Déclaration de Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, sur la promotion de l'égalité des chances dans le système éducatif, les choix d'orientation professionnelle entre les filles et les garçons et la mixité dans certains métiers, Paris le 27 mai 2004.

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Circonstance : Colloque de mi parcours de la convention du 25 février 2000 relative à l'égalité des chances dans le système éducatif à Paris le 27 mai 2004

Texte intégral


C'est avec plaisir que j'ouvre les travaux de cette journée réellement exceptionnelle puisque pas moins de six ministères sont présents aujourd'hui ; des ministères qui se sont tous engagés en faveur du même objectif : promouvoir l'égalité des chances dans le système éducatif.
1. Importance de cette Convention pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif car c'est le premier exemple de démarche intégrée de l'égalité au niveau national.
Les trois ingrédients de la démarche intégrée sont présents :
* une plate forme d'action avec ses trois volets qui serviront de fil rouge aux tables rondes de ce jour: la diversification des choix d'orientation, l'apprentissage du respect de l'autre par la promotion d'une école non violente et non sexiste, enfin la sensibilisation des acteurs.
* la mise en réseaux d'acteurs
Je souhaite ici rendre hommage à l'engagement des réseaux ministériels ici présents car ils font vivre chaque jour sur le terrain la convention, en convainquant les acteurs locaux de l'utilité de la démarche, en impulsant des actions de plus en plus nombreuses, diversifiées et originales, pour certaines dans le cadre de conventions régionales. J'ai assisté notamment en février dernier à la signature de la convention de Basse Normandie pour la promotion de l'égalité des chances dans le système éducatif.
* l'évaluation enfin qui est notamment réalisée par ce colloque même.
Le 8 mars dernier, j'ai en quelque sorte amplifié cette démarche en présentant au Premier ministre la Charte nationale de l'égalité qui couvre l'ensemble des champs d'actions et rassemble une centaine d'acteurs et près de 300 actions. Vous avez participé largement à cet exercice.
Les six ministères représentés ici aujourd'hui, ont en quelque sorte anticipé sur cette démarche intégrée de l'égalité, en décidant il y a quelques années, d'unir leur compétences et leur savoir-faire pour que l'égalité dans le système éducatif soit assurée.
Je tiens à cet égard à remercier Mme Belloubet-Frier pour le travail qu'elle effectue en tant que présidente du comité de pilotage de la convention et notamment pour l'organisation de cette journée qui va permettre de rendre visible l'action interministérielle menée depuis quatre ans et de mettre au jour les pistes d'amélioration afin de définir des perspectives de travail communes.
2. Importance de la formation initiale pour l'égalité professionnelle
Mais votre engagement pour l'égalité dans la formation initiale va bien au delà, car l'égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif représente un investissement social qui sert à la fois l'affirmation de la démocratie, fortement basée sur la valeur du "respect d'autrui" et le développement de notre économie.
L'égalité au niveau de la formation initiale est intimement liée à la politique en faveur de l'égalité professionnelle.
Le constat aujourd'hui est sans ambiguïté.
Les choix d'orientation professionnelle des filles et des garçons, notamment, sont encore le reflet des représentations des rôles sociaux traditionnels assignés à chacun des deux sexes.
En effet, on continue d'observer que les jeunes filles, malgré leur meilleure réussite scolaire, continuent à laisser aux garçons les filières les plus sélectives et les plus valorisantes sur le marché du travail. Les choix restrictifs des jeunes filles au niveau de la formation initiale leur ferment de nombreuses portes pour leur insertion sur le marché du travail. Les femmes se concentrent dans seulement 6 catégories socioprofessionnelles sur 31 existantes et sont également sur-représentées parmi les demandeurs d'emploi et les occupants d'emplois précaires.
La politique que je mène en termes d'égalité professionnelle est basée sur un objectif principal : élargir le choix des possibles aux femmes en leur permettant de bénéficier d'une autonomie pleine et entière.
3. Mais depuis l'an 2000, date de cette Convention, il semble que certains phénomènes se soient amplifiés et que l'école, une fois encore, soit le terrain d'interrogations multiples, comme le révèle certaines conclusions du grand débat sur l'école, récemment mené par le gouvernement. Deux grandes questions ont ainsi émergé qui mériteraient peut-être d'être intégrées en tant que telles dans les travaux collectifs des membres de cette Convention. Je veux parler de la mixité et de la laïcité.
Il apparaît aujourd'hui en effet que si la mixité s'est imposée à l'école, la coexistence des garçons et des filles dans une même classe ne suffit pas à créer l'égalité, car il faut agir sur les consciences et modifier les comportements.
Car c'est bien cela notre but.
Récemment la mixité s'est vue imputer tous les dysfonctionnements de l'école - échec scolaire, violences - comme si le simple fait de mêler filles et garçons sur les bancs de l'école aurait dû suffire à l'établissement d'une école non sexiste et non violente.
Le rapport de Gisèle Gautier, Présidente de la Délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui vient de paraître, montre clairement que c'est un faux procès qui est fait aujourd'hui à la mixité. Et il est important de manifester fortement son attachement au principe de mixité qui est devenue un ferment de notre vie quotidienne, aussi bien à l'école que dans la vie professionnelle et sociale.
Défendre la mixité, c'est défendre tout un projet de société où les différences sont vues comme un facteur d'enrichissement et non comme un facteur d'exclusion.
C'est sur cette base que la mixité à l'école, en permettant de confronter les différences, est une condition sine qua non de l'apprentissage du respect mutuel.
Et pourtant comment ne pas souligner la réussite scolaire des filles mais aussi leur relatif échec social ? C'est bien là le cur du paradoxe.
Comment se fabrique socialement le manque d'assurance des femmes, patent même chez celles qui réussissent le mieux ? Comment créer chez les filles un sentiment d'estime de soi ? Comment se fait-il que les filles semblent se laisser enrôler volontiers dans ce qu'on a appelé le " métier d'élève ", en s'adaptant bien aux normes scolaires mais s'en trouvent fragilisées dès lors que la réussite dépend d'un affranchissement des règles du simple exercice, d'une indépendance à l'égard des jugements de l'institution et d'une affirmation de soi dans des enjeux sociaux extra scolaires ?
Citons à cet égard le très bon ouvrage de Sophie Ernst, " la mixité inaccomplie " : " Notre société est complexe en ce qu'elle exige deux aptitudes qui ne sont pas forcément convergentes... : d'un côté du civisme et une grande intelligence de l'adaptation circonstanciée à la norme, de l'autre, une forte affirmation de soi comme ayant un projet personnel autonome et des aspirations originales. Or tout se passe comme si la résultante de tout notre système d'éducation- parents, médias, école, groupe de pairs-, assignait de préférence l'une ou l'autre de ces polarités à l'un ou l'autre sexe, au lieu de les faire coexister, certes en tension, mais en tension créative chez chacun. Aux garçons, l'affirmation du moi et la capacité à affronter le défi et la compétition, aux filles le respect des normes et l'attention à autrui dans les pratiques de solidarité et d'assistance ".
Sans doute faut-il donc davantage accompagner la mixité et je souhaiterais évoquer devant vous quelques pistes d'action qui me semblent importantes et dont je discuterai très prochainement avec mon collègue, ministre de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, François Fillon.
Un sujet me préoccupe particulièrement ; c'est celui du risque de fossé numérique entre les femmes et les hommes. Je considère qu'aujourd'hui, la maîtrise des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) est aussi déterminante pour l'autonomie des femmes que le permis de conduire il y a 40 ans. Et la faible présence des jeunes filles dans les filières de formation menant aux secteurs des TIC est un signal d'alarme auquel nous devons répondre de façon urgente. A titre d'exemple, les jeunes filles ne représentent que 13,5% des étudiants en DUT informatique.
Il nous faut, à l'exemple du Plan National d'Action pour l'Emploi, nous fixer des objectifs de progression quant à la part des jeunes filles dans les filières scientifiques et techniques avec un accent particulier mis sur les TIC et sur le public spécifique des jeunes filles dans les quartiers urbains sensibles.
Par ailleurs, il convient d'élargir les actions de sensibilisation des acteurs. Ainsi une partie des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM) ont mis en place des modules de formation sur l'égalité des chances. Sachant que les enseignants, hommes et femmes, contribuent, de manière inconsciente à la reproduction des stéréotypes sexistes et des schémas sociaux traditionnels, ce n'est pas une partie mais l'ensemble des futurs enseignants qui doivent être formés à la gestion de la mixité et à l'égalité, si l'on veut qu'émerge enfin une pédagogie non sexiste. Il conviendrait donc que soit intégré UN MODULE DE FORMATION A L'EGALITE DANS LES PROGRAMMES DES IUFM.
Dans le même esprit de cohérence et d'efficacité, je souligne l'importance du système de CLASSES PASSERELLES. L'action que nous menons en termes de diversification des choix d'orientation des jeunes filles vers les filières scientifiques et techniques n'a de sens que si nous donnons une solution à celles qui se sont orientées initialement vers d'autres filières pour modifier leur parcours.
Enfin, l'élargissement des partenariats me semble indispensable pour que tous les acteurs agissant sur le système éducatif soient parties prenantes de l'action et lui donnent toute l'amplitude nécessaire.
Je pense en premier lieu aux branches professionnelles qui se sont engagées dans l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle, à développer la communication sur l'image et la représentation sociale des métiers. Je rappelle que cet accord a été signé à l'unanimité par les partenaires sociaux le 7 avril dernier. Dans ce cadre, il pourrait donc être proposé aux partenaires sociaux de s'associer à un GROUPE DE TRAVAIL (4) composé également des représentants des six ministères signataires de la convention qui serait chargé de mettre en place un PROGRAMME DE COMMUNICATION.
Sur la question des manuels scolaires, j'aimerais également qu'un travail soit opéré en association avec les éditeurs, afin de développer une sorte d'autodiscipline des professionnels, à l'instar de ce qui a été fait dans le domaine de la publicité. Il s'agit que les modèles d'identification proposés aux filles dans les manuels scolaires soient en phase avec l'évolution du statut de la femme dans la société actuelle.
Enfin, perpétuant le travail mené avec les représentants des collectivités locales dans le cadre de la Charte de l'égalité, je compte sensibiliser l'ensemble des maires de France dans le cadre d'un nouveau projet de CHARTE, celle-ci EN FAVEUR DE L'EGALITE ENTRE LES FILLES ET LES GARCONS DANS LA VIE MUNICIPALE (6). Il s'agirait, à l'initiative des maires, de mobiliser des jeunes pour élaborer conjointement cette Charte, adaptée au contexte de la commune et privilégiant les thèmes les plus proches de la vie quotidienne de ces jeunes. Avec l'accord du maire, elle serait ensuite soumise au vote du Conseil municipal et donnerait lieu à un plan d'action civique. Au delà de la sensibilisation à l' égalité, cette action permettra de montrer aux jeunes l'intérêt et la finalité de leur engagement citoyen et de leur participation à la vie politique locale.
4. Je souhaiterais en conclusion évoquer l'importance de la question de l'égalité professionnelle au sein même de mon action.
Depuis deux ans, j'ai délibérément incité largement les entreprises à s'investir dans une démarche vers l'égalité professionnelle. C'est pourquoi j'ai créé " le label égalité " destiné à valoriser les entreprises qui consacrent l'égalité professionnelle comme une de leur préoccupation majeure.
J'ai aussi prévu de mettre à la disposition des entreprises un répertoire des bonnes pratiques en matière d'égalité professionnelle afin de mutualiser les expériences réussies .Ainsi les femmes pourront prendre leur pleine mesure à tous les postes et les fonctions que leur offriront ces entreprises modernes.
Dans le même esprit de valorisation des compétences des femmes, j'ai décidé de m'atteler à deux autres priorités : la réforme du statut de conjoint collaborateur et la promotion de la Validation des Acquis de l'Expérience (et même l'expérience de la gestion des responsabilités parentales) qui sont également deux outils indispensables pour décloisonner le champ des possibles qui s'ouvrent aux femmes.
Plus largement, et ce sera l'objet de la communication en Conseil des ministres du 7 juin prochain, je souhaite faire prendre conscience que la maternité n'est pas un handicap pour la carrière.
L'action à mener doit tendre vers ce but qui est de faire de l'égalité une réalité quotidienne et non plus seulement un droit consacré.
C'est ce message qu'il faut entendre à travers le passage du ministère dont j'ai la charge à un ministère de plein exercice, voulu par le Président de la République et le Premier ministre.
En promouvant, comme vous le faites, l'égalité des sexes dans le cadre de l'école mixte, il s'agit plus largement de transformer la société dans son ensemble; voilà il me semble notre ambition commune.
Je vous souhaite à toutes et tous une excellente journée.
Je laisse la parole à Monsieur de Gaudemar, Directeur de l'enseignement scolaire.

(source http://www.social.gouv.fr, le 25 août 2004)