Texte intégral
Mairie de Montreuil - 16 avril 2004
Je tiens d'abord à vous remercier pour cette rencontre organisée très rapidement en période de vacances scolaires ;
Merci, Monsieur le Maire, de nous accueillir dans votre mairie. Je tenais personnellement au symbole fort de ce lieu républicain, la " maison commune " de tous les montreuillois et montreuilloises ;
J'ai vu hier soir le reportage réalisé pour Envoyé spécial sur France 2 ;
C'est d'ailleurs plus un témoignage sur le vif qu'un reportage, un témoignage qui aura été vu par des millions de Français et qui les aura certainement choqués;
J'ai cru utile d'être immédiatement parmi vous pour deux raisons :
D'abord parce que la haine antisémite qui crève ces images est inacceptable et indigne.
Chacun doit savoir que sur ce sujet, le gouvernement sera intraitable.
Mais je veux aussi dire combien cette haine de quelques uns ne doit pas masquer les efforts constants des enseignants et responsables des deux établissements pour créer un climat de compréhension mutuelle.
Les dernières statistiques dont nous disposons montrent une tendance à la diminution sur le plan national des faits de violence signalés dans le premier et le second degré. Mais dans la même période, les actes antisémites et racistes progressent.
Face à ces actes, aucune excuse personnelle, aucune raison extérieure, aucune explication sociale ne sont acceptables.
Je n'ignore pas ce qui se passe dans certains lycées et collèges : violences, trafics, replis sur des communautarismes ethniques ou religieux. Je sais les tensions qui pèsent de ce fait sur les équipes de direction et d'éducation, les difficultés qu'éprouvent des professeurs à simplement enseigner leur discipline.
Mais ces phénomènes ne touchent heureusement pas, loin s'en faut, l'ensemble des établissements scolaires de notre pays !
Les Français doivent savoir que l'engagement de l'Education nationale contre le racisme et la violence scolaire est concret et quotidien :
Chaque fois qu'il faudra trancher en faveur de nos principes républicains, je serai aux côtés des enseignants.
Chaque fois qu'il faudra réaffirmer leur autorité, je serai là.
L'Education nationale, à tous les niveaux, a pris la mesure de la situation.
Elle affirme avec force les principes républicains sur lesquels l'école repose : l'égalité des chances et, précisément, la laïcité, qui implique le respect de la diversité des croyances religieuses, le respect de chacun, indépendamment de la communauté à laquelle il se sent appartenir.
Des dispositions concrètes prises par le gouvernement sont déjà venues au niveau national en garantir l'application. La loi du 3 février 2003 a renforcé les peines à l'encontre des auteurs d'infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.
A ce sujet, une réunion du Comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme permettra de faire un point complet dès le 3 mai prochain.
Des mesures de soutien aux personnels des établissements confrontés à ces difficultés sont mises en uvre. Je veux saluer ici l'action des médiateurs, qui interviennent en permanence dans les établissements, et y dénouent, en coopération avec les équipes éducatives, des situations de crise et des conflits.
Je serai en permanence informé sur ces questions, grâce aux remontées quotidiennes des recteurs. Je leur ai demandé de prendre sur le champ toutes les mesures nécessaires contre les actes et les propos racistes et antisémites.
Je voudrais aussi évoquer les partenariats actifs que l'Education nationale a engagé au plan local. Ils concourent souvent à la réduction des phénomènes communautaristes : leur objectif principal est l'intégration, mission essentielle du service public d'éducation.
En Seine-Saint-Denis, l'observatoire des violences en milieu scolaire est une aide précieuse. La collaboration entre la police, la justice et l'Education nationale est exemplaire. M. le Préfet a engagé pour sa part diverses actions de lutte contre l'antisémitisme.
D'autres dispositions sont nécessaires, en particulier pour la sécurisation des transports, dans lesquels se déroulent beaucoup d'incidents. Sur cette question, je serais intéressé par les avis et propositions que vous pourrez me faire.
Je tiens à relever ici la façon dont le corps enseignant sait s'adapter à des élèves d'une très grande diversité, et à des situations mouvantes et parfois éprouvantes.
L'action commune des responsables et enseignants du collège Paul Eluard et le lycée Ort est à cet égard exemplaire. Je pense notamment au voyage d'étude à Auschwitz organisé en 2001, aux débats sur le racisme et l'antisémitisme impliquant des classes au niveau collège des deux établissements, aux travaux constants de rappel à la loi qui rejoignent les efforts sur le devoir de mémoire au niveau de l'Académie.
A travers votre action, je veux rendre hommage à l'ensemble de la communauté enseignante car c'est sur le terrain, dans les classes, que se joue en grande partie l'enjeu de la cohésion nationale.
Mais la lutte contre toutes les formes de violence scolaire n'incombe pas à la seule Education nationale : elle est une responsabilité partagée. Partagée avec les autres services de l'Etat, avec l'ensemble des élus, avec le monde associatif, partagée avec les familles.
Chacun doit jouer pleinement son rôle dans ce combat.
Je pense particulièrement à l'engagement des jeunes qui sont dans leur immense majorité si attachés aux valeurs de fraternité, de solidarité et d'égalité. Avec elles, tout est possible, sans elles la haine continuera de gagner du terrain.
Avant de dialoguer avec vous, je tiens à redire que tous les abus, toutes les agressions, surtout lorsqu'ils toucheront aux personnes, trouveront en moi un adversaire déterminé. En matière de racisme et d'antisémitisme, seule la tolérance zéro est acceptable.
Leurs auteurs sont souvent de jeunes gens éprouvant des situations personnelles et familiales difficiles. A l'évidence, ils ont le plus grand besoin d'être compris, aidés, en un mot éduqués.
Mais soyons clairs : la faiblesse à leur égard n'est certainement pas le meilleur moyen de les tirer d'affaire, ni de protéger leurs camarades et l'ensemble de la communauté scolaire. Le contexte social de ces adolescents ne peut en aucun cas justifier leur irresponsabilité et la démission de leur entourage.
Nous vivons une époque difficile, faite d'incertitudes, de risques et de doutes. Nous avons plus que jamais besoin d'une école dont la mission est d'être le creuset de la République.
Cette mission, l'Education nationale la remplit au jour le jour.
Vous pouvez compter sur moi pour n'épargner aucun effort pour l'accompagner dans cette tâche.
Je m'appuierai résolument sur l'autorité et le sens des responsabilités des chefs d'établissement, de leurs équipes éducatives, des enseignants et naturellement du personnel non-enseignant dont je n'oublie pas le rôle.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 16 avril 2004)
Europe 1 - 8h20 Le 16 avril 2004
Q- J.-P. Elkabbach-. Des violences racistes et antisémites sont en train de se développer, chez les jeunes, dans différents lycées et collèges de France. France 2 révélait hier soir le cas de deux établissements de Montreuil, l'un public, l'autre juif mais non religieux. Laissez-vous faire, vous ?
R- "Non, pas du tout. On a, depuis 2000, une montée continue des actes et des agressions racistes et surtout antisémites. Et le reportage de France 2 d'hier soir, d'E. Chouraqui, met en lumière des actes qui sont inacceptables, qui sont révoltants, et qui, finalement mettent en cause l'unité de la République que je défends et dont le rôle du Gouvernement est d'assurer la défense."
Q- Un des gamins interrogés hier dans le reportage, dit : "On n'est pas du tout protégés en tant que juifs en France" !
R - "Ce n'est pas vrai ! Et ce qui me choque dans ce reportage, c'est qu'il ne montre qu'un aspect des choses. La montée du racisme, l'antisémitisme, c'est une réalité et on est tous mobilisés pour la combattre. Mais dire que l'Education nationale, que les équipes pédagogique des collèges, que le Gouvernement n'agissent pas pour lutter contre cet antisémitisme, n'est absolument pas exact."
Q- Mais vous dites cela, parce que les dirigeants des écoles, les profs, les parents d'élèves protestent contre les propos qui ont été entendus de France 2, alors qu'il s'agissait de libérer la parole des jeunes ?
R - "Parce qu'ils font un travail extrêmement difficile et, dans ces deux établissements de Montreuil depuis plusieurs années, en liaison d'ailleurs avec les autorités académiques, mais aussi avec la municipalité de Montreuil, il y a un énorme effort de fait. Ces deux établissements ont organisé un voyage à Auschwitz, ils ont organisé des concours autour du thème du racisme et autour de la Shoah. Nous avons mis des moyens nouveaux, très importants, depuis deux ans, pour lutter contre le racisme - cela a été d'ailleurs le travail de L. Ferry - : il y a eu le renforcement de la loi qui punit les actes racistes et les actes antisémites ; nous avons mis en place un livret, un renforcement de l'éducation civique..."
Q- D'accord. Mais vous voyez bien que cela ne suffit pas.
R - "Cela ne suffit pas mais c'est un vrai travail de longue haleine, parce que c'est toute la société française qui est concernée...."
Q- Aujourd'hui, la mode n'est-elle pas de dresser les uns contre les autres ? Musulmans, noirs contre juifs ou même chrétiens ? Et alors, si c'est la mode, comment démoder ces mauvaises nouvelles pratiques ?
R - "C'est pour cela que je me rends à Montreuil en quittant cette émission. C'est pour cela que je réagis, ce matin. C'est parce que les enseignants, qui font un travail très difficile, doivent être soutenus. Et mon rôle est de les soutenir. Et à chaque fois qu'ils sont mis en cause, comme c'est le cas d'une certaine manière dans ce reportage, j'irai à leurs côtés pour les soutenir. Naturellement, il y a..."
Q- Mais à qui allez-vous faire peur ? Pardon, hein... Mais est-ce qu'il suffit que le ministre arrive pour que tout rentre dans l'ordre ?
R - "Non, il s'agit de les soutenir pour qu'ils continuent l'effort pédagogique qu'ils ont entrepris pour extirper le racisme de nos écoles. Mais il faut que tout le monde s'y mette, il faut que l'ensemble de la société française se sente concerné. Et les médias au premier rang de cette société française."
Q- Pourquoi les médias ?
R - "Parce que l'on ne peut pas, d'un côté, dénoncer la violence qui monte dans la société française et en faire l'essentiel des programmes de télévisions toute la journée. Donc, chacun doit, pour ce sujet, faire son autocritique."
Q- Tout en respectant - attention ! - la liberté d'expression qui est totale et garantie, y compris à la télévision ? Il s'agit de montrer la réalité même...
R - "La liberté d'expression autorise le ministre de l'Education nationale à dire aux responsables des médias ce qu'il pense de leur programmation. Après, pour le reste, chacun prend ses responsabilités. Ce n'est naturellement pas moi qui vais la programmation des chaînes de télévisions."
Q- Ce matin, de votre part, à l'habitude si retenu, c'est plus qu'une fâcherie, c'est une vraie colère. A qui s'adresse-t-elle ?
R - "Non, ce n'est pas "une colère", La colère est d'abord contre la montée de cet antisémitisme qui est insupportable et qui menace vraiment notre unité républicaine, mais elle est aussi contre tous ceux qui traitent ce sujet de manière un peu légère. C'est un sujet qui est grave, c'est un sujet qui est difficile. On ne peut pas venir dans un quartier, faire quelques images et s'en aller. Il y a des enseignants qui, eux, y sont toute l'année. Ils font un travail très difficile. Il faut qu'ils sentent qu'ils sont reconnus par la Nation dans le travail qu'ils font."
Q- J'ai noté qu'E. Chouraqui allait témoigner, le 3 mai, sur l'antisémitisme, à Matignon. Il est donc invité parce qu'il a triché ?
R - "Non, il n'a pas triché. Je n'ai pas dit..."
Q- Il s'est trompé ?!
R - "Non, il ne s'est pas trompé ! Il ne s'est pas trompé !"
Q- Ou il a donné une version partielle de la réalité ?!
R - "Non. C'est un témoignage..."
Q- C'est une forme de prime à l'erreur ?
R - "Non. C'est un témoignage. C'est d'ailleurs moi qui ait demandé au Premier ministre de prendre une initiative à l'occasion du Comité interministériel. Ce Comité interministériel va entendre E. Chouraqui qui va, au fond, dire devant le Comité interministériel, comment il a ressenti la situation à Montreuil. Mais on va aussi entendre le recteur, on va aussi entendre le préfet, qui vont venir expliquer ce qui est fait."
Q- Mais on pourrait, peut-être, lire et entendre P.-A. Taguieff, G. Kepel, et surtout E. Brenner et B. Lefèbvre, qui ont publié un livre et qui rééditent : "Les territoires perdus de la République". C'est très instructif cela aussi.
R - "Bien sûr..."
Q- Et puis, il est dit dans le reportage, ce n'est pas faux, que "le conflit du Proche-Orient et d'abord de l'Irak, échauffe les esprits et détraque les comportements". Que peut-on faire ?
R - "On ne peut pas l'accepter... Il n'y a aucune raison qui peut justifier des actes d'antisémitisme sur le territoire de la République française."
Q-Vous étiez favorable à la loi sur la laïcité, dans la commission Stasi, si je me rappelle bien. Vous êtes chargé d'appliquer la loi dès la rentrée. L. Ferry avait commencé à rédiger la circulaire d'accompagnement. Où en est-elle, que va-t-elle dire ?
R - "Elle est pratiquement rédigée. L. Ferry m'avait laissé une circulaire qui était déjà très avancée. On est en train d'organiser la concertation avec l'ensemble des organisations qui représentent ceux qui vont avoir à appliquer cette circulaire, pour être bien sûrs qu'elle est opérationnelle. Je suis très attaché à ce que cette loi soit mise en oeuvre, parce que, même si c'est difficile, je pense que notre société a besoin de repères, elle a besoin de principes."
Q-Donc, de la souplesse, peut-être de la modération, mais la loi restera la loi....
R - "Il faut de la souplesse, mais affirmer les principes. La France ne peut pas être un pays qui dénonce à travers le monde le sort qui est fait aux femmes musulmanes, et en même temps, accepter qu'au coeur de l'école de la République, une discrimination entre les hommes et les femmes existe."
Q-L'UOIF a dit "d'accord, pas le voile mais le bandana" ?
R - "Il faut que cela ne soit pas "ostentatoire", puisque ce sont les termes de la loi. Et nous sommes en train de trouver les bonnes formules pour que les chefs d'établissements puissent enfin avoir un texte de référence."
Q-Le bandana, peut-être ?
R - "Bien sûr. Il y avait des bandanas à l'école avant que la question du voile soit posée."
Q-Mais la loi républicaine restera la loi, c'est cela ?
R - "Absolument."
Q-C. Thélot vous a remis son premier rapport sur l'école. Quel est maintenant le calendrier d'application, parce qu'il y a une loi d'orientation ?
R - "D'abord, je voudrais dire que ce rapport est tout à fait remarquable et témoigne du travail inégalé, jamais réalisé, ni dans notre pays, ni dans sans doute ailleurs, sur la manière dont la question scolaire est ressentie, par l'ensemble des Français. Donc, à partir de ce rapport, qui est au fond la somme des témoignages, la commission Thélot va, d'ici au mois de septembre, rédiger un certain nombre de propositions qui vont servir de base à un travail de rédaction d'un projet de loi d'orientation sur l'école, que je souhaite présenter au Parlement au début de l'année 2005."
Q-A propos du budget, N. Sarkozy et D. Bussereau ressemblent comme des frères à leurs prédécesseurs, F. Mer et A. Lambert : ils prévoient, eux aussi, des gels de crédits - 4 milliards. Personne ne devrait échapper aux économies. F. Fillon aussi ?
R - "Je suis parlementaire depuis un peu plus de vingt et je ne pense pas qu'il y ait eu une seule année, depuis vingt ans, où il n'y ait pas eu de gels de crédits."
Q-Mais êtes-vous assuré d'un budget garanti ?
R - "S'agissant de l'Education nationale, les dépenses sont pour l'essentiel des salaires, donc ils ne sont pas concernés par les gels. Le Premier ministre a indiqué que la Recherche était à l'abri des gels. Donc, je pense que nous devrions passer sans trop de difficulté cette épreuve budgétaire annuelle habituelle."
Q-Les chercheurs ont obtenu ce qu'ils réclamaient. Il y a des états généraux qui sont prévus au mois de juin. Vous attendez-vous de leur part à quelque chose ? Qu'ils assouplissent, par exemple, le statut de "chercheur à vie" , qu'ils participent eux aussi, en échange, de la réforme ?
R - "Non seulement je l'attends mais ils s'y sont engagés. En échange de l'effort que le Gouvernement a réalisé en mettant en oeuvre les postes qu'ils demandaient, ils se sont engagés à entrer dans un processus de réforme de notre système de recherche, qui est complètement essoufflé par des rigidités excessives. Et j'entends bien faire en sorte que l'automne 2004 soit l'occasion du vote d'une réforme de notre système de recherche très ambitieux."
Q-Donc, on peut leur dire : 2005 sera une bonne, une mauvaise année pour la recherche française, c'est cela qui est important ?
R - "2005 sera une bonne année pour la recherche française, si tout le monde y met du sien pour la faire évoluer."
Q-Vous vous occupiez récemment encore du social. Le tribunal de Marseille ordonne aux Assedic d'indemniser 35 chômeurs radiés. F. Chérèque dit que c'est une "catastrophe". Et vous, que dites-vous ?
R - "D'abord, je dis que le problème juridique est loin d'être réglé. Ce n'est pas parce qu'un tribunal a pris cette décision que le droit a été dit. La jurisprudence, jusqu'à maintenant, a toujours été en sens contraire de la décision qui vient d'être prise. Mais surtout je dis que, au plan social, ce jugement ne résout rien, au contraire. Il risque de conduire à une renégociation de l'accord entre les partenaires sociaux à l'Unedic, qui risque de se traduire par une nouvelle dégradation de la situation des chômeurs indemnisés. Il y a, aujourd'hui, un déficit à l'Unedic de plus de 7 milliards d'euros. Ce déficit, il va falloir, d'une manière ou d'une autre, le prendre en compte. On a déjà beaucoup augmenté les cotisations, on peut encore les augmenter naturellement, mais cela va avoir des conséquences sur l'emploi..."
Q- Vous souhaitez donc que l'on revienne sur ce qu'a dit le tribunal, par les moyens de la justice ?
R - "Il y a d'autres tribunaux qui sont saisis, il y a une procédure d'appel qui est en cours. Je pense que le dossier juridique n'est pas clos."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 avril 2004)
Je tiens d'abord à vous remercier pour cette rencontre organisée très rapidement en période de vacances scolaires ;
Merci, Monsieur le Maire, de nous accueillir dans votre mairie. Je tenais personnellement au symbole fort de ce lieu républicain, la " maison commune " de tous les montreuillois et montreuilloises ;
J'ai vu hier soir le reportage réalisé pour Envoyé spécial sur France 2 ;
C'est d'ailleurs plus un témoignage sur le vif qu'un reportage, un témoignage qui aura été vu par des millions de Français et qui les aura certainement choqués;
J'ai cru utile d'être immédiatement parmi vous pour deux raisons :
D'abord parce que la haine antisémite qui crève ces images est inacceptable et indigne.
Chacun doit savoir que sur ce sujet, le gouvernement sera intraitable.
Mais je veux aussi dire combien cette haine de quelques uns ne doit pas masquer les efforts constants des enseignants et responsables des deux établissements pour créer un climat de compréhension mutuelle.
Les dernières statistiques dont nous disposons montrent une tendance à la diminution sur le plan national des faits de violence signalés dans le premier et le second degré. Mais dans la même période, les actes antisémites et racistes progressent.
Face à ces actes, aucune excuse personnelle, aucune raison extérieure, aucune explication sociale ne sont acceptables.
Je n'ignore pas ce qui se passe dans certains lycées et collèges : violences, trafics, replis sur des communautarismes ethniques ou religieux. Je sais les tensions qui pèsent de ce fait sur les équipes de direction et d'éducation, les difficultés qu'éprouvent des professeurs à simplement enseigner leur discipline.
Mais ces phénomènes ne touchent heureusement pas, loin s'en faut, l'ensemble des établissements scolaires de notre pays !
Les Français doivent savoir que l'engagement de l'Education nationale contre le racisme et la violence scolaire est concret et quotidien :
Chaque fois qu'il faudra trancher en faveur de nos principes républicains, je serai aux côtés des enseignants.
Chaque fois qu'il faudra réaffirmer leur autorité, je serai là.
L'Education nationale, à tous les niveaux, a pris la mesure de la situation.
Elle affirme avec force les principes républicains sur lesquels l'école repose : l'égalité des chances et, précisément, la laïcité, qui implique le respect de la diversité des croyances religieuses, le respect de chacun, indépendamment de la communauté à laquelle il se sent appartenir.
Des dispositions concrètes prises par le gouvernement sont déjà venues au niveau national en garantir l'application. La loi du 3 février 2003 a renforcé les peines à l'encontre des auteurs d'infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.
A ce sujet, une réunion du Comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme permettra de faire un point complet dès le 3 mai prochain.
Des mesures de soutien aux personnels des établissements confrontés à ces difficultés sont mises en uvre. Je veux saluer ici l'action des médiateurs, qui interviennent en permanence dans les établissements, et y dénouent, en coopération avec les équipes éducatives, des situations de crise et des conflits.
Je serai en permanence informé sur ces questions, grâce aux remontées quotidiennes des recteurs. Je leur ai demandé de prendre sur le champ toutes les mesures nécessaires contre les actes et les propos racistes et antisémites.
Je voudrais aussi évoquer les partenariats actifs que l'Education nationale a engagé au plan local. Ils concourent souvent à la réduction des phénomènes communautaristes : leur objectif principal est l'intégration, mission essentielle du service public d'éducation.
En Seine-Saint-Denis, l'observatoire des violences en milieu scolaire est une aide précieuse. La collaboration entre la police, la justice et l'Education nationale est exemplaire. M. le Préfet a engagé pour sa part diverses actions de lutte contre l'antisémitisme.
D'autres dispositions sont nécessaires, en particulier pour la sécurisation des transports, dans lesquels se déroulent beaucoup d'incidents. Sur cette question, je serais intéressé par les avis et propositions que vous pourrez me faire.
Je tiens à relever ici la façon dont le corps enseignant sait s'adapter à des élèves d'une très grande diversité, et à des situations mouvantes et parfois éprouvantes.
L'action commune des responsables et enseignants du collège Paul Eluard et le lycée Ort est à cet égard exemplaire. Je pense notamment au voyage d'étude à Auschwitz organisé en 2001, aux débats sur le racisme et l'antisémitisme impliquant des classes au niveau collège des deux établissements, aux travaux constants de rappel à la loi qui rejoignent les efforts sur le devoir de mémoire au niveau de l'Académie.
A travers votre action, je veux rendre hommage à l'ensemble de la communauté enseignante car c'est sur le terrain, dans les classes, que se joue en grande partie l'enjeu de la cohésion nationale.
Mais la lutte contre toutes les formes de violence scolaire n'incombe pas à la seule Education nationale : elle est une responsabilité partagée. Partagée avec les autres services de l'Etat, avec l'ensemble des élus, avec le monde associatif, partagée avec les familles.
Chacun doit jouer pleinement son rôle dans ce combat.
Je pense particulièrement à l'engagement des jeunes qui sont dans leur immense majorité si attachés aux valeurs de fraternité, de solidarité et d'égalité. Avec elles, tout est possible, sans elles la haine continuera de gagner du terrain.
Avant de dialoguer avec vous, je tiens à redire que tous les abus, toutes les agressions, surtout lorsqu'ils toucheront aux personnes, trouveront en moi un adversaire déterminé. En matière de racisme et d'antisémitisme, seule la tolérance zéro est acceptable.
Leurs auteurs sont souvent de jeunes gens éprouvant des situations personnelles et familiales difficiles. A l'évidence, ils ont le plus grand besoin d'être compris, aidés, en un mot éduqués.
Mais soyons clairs : la faiblesse à leur égard n'est certainement pas le meilleur moyen de les tirer d'affaire, ni de protéger leurs camarades et l'ensemble de la communauté scolaire. Le contexte social de ces adolescents ne peut en aucun cas justifier leur irresponsabilité et la démission de leur entourage.
Nous vivons une époque difficile, faite d'incertitudes, de risques et de doutes. Nous avons plus que jamais besoin d'une école dont la mission est d'être le creuset de la République.
Cette mission, l'Education nationale la remplit au jour le jour.
Vous pouvez compter sur moi pour n'épargner aucun effort pour l'accompagner dans cette tâche.
Je m'appuierai résolument sur l'autorité et le sens des responsabilités des chefs d'établissement, de leurs équipes éducatives, des enseignants et naturellement du personnel non-enseignant dont je n'oublie pas le rôle.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 16 avril 2004)
Europe 1 - 8h20 Le 16 avril 2004
Q- J.-P. Elkabbach-. Des violences racistes et antisémites sont en train de se développer, chez les jeunes, dans différents lycées et collèges de France. France 2 révélait hier soir le cas de deux établissements de Montreuil, l'un public, l'autre juif mais non religieux. Laissez-vous faire, vous ?
R- "Non, pas du tout. On a, depuis 2000, une montée continue des actes et des agressions racistes et surtout antisémites. Et le reportage de France 2 d'hier soir, d'E. Chouraqui, met en lumière des actes qui sont inacceptables, qui sont révoltants, et qui, finalement mettent en cause l'unité de la République que je défends et dont le rôle du Gouvernement est d'assurer la défense."
Q- Un des gamins interrogés hier dans le reportage, dit : "On n'est pas du tout protégés en tant que juifs en France" !
R - "Ce n'est pas vrai ! Et ce qui me choque dans ce reportage, c'est qu'il ne montre qu'un aspect des choses. La montée du racisme, l'antisémitisme, c'est une réalité et on est tous mobilisés pour la combattre. Mais dire que l'Education nationale, que les équipes pédagogique des collèges, que le Gouvernement n'agissent pas pour lutter contre cet antisémitisme, n'est absolument pas exact."
Q- Mais vous dites cela, parce que les dirigeants des écoles, les profs, les parents d'élèves protestent contre les propos qui ont été entendus de France 2, alors qu'il s'agissait de libérer la parole des jeunes ?
R - "Parce qu'ils font un travail extrêmement difficile et, dans ces deux établissements de Montreuil depuis plusieurs années, en liaison d'ailleurs avec les autorités académiques, mais aussi avec la municipalité de Montreuil, il y a un énorme effort de fait. Ces deux établissements ont organisé un voyage à Auschwitz, ils ont organisé des concours autour du thème du racisme et autour de la Shoah. Nous avons mis des moyens nouveaux, très importants, depuis deux ans, pour lutter contre le racisme - cela a été d'ailleurs le travail de L. Ferry - : il y a eu le renforcement de la loi qui punit les actes racistes et les actes antisémites ; nous avons mis en place un livret, un renforcement de l'éducation civique..."
Q- D'accord. Mais vous voyez bien que cela ne suffit pas.
R - "Cela ne suffit pas mais c'est un vrai travail de longue haleine, parce que c'est toute la société française qui est concernée...."
Q- Aujourd'hui, la mode n'est-elle pas de dresser les uns contre les autres ? Musulmans, noirs contre juifs ou même chrétiens ? Et alors, si c'est la mode, comment démoder ces mauvaises nouvelles pratiques ?
R - "C'est pour cela que je me rends à Montreuil en quittant cette émission. C'est pour cela que je réagis, ce matin. C'est parce que les enseignants, qui font un travail très difficile, doivent être soutenus. Et mon rôle est de les soutenir. Et à chaque fois qu'ils sont mis en cause, comme c'est le cas d'une certaine manière dans ce reportage, j'irai à leurs côtés pour les soutenir. Naturellement, il y a..."
Q- Mais à qui allez-vous faire peur ? Pardon, hein... Mais est-ce qu'il suffit que le ministre arrive pour que tout rentre dans l'ordre ?
R - "Non, il s'agit de les soutenir pour qu'ils continuent l'effort pédagogique qu'ils ont entrepris pour extirper le racisme de nos écoles. Mais il faut que tout le monde s'y mette, il faut que l'ensemble de la société française se sente concerné. Et les médias au premier rang de cette société française."
Q- Pourquoi les médias ?
R - "Parce que l'on ne peut pas, d'un côté, dénoncer la violence qui monte dans la société française et en faire l'essentiel des programmes de télévisions toute la journée. Donc, chacun doit, pour ce sujet, faire son autocritique."
Q- Tout en respectant - attention ! - la liberté d'expression qui est totale et garantie, y compris à la télévision ? Il s'agit de montrer la réalité même...
R - "La liberté d'expression autorise le ministre de l'Education nationale à dire aux responsables des médias ce qu'il pense de leur programmation. Après, pour le reste, chacun prend ses responsabilités. Ce n'est naturellement pas moi qui vais la programmation des chaînes de télévisions."
Q- Ce matin, de votre part, à l'habitude si retenu, c'est plus qu'une fâcherie, c'est une vraie colère. A qui s'adresse-t-elle ?
R - "Non, ce n'est pas "une colère", La colère est d'abord contre la montée de cet antisémitisme qui est insupportable et qui menace vraiment notre unité républicaine, mais elle est aussi contre tous ceux qui traitent ce sujet de manière un peu légère. C'est un sujet qui est grave, c'est un sujet qui est difficile. On ne peut pas venir dans un quartier, faire quelques images et s'en aller. Il y a des enseignants qui, eux, y sont toute l'année. Ils font un travail très difficile. Il faut qu'ils sentent qu'ils sont reconnus par la Nation dans le travail qu'ils font."
Q- J'ai noté qu'E. Chouraqui allait témoigner, le 3 mai, sur l'antisémitisme, à Matignon. Il est donc invité parce qu'il a triché ?
R - "Non, il n'a pas triché. Je n'ai pas dit..."
Q- Il s'est trompé ?!
R - "Non, il ne s'est pas trompé ! Il ne s'est pas trompé !"
Q- Ou il a donné une version partielle de la réalité ?!
R - "Non. C'est un témoignage..."
Q- C'est une forme de prime à l'erreur ?
R - "Non. C'est un témoignage. C'est d'ailleurs moi qui ait demandé au Premier ministre de prendre une initiative à l'occasion du Comité interministériel. Ce Comité interministériel va entendre E. Chouraqui qui va, au fond, dire devant le Comité interministériel, comment il a ressenti la situation à Montreuil. Mais on va aussi entendre le recteur, on va aussi entendre le préfet, qui vont venir expliquer ce qui est fait."
Q- Mais on pourrait, peut-être, lire et entendre P.-A. Taguieff, G. Kepel, et surtout E. Brenner et B. Lefèbvre, qui ont publié un livre et qui rééditent : "Les territoires perdus de la République". C'est très instructif cela aussi.
R - "Bien sûr..."
Q- Et puis, il est dit dans le reportage, ce n'est pas faux, que "le conflit du Proche-Orient et d'abord de l'Irak, échauffe les esprits et détraque les comportements". Que peut-on faire ?
R - "On ne peut pas l'accepter... Il n'y a aucune raison qui peut justifier des actes d'antisémitisme sur le territoire de la République française."
Q-Vous étiez favorable à la loi sur la laïcité, dans la commission Stasi, si je me rappelle bien. Vous êtes chargé d'appliquer la loi dès la rentrée. L. Ferry avait commencé à rédiger la circulaire d'accompagnement. Où en est-elle, que va-t-elle dire ?
R - "Elle est pratiquement rédigée. L. Ferry m'avait laissé une circulaire qui était déjà très avancée. On est en train d'organiser la concertation avec l'ensemble des organisations qui représentent ceux qui vont avoir à appliquer cette circulaire, pour être bien sûrs qu'elle est opérationnelle. Je suis très attaché à ce que cette loi soit mise en oeuvre, parce que, même si c'est difficile, je pense que notre société a besoin de repères, elle a besoin de principes."
Q-Donc, de la souplesse, peut-être de la modération, mais la loi restera la loi....
R - "Il faut de la souplesse, mais affirmer les principes. La France ne peut pas être un pays qui dénonce à travers le monde le sort qui est fait aux femmes musulmanes, et en même temps, accepter qu'au coeur de l'école de la République, une discrimination entre les hommes et les femmes existe."
Q-L'UOIF a dit "d'accord, pas le voile mais le bandana" ?
R - "Il faut que cela ne soit pas "ostentatoire", puisque ce sont les termes de la loi. Et nous sommes en train de trouver les bonnes formules pour que les chefs d'établissements puissent enfin avoir un texte de référence."
Q-Le bandana, peut-être ?
R - "Bien sûr. Il y avait des bandanas à l'école avant que la question du voile soit posée."
Q-Mais la loi républicaine restera la loi, c'est cela ?
R - "Absolument."
Q-C. Thélot vous a remis son premier rapport sur l'école. Quel est maintenant le calendrier d'application, parce qu'il y a une loi d'orientation ?
R - "D'abord, je voudrais dire que ce rapport est tout à fait remarquable et témoigne du travail inégalé, jamais réalisé, ni dans notre pays, ni dans sans doute ailleurs, sur la manière dont la question scolaire est ressentie, par l'ensemble des Français. Donc, à partir de ce rapport, qui est au fond la somme des témoignages, la commission Thélot va, d'ici au mois de septembre, rédiger un certain nombre de propositions qui vont servir de base à un travail de rédaction d'un projet de loi d'orientation sur l'école, que je souhaite présenter au Parlement au début de l'année 2005."
Q-A propos du budget, N. Sarkozy et D. Bussereau ressemblent comme des frères à leurs prédécesseurs, F. Mer et A. Lambert : ils prévoient, eux aussi, des gels de crédits - 4 milliards. Personne ne devrait échapper aux économies. F. Fillon aussi ?
R - "Je suis parlementaire depuis un peu plus de vingt et je ne pense pas qu'il y ait eu une seule année, depuis vingt ans, où il n'y ait pas eu de gels de crédits."
Q-Mais êtes-vous assuré d'un budget garanti ?
R - "S'agissant de l'Education nationale, les dépenses sont pour l'essentiel des salaires, donc ils ne sont pas concernés par les gels. Le Premier ministre a indiqué que la Recherche était à l'abri des gels. Donc, je pense que nous devrions passer sans trop de difficulté cette épreuve budgétaire annuelle habituelle."
Q-Les chercheurs ont obtenu ce qu'ils réclamaient. Il y a des états généraux qui sont prévus au mois de juin. Vous attendez-vous de leur part à quelque chose ? Qu'ils assouplissent, par exemple, le statut de "chercheur à vie" , qu'ils participent eux aussi, en échange, de la réforme ?
R - "Non seulement je l'attends mais ils s'y sont engagés. En échange de l'effort que le Gouvernement a réalisé en mettant en oeuvre les postes qu'ils demandaient, ils se sont engagés à entrer dans un processus de réforme de notre système de recherche, qui est complètement essoufflé par des rigidités excessives. Et j'entends bien faire en sorte que l'automne 2004 soit l'occasion du vote d'une réforme de notre système de recherche très ambitieux."
Q-Donc, on peut leur dire : 2005 sera une bonne, une mauvaise année pour la recherche française, c'est cela qui est important ?
R - "2005 sera une bonne année pour la recherche française, si tout le monde y met du sien pour la faire évoluer."
Q-Vous vous occupiez récemment encore du social. Le tribunal de Marseille ordonne aux Assedic d'indemniser 35 chômeurs radiés. F. Chérèque dit que c'est une "catastrophe". Et vous, que dites-vous ?
R - "D'abord, je dis que le problème juridique est loin d'être réglé. Ce n'est pas parce qu'un tribunal a pris cette décision que le droit a été dit. La jurisprudence, jusqu'à maintenant, a toujours été en sens contraire de la décision qui vient d'être prise. Mais surtout je dis que, au plan social, ce jugement ne résout rien, au contraire. Il risque de conduire à une renégociation de l'accord entre les partenaires sociaux à l'Unedic, qui risque de se traduire par une nouvelle dégradation de la situation des chômeurs indemnisés. Il y a, aujourd'hui, un déficit à l'Unedic de plus de 7 milliards d'euros. Ce déficit, il va falloir, d'une manière ou d'une autre, le prendre en compte. On a déjà beaucoup augmenté les cotisations, on peut encore les augmenter naturellement, mais cela va avoir des conséquences sur l'emploi..."
Q- Vous souhaitez donc que l'on revienne sur ce qu'a dit le tribunal, par les moyens de la justice ?
R - "Il y a d'autres tribunaux qui sont saisis, il y a une procédure d'appel qui est en cours. Je pense que le dossier juridique n'est pas clos."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 avril 2004)