Texte intégral
Le Point : Vous vouliez breveter votre slogan " Non à la Turquie ", cela vous a été refusé
Philippe de Villiers : Oui, parce que politiquement incorrect. J'attends avec gourmandise le jugement de la cours d'appel. Le périmètre de la liberté d'expression se réduit de jour en jour.
Le Point : Comment envisagez-vous les prochaines européennes ?
Philippe de Villiers : C'est une occasion historique de remettre l'Europe d'aplomb et de rendre espoir à une majorité déboussolée.
Le Point : Pourquoi ce sujet n'intéresse-t-il pas les électeurs ?
Philippe de Villiers : Tout à été fait pour éloigner l'Europe des électeurs et soustraire notre avenir aux citoyens. Aujourd'hui, 80 % des décisions gouvernementales dépendent de Bruxelles ; demain, 90 %, y compris notre diplomatie et notre défense. Vous l'avez remarqué : la campagne pour les européennes ne dure que quinze jours une fois tous les cinq ans.
Pourquoi ? Parce que les gouvernements et leurs siamois de l'eurofédéralisme voient bien qu'il ne fait pas un temps à mettre un eurofédéraliste dehors. Les gens ont sous leurs yeux la pédagogie des faits : Alstom, les OGM, le Gaucho, le démantèlement de la PAC Bruxelles nous fait entrer dans le royaume de l'absurdie. Où est le peuple ? J'aime l'Europe d'Airbus et d'Ariane. Je ne veux pas de l'Europe de Giscard et Brejnev. Elle est archaïque et dépassée.
Le Point : Que pensez-vous de l'attitude de l'UMP à propos du référendum sur la Constitution ?
Philippe de Villiers : Nous sommes passés de l'UMP union des moutons de Panurge à l'UMP union des mutins de panurge. Le trait commun du mouton et du mutin, c'est que tous deux courent dans la panique. Je lance un appel à tous les électeurs de l'UMP dans le désarroi
Le Point : Au-delà des prochaines européennes, quelles sont vos ambitions ?
Philippe de Villiers : Je remplis ma vie à partir de trois passions : comme créateurs et scénariste du dimanche au Puy-du-Fou, comme gouverneur territorial dans mon département de Vendée, et avec des combats essentiels sur le plan national. Pour moi, la politique n'est pas un jeu.
Le Point : Cela ne vous amuse pas ?
Philippe de Villiers : Si, mais je n'aime pas la politique comme un exercice, une sorte de PMU.
Le Point : Cela fait " UMP " à l'envers
Philippe de Villiers : Précisément : les bagarres à la tête de l'UMP me rappellent les courses de petits chevaux !
Le Point : Vous dites que la droite est dans le coma
Philippe de Villiers : Ce qui manque à la droite, c'est une boussole ; ce qui manque au gouvernement, c'est une ligne ; ce qui manque à la France, c'est un cap. La droite est fascinée par la gauche la plus archaïque du monde. Moi, je veux imposer la rupture avec le socialisme rampant.
Le Point : Pourquoi n'avez-vous pas souhaité adhérer à l'UMP ?
Philippe de Villiers : Je suis un homme libre et je tiens à le rester. Je me souviens des deux promesses de l'UMP : unité et victoire
Le Point : Que pensez-vous de l'UDF ?
Philippe de Villiers : C'est un parti centriste alors que l'UMP est le parti central. Sur l'Europe comme sur d'autres sujets, l'UMP est la vitrine légale, et l'UDF le canal historique.
Le Point : De François Bayrou ?
Philippe de Villiers : Je lui reconnais deux qualités : la pugnacité et le courage. Mais il tire trop volontiers contre son camp sans désaccord idéologique. L'impression générale, c'est " pousse-toi de là que je m'y mette ".
Le Point : Quelles seraient vos définitions de la gauche et de la droite ?
La droite, c'est la réalité sociale, le contraire de l'idéologie : Quelles seraient vos définitions de la gauche et de la droite ?
Philippe de Villiers : La droite, c'est la réalité sociale, le contraire de l'idéologie : l'entreprise, l'initiative, la famille, la responsabilité personnelle. La gauche me rappelle ce mot de Méphisto : " Je suis l'esprit qui toujours nie. " La gauche nie la réalité ; elle fait du social avec du mental.
Le Point : Que pensez-vous de François Hollande ?
Philippe de Villiers : Il a beaucoup d'humour. Mais il vient de passer du statut de prétendant à celui de prince consort.
Le Point : Ségolène Royal ?
Philippe de Villiers : Elle a un nom subliminal pour la droite poitevine, un physique à déguster les langues de chat dans les salons de thé de Charente. C'est la reine du paraître, une idéologue dans un corps de starlette, un chameau dans une peau de biche. La gauche dangereuse.
Le Point : Laurent Fabius ?
Philippe de Villiers : Il est sorti du même laminoir sémantique que Juppé, mais par la porte d'en face. Juppé, côté cour ; Fabius, côté jardin. Ils avaient tiré au sort.
Le Point : DSK ?
Philippe de Villiers : C'est une intelligence paresseuse dans un cerveau dilettante. Le plus brillant à gauche. Sa sortie sur le mariage gay est choquante.
Le Point : Bertrand Delanoë ?
Philippe de Villiers : Je préfère Pierre, qui a écrit les plus belles chansons françaises.
Le Point : Jacques Chirac ?
Philippe de Villiers : C'est un personnage virtuel, adossé à l'homme du moment. Jadis, Pierre Juillet, naguère Edouard Balladur, et jusqu'en novembre Alain Juppé.
Le Point : Alain Juppé ?
Philippe de Villiers : Je ne vois plus comme avant depuis qu'il a tout pris sur lui. Au risque de vous surprendre, je trouve qu'il a montré du panache et de la grandeur d'âme. Mais je suis en désaccord total avec lui sur l'Europe.
Le Point : Jean-Pierre Raffarin ?
Philippe de Villiers : C'est mon voisin et mon ami. Par-delà nos différences, il a la religion de l'amitié. Là où il est, il ne peut pas faire grand-chose. Dommage qu'il ne soit pas Premier ministre.
Le Point : Nicolas Sarkozy ?
Philippe de Villiers : C'est une énergie irrésistible. Un allié objectif pour les européennes : il est trop fin pour ne pas savoir qu'il n'a pas intérêt à une UMP victorieuse.
Le Point : Charles Pasqua ?
Philippe de Villiers : Comment va-t-il ? Toujours à Sainte-Hélène ?
Le Point : Quel est votre principal trait de caractère ?
Philippe de Villiers : Le caractère.
Le Point : Celui dont vous êtes le moins fier ?
Philippe de Villiers : Mon mauvais caractère.
Le Point : Ce que vous préférez chez un homme ?
Philippe de Villiers : Le panache.
Le Point : Chez une femme.
Philippe de Villiers : L'esquisse d'un sourire.
Le Point : Quelle qualité vous manque ?
Philippe de Villiers : La patience.
Le Point : A quelle moment de votre vie avez-vous été le plus heureux ?
Philippe de Villiers : Lorsque j'ai créé le Puy-du-Fou, en 1978. Les joies artistiques sont sans comparaison avec les succès politiques.
Le Point : La dernière fois que vous avez pleuré ?
Philippe de Villiers : A la mort de mon père, en 2000.
Le Point : Les figures politiques récentes que vous admirez le plus ?
Philippe de Villiers : Churchill parce qu'il dit la vérité à son peuple, de Gaulle parce qu'il prend le risque de la rupture, Soljenitsyne parce qu'il accepte la souffrance, Havel parce qu'il connaît le prix de la liberté, Walesa parce qu'il connaît les abysses de l'ingratitude.
Le Point : Celle que vous détestez le plus ?
Philippe de Villiers : Fidel Castro, dans la catégorie des militants tortionnaires. Hélas, le siècle que nous quittons aura été celui de la peste rouge et de la peste brune, avec deux frères siamois : Staline et Hitler.
Le Point : Votre peintre préféré ?
Philippe de Villiers : J'en ai deux. Michel-Ange parce qu'il m'éblouit. Gaston Chaissac parce qu'il me touche. ?
Le Point : Votre livre préféré ?
Philippe de Villiers : " Le maître de Santiago ", de Montherlant.
Le Point : Vos compositeurs préférés ?
Philippe de Villiers : Brahms et Nick Glennie-Smith.
Le Point : Quelle est la faute pour laquelle vous avez le plus d'indulgence ?
Philippe de Villiers : Je suis devenu tellement indulgent avec l'âge
Le Point : Etes-vous riche ?
Philippe de Villiers : Je suis riche de mes pensées. Je ne suis pas ce qu'on appelle un héritier. J'appartiens par mon père et ma mère à une double tradition militaire. C'est une richesse de souvenir et de service.
Le Point : Avez-vous un regret ou un remords ?
Philippe de Villiers : Pas de remords. Un regret : j'aurais aimé être metteur en scène et faire des films.
Le Point : Que détestez-vous par-dessus tout ?
Philippe de Villiers : La lâcheté.
Le Point : Que possédez-vous de plus cher ?
Philippe de Villiers : Ma famille et, en son sein, ma petite perle qui s'appelle Blanche.
Le Point : Avez-vous peur de la vieillesse ?
Philippe de Villiers : Oui. Pour moi, la vieillesse n'est pas dans les traits mais dans le caractère. C'est ne plus avoir de combat à mener, ne plus avoir de défi à relever.
Le Point : Avez-vous la foi ?
Philippe de Villiers : J'ai la foi du charbonnier. Je ne suis pas un méditatif.
Le Point : Comment aimeriez-vous mourir ?
Philippe de Villiers : Pas comme dans la chanson de Brassens, " Mourir pour des idées, mais de mort lente " Mourir pour des idées, mais mériter sa mort. Ces réponses n'appartiennent qu'à Dieu.
Le Point : Quelle pourrait être votre devise ?
Philippe de Villiers : Ne pas subir.
(source http://www.villiers2004.com, le 24 mai 2004)