Intervention de M. Francis Mer, ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, sur la conjoncture économique française et son environnement international, la politique de l'épargne du gouvenrment et sur le marché financier, à Paris le 17 novembre 2003

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Circonstance : Remise du grand prix des SICAV et FCP à Paris le 17 novembre 2003

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je me félicite de participer à la remise du grand prix des SICAV et FCP du Journal des Finances. L'attribution de prix offre en effet des repères aux épargnants et constitue donc un élément de la transparence dont a besoin l marché financier.
Michel Kempinski a dressé un panorama instructif de la gestion collective et des enjeux auxquels elle est aujourd'hui confrontée.
Je retiens pour ma part plusieurs enseignements de l'examen de votre secteur :
o Alors que la gestion d'actifs a été durement frappée par un enchaînement d'épreuves de 2000 à 2002 sur lequel je n'ai pas besoin de revenir, les Français ont maintenu leur confiance dans les techniques de gestion financière collective en continuant d'investir dans les OPCVM. L'industrie française a bien résisté et se situe toujours au premier plan européen en termes d'encours.
o Votre activité, parce qu'elle couvre tous les marchés et innove en permanence, est un excellent indicateur du comportement des épargnants français et plus particulièrement de leur rapport au risque. Dans la foulée de la chute des marchés boursiers, vos clients ont suivi une approche défensive en se réorientant vers les produits de taux et les fonds garantis. Ce rôle de miroir de l'aversion/attraction pour le risque me fait noter avec un intérêt particulier le redressement de la collecte des OPCVM actions sur la période récente. Alors qu'on constatait encore une décollecte en volume sur le 1er trimestre, le mouvement s'est clairement inversé à partir de la fin mars.
Cette amorce est encourageante. Vous avez regagné la confiance des investisseurs en accompagnant leur mouvement de prudence. Il vous faut aujourd'hui éviter de les laisser se complaire dans l'aversion au risque, à laquelle les Français ont une tendance trop naturelle...
Pour vous aider dans cette tâche, le gouvernement met sa politique économique au service de la croissance et du redressement de l'économie (I).
Il oriente sa politique d'épargne en faveur d'usages plus productifs (II).
Enfin, il modernise le cadre juridique du secteur financier pour garantir la confiance des investisseurs dans la durée (III).
I. Les signaux positifs que je relevais tout à l'heure confortent mon appréciation de la conjoncture économique française et de son environnement international.
Nous avons connu une période difficile, et les dernières statistiques rétrospectives en restent naturellement marquées. La faiblesse des exportations et de l'investissement a continué a pesé sur la croissance. Mais, comme le montrent les tous derniers chiffres, l'emploi a bien résisté, et mieux que lors des précédents ralentissements de l'activité. La consommation des ménages est restée relativement forte puisqu'elle devrait progresser au final de 1,6 % cette année, soit un peu plus qu'en 2002 et que dans le reste de la zone Euro.
Mais surtout, les "indicateurs avancés" montrent que la reprise mondiale est en en train de gagner l'Europe et la France. La machine américaine est repartie, de manière spectaculaire (+ 7,2 % en rythme annuel au troisième trimestre). L'activité reste forte en Asie, où le Japon semble enfin sorti de sa léthargie. Le redressement des marchés boursiers se confirme avec une hausse de près de 40 % dans la zone euro depuis le point bas du printemps. En France et en Europe, les enquêtes de conjoncture font apparaître un net redressement du climat des affaires. C'est le cas dans les services où l'activité a redémarré dès l'été, la France étant plutôt en avance sur ses voisins. C'est aussi le cas dans l'industrie où la production semble avoir également redémarré ces tous derniers mois. En France, notons l'envolée des créations d'entreprises : + 13,5 % sur un an. Au total, le scénario de reprise que nous avons inscrit dans le PLF se concrétise. Les dernières estimations de croissance de l'INSEE, à 0,3-0,4 % pour le 3ème trimestre, sont bonnes et l'activité semble à même de retrouver un rythme annuel de croissance proche de 2,0 % dès le trimestre en cours.
Le gouvernement accompagne cette reprise de l'activité par une politique favorable à la croissance et pro-active face aux défis de long terme. C'est ainsi qu'il faut lire le projet de loi de finances actuellement en discussion au Parlement et notre action continue de réformes.
Nous avons décidé de laisser jouer, en 2003, les stabilisateurs automatiques pour ne pas conforter des tendances récessives qui pouvaient être à l'oeuvre. Nous avons confirmé notre engagement de réduire les prélèvements de l'Etat sur l'économie dans la durée, en baissant l'impôt sur le revenu de 3 %. Pour autant, nous voulons tenir nos engagements européens en matière de finances publiques. C'est une nécessité en raison de l'intégration de la France dans la Zone Euro, mais aussi pour des impératifs structurels : le vieillissement de notre population nous impose de maîtriser la progression de notre endettement. Pour cela, nous " tenons " l'exécution budgétaire en 2003 et nous nous donnons les moyens de réduire le déficit budgétaire en 2004 et de redescendre sous la barre des 3 % en 2005.
Le rétablissement de notre situation budgétaire s'accompagne nécessairement de celui des comptes sociaux où il nous faut impérativement préparer l'avenir en conjuguant en 2004 une obligation d'explication et un impératif de résultat sur l'assurance-maladie.
Sur un plan plus " micro-économique ", le gouvernement place toute son action dans un axe stratégique en faveur de l'encouragement au travail, de la stimulation de l'innovation et du développement de l'attractivité du site France, auquel je suis particulièrement attaché. La loi sur l'initiative économique votée au printemps a considérablement simplifié la création d'entreprise. Le projet de loi de finances relance le crédit impôt-recherche. Cette politique sera poursuivie dans la lignée du rapport du député Sébastien Huygue et de ses propositions concrètes en faveur de l'implantation de sièges sociaux et de centres d'affaires sur notre territoire. Je peux vous confirmer que les mesures fiscales relatives au régime des impatriés seront intégrées dans le projet de loi de finances rectificatives pour 2003 qui sera présenté au Conseil des Ministres mercredi. Ces mesures permettront l'exonération pendant 5 ans des " primes d'impatriation " pour les salariés nouvellement détachés par des entreprises étrangères qui n'ont pas été résident fiscal en France depuis 10 ans, ainsi que la déductibilité des cotisations qu'ils versent à des régimes sociaux de leur pays d'origine. Ce régime permet à la France de se battre à armes égales avec ses voisins pour l'implantation des centres de décision, sans pénaliser les cadres français puisqu'il ne porte que sur les surcoûts engendrés par l'expatriation.
II. La politique de l'épargne du gouvernement peut se lire également sous ce prisme de l'action structurelle. Le niveau de l'épargne en France est élevé. Notre objectif est donc de mieux orienter les flux d'épargne vers des usages productifs, notamment le financement des entreprises au travers de l'épargne en actions. Plusieurs décisions structurent cette politique, dont la plus marquante est la création du produit d'épargne retraite qui nous manquait : le PERP. De puissants avantages fiscaux sont mobilisés en sa faveur, pour donner aux actifs les moyens de leur prise de responsabilité par rapport à leur avenir.
Le calibrage de ce produit a été soigneusement étudié pour que sa gestion longue favorise une allocation diversifiée en actions, garante d'une performance satisfaisante de long terme. Nous nous sommes d'ailleurs inspirés de l'expérience des OPCVM pour doter ce produit de la meilleure sécurité patrimoniale, en faisant intervenir un dépositaire et un cantonnement juridique.
Plus directement, de nombreuses mesures très favorables ont été votées qui encouragent l'investissement en actions, dans l'intérêt du financement de nos entreprises : relèvement du plafond du PEA [de 120 000 euros à 132 000 euros ]; du seuil d'imposition des cessions de titres [de 7 650 euros à 15 000 euros], extension du délai d'imputation des moins-values de 5 à 10 ans, rétablissement de l'abattement sur les dividendes pour tous les contribuables, imputation anticipée des pertes en cas de liquidation ou de cession d'entreprises.
Cette année, l'actualité est dominée, et je sais que cela ne vous aura pas échappé, notamment si vous lisez le Journal des Finances, par la réforme du régime fiscal des distributions, avec la suppression de l'avoir fiscal pour les dividendes distribués à compter du 1er janvier 2005. Les réactions ont été parfois très vives et méritent d'être nuancées. J'ai ainsi pu lire que la double imposition des dividendes était rétablie ! C'est un comble, quand on connaît les avantages que procure aux épargnants français la détention des actions dans un PEA. Cette réforme est nécessaire : le régime actuel est complexe, il nuit à la compétitivité des entreprises et génère une " perte en ligne ", le remboursement de l'avoir fiscal aux non résidents, qui est in fine coûteuse pour le contribuable domestique (600 M d'euros en 2002). Nous devons en outre le faire évoluer pour être en cohérence avec le droit communautaire, la France est le dernier pays à pratiquer ce système (avec la Finlande, pour être exact).
Je voudrais redire très solennellement que le gouvernement n'a aucunement cherché à tirer des économies de la réforme, et ce malgré le contexte budgétaire que vous connaissez.
D'abord, sa mise en place est très progressive, puisque l'avoir fiscal est maintenu en 2004 et 2005, au titre des dividendes distribués cette année et l'année prochaine.
Deuxièmement, des mesures de compensation importantes (crédit d'impôt et maintien du niveau actuel de l'abattement) viennent en limiter les contreparties négatives pour l'actionnariat individuel. Les députés ont exprimé la crainte que la réforme ne détourne, à un moment crucial, les petits et surtout les " moyens porteurs " des marchés actions. A leur demande, le crédit d'impôt prévu a été significativement relevé à 230 euros pour un couple. L'effort financier est tout à fait significatif, et la réforme n'est plus " neutre " fiscalement, mais favorable aux actionnaires.
III. Cela étant, la meilleure incitation en matière financière, c'est la confiance.
A cet égard, vous venez de voir surgir un nouveau défi, avec le récent scandale des " Mutual Funds " aux Etats-Unis. Les pratiques relevées, qui sont prohibées ou très contestables au regard de l'intérêt général des souscripteurs, ont toutes pour point commun de profiter d'une certaine opacité pour favoriser des catégories de clients particulières (et, en même temps, les gestionnaires de fonds) au détriment des non initiés.
Je n'ai pas de raison de penser que de telles pratiques sont répandues sur la place financière de Paris, mais je sais que la profession prend néanmoins très au sérieux ce risque de nouvelle atteinte à la confiance. Cette attitude est la bonne. Quand des abus sont dénoncés, fut-ce dans un autre pays, il nous faut démontrer notre capacité d'introspection et de réponse. Sans inquiétude, mais sans complaisance, nous devons donc, nous aussi, examiner nos propres pratiques. Je me félicite à cet égard que la COB ait rapidement défini une démarche pour vérifier la conformité des pratiques avec la déontologie, en adressant un questionnaire précis aux sociétés de gestion pour identifier les risques.
Parallèlement, je ne peux que me féliciter du récent aboutissement de la réflexion sur la transparence et les frais de gestion, sous la forme de nouveaux règlements de la COB que j'ai homologués et qui seront tout prochainement publiés. Il s'agit d'un sujet sensible, notamment du point de vue de la compétitivité. Mais la confiance serait mise à mal par une certaine opacité dans les frais facturés à l'épargnant. Je note d'ailleurs que le scandale des " Mutual Funds " rebondit sur cette question aux Etats-Unis. Je souhaite donc que cette réflexion soit poursuivie par l'AMF et que nous progressions sur le dossier de la gestion pour compte de tiers, en conciliant l'intérêt du mandant et l'équilibre économique du secteur.
Cette actualité est la meilleure démonstration, s'il en fallait une, que nous avons eu raison de renforcer les moyens et la crédibilité du régulateur avec la loi de sécurité financière. Lundi prochain, j'installerai la nouvelle " autorité des marchés financiers ". Cette autorité unique qui se substitue aux autorités existantes avec des moyens d'action plus importants, couvrira l'ensemble de la chaîne de l'information financière. Outre la COB et le CMF, elle intègre l'ancien " conseil de discipline de la gestion financière ", qui s'est réuni pour la dernière fois le 24 octobre dernier. Je saisis cette occasion pour saluer son remarquable parcours. Il a su, en particulier, démontrer que des professionnels pouvaient juger leurs pairs en toute indépendance. L'AMF poursuivra sa tâche et je suis sûr que ses futurs dirigeants et membres auront à coeur d'intégrer pleinement les problématiques de la gestion, dans l'exercice de la discipline comme dans celui de la concertation.
Le régulateur, ainsi renforcé, pourra s'appuyer en matière de gestion collective sur une base normative modernisée. Deux décrets fondamentaux en matière d'évolution de la gestion collective sont en cours de publication. Ils marquent la plus importante évolution juridique en matière d'épargne collective depuis 1988 et la transposition de la précédente directive européenne. Ils ont donné lieu à une concertation approfondie et je ne vais donc pas en détailler les dispositions. Refondant les définitions et la réglementation des fonds les plus innovants - indiciels, alternatifs, et même, des " fonds de fonds " -, permettant l'introduction en France d'OPCVM constituées hors de l'OCDE ainsi que de fonds d'investissement de proximité au service des PME régionales, ils vous mettent au meilleur niveau européen tout en vous permettant d'offrir une palette enrichie d'instruments compétitifs sous droit français.
Mesdames et Messieurs, vous jouez un rôle crucial de entre les épargnants et les marchés en leur fournissant des services qui leur permettent de bénéficier des performances réservées aux professionnels. Continuez à les accompagner dans cette démarche d'investissement financier, respectant un équilibre bien raisonné entre sécurité, innovation, transparence et compétitivité.
Je vous remercie.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 20 novembre 2003)