Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs,
Sur votre invitation, je suis heureux d'être parmi vous pour contribuer à la réflexion que vous avez engagée sur le travail.
Cette question ne peut être déconnectée d'une réalité cruelle qui a le visage d'une inquiétante particularité française : nous vivons depuis plus de 20 ans avec un taux de chômage supérieur à celui de nos principaux concurrents.
La politique menée pendant ces dernières années n'a strictement rien changé aux données fondamentales de l'emploi dans notre pays. Evoqué par certains, la baisse du chômage entre 1998 et 2001 n'aura été en réalité que le résultat éphémère d'une croissance internationale exceptionnelle. La vérité, c'est qu'on a aggravé, en les enkystant, les freins du développement économique et de l'emploi ; on n'a pas cherché à s'interroger sur les racines du progrès économique et social.
Face à ce constat, le gouvernement actuel s'emploie à déployer une autre stratégie et un autre discours.
Malgré une conjoncture morose, ils ont pour but de desserrer les nuds structurels et psychologiques qui enserrent le pacte économique et social Français.
Au cur de cette stratégie, il y a la question du travail. Cette question est liée aux rythmes nouveaux de la concurrence, des métiers et des technologies auxquels il convient de nous adapter. Elle est aussi et surtout attachée à la conception du progrès qui anime notre pays.
Sur ce dernier point, la France doit entreprendre une mutation culturelle.
Une prise de conscience collective est nécessaire pour mesurer la nature des défis qui nous sont lancés.
Au cours des derniers siècles, la France, avec quelques rares autres nations, a dominé le monde et ses richesses. Cette prééminence nous a permis de poser les bases de notre prospérité économique et sociale, dont les " 30 glorieuses " auront été le récent symbole. Les conditions de cette domination se sont progressivement évanouies. Dans notre monde ouvert et compétitif, 6 milliards d'habitants réclament désormais leur part de progrès. De nouvelles puissances émergent, de nouvelles formes de production et d'échanges s'imposent, de nouvelles technologies se diffusent. La France n'a d'autre choix que de " se retrousser les manches ", de se réformer et de développer ses atouts qui restent nombreux.
Cet effort national, n'est pas - comme certains se plaisent à le dire - " un gage offert au CAC 40 " Il a pour but d'affirmer notre essor économique et d'assurer la permanence de notre modèle social.
A l'occasion du débat sur les retraites, j'ai eu l'occasion d'insister sur le parallèle qu'il convient d'établir entre le travail et la solidarité. On ne peut, en effet, avoir le meilleur système de retraite d'Europe, la meilleure santé du monde, l'école et l'université gratuite pour tous, des services publics performants, sans que chacun d'entre nous donne le meilleur de lui-même en travaillant plus longtemps et mieux.
Disons clairement les choses : la prospérité française n'est plus une donnée intangible. Elle est un combat dont l'issue relève du courage, de la formation et de l'imagination de chacun.
On a longtemps fait croire à nos concitoyens que tout pouvait continuer comme avant Les 35 heures uniformes et obligatoires ont été, à cet égard, le symbole d'une illusion rassurante mais terriblement trompeuse par rapport aux efforts d'adaptations nécessaires.
Le gouvernement cherche à convaincre et à entraîner les Français sur des bases plus claires.
Nous insistons sur l'efficacité économique car sans elle il n'y a aucune chance de créer la valeur ajoutée qui est, elle-même, le moteur du progrès social. Nous prenons acte de l'échec de l'économie administrée dans un monde compétitif et cherchons à placer l'Etat sur ses compétences stratégiques et régulatrices. Nous affirmons enfin la valeur du travail et du mérite comme source d'enrichissement collectif, mais aussi d'épanouissement personnel. Ce changement de discours a son importance. Il revêt un caractère pédagogique. Il a naturellement une traduction politique.
Elle nous a conduit :
- à assouplir les 35 heures pour donner plus de respiration à notre organisation du travail. On parle à nouveau, ces jours-ci, de ces 35H Permettez-moi un commentaire là dessus. Ces 35 heures - la majorité des experts en convient - ont été une erreur économique. Leur coût aura été singulièrement élevé pour un résultat en terme d'emplois assez médiocre. Leur application rigide s'est traduite par une modération salariale, une flexibilité accrue, une désorganisation de certains services publics. Le seul fait qu'aucun de nos partenaires européens n'ait souhaité imiter la France, en dit davantage que tous les rapports Ces 35H, nous les avons assouplies, ce qui permet aux petites entreprises de ne pas être étouffées. Quant aux grandes entreprises, elles ont réussi, bon grès mal grès, à s'adapter. Elles ne réclament pas aujourd'hui une refonte brutale des règles. C'est pourquoi, le gouvernement ne reviendra pas sur cette question. Nous n'avons pas hier critiqué la méthode autoritaire et idéologique qui fut employée, pour céder aujourd'hui au mêmes réflexes dirigistes. Si des adaptations sont nécessaires, elles devront être envisagées dans le cadre d'un dialogue social renouvelé, dans le cadre des branches et des entreprises ;
- à amplifier, de 7 milliards d'euros sur trois ans, les baisses des charges pesant sur les entreprises et, de façon générale, à favoriser la création d'entreprise en allégeant les contraintes administratives et fiscales ;
- à envisager une clarification de certaines dispositions de notre droit du travail afin de développer et réconcilier la flexibilité et la sécurité professionnelles. Nous les savons, le maquis actuel freine l'emploi sans par ailleurs garantir une véritable protection du salarié. L'emploi à vie, sur un même poste de travail, ne correspond plus à la réalité. Il faut donc réfléchir à de nouveaux cadres, du type contrat de projet. C'est l'objet d'une commission d'experts, présidée par Michel de Virville, dont j'attends des propositions innovantes. Cette mobilité professionnelle doit pouvoir s'exercer dans le cadre d'un marché du travail qui doit être plus fluide, plus ouvert, plus efficace. Ce manque de fluidité est symbolisé par un paradoxe inacceptable : d'un côté plus de deux millions de chômeurs, de l'autre 300.000 offres d'emploi non pourvues ! Il est douloureux de voir toutes ces PME, qui sont le vivier de l'emploi, tous ces artisans, chercher vainement à embaucher, sans succès. C'est ce décalage entre la demande et l'offre qu'il faut réduire. Le Chef de l'Etat a récemment insisté, à juste titre, sur la nécessité d'améliorer encore notre service public de l'emploi pour garantir aux chômeurs un accompagnement individualisé de meilleure qualité. Il faut rapprocher les différents acteurs des politiques de l'emploi. Cela passe par un renforcement du travail en commun de l'ANPE et l'UNEDIC et par une coordination renforcée avec les collectivités territoriales ;
Autres mesures qui illustrent le cap qui est le nôtre et qui rejoignent directement la problématique de votre colloque :
- nous avons décidé l'harmonisation rapide et par le haut des six 6 SMIC (soit + 11,4% pour certains, et en moyenne 6%) car la distinction trop étroite entre les faibles revenus du travail et ceux relevant de l'assistance nous est apparue comme un facteur de démotivation. Cette augmentation est l'une des plus fortes des dernières années. La valorisation du travail et de l'effort passe par une politique des salaires plus incitative et plus attractive dans certaines branches professionnelles. Alliée à la baisse des prélèvements obligatoires, cette politique doit permettre d'alimenter la consommation ;
- nous sommes en train de créer le Revenu Minimum d'Activité. Ce RMA - qui permet à travers une activité et un salaire d'activer les dépenses de solidarité - doit permettre d'inciter et d'épauler celles et ceux qui doivent et veulent retrouver le chemin de l'insertion et de l'emploi. L'examen actuel de ce projet de loi a mis en lumière les différences d'appréciation entre la majorité et l'opposition. Pour nous, le travail est une source d'émancipation, pour la gauche elle demeure une forme " d'aliénation ". Je ne comprends pas comment peut on raisonnablement accepter l'idée qu'il est préférable d'avoir un RMIste sans travail à un bénéficiaire du RMA renouant avec le chemin de l'emploi ! Ce discours démotivant - qui est précisément à l'image d'une providence sociale que certains persistent à croire sans limite - les Français ne l'acceptent plus. Il ne sert ni la dignité humaine, ni à fortiori l'efficacité économique.
Nous sommes ici sur un point important : l'Etat n'est pas là uniquement pour dresser un filet de protection, il est également là pour ouvrir des chemins de promotion et de conquête personnelles. Il faut activer le progrès social, plutôt que de voir la providence sociale désactiver les volontés !
Par rapport au passé, toutes ces mesures reflètent un infléchissement politique. C'est bien le travail, l'effort, la responsabilité qui sont mis en exergue.
Mais pour réformer notre modèle économique et social et repenser la place du travail dans notre société, il nous faut également utiliser et approfondir de nouveaux instruments. La nécessaire mutation culturelle que j'évoquais au début de mon propos, ne peut être exclusivement dictée du sommet. Sur le terrain, les esprits et les pratiques doivent évoluer.
Dans cet esprit, deux objectifs - deux " leviers " ! - nous paraissent, avec le Président de la République et le Premier Ministre, particulièrement importants.
Le premier, c'est celui de la formation professionnelle. Notre système actuel n'est pas assez structuré, lisible, généralisé à tous les salariés. Vous le savez, les partenaires sociaux ont récemment conclu un accord majeur, qui, au passage, démontre que la rentrée sociale est moins " brûlante " que stimulante sur le plan du dialogue. Sur la base de cet accord, nous allons chercher à doter chaque individu d'une capacité de formation tout au long de la vie.
La formation est au carrefour de l'efficacité économique ( qui sera de plus en plus fondée sur la compétence humaine et l'excellence professionnelle ) et de la solidarité. J'en ai la conviction : face aux fluctuations accélérées du marché de l'emploi, la motivation et la protection des salariés dépendront moins de réglementations tous azimuts que de leurs possibilités d'adaptation et de reconversion.
Le second objectif est celui de la rénovation de notre démocratie sociale. Nous sommes là sur un point vital de la société française, qui, comme chacun le sait, est caractérisée par la faiblesse de ses corps intermédiaires. L'absence historique et quasi-chronique d'espace social charpenté et responsabilisé, place l'Etat et les citoyens dans une situation fébrile de " face à face " et conduit les partenaires sociaux, parfois malgré eux, à privilégier la contestation plutôt que la concertation. Cette situation bloque la respiration de notre pays. Elle ne facilite pas la recherche de compromis collectifs.
La France a besoin de partenaires sociaux influents, proches des Français, constructifs. Contre le morcellement et la déliquescence des relations sociales qui font le lit des extrémismes, je dis avec force que le monde du travail a besoin d'un syndicalisme moderne et populaire, un syndicalisme en mesure de structurer les attentes, de hiérarchiser les revendications, de promouvoir des solutions à tous les niveaux, d'accompagner les évolutions de notre pays.
La rénovation de notre démocratie sociale passe par une plus large responsabilisation des partenaires sociaux. Il faut, pour cela, repenser les modalités qui régissent la validité des accords. Il faut des mécanismes permettant de laisser place à la responsabilité, au pragmatisme et à l'innovation.
Sur ce sujet, j'ai reçu ces jours ci l'ensemble des partenaires sociaux. A l'évidence, ils ne sont pas tous d'accord sur ce qu'il convient de faire évoluer Je sens quelques hésitations et crispations.
Je dis aux uns et aux autres : choisissons ensemble de faire bouger les lignes. Faisons-le avec un mélange d'audace et de pragmatisme. Sur un sujet si complexe, nul ne peut être satisfait à 100%. Par contre, chacun serait un jour ou l'autre perdant si notre démocratie sociale demeurait inchangée.
Mesdames et messieurs,
Pas à pas, la stratégie économique et sociale du gouvernement se met en place. Elle est équilibrée, car il ne s'agit pas de rompre avec le modèle Français, mais de l'adapter aux exigences de notre temps. Il n'est pas facile pour un pays de sortir de plusieurs années de facilité et il n'est pas aisé de réformer avec une croissance internationale qui cherche fébrilement ses marques.
Nous agissons actuellement avec un vent de face. Ces difficultés militent en faveur d'un discours clair vis à vis de nos concitoyens, notamment centré sur la valeur et l'honneur du travail.
Notre pays a de multiples atouts. Il ne doit pas douter de lui-même, ni craindre de s'adapter aux défis de son temps. Il est, j'en ai la conviction, en train de se remettre en marche.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 8 octobre 2003)
Mesdames et messieurs,
Sur votre invitation, je suis heureux d'être parmi vous pour contribuer à la réflexion que vous avez engagée sur le travail.
Cette question ne peut être déconnectée d'une réalité cruelle qui a le visage d'une inquiétante particularité française : nous vivons depuis plus de 20 ans avec un taux de chômage supérieur à celui de nos principaux concurrents.
La politique menée pendant ces dernières années n'a strictement rien changé aux données fondamentales de l'emploi dans notre pays. Evoqué par certains, la baisse du chômage entre 1998 et 2001 n'aura été en réalité que le résultat éphémère d'une croissance internationale exceptionnelle. La vérité, c'est qu'on a aggravé, en les enkystant, les freins du développement économique et de l'emploi ; on n'a pas cherché à s'interroger sur les racines du progrès économique et social.
Face à ce constat, le gouvernement actuel s'emploie à déployer une autre stratégie et un autre discours.
Malgré une conjoncture morose, ils ont pour but de desserrer les nuds structurels et psychologiques qui enserrent le pacte économique et social Français.
Au cur de cette stratégie, il y a la question du travail. Cette question est liée aux rythmes nouveaux de la concurrence, des métiers et des technologies auxquels il convient de nous adapter. Elle est aussi et surtout attachée à la conception du progrès qui anime notre pays.
Sur ce dernier point, la France doit entreprendre une mutation culturelle.
Une prise de conscience collective est nécessaire pour mesurer la nature des défis qui nous sont lancés.
Au cours des derniers siècles, la France, avec quelques rares autres nations, a dominé le monde et ses richesses. Cette prééminence nous a permis de poser les bases de notre prospérité économique et sociale, dont les " 30 glorieuses " auront été le récent symbole. Les conditions de cette domination se sont progressivement évanouies. Dans notre monde ouvert et compétitif, 6 milliards d'habitants réclament désormais leur part de progrès. De nouvelles puissances émergent, de nouvelles formes de production et d'échanges s'imposent, de nouvelles technologies se diffusent. La France n'a d'autre choix que de " se retrousser les manches ", de se réformer et de développer ses atouts qui restent nombreux.
Cet effort national, n'est pas - comme certains se plaisent à le dire - " un gage offert au CAC 40 " Il a pour but d'affirmer notre essor économique et d'assurer la permanence de notre modèle social.
A l'occasion du débat sur les retraites, j'ai eu l'occasion d'insister sur le parallèle qu'il convient d'établir entre le travail et la solidarité. On ne peut, en effet, avoir le meilleur système de retraite d'Europe, la meilleure santé du monde, l'école et l'université gratuite pour tous, des services publics performants, sans que chacun d'entre nous donne le meilleur de lui-même en travaillant plus longtemps et mieux.
Disons clairement les choses : la prospérité française n'est plus une donnée intangible. Elle est un combat dont l'issue relève du courage, de la formation et de l'imagination de chacun.
On a longtemps fait croire à nos concitoyens que tout pouvait continuer comme avant Les 35 heures uniformes et obligatoires ont été, à cet égard, le symbole d'une illusion rassurante mais terriblement trompeuse par rapport aux efforts d'adaptations nécessaires.
Le gouvernement cherche à convaincre et à entraîner les Français sur des bases plus claires.
Nous insistons sur l'efficacité économique car sans elle il n'y a aucune chance de créer la valeur ajoutée qui est, elle-même, le moteur du progrès social. Nous prenons acte de l'échec de l'économie administrée dans un monde compétitif et cherchons à placer l'Etat sur ses compétences stratégiques et régulatrices. Nous affirmons enfin la valeur du travail et du mérite comme source d'enrichissement collectif, mais aussi d'épanouissement personnel. Ce changement de discours a son importance. Il revêt un caractère pédagogique. Il a naturellement une traduction politique.
Elle nous a conduit :
- à assouplir les 35 heures pour donner plus de respiration à notre organisation du travail. On parle à nouveau, ces jours-ci, de ces 35H Permettez-moi un commentaire là dessus. Ces 35 heures - la majorité des experts en convient - ont été une erreur économique. Leur coût aura été singulièrement élevé pour un résultat en terme d'emplois assez médiocre. Leur application rigide s'est traduite par une modération salariale, une flexibilité accrue, une désorganisation de certains services publics. Le seul fait qu'aucun de nos partenaires européens n'ait souhaité imiter la France, en dit davantage que tous les rapports Ces 35H, nous les avons assouplies, ce qui permet aux petites entreprises de ne pas être étouffées. Quant aux grandes entreprises, elles ont réussi, bon grès mal grès, à s'adapter. Elles ne réclament pas aujourd'hui une refonte brutale des règles. C'est pourquoi, le gouvernement ne reviendra pas sur cette question. Nous n'avons pas hier critiqué la méthode autoritaire et idéologique qui fut employée, pour céder aujourd'hui au mêmes réflexes dirigistes. Si des adaptations sont nécessaires, elles devront être envisagées dans le cadre d'un dialogue social renouvelé, dans le cadre des branches et des entreprises ;
- à amplifier, de 7 milliards d'euros sur trois ans, les baisses des charges pesant sur les entreprises et, de façon générale, à favoriser la création d'entreprise en allégeant les contraintes administratives et fiscales ;
- à envisager une clarification de certaines dispositions de notre droit du travail afin de développer et réconcilier la flexibilité et la sécurité professionnelles. Nous les savons, le maquis actuel freine l'emploi sans par ailleurs garantir une véritable protection du salarié. L'emploi à vie, sur un même poste de travail, ne correspond plus à la réalité. Il faut donc réfléchir à de nouveaux cadres, du type contrat de projet. C'est l'objet d'une commission d'experts, présidée par Michel de Virville, dont j'attends des propositions innovantes. Cette mobilité professionnelle doit pouvoir s'exercer dans le cadre d'un marché du travail qui doit être plus fluide, plus ouvert, plus efficace. Ce manque de fluidité est symbolisé par un paradoxe inacceptable : d'un côté plus de deux millions de chômeurs, de l'autre 300.000 offres d'emploi non pourvues ! Il est douloureux de voir toutes ces PME, qui sont le vivier de l'emploi, tous ces artisans, chercher vainement à embaucher, sans succès. C'est ce décalage entre la demande et l'offre qu'il faut réduire. Le Chef de l'Etat a récemment insisté, à juste titre, sur la nécessité d'améliorer encore notre service public de l'emploi pour garantir aux chômeurs un accompagnement individualisé de meilleure qualité. Il faut rapprocher les différents acteurs des politiques de l'emploi. Cela passe par un renforcement du travail en commun de l'ANPE et l'UNEDIC et par une coordination renforcée avec les collectivités territoriales ;
Autres mesures qui illustrent le cap qui est le nôtre et qui rejoignent directement la problématique de votre colloque :
- nous avons décidé l'harmonisation rapide et par le haut des six 6 SMIC (soit + 11,4% pour certains, et en moyenne 6%) car la distinction trop étroite entre les faibles revenus du travail et ceux relevant de l'assistance nous est apparue comme un facteur de démotivation. Cette augmentation est l'une des plus fortes des dernières années. La valorisation du travail et de l'effort passe par une politique des salaires plus incitative et plus attractive dans certaines branches professionnelles. Alliée à la baisse des prélèvements obligatoires, cette politique doit permettre d'alimenter la consommation ;
- nous sommes en train de créer le Revenu Minimum d'Activité. Ce RMA - qui permet à travers une activité et un salaire d'activer les dépenses de solidarité - doit permettre d'inciter et d'épauler celles et ceux qui doivent et veulent retrouver le chemin de l'insertion et de l'emploi. L'examen actuel de ce projet de loi a mis en lumière les différences d'appréciation entre la majorité et l'opposition. Pour nous, le travail est une source d'émancipation, pour la gauche elle demeure une forme " d'aliénation ". Je ne comprends pas comment peut on raisonnablement accepter l'idée qu'il est préférable d'avoir un RMIste sans travail à un bénéficiaire du RMA renouant avec le chemin de l'emploi ! Ce discours démotivant - qui est précisément à l'image d'une providence sociale que certains persistent à croire sans limite - les Français ne l'acceptent plus. Il ne sert ni la dignité humaine, ni à fortiori l'efficacité économique.
Nous sommes ici sur un point important : l'Etat n'est pas là uniquement pour dresser un filet de protection, il est également là pour ouvrir des chemins de promotion et de conquête personnelles. Il faut activer le progrès social, plutôt que de voir la providence sociale désactiver les volontés !
Par rapport au passé, toutes ces mesures reflètent un infléchissement politique. C'est bien le travail, l'effort, la responsabilité qui sont mis en exergue.
Mais pour réformer notre modèle économique et social et repenser la place du travail dans notre société, il nous faut également utiliser et approfondir de nouveaux instruments. La nécessaire mutation culturelle que j'évoquais au début de mon propos, ne peut être exclusivement dictée du sommet. Sur le terrain, les esprits et les pratiques doivent évoluer.
Dans cet esprit, deux objectifs - deux " leviers " ! - nous paraissent, avec le Président de la République et le Premier Ministre, particulièrement importants.
Le premier, c'est celui de la formation professionnelle. Notre système actuel n'est pas assez structuré, lisible, généralisé à tous les salariés. Vous le savez, les partenaires sociaux ont récemment conclu un accord majeur, qui, au passage, démontre que la rentrée sociale est moins " brûlante " que stimulante sur le plan du dialogue. Sur la base de cet accord, nous allons chercher à doter chaque individu d'une capacité de formation tout au long de la vie.
La formation est au carrefour de l'efficacité économique ( qui sera de plus en plus fondée sur la compétence humaine et l'excellence professionnelle ) et de la solidarité. J'en ai la conviction : face aux fluctuations accélérées du marché de l'emploi, la motivation et la protection des salariés dépendront moins de réglementations tous azimuts que de leurs possibilités d'adaptation et de reconversion.
Le second objectif est celui de la rénovation de notre démocratie sociale. Nous sommes là sur un point vital de la société française, qui, comme chacun le sait, est caractérisée par la faiblesse de ses corps intermédiaires. L'absence historique et quasi-chronique d'espace social charpenté et responsabilisé, place l'Etat et les citoyens dans une situation fébrile de " face à face " et conduit les partenaires sociaux, parfois malgré eux, à privilégier la contestation plutôt que la concertation. Cette situation bloque la respiration de notre pays. Elle ne facilite pas la recherche de compromis collectifs.
La France a besoin de partenaires sociaux influents, proches des Français, constructifs. Contre le morcellement et la déliquescence des relations sociales qui font le lit des extrémismes, je dis avec force que le monde du travail a besoin d'un syndicalisme moderne et populaire, un syndicalisme en mesure de structurer les attentes, de hiérarchiser les revendications, de promouvoir des solutions à tous les niveaux, d'accompagner les évolutions de notre pays.
La rénovation de notre démocratie sociale passe par une plus large responsabilisation des partenaires sociaux. Il faut, pour cela, repenser les modalités qui régissent la validité des accords. Il faut des mécanismes permettant de laisser place à la responsabilité, au pragmatisme et à l'innovation.
Sur ce sujet, j'ai reçu ces jours ci l'ensemble des partenaires sociaux. A l'évidence, ils ne sont pas tous d'accord sur ce qu'il convient de faire évoluer Je sens quelques hésitations et crispations.
Je dis aux uns et aux autres : choisissons ensemble de faire bouger les lignes. Faisons-le avec un mélange d'audace et de pragmatisme. Sur un sujet si complexe, nul ne peut être satisfait à 100%. Par contre, chacun serait un jour ou l'autre perdant si notre démocratie sociale demeurait inchangée.
Mesdames et messieurs,
Pas à pas, la stratégie économique et sociale du gouvernement se met en place. Elle est équilibrée, car il ne s'agit pas de rompre avec le modèle Français, mais de l'adapter aux exigences de notre temps. Il n'est pas facile pour un pays de sortir de plusieurs années de facilité et il n'est pas aisé de réformer avec une croissance internationale qui cherche fébrilement ses marques.
Nous agissons actuellement avec un vent de face. Ces difficultés militent en faveur d'un discours clair vis à vis de nos concitoyens, notamment centré sur la valeur et l'honneur du travail.
Notre pays a de multiples atouts. Il ne doit pas douter de lui-même, ni craindre de s'adapter aux défis de son temps. Il est, j'en ai la conviction, en train de se remettre en marche.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 8 octobre 2003)