Texte intégral
Le Figaro le 19 octobre 2004
Le sida infecte une nouvelle personne toutes les six secondes dans le monde. Il en tue en moyenne 8 000 par jour. Il touche de plus en plus les femmes, les plus jeunes, les plus vulnérables. Il paralyse les pays où l'épidémie n'est pas maîtrisée, et en Afrique, il ruine les efforts de trente années de développement. Il est temps aujourd'hui de reconnaître les limites de notre action et d'affirmer une nouvelle priorité pour notre stratégie de lutte contre le Sida : découvrir un vaccin sûr et efficace contre la pandémie la plus meurtrière et dévastatrice de notre époque.
De nombreux pays se sont déjà lancés dans cette aventure. Le seul moyen pour tenter de maîtriser ce virus, c'est d'unir nos forces et de chercher ensemble. C'est pourquoi nous avons proposé aux ministres de la Santé des six pays d'Europe les plus engagés dans la recherche d'un vaccin contre le sida de se réunir, aujourd'hui, à Paris, avec les chercheurs, pour qu'ensemble, nous construisions une stratégie européenne de recherche vaccinale. Car l'Union fait la force. Avec l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Italie, la Suède et les Pays-Bas, nous tenterons ce matin de jeter les bases d'une recherche commune, à la hauteur des enjeux planétaires de cette pandémie. Nous définirons ensemble les modalités d'un engagement commun, à la veille de la conférence de la Global HIV Vaccine Entreprise, réunion d'experts appelée par le G8 de Sea Island en juin dernier et qui se tiendra après-demain, le 21 octobre à Washington. Grâce à cette réunion, ici à Paris, les Européens pourront enfin former un front uni pour se présenter à la réunion du G- 8.
Les progrès thérapeutiques ont été spectaculaires en vingt ans. De nouveaux traitements ont été mis au point. Ils permettent de contrôler l'infection mais pas de guérir les patients. De plus, la plupart des patients des pays du Sud n'y ont pas accès. Seul un vaccin sûr et efficace pourrait nous permettre un jour de contenir cette pandémie virale, comme il a permis d'éradiquer la variole de la planète et la poliomyélite dans de nombreux pays.
Mettre au point un vaccin contre le sida est un défi scientifique majeur pour les chercheurs. Ce virus diffère en effet de la grande majorité des autres virus par le fait qu'il est capable, en s'intégrant dans le génome des cellules qu'il infecte, de se cacher et de se mettre ainsi à l'abri du système immunitaire. La recherche suit deux grandes options. Un vaccin préventif - c'est-à-dire un vaccin qui empêcherait les personnes de s'infecter. Malgré des recherches intenses dans ce domaine et des progrès portant notamment sur la structure de l'enveloppe du virus, nous ne savons pas à l'heure actuelle comment induire des anticorps "neutralisants". La recherche vaccinale s'oriente ainsi à court terme vers celle de vaccins "d'efficacité partielle" dont l'objet est d'atténuer la maladie sans toutefois prévenir l'infection. Un tel vaccin pourra probablement être mis au point dans les cinq à huit prochaines années.
Alors que plus de vingt candidats vaccinaux sont issus de la recherche en Europe, celle-ci souffre d'être fragmentée et non coordonnée, et moins financée qu'aux Etats-Unis. La recherche européenne sur le VIH représente environ 40% des publications mondiales sur le sujet. Des programmes de développement existent en Angleterre, en Suède, en Italie, en Allemagne, au sein d'un consortium de plusieurs pays appelé EuroVacc, et en France (stratégie développée par l'ANRS). Mais, alors que plus d'un tiers des candidats vaccins actuellement en développement clinique dans le monde est issu de la recherche européenne, 90% des premiers essais pour tester ces vaccins chez l'homme se déroulent aux Etats-Unis. La conférence de Paris que nous organisons aujourd'hui a pour but d'inverser la tendance.
Fort de son engagement dans la lutte contre le Sida et fort de sa recherche, le gouvernement français se devait d'être à l'origine d'une telle initiative : mettre en place un "agenda" scientifique européen sur le vaccin sous l'autorité d'un comité scientifique, déterminer des financements communautaires et mobiliser l'industrie, pratiquement absente sur le continent. C'est maintenant qu'il nous faut agir. Ensemble. Demain, il sera trop tard.
(Source http://www.u-m-p.org, le 21 octobre 2004)
Le Parisien le 20 octobre 2004
Propos recueillis par Jean-Marc Plantade
Pour le quatrième mois consécutif, la progression des dépenses d'assurance maladie connaît un ralentissement. Alors que la réforme de l'Assurance maladie n'est pas encore entrée en application, le ministre de la Santé et de la Protection sociale a répondu aux questions du quotidien Le Parisien.
Comment expliquez-vous ce phénomène ?
La vraie réforme est celle qui, bien expliquée, s'accompagne d'une modification des comportements. Nous avons toujours pensé, avec Xavier Bertrand, qu'en disant la vérité, en donnant les vrais chiffres, on ferait prendre conscience à nos concitoyens de l'importance des problèmes de notre système d'assurance maladie. Aujourd'hui, les Français ont compris qu'il fallait agir pour le sauver. Sans même attendre la mise en application de la réforme. Les patients, les assurés sociaux, mais aussi les médecins libéraux, jouent pleinement le jeu. Voilà pourquoi notre politique de responsabilité des soins et notre manière de gérer l'assurance maladie sont en train de s'imposer progressivement dans l'opinion publique.
Autrement dit, le fait d'annoncer une réforme plus ou moins douloureuse aurait, selon vous, servi de déclic ?
Notre démarche, comme pour toute réforme, engendre des effets psychologiques positifs. Le fait d'afficher une volonté politique forte permet d'obtenir des résultats. On l'a vu, hier, sur la sécurité, on le voit, aujourd'hui, avec l'assurance maladie. L'an dernier, les comptes de l'assurance maladie affichaient une progression de 6,4 %. Pour cette année, la Commission des comptes a prévu + 5,2 %. Il est très probable, au vu des derniers résultats, que nous soyons finalement en dessous. C'est dire s'il se passe quelque chose de très important. Autre signe révélateur d'un changement des comportements, le nombre des arrêts maladie, pour la première fois depuis des années, n'augmentera pas en 2004.
Ces résultats devront être confirmés dans le temps. Une ou deux épidémies et les chiffres peuvent déraper de nouveau...
Il faut, bien sûr, rester prudent. Mais si l'on compare une année à l'autre, on constate que la folle spirale des dépenses de santé, qui courait depuis des années, est aujourd'hui cassée. Mais il faut absolument poursuivre l'effort. Tous les six mois, sortent de nouvelles molécules très onéreuses pour des maladies graves (cancer...). Dorénavant, tous les Français y auront accès, mais cela aura un coût. Nous avons donc besoin d'une réelle maîtrise des dépenses. Cela, les Français l'ont compris : ils sont prêts à dépenser mieux pour être mieux soignés. Il y a une seule condition à tout cela : que tout euro public soit efficace. Il faut éviter les abus.
Va-t-on enfin vers une réelle maîtrise de l'assurance maladie ?
La seule solution, pour sauver l'assurance maladie, c'était de réussir cette réforme et de maîtriser les dépenses. Les premiers résultats obtenus sur la médecine libérale, les arrêts de travail, le médicament devront s'accompagner d'efforts sur l'hôpital public, notamment en ce qui concerne les politiques d'achat.
Bercy affirmait, il y a peu, que votre réforme ne permettrait pas de ramener les dépenses de santé sous la barre des 5 %. Pensez-vous pouvoir faire mentir le ministère de l'Economie ?
Ne crions pas victoire. Continuons notre effort. La meilleure réforme n'est pas toujours celle qui met des millions de gens dans la rue. Les Français ont compris que la réforme de l'assurance maladie ne se ferait pas contre eux, mais qu'elle était destinée à sauver le système. Je leur demande, aujourd'hui, de poursuivre cet effort, même si je sais que sur un tel dossier, nous ne serons pas jugés sur deux mois, mais sur dix ans.
Est-ce que politiquement, tout cela n'est finalement pas bon pour vous ?
Cette réforme, souhaitée par le Premier ministre, est bonne pour les malades qui seront mieux soignés. Elle est bonne pour le rétablissement des comptes de la nation. Autrement dit, l'argent des Français sera mieux géré et dépensé plus efficacement pour que chacun ait un accès égal à des soins de qualité.
(Source http://www.u-m-p.org, le 21 octobre 2004)
LCI le 21 octobre 2004
Q- L'autre soir, l'autre nuit, vous êtes allé au Sénat pour défendre un amendement, dans le cadre d'ailleurs d'une loi sur les droits des handicapés, afin de mettre sur les bouteilles de vin, une étiquette mettant en garde les femmes enceintes contre les dangers de l'alcool. Etait-ce pour vous racheter de ne pas avoir réussi à ne pas avoir empêché l'amendement assouplissant la loi Evin à l'Assemblée nationale sur la publicité sur le vin ?
R- Ecoutez, parfois on gagne, parfois on perd. En tout cas, il n'y a qu'un seul combat, c'est celui de la santé publique. Le président de la République, pendant ce quinquennat, a décidé d'avoir une priorité : c'est la prévention. Prévention routière, prévention contre le cancer, prévention contre le handicap. Or, il faut savoir que la première cause de handicap mental, non génétique, en France, ce sont les handicaps d'enfants qui naissent, alors que leurs mamans pendant qu'elles étaient enceintes, avaient pris de l'alcool. Cela s'appelle "le syndrome d'alcoolisation ftale". 3 000 naissances sur 750 000. Et vous voulez que je laisse passer ça ! Non, ce n'est pas possible ! Les Etats-Unis d'ailleurs l'ont fait, d'autres pays le font, nous le ferons.
Q- Alors, précisément, vous avez fait passer cet amendement. En revanche, pourquoi à l'Assemblée, n'avez-vous pas pris, j'allais dire les dispositions que vous auriez pu prendre pour empêcher que l'amendement assouplissant la loi Evin ne passe ? Vous avez oralement critiqué cet amendement, mais vous n'avez pas demandé "la réserve", vous n'avez pas demandé "le vote bloqué"... ?
R- D'abord "la réserve", ce n'était pas possible. Deuxièmement, la démocratie parlementaire, il faut s'y habituer. J'étais devant un parterre de députés, 120 députés, qui sont de circonscriptions vini -viticoles, avec la vini-viticulture...
Q- Qui cèdent aux lobbies viticoles...
R- ...oui - mais qui a de grandes difficultés économiques. Ils étaient remontés, ils voulaient passer cet amendement, j'étais en minorité, ça existe. Et ce n'est pas parce qu'on est en minorité dans la vie politique qu'il ne faut pas défendre ses convictions. Et je vais jusqu'au bout.
Q- Attendez. Dites-vous aujourd'hui, qu'il n'y avait aucune disposition
qui vous permette d'empêcher que ne passe cet amendement ?
R- Voilà comment se passe... Vous êtes trop au fait, quand même...
Q- Vous savez bien qu'il y a des possibilités quand même...
R- ...justement du Parlement pour ne pas comprendre ce que je dis. Lorsque j'arrive et que cet amendement de la commission est défendu par l'ensemble du groupe, donc par la commission, y compris par des députés socialistes, je suis, là, devant 120 députés, qui veulent faire passer cet amendement. Ils me battent quand je dis "non", donc l'affaire est faite. Simplement, je dis que ce texte n'est pas terminé, c'est une première lecture, il va y avoir une deuxième lecture...
Q- Non, c'était en deuxième lecture, là, à l'Assemblée.
R- Non, pas du tout. Il y avait d'abord le Sénat, ensuite le Sénat en première lecture, ensuite, en première lecture, toujours à l'Assemblée nationale, c'était maintenant. Il va y avoir maintenant une deuxième lecture.
Q- Pardonnez-moi, mais si le Sénat vote en termes conformes, l'amendement est adopté ?
R- C'est tout le travail que nous devons faire aujourd'hui avec le groupe UMP. De quoi s'agit-il, puisque vous me posez la question ?
Q- Aurez-vous plus d'influence sur les sénateurs que vous n'en avez eue sur les députés ?
R- En tout cas, c'est un texte sur l'agriculture, comme vous le savez, ce n'est pas un texte santé. Moi j'arrive, là, au moment où il y a un amendement sur la santé, et je dis ce que j'ai à dire, et mes convictions, même lorsque je suis en minorité, je les défends. Non seulement je les ai défendues, mais je m'engage à ce qu'il n'y ait aucune atteinte de santé publique. N'oubliez pas...
Q- H. Gaymard ne vous aide pas beaucoup dans cette affaire ?
R- Attendez. Le Premier ministre a arbitré pour que nous soyons du côté de la santé publique, et je l'en remercie. Il l'a fait courageusement. Un mot : la loi Evin empêche toute publicité sur le tabac, soit ; la loi Evin, permet des publicités sur l'alcool. Aujourd'hui, ouvrez des hebdomadaires, et vous verrez qu'il y a de la publicité pour le whisky, qu'il y a de la publicité pour la bière, dans notre pays. Alors, évidemment, les producteurs de vin disent : mais pourquoi le whisky et la bière et pas nous ? Il y avait donc une petite modification à faire pour leur permettre de reconnaître la régionalisation de la production, les AOC. Et moi, je ne veux pas par contre, c'est là où je m'arrête, que l'on fasse de la publicité sur le caractère qualitatif. Je l'ai fait avec détermination à l'Assemblée nationale, je continuerai à le faire. Et ceux qui croyaient que je serai mou sont tombés sur un os.
Q- Encore un mot : si, d'aventure, cet amendement passait comme tel, s'il était adopté, ce qu'une loi a fait une autre loi peut-elle le défaire ? Autrement dit, repartiriez-vous à l'attaque à travers un autre projet de loi ?
R- Je l'ai dit dix fois : je ne laisserai pas la moindre atteinte à la santé publique ! Pourquoi ? Parce que toute la politique que nous menons actuellement, de prévention - ce pays a le meilleur système de médecine curatif individuel. Vous êtes malade, vous avez besoin d'un médecin, c'est parfait, c'est le meilleur au monde, un des plus chers d'ailleurs, mais le meilleur. Par contre, c'est un mauvais système de prévention. Il faut que nous ayons une culture de prévention. Et je ne laisserai personne, en tout cas, moi ministre j'en fais une affaire personnelle... Il est très important que nous ayons une loi qui ne porte pas atteinte à la santé publique et en particulier dans le domaine de l'alcool.
Q- En commission, dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, un amendement avait été avancé pour financer la protection sociale des agriculteurs, qui est en déficit - un peu plus d'1 milliard, 1,5 milliard si je ne me trompe -, proposant d'augmenter de 16 % les taxes sur le tabac. Cet amendement a été retiré. Avez-vous le sentiment finalement que les lobbies viticoles comme les lobbies des buralistes sont tels, que vous devez à chaque fois plier devant ces lobbies ?
R- Vous ne ferez croire à personne que le Gouvernement de J.-P. Raffarin a plié devant les lobbies du tabac. Cela, ce n'est pas possible. Parce que, c'est le premier Gouvernement depuis trente ans, à avoir fait baisser le nombre de fumeurs de 2 millions. Pour la première fois depuis toujours, les jeunes consomment moins de tabac. Pourquoi ? Tout simplement, parce que le prix a augmenté énormément, et d'ailleurs on sait qu'à partir d'un certain moment donné, moi qui habite dans le Sud-Ouest de la France, à côté de l'Espagne, je peux vous assurer que la contrebande est liée...
Q- Niez-vous que cet amendement ait été retiré par la commission
finalement, après l'avoir avancé ?
R- Non, non. Je n'ai pas à m'exprimer là-dessus. Je dis simplement qu'il faut continuer à avoir un plan de lutte contre le cancer ; que le tabac est la première cause du cancer du poumon et du cancer de la vessie. Et qu'il faut donc trouver aujourd'hui un équilibre entre le prix qui doit être, pour moi, totalement élevé pour empêcher les gens de fumer, et en même temps, éviter la contrebande qui devient aujourd'hui, maintenant, monnaie commune, malheureusement, dans toutes les régions transfrontalières.
Q- Très rapidement : vous vous êtes réjoui de la décélération des dépenses de santé en août...
R- D'assurance maladie.
Q- D'assurance maladie, en août et en septembre. Pensez-vous que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pourra être respecté en 2004 ? Je crois que c'était 4 %.
R- En tout cas, je l'espère, je fais tout pour cela. On m'avait dit : vous faites une réforme, est-ce vraiment une réforme dans la mesure où vous basez cela sur la modification des comportements ?...
Q- Mais ce n'est pas encore l'effet de la réforme puisqu'elle n'est pas encore en uvre ?
R- Non mais je ne dis pas ça. Je dis : vous faites une réforme qui est basée sur la modification des comportements, on me le reprochait. Je prouve là, depuis les chiffres d'hier, que les modifications de comportement sont possibles puisque l'on voit que les génériques sont en train vraiment de décoller, puisque chaque fois qu'un médicament est "généricable", une boîte sur deux est vendue sous le nom de "générique". Regardez les arrêts maladie : première fois depuis 20 ans que les arrêts maladie baissent dans ce pays, parce que j'ai dit qu'on allait faire des contrôles. Regardez la Carte vitale, hier, avec ce scandale que l'on a vu, la fraude. Je demande qu'il y ait une photo sur la Carte vitale. Cela, ça modifie les comportements. C'est plus intelligent qu'une maîtrise comptable.
Q- Et donc, vous approuvez les amendements - on parle toujours d'amendements - sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoyant des renforcements de contrôle des arrêts maladie et des versements des indemnités journalières ? Il faut être encore plus sévère ?
R- Oui, c'est ma loi, donc c'est la philosophie que j'ai proposée au Parlement il y a maintenant deux mois.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 octobre 2004)
Le sida infecte une nouvelle personne toutes les six secondes dans le monde. Il en tue en moyenne 8 000 par jour. Il touche de plus en plus les femmes, les plus jeunes, les plus vulnérables. Il paralyse les pays où l'épidémie n'est pas maîtrisée, et en Afrique, il ruine les efforts de trente années de développement. Il est temps aujourd'hui de reconnaître les limites de notre action et d'affirmer une nouvelle priorité pour notre stratégie de lutte contre le Sida : découvrir un vaccin sûr et efficace contre la pandémie la plus meurtrière et dévastatrice de notre époque.
De nombreux pays se sont déjà lancés dans cette aventure. Le seul moyen pour tenter de maîtriser ce virus, c'est d'unir nos forces et de chercher ensemble. C'est pourquoi nous avons proposé aux ministres de la Santé des six pays d'Europe les plus engagés dans la recherche d'un vaccin contre le sida de se réunir, aujourd'hui, à Paris, avec les chercheurs, pour qu'ensemble, nous construisions une stratégie européenne de recherche vaccinale. Car l'Union fait la force. Avec l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Italie, la Suède et les Pays-Bas, nous tenterons ce matin de jeter les bases d'une recherche commune, à la hauteur des enjeux planétaires de cette pandémie. Nous définirons ensemble les modalités d'un engagement commun, à la veille de la conférence de la Global HIV Vaccine Entreprise, réunion d'experts appelée par le G8 de Sea Island en juin dernier et qui se tiendra après-demain, le 21 octobre à Washington. Grâce à cette réunion, ici à Paris, les Européens pourront enfin former un front uni pour se présenter à la réunion du G- 8.
Les progrès thérapeutiques ont été spectaculaires en vingt ans. De nouveaux traitements ont été mis au point. Ils permettent de contrôler l'infection mais pas de guérir les patients. De plus, la plupart des patients des pays du Sud n'y ont pas accès. Seul un vaccin sûr et efficace pourrait nous permettre un jour de contenir cette pandémie virale, comme il a permis d'éradiquer la variole de la planète et la poliomyélite dans de nombreux pays.
Mettre au point un vaccin contre le sida est un défi scientifique majeur pour les chercheurs. Ce virus diffère en effet de la grande majorité des autres virus par le fait qu'il est capable, en s'intégrant dans le génome des cellules qu'il infecte, de se cacher et de se mettre ainsi à l'abri du système immunitaire. La recherche suit deux grandes options. Un vaccin préventif - c'est-à-dire un vaccin qui empêcherait les personnes de s'infecter. Malgré des recherches intenses dans ce domaine et des progrès portant notamment sur la structure de l'enveloppe du virus, nous ne savons pas à l'heure actuelle comment induire des anticorps "neutralisants". La recherche vaccinale s'oriente ainsi à court terme vers celle de vaccins "d'efficacité partielle" dont l'objet est d'atténuer la maladie sans toutefois prévenir l'infection. Un tel vaccin pourra probablement être mis au point dans les cinq à huit prochaines années.
Alors que plus de vingt candidats vaccinaux sont issus de la recherche en Europe, celle-ci souffre d'être fragmentée et non coordonnée, et moins financée qu'aux Etats-Unis. La recherche européenne sur le VIH représente environ 40% des publications mondiales sur le sujet. Des programmes de développement existent en Angleterre, en Suède, en Italie, en Allemagne, au sein d'un consortium de plusieurs pays appelé EuroVacc, et en France (stratégie développée par l'ANRS). Mais, alors que plus d'un tiers des candidats vaccins actuellement en développement clinique dans le monde est issu de la recherche européenne, 90% des premiers essais pour tester ces vaccins chez l'homme se déroulent aux Etats-Unis. La conférence de Paris que nous organisons aujourd'hui a pour but d'inverser la tendance.
Fort de son engagement dans la lutte contre le Sida et fort de sa recherche, le gouvernement français se devait d'être à l'origine d'une telle initiative : mettre en place un "agenda" scientifique européen sur le vaccin sous l'autorité d'un comité scientifique, déterminer des financements communautaires et mobiliser l'industrie, pratiquement absente sur le continent. C'est maintenant qu'il nous faut agir. Ensemble. Demain, il sera trop tard.
(Source http://www.u-m-p.org, le 21 octobre 2004)
Le Parisien le 20 octobre 2004
Propos recueillis par Jean-Marc Plantade
Pour le quatrième mois consécutif, la progression des dépenses d'assurance maladie connaît un ralentissement. Alors que la réforme de l'Assurance maladie n'est pas encore entrée en application, le ministre de la Santé et de la Protection sociale a répondu aux questions du quotidien Le Parisien.
Comment expliquez-vous ce phénomène ?
La vraie réforme est celle qui, bien expliquée, s'accompagne d'une modification des comportements. Nous avons toujours pensé, avec Xavier Bertrand, qu'en disant la vérité, en donnant les vrais chiffres, on ferait prendre conscience à nos concitoyens de l'importance des problèmes de notre système d'assurance maladie. Aujourd'hui, les Français ont compris qu'il fallait agir pour le sauver. Sans même attendre la mise en application de la réforme. Les patients, les assurés sociaux, mais aussi les médecins libéraux, jouent pleinement le jeu. Voilà pourquoi notre politique de responsabilité des soins et notre manière de gérer l'assurance maladie sont en train de s'imposer progressivement dans l'opinion publique.
Autrement dit, le fait d'annoncer une réforme plus ou moins douloureuse aurait, selon vous, servi de déclic ?
Notre démarche, comme pour toute réforme, engendre des effets psychologiques positifs. Le fait d'afficher une volonté politique forte permet d'obtenir des résultats. On l'a vu, hier, sur la sécurité, on le voit, aujourd'hui, avec l'assurance maladie. L'an dernier, les comptes de l'assurance maladie affichaient une progression de 6,4 %. Pour cette année, la Commission des comptes a prévu + 5,2 %. Il est très probable, au vu des derniers résultats, que nous soyons finalement en dessous. C'est dire s'il se passe quelque chose de très important. Autre signe révélateur d'un changement des comportements, le nombre des arrêts maladie, pour la première fois depuis des années, n'augmentera pas en 2004.
Ces résultats devront être confirmés dans le temps. Une ou deux épidémies et les chiffres peuvent déraper de nouveau...
Il faut, bien sûr, rester prudent. Mais si l'on compare une année à l'autre, on constate que la folle spirale des dépenses de santé, qui courait depuis des années, est aujourd'hui cassée. Mais il faut absolument poursuivre l'effort. Tous les six mois, sortent de nouvelles molécules très onéreuses pour des maladies graves (cancer...). Dorénavant, tous les Français y auront accès, mais cela aura un coût. Nous avons donc besoin d'une réelle maîtrise des dépenses. Cela, les Français l'ont compris : ils sont prêts à dépenser mieux pour être mieux soignés. Il y a une seule condition à tout cela : que tout euro public soit efficace. Il faut éviter les abus.
Va-t-on enfin vers une réelle maîtrise de l'assurance maladie ?
La seule solution, pour sauver l'assurance maladie, c'était de réussir cette réforme et de maîtriser les dépenses. Les premiers résultats obtenus sur la médecine libérale, les arrêts de travail, le médicament devront s'accompagner d'efforts sur l'hôpital public, notamment en ce qui concerne les politiques d'achat.
Bercy affirmait, il y a peu, que votre réforme ne permettrait pas de ramener les dépenses de santé sous la barre des 5 %. Pensez-vous pouvoir faire mentir le ministère de l'Economie ?
Ne crions pas victoire. Continuons notre effort. La meilleure réforme n'est pas toujours celle qui met des millions de gens dans la rue. Les Français ont compris que la réforme de l'assurance maladie ne se ferait pas contre eux, mais qu'elle était destinée à sauver le système. Je leur demande, aujourd'hui, de poursuivre cet effort, même si je sais que sur un tel dossier, nous ne serons pas jugés sur deux mois, mais sur dix ans.
Est-ce que politiquement, tout cela n'est finalement pas bon pour vous ?
Cette réforme, souhaitée par le Premier ministre, est bonne pour les malades qui seront mieux soignés. Elle est bonne pour le rétablissement des comptes de la nation. Autrement dit, l'argent des Français sera mieux géré et dépensé plus efficacement pour que chacun ait un accès égal à des soins de qualité.
(Source http://www.u-m-p.org, le 21 octobre 2004)
LCI le 21 octobre 2004
Q- L'autre soir, l'autre nuit, vous êtes allé au Sénat pour défendre un amendement, dans le cadre d'ailleurs d'une loi sur les droits des handicapés, afin de mettre sur les bouteilles de vin, une étiquette mettant en garde les femmes enceintes contre les dangers de l'alcool. Etait-ce pour vous racheter de ne pas avoir réussi à ne pas avoir empêché l'amendement assouplissant la loi Evin à l'Assemblée nationale sur la publicité sur le vin ?
R- Ecoutez, parfois on gagne, parfois on perd. En tout cas, il n'y a qu'un seul combat, c'est celui de la santé publique. Le président de la République, pendant ce quinquennat, a décidé d'avoir une priorité : c'est la prévention. Prévention routière, prévention contre le cancer, prévention contre le handicap. Or, il faut savoir que la première cause de handicap mental, non génétique, en France, ce sont les handicaps d'enfants qui naissent, alors que leurs mamans pendant qu'elles étaient enceintes, avaient pris de l'alcool. Cela s'appelle "le syndrome d'alcoolisation ftale". 3 000 naissances sur 750 000. Et vous voulez que je laisse passer ça ! Non, ce n'est pas possible ! Les Etats-Unis d'ailleurs l'ont fait, d'autres pays le font, nous le ferons.
Q- Alors, précisément, vous avez fait passer cet amendement. En revanche, pourquoi à l'Assemblée, n'avez-vous pas pris, j'allais dire les dispositions que vous auriez pu prendre pour empêcher que l'amendement assouplissant la loi Evin ne passe ? Vous avez oralement critiqué cet amendement, mais vous n'avez pas demandé "la réserve", vous n'avez pas demandé "le vote bloqué"... ?
R- D'abord "la réserve", ce n'était pas possible. Deuxièmement, la démocratie parlementaire, il faut s'y habituer. J'étais devant un parterre de députés, 120 députés, qui sont de circonscriptions vini -viticoles, avec la vini-viticulture...
Q- Qui cèdent aux lobbies viticoles...
R- ...oui - mais qui a de grandes difficultés économiques. Ils étaient remontés, ils voulaient passer cet amendement, j'étais en minorité, ça existe. Et ce n'est pas parce qu'on est en minorité dans la vie politique qu'il ne faut pas défendre ses convictions. Et je vais jusqu'au bout.
Q- Attendez. Dites-vous aujourd'hui, qu'il n'y avait aucune disposition
qui vous permette d'empêcher que ne passe cet amendement ?
R- Voilà comment se passe... Vous êtes trop au fait, quand même...
Q- Vous savez bien qu'il y a des possibilités quand même...
R- ...justement du Parlement pour ne pas comprendre ce que je dis. Lorsque j'arrive et que cet amendement de la commission est défendu par l'ensemble du groupe, donc par la commission, y compris par des députés socialistes, je suis, là, devant 120 députés, qui veulent faire passer cet amendement. Ils me battent quand je dis "non", donc l'affaire est faite. Simplement, je dis que ce texte n'est pas terminé, c'est une première lecture, il va y avoir une deuxième lecture...
Q- Non, c'était en deuxième lecture, là, à l'Assemblée.
R- Non, pas du tout. Il y avait d'abord le Sénat, ensuite le Sénat en première lecture, ensuite, en première lecture, toujours à l'Assemblée nationale, c'était maintenant. Il va y avoir maintenant une deuxième lecture.
Q- Pardonnez-moi, mais si le Sénat vote en termes conformes, l'amendement est adopté ?
R- C'est tout le travail que nous devons faire aujourd'hui avec le groupe UMP. De quoi s'agit-il, puisque vous me posez la question ?
Q- Aurez-vous plus d'influence sur les sénateurs que vous n'en avez eue sur les députés ?
R- En tout cas, c'est un texte sur l'agriculture, comme vous le savez, ce n'est pas un texte santé. Moi j'arrive, là, au moment où il y a un amendement sur la santé, et je dis ce que j'ai à dire, et mes convictions, même lorsque je suis en minorité, je les défends. Non seulement je les ai défendues, mais je m'engage à ce qu'il n'y ait aucune atteinte de santé publique. N'oubliez pas...
Q- H. Gaymard ne vous aide pas beaucoup dans cette affaire ?
R- Attendez. Le Premier ministre a arbitré pour que nous soyons du côté de la santé publique, et je l'en remercie. Il l'a fait courageusement. Un mot : la loi Evin empêche toute publicité sur le tabac, soit ; la loi Evin, permet des publicités sur l'alcool. Aujourd'hui, ouvrez des hebdomadaires, et vous verrez qu'il y a de la publicité pour le whisky, qu'il y a de la publicité pour la bière, dans notre pays. Alors, évidemment, les producteurs de vin disent : mais pourquoi le whisky et la bière et pas nous ? Il y avait donc une petite modification à faire pour leur permettre de reconnaître la régionalisation de la production, les AOC. Et moi, je ne veux pas par contre, c'est là où je m'arrête, que l'on fasse de la publicité sur le caractère qualitatif. Je l'ai fait avec détermination à l'Assemblée nationale, je continuerai à le faire. Et ceux qui croyaient que je serai mou sont tombés sur un os.
Q- Encore un mot : si, d'aventure, cet amendement passait comme tel, s'il était adopté, ce qu'une loi a fait une autre loi peut-elle le défaire ? Autrement dit, repartiriez-vous à l'attaque à travers un autre projet de loi ?
R- Je l'ai dit dix fois : je ne laisserai pas la moindre atteinte à la santé publique ! Pourquoi ? Parce que toute la politique que nous menons actuellement, de prévention - ce pays a le meilleur système de médecine curatif individuel. Vous êtes malade, vous avez besoin d'un médecin, c'est parfait, c'est le meilleur au monde, un des plus chers d'ailleurs, mais le meilleur. Par contre, c'est un mauvais système de prévention. Il faut que nous ayons une culture de prévention. Et je ne laisserai personne, en tout cas, moi ministre j'en fais une affaire personnelle... Il est très important que nous ayons une loi qui ne porte pas atteinte à la santé publique et en particulier dans le domaine de l'alcool.
Q- En commission, dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, un amendement avait été avancé pour financer la protection sociale des agriculteurs, qui est en déficit - un peu plus d'1 milliard, 1,5 milliard si je ne me trompe -, proposant d'augmenter de 16 % les taxes sur le tabac. Cet amendement a été retiré. Avez-vous le sentiment finalement que les lobbies viticoles comme les lobbies des buralistes sont tels, que vous devez à chaque fois plier devant ces lobbies ?
R- Vous ne ferez croire à personne que le Gouvernement de J.-P. Raffarin a plié devant les lobbies du tabac. Cela, ce n'est pas possible. Parce que, c'est le premier Gouvernement depuis trente ans, à avoir fait baisser le nombre de fumeurs de 2 millions. Pour la première fois depuis toujours, les jeunes consomment moins de tabac. Pourquoi ? Tout simplement, parce que le prix a augmenté énormément, et d'ailleurs on sait qu'à partir d'un certain moment donné, moi qui habite dans le Sud-Ouest de la France, à côté de l'Espagne, je peux vous assurer que la contrebande est liée...
Q- Niez-vous que cet amendement ait été retiré par la commission
finalement, après l'avoir avancé ?
R- Non, non. Je n'ai pas à m'exprimer là-dessus. Je dis simplement qu'il faut continuer à avoir un plan de lutte contre le cancer ; que le tabac est la première cause du cancer du poumon et du cancer de la vessie. Et qu'il faut donc trouver aujourd'hui un équilibre entre le prix qui doit être, pour moi, totalement élevé pour empêcher les gens de fumer, et en même temps, éviter la contrebande qui devient aujourd'hui, maintenant, monnaie commune, malheureusement, dans toutes les régions transfrontalières.
Q- Très rapidement : vous vous êtes réjoui de la décélération des dépenses de santé en août...
R- D'assurance maladie.
Q- D'assurance maladie, en août et en septembre. Pensez-vous que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pourra être respecté en 2004 ? Je crois que c'était 4 %.
R- En tout cas, je l'espère, je fais tout pour cela. On m'avait dit : vous faites une réforme, est-ce vraiment une réforme dans la mesure où vous basez cela sur la modification des comportements ?...
Q- Mais ce n'est pas encore l'effet de la réforme puisqu'elle n'est pas encore en uvre ?
R- Non mais je ne dis pas ça. Je dis : vous faites une réforme qui est basée sur la modification des comportements, on me le reprochait. Je prouve là, depuis les chiffres d'hier, que les modifications de comportement sont possibles puisque l'on voit que les génériques sont en train vraiment de décoller, puisque chaque fois qu'un médicament est "généricable", une boîte sur deux est vendue sous le nom de "générique". Regardez les arrêts maladie : première fois depuis 20 ans que les arrêts maladie baissent dans ce pays, parce que j'ai dit qu'on allait faire des contrôles. Regardez la Carte vitale, hier, avec ce scandale que l'on a vu, la fraude. Je demande qu'il y ait une photo sur la Carte vitale. Cela, ça modifie les comportements. C'est plus intelligent qu'une maîtrise comptable.
Q- Et donc, vous approuvez les amendements - on parle toujours d'amendements - sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoyant des renforcements de contrôle des arrêts maladie et des versements des indemnités journalières ? Il faut être encore plus sévère ?
R- Oui, c'est ma loi, donc c'est la philosophie que j'ai proposée au Parlement il y a maintenant deux mois.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 octobre 2004)