueux des croyances de chacun, de la liberté de culte de chacun, c'est ça les valeurs fondamentales de la République. C'est simplement ça que nous avions voulu rappeler dans la fameuse loi dite "du voile". Alors en son temps, elle a pu poser interrogations, critiques éventuellement contestations, mais pour autant
QUESTION : Vous étiez un peu réticent vous-même ?
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : Oui, moi-même aussi c'est vrai. Mais tout cela est dépassé. Aujourd'hui, il s'agit de rappeler les principes, nous l'avons fait. Et il s'agit de tout mettre en uvre. Alors la diplomatie française s'active, le ministre des Affaires étrangères est sur place là-bas dans la région. Le plus grand diplomate français, le plus grand haut fonctionnaire français, le Secrétaire général du Quai d'Orsay est également à Bagdad. D'ailleurs nos amis musulmans français ont proposé d'envoyer également une délégation. Toutes les autorités religieuses et tous les pays ont demandé la libération. Vraiment si ces gens qui détiennent nos deux compatriotes sont un peu raisonnables et censés, ils doivent nous les libérer le plus vite possible. C'est en tout cas le souhait de toutes les forces politiques et par conséquent de l'UMP que par intérim, comme vous le disiez, je préside actuellement.
QUESTION : En tant que maire de Marseille qui est une ville où la communauté musulmane est importante. Quelle recommandation faut-il faire pour l'application demain de cette loi ?
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : Alors vous savez qu'à Marseille, nous avons une association qui s'appelle " Marseille espérance " qui rassemble autour du maire, tous les dignitaires religieux de toutes les confessions. Bien entendu, " Marseille espérance " s'est immédiatement déclarée et a immédiatement précisé ses positions en demandant la libération de ces otages. C'est sur le plan local, l'occasion d'unir nos communautés à Marseille, elles sont nombreuses, la communauté musulmane comme vous l'indiquiez est très puissante avec 150 000 musulmans dont la moitié d'ailleurs au moins sont des Marseillais. Et par conséquent, je suis très attentif, mais j'ai d'excellents rapports avec cette communauté musulmane et elle s'est exprimée d'une telle manière, que je ne peux que les remercier.
QUESTION : Difficile monsieur GAUDIN d'avoir à l'esprit d'autres aspects de notre vie publique.
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : Oui, tout à fait.
QUESTION : Pourtant, parlons de l'UMP, si vous le voulez bien. Rendez-vous reporté hier soir entre J. Chirac et N. Sarkozy. Normal ?
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : Ça c'est une question de calendrier à régler entre le président de la République et son ministre d'Etat
QUESTION : De contexte ?
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : C'est le contexte également, comme vous le disiez à l'instant même. Nos pensées vont vers nos deux compatriotes et exclusivement vers eux, tout le reste et en particulier des affaires internes à une formation politique, chacun les connaît alternativement. Les socialistes ont eu en leur temps des problèmes, l'UDF aussi. L'UMP va entrer en élection interne, donc il y a des compétitions qui se préparent. Tout ça a peu d'importance aujourd'hui, eu égard à la situation et à la volonté que nous avons à faire en sorte que nos compatriotes soient libérés. Tout le reste aujourd'hui apparaît secondaire.
QUESTION : Si le contexte l'imposait, on pourrait même aller jusqu'à annuler les universités d'été de l'UMP ?
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : Bien entendu, nous avons aussi envisagé cela. Mais à la fois comme le disait D. de Villepin, l'autre jour aux responsables des formations politiques qui étaient réunis à l'initiative du Premier ministre à Matignon, nous ne voulons pas non plus profondément changer notre calendrier. Changer notre comportement, changer nos méthodes de travail, changer un certain nombre de choses que nous faisons tous les jours, c'est déjà céder en quelque sorte aux terroristes. Or nous ne voulons rien céder aux terroristes, c'est inacceptable, c'est intolérable, ça n'a pas d'explication ce que ces gens-là font et nous ne voulons pas donner le sentiment que nous sommes anesthésiés par eux.
QUESTION : M. Gaudin en cette rentrée, le Medef dit sa déception vis à vis de ce gouvernement, dans l'opposition on souhaite carrément le départ de monsieur Raffarin. Quelle est la bonne expression vous concernant ? C'est le soutien sans faille, c'est le soutien sans enthousiasme ou c'est le soutien faute de mieux ?
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : J'ai trouvé le président Seillière très excessif. Pourtant il n'est pas un méridional lui. Très excessif et très injuste, parce que quand il dit : Le Gouvernement de J.-P. Raffarin n'a rien fait pour les entreprises, c'est totalement faux. Et d'ailleurs un des résultats est évident aujourd'hui, il y a 12 000 chômeurs de moins, ça veut dire que dans les entreprises, on travaille et ça veut dire que dans les entreprises bien entendu, elles ont bénéficié également aussi d'avantages. Il y a eu la loi Fillon qui a permis un assouplissement des 35 heures, il y a eu des exonérations de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements qui ont été décidées par le Gouvernement. Il y a eu une loi sur l'initiative économique votée en 2003 qui a favorisé et nettement simplifié la création d'entreprise. On dit qu'aujourd'hui, on est passé à un rythme annuel de 300 000 créations d'entreprises par an, c'est le meilleur chiffre depuis dix ans. Alors il y a eu aussi des grandes réformes qui, si elles ont profité à l'ensemble des Français, ont également profité aux entreprises, comme la réforme des retraites ou la réforme de l'Assurance maladie.
QUESTION : Oui, donc le Gouvernement est bon alors ?
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : Oui, ce gouvernement fait ce qu'il doit faire dans un contexte terriblement difficile où la croissance avait beaucoup diminué, il semble qu'elle reparte maintenant et c'est tant mieux et l'a fait courageusement. Mais attendez, monsieur Seillière, il n'est pas exempt lui non plus de reproches. Et nous, les parlementaires, que nous soyons des parlementaires de droite ou de gauche, surtout quand nous sommes maires, nous avons aussi des reproches à faire à monsieur Seillière. Vous croyez que c'est normal quand des chefs d'entreprises viennent subrepticement la nuit, un vendredi soir, vider leurs entreprises, vous croyez que c'est normal que par exemple, un groupe comme Nestlé, qui a 35 sites industriels en France - il y en a un dont Nestlé dit qu'il ne va pas bien, il est justement à Marseille dans la Vallée de l'Huveaune - et sans rien nous dire, sans attirer notre attention, sans nous dire qu'il y a des difficultés, on nous annonce que dans un an, on va fermer ce site industriel à Marseille, comme on veut fermer à cause des inondations Lustucru en Arles, mais ce n'est pas acceptable ça ! Alors monsieur Seillière peut souhaiter plus du Gouvernement, mais nous, nous demandons à monsieur Seillière qu'il contrôle un peu ses patrons, surtout ceux qui sont indélicats.
QUESTION : Ca veut dire balayer devant sa porte.
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : Exactement.
QUESTION : D'un mot, monsieur GAUDIN, concernant le calendrier 2007, le ministre de l'Intérieur consulte pour savoir si ce calendrier qui est un peu trop plein, on ne pourrait pas le remanier. Comment est-ce que l'on peut le remanier ?
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : D'abord, il est très plein comme vous le dites. Ensuite la position de l'UMP est très claire, simple et précise. L'année 2007 doit être réservée aux élections nationales : présidentielles, législatives et renouvellement triennal du Sénat. Et nous devons reporter les élections locales - municipales et cantonales - en 2008. Parce que tout autre formule coincerait les élections municipales à partir de l'automne avant la session budgétaire, cela ne permettrait pas de faire une vraie campagne municipale. Or aujourd'hui les Françaises et les Français sont attachés à la proximité, les élections municipales pour eux sont très importantes et il convient de bien les traiter, d'avoir le temps de faire une vraie campagne électorale.
QUESTION : On peut trouver un consensus ?
Jean-Claude GAUDIN (Réponse) : En tout cas plusieurs formations politiques partagent le même avis que l'UMP, c'est pour moi une satisfaction.
(Source http://www.u-m-p.org, le 2 septembre 2004)