Déclaration de M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche, sur le bilan de la présidence française de l'initiative Eureka, Paris le 18 juin 2004.

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Circonstance : Clôture de la Conférence ministérielle Euréka à Paris le 18 juin 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Commissaire,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Après cette matinée de travail prometteuse pour l'avenir d'EUREKA, il me revient l'honneur et le plaisir de conclure la 21ème conférence ministérielle, qui voit s'achever la seconde présidence française de l'Initiative EUREKA.
Je voudrais commencer par vous remercier de votre très large participation. Elle est le témoignage d'un réel engagement des Etats membres d'EUREKA à prendre en main leur avenir et confirme qu'ils ont la certitude que l'innovation, la créativité, le développement technologique et la recherche sont des facteurs clés de progrès, de compétitivité, de création de valeur et d'emploi.
Je rappelle à ce propos que le gouvernement français est très attaché à la constitution de l'Espace Européen de la Recherche et au respect de l'objectif de Barcelone, qui correspond - est-il besoin de le rappeler - à l'engagement d'élever nos dépenses de R D, publiques et privées, à hauteur de 3% de notre produit intérieur brut d'ici 2010, en ayant, bien sûr, en observation toute particulière, les grandes masses. En effet, quand on regarde les grands groupes industriels, certains ont tendance à exporter ou installer leur R D hors d'Europe ; ce qui montre, à la fois, des stratégies qui ne sont pas forcément des stratégies de développement et de recherche et, par ailleurs - et cela peut être la réponse de l'Europe au travers d'EUREKA ou du PCRD - qu'il est indispensable de travailler également à l'attractivité et à la compétitivité globale du système européen de recherche et d'innovation.
Permettez-moi simplement de revenir quelques instants sur le bilan dressé ce matin par Monsieur Patrick Devedjian, ministre délégué à l'Industrie, et d'en retracer les éléments qui me semblent être les plus marquants.
Depuis sa création en 1985, l'initiative EUREKA mobilise et suscite le dynamisme industriel et le potentiel de recherche et d'innovation européen.
Les chefs d'entreprises présents aujourd'hui ont d'ailleurs témoigné leur attachement à cet outil, tout en nous invitant à en améliorer certains aspects. Nous avons bien volontiers accepté leurs suggestions et confions à la future présidence néerlandaise, le soin de mettre en place une structure d'échanges et de dialogue entre les porteurs de projets et les instances d'EUREKA.
Passée de 17 membres il y a 20 ans à 34 aujourd'hui, notre " Initiative " se caractérise à la fois par :
sa capacité d'être à l'écoute du marché, dans une approche " bottom-up " (de bas en haut), c'est-à-dire, en fait, à l'initiative du " terrain ", et notamment des entreprises ;
sa simplicité, sa flexibilité et la rapidité de ses procédures voulues par ses fondateurs et pratiquées depuis par une équipe compétente et également resserrée. On ne peut pas dire qu'avec 150 personnes travaillant sur les dossiers, EUREKA soit devenu un organisme bureaucratique. Je crois que nous avons tous à nous en féliciter. Au contraire, EUREKA nous ravit par sa capacité de réaction, face aux propositions qui lui sont présentées et de ce point de vue aussi, EUREKA est tout à fait exemplaire.
Autre caractéristique d'EUREKA : son effet de levier sur l'investissement privé est significatif. Les 22 milliards d'euros, publics et privés, investis depuis la création de l'Initiative ont eu un réel impact socio-économique en termes de créations d'emplois, de chiffre d'affaires, de constitution de réseaux technologiques, de réseaux d'entreprises, et ont finalement largement contribué au renforcement de l'Europe en tant que plate-forme technologique et industrielle dans tous les domaines technologiques ou industriels, y compris naturellement - puisque c'est prioritaire - dans la haute technologie.
Enfin, je note avec satisfaction le nombre élevé de petites et moyennes entreprises impliquées dans les projets EUREKA, que ce soit à leur propre initiative ou en coopération avec de grandes entreprises : près de 2/3 des entreprises impliquées dans des projets EUREKA sont des PME, même si elles ne représentent, dans leur participation financière, que 14% des engagements.
Les axes prioritaires de notre présidence nous ont notamment fait porter nos efforts sur :
1. la gouvernance d'EUREKA,
2. la génération de nouveaux projets,
3. l'évaluation de ces projets,
4. le positionnement d'EUREKA dans l'Espace Européen de la Recherche.
Je voudrais rapidement vous rappeler les principaux acquis de l'année qui vient de s'écouler :
1. La réforme de la " gouvernance " d'EUREKA nous permettra désormais d'entériner nos orientations par un vote à la majorité qualifiée, ce qui facilitera et accélérera les prises de décision. De ce point de vue, EUREKA a de l'avance sur d'autres instances et je crois que c'est une bonne chose.
2. Susciter des projets innovants, portés par des industriels et des laboratoires de recherche, demeure la raison d'être d'EUREKA : nous pouvons nous réjouir des résultats obtenus cette année dans ce domaine.
En effet, nous venons de labelliser plus de 200 nouveaux projets, pour un montant total de plus de 500 M, soit 25% de plus en nombre et en montant que l'année dernière.
Par ailleurs, nous avons lancé six nouveaux grands projets stratégiques (ou " Clusters "), dont trois dans des domaines non encore explorés jusqu'ici, à savoir :
- la production et le transport propres d'énergie fossile,
- la promotion de la recherche et du développement industriel dans le domaine des systèmes biologiques intégrés,
- enfin, l'optimisation du process de développement de médicaments, pour mettre au point des traitements thérapeutiques plus sûrs et plus rapides.
3. Si le nombre de projets générés est important, je pense que l'on peut dire sincèrement que leur qualité l'est encore plus.
C'est pourquoi nous avons mis en place une nouvelle méthode d'évaluation " ex-ante " qui s'applique à tous les Etats membres.
Nous sommes convaincus qu'elle élèvera la qualité des projets et renforcera l'attractivité du label EUREKA pour les investisseurs.
Je voudrais, à ce propos, attirer votre attention sur le fait que, au-delà de l'initiative EUREKA, la question du financement des projets innovants me paraît essentielle.
Les dépenses de R D de l'Europe affichent, en effet, un sérieux retard par rapport à celles des Etats-Unis et du Japon, tant en valeur qu'en taux de croissance. Dans plusieurs secteurs d'activité, comme ceux des biotechnologies ou des technologies de l'information " hardware " ou " software ", le retard européen est réel et une prise de conscience est impérative.
Dans les domaines où l'Europe occupe une position de premier plan, par exemple la pharmacie ou la microélectronique, son potentiel doit être conservé et exploité.
Il faut mobiliser un maximum de fonds publics et privés, en facilitant notamment l'accès à de nouvelles sources de financement comme la Banque Européenne d'Investissement. En réalité, il ne s'agit pas d'une nouvelle institution de financement, mais il serait intéressant qu'elle devienne une nouvelle source de financement pour les entreprises et les projets liés à la recherche ou à l'innovation. Et on peut effectivement se demander si la BEI ne pourrait pas avoir plus d'allant dans ce domaine.
Les "Business Angel" sont également indispensables si nous souhaitons accroître fortement nos dépenses de R D et atteindre l'objectif de Barcelone.
Enfin, il faut mobiliser le " Venture capital " et mobiliser aussi le secteur financier.
Nous devons être très attentifs dans la recherche de nouvelles sources de financement. Dans les années à venir, les banques ne vont pas être incitées à financer de nouveaux projets innovants, compte tenu des nouveaux ratios imposés par la réglementation " Bâle 2 " qui sont plus sévères que ceux que nous connaissions déjà et qui n'étaient pas très favorables à l'innovation, en particulier le ratio coût. Il est donc indispensable que nous fassions preuve d'imagination, de créativité et de dynamisme pour aller chercher de nouveaux financements et mobiliser les financements existants au profit des projets nouveaux, de l'innovation, ainsi qu'au profit de " seed " capital aujourd'hui insuffisant pour financer les projets existants.
Autre point essentiel : les outils d'intervention publics existants en faveur du financement de l'innovation sont variés. Outre les aides directes comme celles octroyées aux projets EUREKA ou dans le cadre du PCRD, on peut citer les dispositifs d'incitation fiscale ou les mécanismes de garanties accordées aux fonds investissant dans l'innovation. Tous ces dispositifs doivent être préservés, améliorés et, autant que possible, simplifiés. En terme de simplicité, je rappelle qu'EUREKA est un exemple à suivre.
Enfin, d'autres outils d'accès au financement peuvent être imaginés. L'examen des meilleures pratiques mises en oeuvre dans nos différents pays peut nous y aider.
Plus généralement, si nous souhaitons rattraper nos compétiteurs internationaux, il est essentiel que nous développions le maximum de synergies possible entre nos réseaux, nos actions et nos outils.
4. C'est un point sur lequel le réseau EUREKA a travaillé cette année : je veux parler du renforcement de l'articulation entre EUREKA et les autres acteurs de l'Espace européen de la Recherche, notamment le programme cadre de recherche et développement de l'Union européenne.
Nous avons, en effet, toujours été convaincus que la complémentarité d'EUREKA et du PCRD, en cumulant les avantages de ces deux instruments, permettra de contribuer à atteindre l'objectif de Barcelone.
Des groupes de travail ont été mis en place entre le réseau d'EUREKA et la Commission européenne, afin de permettre une meilleure coordination du soutien public aux efforts européens de R D.
Les principales orientations que nous avons fixées ce matin pour l'avenir d'EUREKA devraient nous permettre, avec l'aide de nos collègues de la Commission Européenne, d'explorer les pistes concrètes de collaboration.
Et je me permets, chers collègues, de rappeler que nous nous sommes engagés à renforcer notre soutien et notre financement à EUREKA, en nous fixant des objectifs en matière de génération et de financement de projets et en coordonnant mieux nos programmes de soutien nationaux avec l'initiative EUREKA.
Je me réjouis d'ailleurs de la concordance des présidences de l'Union Européenne et d'EUREKA, qui va permettre à nos amis néerlandais de mettre ces points à l'ordre du jour d'un Conseil Compétitivité de l'Union Européenne.
Je saisis également l'occasion pour souligner qu'après la Présidence néerlandaise, la Présidence tchèque fêtera, en 2005, à la fois, les 20 ans d'EUREKA, les 10 ans de sa participation à cette initiative et le premier anniversaire de son adhésion à l'Union Européenne. Il y aura, bien sûr, d'autres anniversaires après la Présidence tchèque et nous pensons qu'ils pourront être fêtés par la Présidence italienne, puisque nous avons recueilli la proposition de l'Italie d'assurer la présidence d'EUREKA, ce qui confirme l'intérêt que porte l'Italie à l'initiative EUREKA et je voudrais vous en remercier, Monsieur le Ministre.
Après ce bilan et ces perspectives encourageantes, je vous propose de remercier l'ensemble des responsables du réseau EUREKA, qu'ils fassent partie des bureaux nationaux, de la DG Recherche ou du secrétariat européen, pour leur action au quotidien auprès des porteurs de projets. Je remercie tout particulièrement M. Jacamon, président du groupe des responsables de haut niveau, et toute son équipe, pour le travail de grande qualité qu'ils ont accompli cette année.
Enfin, pour conclure cette conférence ministérielle et conformément à nos traditions, je souhaite au ministre néerlandais, M.Veerman, au nom de la France et de tous les membres d'EUREKA, nos meilleurs voeux de succès pour l'année à venir.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 30 juin 2004)