Texte intégral
Mesdames et messieurs, F. Fillon et moi sommes très heureux de vous accueillir pour cette remise officielle du rapport de la commission du débat national sur l'avenir de l'école que monsieur Thélot va nous présenter. Je commencerai simplement par un mot de gratitude vis-à-vis du président et vis-à-vis de chacun des membres de la commission que je reconnais, ici, dans la salle. Je vous remercie beaucoup du travail qui a été effectué et que nous allons maintenant présenter et commenter. [C. Thélot] Si vous avez travaillé pour l'Histoire, l'histoire commence ! Ce rapport fonde la nouvelle loi d'orientation sur l'école, c'est le dernier mot du texte que vous nous présentez aujourd'hui et pour lequel je vous remercie.
Monsieur le ministre, Monsieur Thélot, Mesdames et messieurs les membres de la commission, Je salue chacune et chacun d'entre vous. Je salue notamment les parlementaires, parce que je trouve très important que ce rapport réponde à l'interpellation de la Nation. Il ne s'agit pas d'un rapport d'experts pour l'expert, il s'agit d'un rapport de la Nation pour la Nation. C'est, je crois, l'élément majeur de la démarche qui a été engagée. Donc, merci à tous ceux qui ont participé. Le Président de la République l'a dit : " L'école a été le rêve de la République. Et elle reste sans aucun doute la plus belle de ses réussites ". Vous inscrivez votre démarche dans cette conviction. Il est temps aujourd'hui pour nous, pour le Gouvernement bien sûr, mais aussi pour l'ensemble des acteurs publics, de nous rassembler autour de l'école qu'appelle la Nation pour fonder un nouvel espoir sur le renouvellement du contrat entre la Nation et son école. Nous devons sortir de ce pessimisme, pour aller à la recherche de ce nouvel espoir, espoir de tout un pays. D'abord, espoir de voir les enfants de France accéder à la connaissance, espoir de voir ses propres enfants réussir dans la vie par le mérite et le travail valorisés par l'école ; espoir, enfin, que l'élévation du niveau de connaissances et de qualifications profite à l'ensemble de la collectivité nationale dans un monde qui, vous le savez, est en grand mouvement. Cet espoir est évidemment pour nous tous une exigence majeure. Nous savons tous que l'avenir de la France, c'est la connaissance, c'est la création, c'est l'intelligence, c'est l'innovation. C'est la capacité d'ajouter dans toutes les activités humaines ce supplément d'âme et d'intelligence, qui crée cette valeur humaine ajoutée nécessaire à tous les processus culturels, économiques et sociaux. L'Education nationale doit mener cette perspective, dans le juste respect, comme c'est écrit, de son héritage historique. Il ne s'agit pas aujourd'hui pour le Gouvernement de mettre en uvre la énième réforme de l'école qui prétendra, naturellement, tout changer. Nous n'en sommes pas au "grand soir. Il s'agit de moderniser la loi de 1989 qui a constitué pour la communauté éducative un moment important. Mais il s'agit aussi de se fixer une nouvelle ambition : celle - c'est le titre du rapport - de la réussite pour chaque élève. Je crois que ces mots-là sont des mots-clés, parce que ce n'est pas la situation d'aujourd'hui. La réussite de chaque élève, c'est une grande ambition pour la Nation. Aujourd'hui, 15 ans après la loi de 1989, nous voyons bien qu'il faut tenir compte des changements de la société, des changements socio-culturels, des changements des élèves, des changements du métier et de l'évolution des attentes des parents vis-à-vis de l'école. Cette nouvelle loi, ce projet que conduit F. Fillon, doit redonner confiance en l'école, une confiance qui est trop souvent menacée. Cette nouvelle loi doit donner des perspectives claires pour l'école des 15 ans à venir - comme le disait à l'instant le président Thélot. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce sera aussi une loi d'orientation mais aussi de programmation pour pouvoir fixer la ligne, la perspective de ces quinze ans à venir.
Pour préparer cette loi, nous avons, - vous avez ! - engagé un long processus sur l'écoute, le dialogue et la capacité de proposition. C'est la spécificité, d'ailleurs de ce Gouvernement d'engager toutes ces réformes selon le même modèle. Un : une phase d'écoute. Nous avons le Comité d'orientation des retraites, nous avons eu le Haut conseil de l'assurance maladie, et là, nous avons la commission Thélot avec son rapport Miroir et son rapport final. C'est la capacité d'enclencher un débat préalable à l'action de réforme. Plus d'un million de personnes ont participé au débat national sur l'avenir de l'école ; c'est particulièrement significatif et le Miroir du débat, qui a été rendu public en avril dernier, dresse un état des lieux très circonstancié des atouts comme des difficultés de l'école d'aujourd'hui. Donc, ce texte-là ne doit pas faire oublier l'autre. Nous avons ces deux éléments très importants : le Miroir et les conclusions qui sont le fondement même d'une action réformatrice que nous voulons engager.
Nous apercevons bien, par l'ensemble de ces débats, quelles sont aujourd'hui les difficultés de l'école. Depuis plusieurs années, les résultats de l'école ne progressent plus. Malgré l'engagement personnel et profond des enseignants, elle joue moins son rôle d'ascenseur social. L'illettrisme s'est développé, trop d'élèves quittent le système scolaire sans qualification et les échecs au cours du premier cycle universitaire sont encore beaucoup, beaucoup, beaucoup trop importants. Ces difficultés ne viennent pas du manque de moyens ; disons les choses clairement, avec netteté : le budget de l'éducation, qui est de loin le premier budget de l'État, a augmenté de 23 % en dix ans, alors que le nombre d'élèves a baissé de 500 000. Ces chiffres-là sont une réalité sur lesquels il nous faut réfléchir. Ces difficultés et la perte de confiance qui est consécutive à ces difficultés et à ses résultats, trouvent en partie leurs origines dans ce que notre société, aujourd'hui, demande souvent trop à l'école et soumet trop l'école aux pressions du quotidien. Nous transférons à l'école trop de problèmes dont elle ne détient pas, à elle seule, les solutions. On ne peut pas charger l'école de toutes les difficultés de la société. En faisant cela, on lui rend la mission impossible. Comment, donc, uvrer pour l'égalité et la promotion sociale quand le chômage des parents, les familles éclatées, l'absence de repères et de racines, un certain individualisme et quelquefois un certain égoïsme, font que nos enfants sont profondément déstabilisés ? Comment transmettre un savoir, maintenir l'autorité de l'enseignant dans certaines situations que nous savons extrêmes ? Comment éduquer à la citoyenneté quand l'école est confrontée à la poussée des communautarismes ? Ces questions sont trop fréquentes pour qu'on ne tente pas d'y apporter maintenant une réponse.
Alors que le métier de professeur expose considérablement celui qui l'exerce, dans son être, dans sa personne, ces difficultés de l'école inquiètent depuis plus de 20 ans maintenant l'ensemble de notre communauté éducative. L'urgence est donc de donner à chaque Français et à chaque Française une perspective pour l'école de la Nation, un sens à l'école. L'école, évidemment, nous en sommes tous d'accord, c'est la plateforme de base de l'idée réformatrice. L'école est le cur de la République. Elle fait vivre la République. Parce que l'école est le cur de la République, elle doit d'abord être attachée aux valeurs de la République, être un vecteur de liberté : liberté de pensée, liberté de conscience, liberté sociale, celle de l'individu qu'elle doit aider à sortir notamment des déterminismes sociaux, grâce à l'acquisition du savoir. Nous faisons partie de ceux qui sont convaincus que le savoir est une libération. Parce que l'école est le cur de la République, elle doit aussi favoriser l'égalité entre les citoyens. Je dis bien : l'égalité. Ayons de vrais débats sur ce sujet et pas cette multiplication d'égalitarismes que nous voyons se développer ici ou là. En voulant traiter tout le monde quelquefois de la même manière, on crée des injustices, y compris, je vois, dans certains comportements de telle ou telle activité territoriale, par exemple le souci d'offrir à tout le monde la même aide. Si on n'aide pas les plus fragiles, et si on n'est pas attentif aux plus en difficulté, évidemment, on ne sert pas forcément l'égalité car on entretient des écarts sociaux. Il faut faire plus pour ceux qui sont les plus défavorisés ; c'est cela le combat de l'égalité. A l'heure où, chacun le reconnaît, l'égalité des élèves n'est pas assurée dans notre pays, l'école doit corriger ces inégalités et redevenir un instrument de promotion sociale. Parce que l'école est au cur même de la République, elle doit aussi redevenir un lieu de fraternité, et donc chasser la violence, et faire en sorte qu'on puisse apprendre, à l'école, les principes essentiels du vivre ensemble et de la citoyenneté. L'ambition, elle est clairement affichée : la réussite pour chacun. Le triple rôle de l'école, vecteur de liberté, d'égalité et de fraternité, c'est la nation qui lui assigne, évidemment. J'ai, dans cette perspective, apprécié le travail de la Commission Thélot, parce que vous vous êtes inscrits dans cette continuité. Et je pense que c'est là, la chance de la réforme. Vous rendez la réforme possible, parce que vous avez équilibré la continuité et l'ambition. Je tiens donc à saluer ce travail, et même si j'ai lu qu'il y avait eu, en votre commission, un débat profond, tendu, entre les "pédagogues" et les "républicains", si c'est vrai, ce que je lis, cela veut dire que la commission était bien composée. Et je vous remercie d'avoir ainsi pu trouver dans le texte cet équilibre entre les uns et les autres. Vos propositions sont pour nous une contribution centrale, même si, évidemment, il n'y a pas d'exclusive, et que le moment venu, la représentation nationale aura, elle aussi, à s'exprimer. D'ores et déjà, votre réflexion nous invite à ce que Jean-Claude Guillebaud réclame pour la société ; il nous invite nous aussi à "désobéir à nos propres nostalgies". Nous avons tous été des praticiens, nous avons tous vécu dans l'école. Il faut veiller à ce que notre réflexion soit tournée sur les quinze ans à venir et que l'on ne laisse pas nos nostalgies guider notre pensée. Je partage pleinement l'ambition que vous décrivez : l'école doit être le lieu de réussite pour chacun parce que c'est ainsi que les valeurs de la République sont possibles dans la vie quotidienne pour chacun d'entre nous. Cette ambition de réussite, cela ne doit pas être un vain mot, cela veut dire qu'il faut faire de l'efficacité, une des priorités de l'école, et ce serait douter de l'école, et lui faire peut-être même injure que de penser qu'elle n'est pas capable d'atteindre ce niveau de capacité qui exige l'efficacité. Je pense vraiment que la réussite, à un moment ou à un autre, doit être illustrée. Cela veut dire qu'il faudrait transformer notre objectif auquel j'adhère de 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat, à quelque chose de plus fort, de plus juste. La réussite pour tous, c'est un diplôme pour tous, ce n'est pas 80 % et 20 % à côté en situation d'échec. C'est un diplôme pour tous, mais qualifions ce diplôme. Nous avons une grande ambition pour l'école, et nous souhaitons vraiment développer la capacité de notre pays à élever le niveau de connaissance. Mais cela veut dire qu'il faut donner à chacun, au départ, la capacité d'avoir accès à un diplôme. Il y a forcément ce que vous appelez les "savoirs fondamentaux" et la reconnaissance et la validation de ces savoirs fondamentaux. Lire, écrire, compter, et je partage votre avis, l'informatique et l'anglais, ces cinq fondamentaux, il faut pouvoir, à un moment ou à un autre, dans le parcours scolaire - nous en discuterons - veiller à ce que cette validation existe pour qu'on puisse la reconnaître et la présenter à la société comme une étape franchie par la personne, et pour ceux qui ne peuvent pas s'engager dans ce parcours, ou qui, à un moment ou à un autre, rencontreraient des difficultés majeures. Je suis convaincu qu'ils peuvent accéder à la reconnaissance d'un talent. Il n'y a pas d'enfants sans talents. Il faut aller le chercher ; il ne faut pas attendre dix-huit ans pour voir qu'un enfant a échoué dans son parcours scolaire de A jusqu'à Z, et se révèle un formidable dessinateur ou se révèle quelqu'un qui a un talent supérieur, épanoui, que personne n'a reconnu auparavant. Il faut qu'à un moment, dans l'école, on aille fouiller au fond de la personne pour aller identifier ce talent et qu'on reconnaisse ce talent, et que l'école permette à tous ceux qui sortent, de savoir quel est leur talent, de retrouver la confiance en eux. Parce qu'on aura reconnu leur talent, ils trouveront là, non seulement l'énergie personnelle qui les aidera dans la suite de leur parcours, mais ils aideront aussi la société à organiser leur propre parcours et à organiser l'orientation en fonction de qualités. Et donc, quand je dis "un diplôme pour tous", c'est cette double reconnaissance de base, celle des fondamentaux, celle des talents qui permet ensuite d'élever le niveau collectif des uns et des autres. C'est, je pense, très important et cela nous permettra de bâtir une orientation en amont qui sera plus adaptée au talent des uns et des autres. C'est, je crois, une uvre de justice que de reconnaître les talents.
Je ne souhaite pas que notre école puisse gâcher ou cacher les talents des Françaises et des Français, des jeunes français et des jeunes françaises. La réussite de l'élève doit être aussi importante que la réussite d'une classe d'âge. C'est un peu cela l'idée centrale qu'il nous faut aujourd'hui promouvoir et que je trouve au cur de vos travaux.
Les valeurs de notre réforme, maintenant, Mesdames et messieurs, Pour tout cela, à partir du moment où nous avons un diagnostic, il nous faut les leviers de la réforme. Les leviers de la réforme sont forcément les leviers de la justice. En France, la réforme est possible si la réforme est juste. C'est ce qu'il nous faut maintenant identifier : quels sont ces leviers de justice qui vont mobiliser les Français ? Car la réforme ne sera réussie que si les Français voient qu'elle apporte plus de justice. Donc, nous avons là un travail important à faire pour bien identifier notre capacité à lutter contre les inégalités et surtout éviter que l'école ne soit un lieu de reproduction des inégalités, et que l'égalité des chances soit vraiment, comme l'a souhaité le Président de la République, au cur de l'initiative, au cur de la réforme. C'est la mobilisation de moyens et d'idées pour aider ceux qui ont besoin de ce soutien. Je crois aussi qu'il faut valoriser le savoir, les savoirs fondamentaux et notamment, le savoir-être et le savoir-faire ; vous le dites avec clarté. Je pense que la valeur de la responsabilité est très importante. Notre système éducatif est apparu par moment, comme un système ne prenant pas suffisamment en compte cette école de la responsabilité. Est-il raisonnable, par exemple, d'envoyer les plus jeunes enseignants dans les zones les plus difficiles ? C'est une question de responsabilité pour les pouvoirs publics. Là, nous avons, je pense, à prendre conscience des responsabilités qui sont les nôtres pour ouvrir l'école à un certain nombre de perspectives qui sont essentielles pour le pays. Je pense à des perspectives comme la capacité d'initiative, comme l'esprit d'entreprise, comme la participation à la vie de la cité, comme la participation à tout ce qu'est la dynamique sociale, la vie associative, un certain nombre de sujets qui concernent les problématiques personnelles.
Je voudrais vous dire aussi que dans ce qu'est votre réflexion, il y a évidemment un travail très important qui devra être prolongé, sur ce que vous avez évoqué, ce que j'ai évoqué tout l'heure et qui concerne les acquis fondamentaux. L'Assemblée nationale s'est saisie de cette question récemment et je compte sur monsieur Périssol et ses collègues pour éclairer le Gouvernement sur la définition des savoirs à l'école et sur le rôle du Parlement sur ce sujet, qui devra être à la fois important mais aussi régulier. Je pense que la représentation nationale doit clairement exprimer son sentiment sur ce que sont les savoirs fondamentaux de la Nation. C'est un point important, je crois, qu'il nous développer.
Je voudrais aussi souligner ce qui est important dans votre texte, et qui est une conviction commune, c'est la clé de la réussite pour tous les élèves et qui repose sur la reconnaissance de la diversité, et donc, la nécessité de construire des parcours qui tiennent compte d'un accompagnement personnalisé des élèves. Je pense que c'est une perspective essentielle. Il nous faut naturellement la pédagogie du collectif, il nous faut aussi la pédagogie du personnel. Et donc, un peu moins de collectif pour un peu plus de personnel et de permettre aux enfants non pas de travailler moins mais de travailler mieux, il y a là des perspectives de progrès qui sont très importantes pour l'ensemble du dispositif éducatif. Je pense qu'il apparaît à tout le monde que la charge de travail des élèves est lourde. Je connais même certains élèves qui travaillant plus de 35 heures, travaillent plus que leurs parents ! Donc, il y a là la nécessité de pouvoir réfléchir à la manière pour que ce temps puisse le plus efficace possible et que l'on puisse leur permettre d'avoir un suivi personnalisé de leurs progrès. C'est, je crois, la reconnaissance du talent et cela nous permettra de pousser tout le monde vers le haut et de veiller à ce qu'il y ait cette ambition nationale d'élévation globale des connaissances. Je souhaite que François Fillon étudie toutes les possibilités de réforme des services, notamment en ce qui concerne l'orientation, pour que l'on puisse trouver cette voie de progrès qui s'adresse naturellement aux élèves, à la communauté éducative, mais aussi aux parents. Je voudrais dire aussi que dans les inégalités, nous avons un certain nombre de sujets qui restent des sujets majeurs. Je pense qu'il nous faudra être très volontariste sur un certain nombre de sujets. Je pense aux jeunes filles qui se dirigent trop peu vers les filières scientifiques, je pense aux élèves venus de quartiers difficiles qui n'osent pas tenter l'aventure des classes préparatoires ou de l'université. Pourquoi pas elles ? Pourquoi pas eux ? Il nous faut mettre en place des actions positives, qui visent à aider chacun à avoir l'ambition d'accéder à l'excellence selon ses compétences. Je veux que notre projet soit très volontariste sur ce point. C'est un élément, également, de stratégie. Pour les enseignants : je crois qu'il est important de valoriser la profession d'enseignant. On ne peut pas dire qu'il s'agit là d'une grande ambition nationale que d'atteindre un niveau de réussite à l'école et de ne pas faire de la profession d'enseignant une profession valorisée dans la société. " Les maîtres d'école sont des jardiniers en intelligence humaine ", disait Victor HUGO. Je crois qu'il nous faut reconnaître ce rôle, aujourd'hui, de l'enseignant dans la société. Le reconnaître et reconnaître ses responsabilités. Là, je crois que nous avons beaucoup de choses à engager. Par exemple, il est essentiel d'assurer aux enseignants une formation professionnelle initiale meilleure. Les IUFM ont été créés dans ce but mais ils peinent quelque peu aujourd'hui à affirmer toute leur efficacité. Il faut les aider à assumer leur mission. Il faut également que la loi assure aux enseignants une formation continue digne de ce nom. Il est assez intéressant de noter cette originalité française, que les professionnels de l'Education n'ont pas accès à la formation professionnelle. Ce sont les seuls d'ailleurs dans notre société. Alors que nous sommes très heureux d'avoir créé le droit individuel à la formation, que nous développons le concept de la formation tout au long de la vie, voilà quelque chose à ce que nous voulons valoriser comme étant les professionnels non seulement de l'éducation, mais par leur travail, ceux qui ouvrent la porte de la formation tout au long de la vie, et que eux n'auraient pas accès à cette perspective. Il y a là, je pense, un défaut de notre système, qui est un défaut majeur et qu'il nous faudra nécessairement corriger. Il y a de nombreuses perspectives qui doivent être envisagées sur toutes ces questions. Je voudrais dire qu'il nous faut améliorer les évolutions de carrière au sein même de l'Education nationale. Il est vrai que nous devions penser - et avec F. Fillon nous avons beaucoup débattu de ces questions à l'occasion d'un certain nombre de débats nationaux qui ont eu lieu ces derniers mois. Je pense à la seconde carrière. Je pense qu'il faut envisager ces passerelles pour la seconde carrière. On peut comprendre que l'engagement humain, l'engagement personnel, l'engagement physique, intellectuel fait qu'à un moment, on a le sentiment d'être un peu au bout d'une certaine force pour exercer le métier dans certaines conditions. Donc, il y a d'autres formes d'exercice du métier, d'autres formes de service public qui doivent être accessibles au métier d'enseignant pour assumer cette seconde carrière.
Après ces idées centrales sur la réussite de l'école et ces priorités que nous voulons dégager, je voudrais vous dire un mot sur le processus législatif. Quelques lignes ont été définies, avec un certain nombre d'autres débats que nous avons eus et que nous aurons ; le ministre pourra rassembler les propositions et construira une étape en plusieurs démarches. Vous le savez, en ce qui me concerne, je présenterai avant la fin de l'année aux Français le Contrat France 2005, qui sont les trois priorités du Gouvernement pour l'année 2005.
Un budget 2005, mais trois priorités qui sortent du budget et qui indiquent aux Français clairement quelles sont les priorités du Gouvernement pour cette année. Les trois priorités du Gouvernement pour l'année 2005, c'est la baisse du chômage, c'est la réforme de l'école et c'est la lutte contre la vie chère et pour le pouvoir d'achat. Toute notre mobilisation nationale tournera autour de ces trois objectifs. Ce sont des résultats que je veux pouvoir présenter aux Français à la fin de l'année 2005. Donc, la réforme de l'école fait partie de nos objectifs et des résultats que nous voulons présenter. Nous le ferons en plusieurs phases, naturellement. Après avoir eu la phase du débat, F. Fillon pourra rencontrer, évidemment, les organisation syndicales, puis pourra faire les propositions d'ici la fin de l'année et présenter un projet de loi en Conseil des ministres en décembre ou en janvier, de manière à ce que nous puissions être en mesure de faire en sorte que les grandes décisions puissent concerner la rentrée 2006. Peut-être que des premières décisions seront disponibles dès 2005 pour enclencher cette dynamique, mais le grand rendez-vous de la réforme, est la rentrée 2006. Cela veut dire qu'après le passage en Conseil des ministres, au premier semestre 2005, le débat parlementaire sera ainsi engagé.
Vous voyez qu'à partir du travail qui a été fait, notamment de cette expression d'un million de Françaises et de Français qui ont dit leur attachement à l'école, à partir de quelques idées centrales, qui sont des idées de justice et d'ambition, nous voulons construire une proposition de réforme qui ne sera pas la réforme dont l'ambition est de construire l'école pour tout le XXIème siècle, mais qui est de construire une nouvelle étape de ce qui a déjà été bâti, cette étape des quinze prochaines années qui nous permettra ainsi d'atteindre l'objectif qu'est le nôtre avec un esprit, je dirais, très républicain, c'est-à-dire aussi très pragmatique. Nous voulons chasser les vieux clivages idéologiques. J'aime bien cette définition d'Althusser sur l'idéologie : " l'idéologie c'est quand la réponse arrive avant la question ". Eh bien il faut éviter d'entrer dans ce dispositif-là. Nous allons engager un débat dont l'objectif est d'apporter de bonnes réponses à de vraies questions qui sont posées par les Français qui veulent avoir confiance dans leur école. C'est pour cela que nous sommes engagés dans cette réforme dès aujourd'hui, non pas pour une action gouvernementale, non pas pour rendre hommage à une commission aussi méritante soit-elle, mai simplement pour répondre à l'ambition de la Nation.
Je vous remercie les uns et les autres et je vous laisse maintenant notamment, mesdames et messieurs les journalistes, interroger monsieur Thélot et les membres de la commission sur l'ensemble des sujets qui vous paraissent importants. Et de manière à ce le débat soit le plus libre possible, nous allons, F. Fillon et moi-même, nous retirer de manière à ce que vos questions puissent être pertinentes... voire impertinentes.
Merci à tous !
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 octobre 2004)
Monsieur le ministre, Monsieur Thélot, Mesdames et messieurs les membres de la commission, Je salue chacune et chacun d'entre vous. Je salue notamment les parlementaires, parce que je trouve très important que ce rapport réponde à l'interpellation de la Nation. Il ne s'agit pas d'un rapport d'experts pour l'expert, il s'agit d'un rapport de la Nation pour la Nation. C'est, je crois, l'élément majeur de la démarche qui a été engagée. Donc, merci à tous ceux qui ont participé. Le Président de la République l'a dit : " L'école a été le rêve de la République. Et elle reste sans aucun doute la plus belle de ses réussites ". Vous inscrivez votre démarche dans cette conviction. Il est temps aujourd'hui pour nous, pour le Gouvernement bien sûr, mais aussi pour l'ensemble des acteurs publics, de nous rassembler autour de l'école qu'appelle la Nation pour fonder un nouvel espoir sur le renouvellement du contrat entre la Nation et son école. Nous devons sortir de ce pessimisme, pour aller à la recherche de ce nouvel espoir, espoir de tout un pays. D'abord, espoir de voir les enfants de France accéder à la connaissance, espoir de voir ses propres enfants réussir dans la vie par le mérite et le travail valorisés par l'école ; espoir, enfin, que l'élévation du niveau de connaissances et de qualifications profite à l'ensemble de la collectivité nationale dans un monde qui, vous le savez, est en grand mouvement. Cet espoir est évidemment pour nous tous une exigence majeure. Nous savons tous que l'avenir de la France, c'est la connaissance, c'est la création, c'est l'intelligence, c'est l'innovation. C'est la capacité d'ajouter dans toutes les activités humaines ce supplément d'âme et d'intelligence, qui crée cette valeur humaine ajoutée nécessaire à tous les processus culturels, économiques et sociaux. L'Education nationale doit mener cette perspective, dans le juste respect, comme c'est écrit, de son héritage historique. Il ne s'agit pas aujourd'hui pour le Gouvernement de mettre en uvre la énième réforme de l'école qui prétendra, naturellement, tout changer. Nous n'en sommes pas au "grand soir. Il s'agit de moderniser la loi de 1989 qui a constitué pour la communauté éducative un moment important. Mais il s'agit aussi de se fixer une nouvelle ambition : celle - c'est le titre du rapport - de la réussite pour chaque élève. Je crois que ces mots-là sont des mots-clés, parce que ce n'est pas la situation d'aujourd'hui. La réussite de chaque élève, c'est une grande ambition pour la Nation. Aujourd'hui, 15 ans après la loi de 1989, nous voyons bien qu'il faut tenir compte des changements de la société, des changements socio-culturels, des changements des élèves, des changements du métier et de l'évolution des attentes des parents vis-à-vis de l'école. Cette nouvelle loi, ce projet que conduit F. Fillon, doit redonner confiance en l'école, une confiance qui est trop souvent menacée. Cette nouvelle loi doit donner des perspectives claires pour l'école des 15 ans à venir - comme le disait à l'instant le président Thélot. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce sera aussi une loi d'orientation mais aussi de programmation pour pouvoir fixer la ligne, la perspective de ces quinze ans à venir.
Pour préparer cette loi, nous avons, - vous avez ! - engagé un long processus sur l'écoute, le dialogue et la capacité de proposition. C'est la spécificité, d'ailleurs de ce Gouvernement d'engager toutes ces réformes selon le même modèle. Un : une phase d'écoute. Nous avons le Comité d'orientation des retraites, nous avons eu le Haut conseil de l'assurance maladie, et là, nous avons la commission Thélot avec son rapport Miroir et son rapport final. C'est la capacité d'enclencher un débat préalable à l'action de réforme. Plus d'un million de personnes ont participé au débat national sur l'avenir de l'école ; c'est particulièrement significatif et le Miroir du débat, qui a été rendu public en avril dernier, dresse un état des lieux très circonstancié des atouts comme des difficultés de l'école d'aujourd'hui. Donc, ce texte-là ne doit pas faire oublier l'autre. Nous avons ces deux éléments très importants : le Miroir et les conclusions qui sont le fondement même d'une action réformatrice que nous voulons engager.
Nous apercevons bien, par l'ensemble de ces débats, quelles sont aujourd'hui les difficultés de l'école. Depuis plusieurs années, les résultats de l'école ne progressent plus. Malgré l'engagement personnel et profond des enseignants, elle joue moins son rôle d'ascenseur social. L'illettrisme s'est développé, trop d'élèves quittent le système scolaire sans qualification et les échecs au cours du premier cycle universitaire sont encore beaucoup, beaucoup, beaucoup trop importants. Ces difficultés ne viennent pas du manque de moyens ; disons les choses clairement, avec netteté : le budget de l'éducation, qui est de loin le premier budget de l'État, a augmenté de 23 % en dix ans, alors que le nombre d'élèves a baissé de 500 000. Ces chiffres-là sont une réalité sur lesquels il nous faut réfléchir. Ces difficultés et la perte de confiance qui est consécutive à ces difficultés et à ses résultats, trouvent en partie leurs origines dans ce que notre société, aujourd'hui, demande souvent trop à l'école et soumet trop l'école aux pressions du quotidien. Nous transférons à l'école trop de problèmes dont elle ne détient pas, à elle seule, les solutions. On ne peut pas charger l'école de toutes les difficultés de la société. En faisant cela, on lui rend la mission impossible. Comment, donc, uvrer pour l'égalité et la promotion sociale quand le chômage des parents, les familles éclatées, l'absence de repères et de racines, un certain individualisme et quelquefois un certain égoïsme, font que nos enfants sont profondément déstabilisés ? Comment transmettre un savoir, maintenir l'autorité de l'enseignant dans certaines situations que nous savons extrêmes ? Comment éduquer à la citoyenneté quand l'école est confrontée à la poussée des communautarismes ? Ces questions sont trop fréquentes pour qu'on ne tente pas d'y apporter maintenant une réponse.
Alors que le métier de professeur expose considérablement celui qui l'exerce, dans son être, dans sa personne, ces difficultés de l'école inquiètent depuis plus de 20 ans maintenant l'ensemble de notre communauté éducative. L'urgence est donc de donner à chaque Français et à chaque Française une perspective pour l'école de la Nation, un sens à l'école. L'école, évidemment, nous en sommes tous d'accord, c'est la plateforme de base de l'idée réformatrice. L'école est le cur de la République. Elle fait vivre la République. Parce que l'école est le cur de la République, elle doit d'abord être attachée aux valeurs de la République, être un vecteur de liberté : liberté de pensée, liberté de conscience, liberté sociale, celle de l'individu qu'elle doit aider à sortir notamment des déterminismes sociaux, grâce à l'acquisition du savoir. Nous faisons partie de ceux qui sont convaincus que le savoir est une libération. Parce que l'école est le cur de la République, elle doit aussi favoriser l'égalité entre les citoyens. Je dis bien : l'égalité. Ayons de vrais débats sur ce sujet et pas cette multiplication d'égalitarismes que nous voyons se développer ici ou là. En voulant traiter tout le monde quelquefois de la même manière, on crée des injustices, y compris, je vois, dans certains comportements de telle ou telle activité territoriale, par exemple le souci d'offrir à tout le monde la même aide. Si on n'aide pas les plus fragiles, et si on n'est pas attentif aux plus en difficulté, évidemment, on ne sert pas forcément l'égalité car on entretient des écarts sociaux. Il faut faire plus pour ceux qui sont les plus défavorisés ; c'est cela le combat de l'égalité. A l'heure où, chacun le reconnaît, l'égalité des élèves n'est pas assurée dans notre pays, l'école doit corriger ces inégalités et redevenir un instrument de promotion sociale. Parce que l'école est au cur même de la République, elle doit aussi redevenir un lieu de fraternité, et donc chasser la violence, et faire en sorte qu'on puisse apprendre, à l'école, les principes essentiels du vivre ensemble et de la citoyenneté. L'ambition, elle est clairement affichée : la réussite pour chacun. Le triple rôle de l'école, vecteur de liberté, d'égalité et de fraternité, c'est la nation qui lui assigne, évidemment. J'ai, dans cette perspective, apprécié le travail de la Commission Thélot, parce que vous vous êtes inscrits dans cette continuité. Et je pense que c'est là, la chance de la réforme. Vous rendez la réforme possible, parce que vous avez équilibré la continuité et l'ambition. Je tiens donc à saluer ce travail, et même si j'ai lu qu'il y avait eu, en votre commission, un débat profond, tendu, entre les "pédagogues" et les "républicains", si c'est vrai, ce que je lis, cela veut dire que la commission était bien composée. Et je vous remercie d'avoir ainsi pu trouver dans le texte cet équilibre entre les uns et les autres. Vos propositions sont pour nous une contribution centrale, même si, évidemment, il n'y a pas d'exclusive, et que le moment venu, la représentation nationale aura, elle aussi, à s'exprimer. D'ores et déjà, votre réflexion nous invite à ce que Jean-Claude Guillebaud réclame pour la société ; il nous invite nous aussi à "désobéir à nos propres nostalgies". Nous avons tous été des praticiens, nous avons tous vécu dans l'école. Il faut veiller à ce que notre réflexion soit tournée sur les quinze ans à venir et que l'on ne laisse pas nos nostalgies guider notre pensée. Je partage pleinement l'ambition que vous décrivez : l'école doit être le lieu de réussite pour chacun parce que c'est ainsi que les valeurs de la République sont possibles dans la vie quotidienne pour chacun d'entre nous. Cette ambition de réussite, cela ne doit pas être un vain mot, cela veut dire qu'il faut faire de l'efficacité, une des priorités de l'école, et ce serait douter de l'école, et lui faire peut-être même injure que de penser qu'elle n'est pas capable d'atteindre ce niveau de capacité qui exige l'efficacité. Je pense vraiment que la réussite, à un moment ou à un autre, doit être illustrée. Cela veut dire qu'il faudrait transformer notre objectif auquel j'adhère de 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat, à quelque chose de plus fort, de plus juste. La réussite pour tous, c'est un diplôme pour tous, ce n'est pas 80 % et 20 % à côté en situation d'échec. C'est un diplôme pour tous, mais qualifions ce diplôme. Nous avons une grande ambition pour l'école, et nous souhaitons vraiment développer la capacité de notre pays à élever le niveau de connaissance. Mais cela veut dire qu'il faut donner à chacun, au départ, la capacité d'avoir accès à un diplôme. Il y a forcément ce que vous appelez les "savoirs fondamentaux" et la reconnaissance et la validation de ces savoirs fondamentaux. Lire, écrire, compter, et je partage votre avis, l'informatique et l'anglais, ces cinq fondamentaux, il faut pouvoir, à un moment ou à un autre, dans le parcours scolaire - nous en discuterons - veiller à ce que cette validation existe pour qu'on puisse la reconnaître et la présenter à la société comme une étape franchie par la personne, et pour ceux qui ne peuvent pas s'engager dans ce parcours, ou qui, à un moment ou à un autre, rencontreraient des difficultés majeures. Je suis convaincu qu'ils peuvent accéder à la reconnaissance d'un talent. Il n'y a pas d'enfants sans talents. Il faut aller le chercher ; il ne faut pas attendre dix-huit ans pour voir qu'un enfant a échoué dans son parcours scolaire de A jusqu'à Z, et se révèle un formidable dessinateur ou se révèle quelqu'un qui a un talent supérieur, épanoui, que personne n'a reconnu auparavant. Il faut qu'à un moment, dans l'école, on aille fouiller au fond de la personne pour aller identifier ce talent et qu'on reconnaisse ce talent, et que l'école permette à tous ceux qui sortent, de savoir quel est leur talent, de retrouver la confiance en eux. Parce qu'on aura reconnu leur talent, ils trouveront là, non seulement l'énergie personnelle qui les aidera dans la suite de leur parcours, mais ils aideront aussi la société à organiser leur propre parcours et à organiser l'orientation en fonction de qualités. Et donc, quand je dis "un diplôme pour tous", c'est cette double reconnaissance de base, celle des fondamentaux, celle des talents qui permet ensuite d'élever le niveau collectif des uns et des autres. C'est, je pense, très important et cela nous permettra de bâtir une orientation en amont qui sera plus adaptée au talent des uns et des autres. C'est, je crois, une uvre de justice que de reconnaître les talents.
Je ne souhaite pas que notre école puisse gâcher ou cacher les talents des Françaises et des Français, des jeunes français et des jeunes françaises. La réussite de l'élève doit être aussi importante que la réussite d'une classe d'âge. C'est un peu cela l'idée centrale qu'il nous faut aujourd'hui promouvoir et que je trouve au cur de vos travaux.
Les valeurs de notre réforme, maintenant, Mesdames et messieurs, Pour tout cela, à partir du moment où nous avons un diagnostic, il nous faut les leviers de la réforme. Les leviers de la réforme sont forcément les leviers de la justice. En France, la réforme est possible si la réforme est juste. C'est ce qu'il nous faut maintenant identifier : quels sont ces leviers de justice qui vont mobiliser les Français ? Car la réforme ne sera réussie que si les Français voient qu'elle apporte plus de justice. Donc, nous avons là un travail important à faire pour bien identifier notre capacité à lutter contre les inégalités et surtout éviter que l'école ne soit un lieu de reproduction des inégalités, et que l'égalité des chances soit vraiment, comme l'a souhaité le Président de la République, au cur de l'initiative, au cur de la réforme. C'est la mobilisation de moyens et d'idées pour aider ceux qui ont besoin de ce soutien. Je crois aussi qu'il faut valoriser le savoir, les savoirs fondamentaux et notamment, le savoir-être et le savoir-faire ; vous le dites avec clarté. Je pense que la valeur de la responsabilité est très importante. Notre système éducatif est apparu par moment, comme un système ne prenant pas suffisamment en compte cette école de la responsabilité. Est-il raisonnable, par exemple, d'envoyer les plus jeunes enseignants dans les zones les plus difficiles ? C'est une question de responsabilité pour les pouvoirs publics. Là, nous avons, je pense, à prendre conscience des responsabilités qui sont les nôtres pour ouvrir l'école à un certain nombre de perspectives qui sont essentielles pour le pays. Je pense à des perspectives comme la capacité d'initiative, comme l'esprit d'entreprise, comme la participation à la vie de la cité, comme la participation à tout ce qu'est la dynamique sociale, la vie associative, un certain nombre de sujets qui concernent les problématiques personnelles.
Je voudrais vous dire aussi que dans ce qu'est votre réflexion, il y a évidemment un travail très important qui devra être prolongé, sur ce que vous avez évoqué, ce que j'ai évoqué tout l'heure et qui concerne les acquis fondamentaux. L'Assemblée nationale s'est saisie de cette question récemment et je compte sur monsieur Périssol et ses collègues pour éclairer le Gouvernement sur la définition des savoirs à l'école et sur le rôle du Parlement sur ce sujet, qui devra être à la fois important mais aussi régulier. Je pense que la représentation nationale doit clairement exprimer son sentiment sur ce que sont les savoirs fondamentaux de la Nation. C'est un point important, je crois, qu'il nous développer.
Je voudrais aussi souligner ce qui est important dans votre texte, et qui est une conviction commune, c'est la clé de la réussite pour tous les élèves et qui repose sur la reconnaissance de la diversité, et donc, la nécessité de construire des parcours qui tiennent compte d'un accompagnement personnalisé des élèves. Je pense que c'est une perspective essentielle. Il nous faut naturellement la pédagogie du collectif, il nous faut aussi la pédagogie du personnel. Et donc, un peu moins de collectif pour un peu plus de personnel et de permettre aux enfants non pas de travailler moins mais de travailler mieux, il y a là des perspectives de progrès qui sont très importantes pour l'ensemble du dispositif éducatif. Je pense qu'il apparaît à tout le monde que la charge de travail des élèves est lourde. Je connais même certains élèves qui travaillant plus de 35 heures, travaillent plus que leurs parents ! Donc, il y a là la nécessité de pouvoir réfléchir à la manière pour que ce temps puisse le plus efficace possible et que l'on puisse leur permettre d'avoir un suivi personnalisé de leurs progrès. C'est, je crois, la reconnaissance du talent et cela nous permettra de pousser tout le monde vers le haut et de veiller à ce qu'il y ait cette ambition nationale d'élévation globale des connaissances. Je souhaite que François Fillon étudie toutes les possibilités de réforme des services, notamment en ce qui concerne l'orientation, pour que l'on puisse trouver cette voie de progrès qui s'adresse naturellement aux élèves, à la communauté éducative, mais aussi aux parents. Je voudrais dire aussi que dans les inégalités, nous avons un certain nombre de sujets qui restent des sujets majeurs. Je pense qu'il nous faudra être très volontariste sur un certain nombre de sujets. Je pense aux jeunes filles qui se dirigent trop peu vers les filières scientifiques, je pense aux élèves venus de quartiers difficiles qui n'osent pas tenter l'aventure des classes préparatoires ou de l'université. Pourquoi pas elles ? Pourquoi pas eux ? Il nous faut mettre en place des actions positives, qui visent à aider chacun à avoir l'ambition d'accéder à l'excellence selon ses compétences. Je veux que notre projet soit très volontariste sur ce point. C'est un élément, également, de stratégie. Pour les enseignants : je crois qu'il est important de valoriser la profession d'enseignant. On ne peut pas dire qu'il s'agit là d'une grande ambition nationale que d'atteindre un niveau de réussite à l'école et de ne pas faire de la profession d'enseignant une profession valorisée dans la société. " Les maîtres d'école sont des jardiniers en intelligence humaine ", disait Victor HUGO. Je crois qu'il nous faut reconnaître ce rôle, aujourd'hui, de l'enseignant dans la société. Le reconnaître et reconnaître ses responsabilités. Là, je crois que nous avons beaucoup de choses à engager. Par exemple, il est essentiel d'assurer aux enseignants une formation professionnelle initiale meilleure. Les IUFM ont été créés dans ce but mais ils peinent quelque peu aujourd'hui à affirmer toute leur efficacité. Il faut les aider à assumer leur mission. Il faut également que la loi assure aux enseignants une formation continue digne de ce nom. Il est assez intéressant de noter cette originalité française, que les professionnels de l'Education n'ont pas accès à la formation professionnelle. Ce sont les seuls d'ailleurs dans notre société. Alors que nous sommes très heureux d'avoir créé le droit individuel à la formation, que nous développons le concept de la formation tout au long de la vie, voilà quelque chose à ce que nous voulons valoriser comme étant les professionnels non seulement de l'éducation, mais par leur travail, ceux qui ouvrent la porte de la formation tout au long de la vie, et que eux n'auraient pas accès à cette perspective. Il y a là, je pense, un défaut de notre système, qui est un défaut majeur et qu'il nous faudra nécessairement corriger. Il y a de nombreuses perspectives qui doivent être envisagées sur toutes ces questions. Je voudrais dire qu'il nous faut améliorer les évolutions de carrière au sein même de l'Education nationale. Il est vrai que nous devions penser - et avec F. Fillon nous avons beaucoup débattu de ces questions à l'occasion d'un certain nombre de débats nationaux qui ont eu lieu ces derniers mois. Je pense à la seconde carrière. Je pense qu'il faut envisager ces passerelles pour la seconde carrière. On peut comprendre que l'engagement humain, l'engagement personnel, l'engagement physique, intellectuel fait qu'à un moment, on a le sentiment d'être un peu au bout d'une certaine force pour exercer le métier dans certaines conditions. Donc, il y a d'autres formes d'exercice du métier, d'autres formes de service public qui doivent être accessibles au métier d'enseignant pour assumer cette seconde carrière.
Après ces idées centrales sur la réussite de l'école et ces priorités que nous voulons dégager, je voudrais vous dire un mot sur le processus législatif. Quelques lignes ont été définies, avec un certain nombre d'autres débats que nous avons eus et que nous aurons ; le ministre pourra rassembler les propositions et construira une étape en plusieurs démarches. Vous le savez, en ce qui me concerne, je présenterai avant la fin de l'année aux Français le Contrat France 2005, qui sont les trois priorités du Gouvernement pour l'année 2005.
Un budget 2005, mais trois priorités qui sortent du budget et qui indiquent aux Français clairement quelles sont les priorités du Gouvernement pour cette année. Les trois priorités du Gouvernement pour l'année 2005, c'est la baisse du chômage, c'est la réforme de l'école et c'est la lutte contre la vie chère et pour le pouvoir d'achat. Toute notre mobilisation nationale tournera autour de ces trois objectifs. Ce sont des résultats que je veux pouvoir présenter aux Français à la fin de l'année 2005. Donc, la réforme de l'école fait partie de nos objectifs et des résultats que nous voulons présenter. Nous le ferons en plusieurs phases, naturellement. Après avoir eu la phase du débat, F. Fillon pourra rencontrer, évidemment, les organisation syndicales, puis pourra faire les propositions d'ici la fin de l'année et présenter un projet de loi en Conseil des ministres en décembre ou en janvier, de manière à ce que nous puissions être en mesure de faire en sorte que les grandes décisions puissent concerner la rentrée 2006. Peut-être que des premières décisions seront disponibles dès 2005 pour enclencher cette dynamique, mais le grand rendez-vous de la réforme, est la rentrée 2006. Cela veut dire qu'après le passage en Conseil des ministres, au premier semestre 2005, le débat parlementaire sera ainsi engagé.
Vous voyez qu'à partir du travail qui a été fait, notamment de cette expression d'un million de Françaises et de Français qui ont dit leur attachement à l'école, à partir de quelques idées centrales, qui sont des idées de justice et d'ambition, nous voulons construire une proposition de réforme qui ne sera pas la réforme dont l'ambition est de construire l'école pour tout le XXIème siècle, mais qui est de construire une nouvelle étape de ce qui a déjà été bâti, cette étape des quinze prochaines années qui nous permettra ainsi d'atteindre l'objectif qu'est le nôtre avec un esprit, je dirais, très républicain, c'est-à-dire aussi très pragmatique. Nous voulons chasser les vieux clivages idéologiques. J'aime bien cette définition d'Althusser sur l'idéologie : " l'idéologie c'est quand la réponse arrive avant la question ". Eh bien il faut éviter d'entrer dans ce dispositif-là. Nous allons engager un débat dont l'objectif est d'apporter de bonnes réponses à de vraies questions qui sont posées par les Français qui veulent avoir confiance dans leur école. C'est pour cela que nous sommes engagés dans cette réforme dès aujourd'hui, non pas pour une action gouvernementale, non pas pour rendre hommage à une commission aussi méritante soit-elle, mai simplement pour répondre à l'ambition de la Nation.
Je vous remercie les uns et les autres et je vous laisse maintenant notamment, mesdames et messieurs les journalistes, interroger monsieur Thélot et les membres de la commission sur l'ensemble des sujets qui vous paraissent importants. Et de manière à ce le débat soit le plus libre possible, nous allons, F. Fillon et moi-même, nous retirer de manière à ce que vos questions puissent être pertinentes... voire impertinentes.
Merci à tous !
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 octobre 2004)