Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais vous remercier pour votre attention et pour votre présence à cette onzième réunion ministérielle des ministres des Affaires étrangères du Forum méditerranéen. Il faut d'ailleurs rappeler que, s'il y a une onzième réunion, c'est que ce Forum a été créé, il y a maintenant dix ans, par deux ministres qui étaient Amr Moussa, à l'époque ministre des Affaires étrangères de l'Égypte, et puis Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères de la France, avec un certain nombre de pays, de l'Union européenne et de l'autre rive, tous riverains et intéressés par les enjeux et le développement du bassin méditerranéen. Naturellement mes premiers mots sont pour remercier mes dix collègues d'avoir personnellement, depuis hier et tout au long de cette longue matinée, fait le déplacement.
L'idée de ce Forum, c'est d'être un lieu qui soit un peu comme un laboratoire d'idées, de part et d'autre de la Méditerranée, et de permettre, ce qui n'est pas toujours le cas dans d'autres enceintes, un débat informel. Pour ma part, c'est la première fois que je participe à ce Forum ; je l'ai présidé, - c'était le tour de la France - et j'étais très frappé, tout au long de cette matinée et hier soir, de la spontanéité, de la franchise et de l'amitié qui existent dans nos débats. Je veux dire que nous avons là une nouvelle preuve que ce Forum est utile, j'allais dire particulièrement en ce moment où nous sommes confrontés, tous ensemble, à des crises régionales.
Nous avons parlé longuement, hier, de la situation en Irak et, à nouveau, de ce conflit central qu'est le conflit israélo-palestinien. Je veux rappeler ici ce que j'ai dit en Israël il y a quelques jours : l'instabilité et l'insécurité au Proche-orient, c'est évidemment l'instabilité et l'insécurité pour tout le continent européen qui en est si proche. Donc, nous avons eu un dialogue politique, des contacts personnels entre nous et également, puisque j'ai parlé de laboratoires d'idées, l'occasion de tester, d'élaborer des propositions que nous pouvons ensuite introduire dans le processus euro-méditerranéen quelques mois avant que nous nous retrouvions pour commémorer le dixième anniversaire du processus de Barcelone, une occasion qui permettra surtout, au-delà d'une commémoration, de relancer ce processus de Barcelone. La concertation que nous eue depuis hier a été particulièrement utile. Nous avons eu un dialogue, un vrai dialogue entre partenaires du Nord et du Sud et une détermination commune à relancer la politique de l'Union européenne pour la Méditerranée.
Nous avons travaillé sur la nouvelle politique du voisinage qui est proposée par la Commission européenne et par l'Union et, puisque je parle du processus euro-méditerranéen de Barcelone, je veux dire notre accord, un accord de tous les onze, pour que cette politique soit bien l'instrument central et privilégié de coopération entre les deux rives de la Méditerranée.
Bien sûr, il y a l'initiative lancée par les États-Unis qui constitue à nos yeux, avec le G8, un exercice complémentaire mais distinct. Je l'ai déjà dit, nous avons travaillé sur les moyens de rénover ce partenariat euro-méditerranéen. Comment travaillons-nous ? Nous travaillons à partir de papiers, de "non-papiers" qui sont élaborés en tandem, par plusieurs d'entre nous. Ainsi, sur la politique européenne de sécurité et de défense, nous avons développé des réflexions communes sur les enjeux stratégiques du bassin méditerranéen, en termes de défense et de sécurité, et un papier maroco-français a été élaboré. Ainsi, sur la nouvelle politique de voisinage, Algériens et Italiens ont travaillé ensemble. Ainsi, sur ce que pourrait être une adaptation de la politique régionale européenne prévue à l'intérieur de l'Union, à certaines régions, de l'autre côté de la Méditerranée, un papier espagnol et français a nourri notre discussion. Et nous continuerons ainsi à parler de tous ces sujets, à onze, d'ici au dixième anniversaire du processus de Barcelone.
S'agissant du voisinage, nous sommes, tous les onze, d'accord pour considérer que les plans d'actions de l'Union européenne, qui sont en cours de négociation avec chacun des partenaires méditerranéens, doivent être adoptés individuellement, au fur et à mesure qu'ils sont prêts, et non pas ensemble, dans un paquet global.
S'agissant de la sécurité qui préoccupe tant nos compatriotes, nous avons rappelé notre rejet complet, intransigeant, du terrorisme qui frappe durement nos pays. Nous sommes d'accord pour approfondir nos coopérations intergouvernementales contre le terrorisme mais aussi, nous sommes d'accord pour demander à la communauté internationale, et nous le ferons nous-mêmes, ensemble, de traiter plus efficacement encore les causes et les racines du terrorisme et, en particulier, les conflits ou l'injustice.
J'ai parlé de la rénovation de la politique de voisinage et l'adaptation du programme MEDA qui fera place à cette politique de voisinage en utilisant quelques-unes des bonnes méthodes de la politique structurelle européenne que j'ai eu l'honneur de gérer pendant cinq ans. Je peux donc dire que cette méthode, dans les régions les moins développées de l'Union européenne, s'agissant de la planification sur sept ans, de la politique de partenariat, de cette idée que nous ne sommes pas dans une logique de guichet mais dans une logique de projet, cette méthode-là peut être utilisée et utile de l'autre côté de la Méditerranée. Nous voudrions tester cette idée, en accord avec les autres membres de l'Union européenne.
Enfin, je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons longuement parlé du conflit israélo-palestinien. J'ai rendu compte de ma visite en Israël la semaine dernière, et naturellement de l'Irak, dans la perspective de la conférence régionale élargie qui se tiendra à Charm El Cheikh les 22 et 23 novembre.
Sur le Proche-Orient, nous sommes tous ensemble d'accord pour rappeler que la seule référence reste la Feuille de route avec l'objectif auquel nous sommes définitivement attachés de deux États vivant côte à côte : l'État d'Israël, en sécurité, et l'État palestinien, indépendant et viable.
Naturellement, toute initiative que nous voudrions soutenir s'inscrit dans le cadre et pour cette Feuille de route. Il y a urgence à relancer ce processus qui est en panne aujourd'hui et urgence à mettre fin aux violences qui touchent, tour à tour et jour après jour, aussi bien les enfants d'Israël que les enfants de Palestine.
S'agissant de l'Irak, là encore, nous avons tous exprimé une très vive préoccupation devant l'aggravation des violences. Nous sommes attachés à la sortie de cette spirale de violence par un processus politique, tel qu'il a été décrit par la résolution des Nations unies, la résolution 1546, et voilà pourquoi nous pensons que la conférence de Charm El Cheikh est une étape importante sur cette voie. Nous souhaitons que cette conférence soit utile et ouverte.
Enfin, je voudrais vous confirmer que la Tunisie prend le relais de la présidence de ce forum pour l'année à venir et il y a, comme vous l'aurez compris, beaucoup de rendez-vous méditerranéens sur l'agenda européen qui vont justifier une présidence très dense.
Enfin, l'Égypte accueillera une réunion ministérielle spéciale de notre forum au tout début de 2006, dans le cadre du suivi du dixième anniversaire du processus de Barcelone.
Voilà ce que je voulais vous dire en conclusion de nos travaux et en remerciant à nouveau l'ensemble de mes dix collègues qui ont participé à cette réunion du forum méditerranéen.
Q - (Au sujet de l'adhésion de la Turquie et de la pensée négative de la classe politique et de l'opinion française concernant ces négociations)
R - Je vous félicite pour votre perspicacité, vous avez remarqué que, dans la société française, il y avait un débat, c'est le moins que l'on puisse dire, et je pense d'ailleurs qu'il n'existe pas seulement dans la société française. Un peu partout en Europe, il y a un débat et je pense que personne ne doit craindre le débat.
En matière européenne, j'ai toujours pensé que le silence était la pire des situations. Puisqu'il y a un débat, tant mieux ! Parlons-en, comme nous avons commencé de le faire à l'Assemblée nationale l'autre jour.
En ce qui me concerne, et sous l'autorité du président de la République, je veux confirmer que nous soutenons le dialogue avec la Turquie. Nous le soutenons aujourd'hui mais nos prédécesseurs aussi, depuis une quarantaine d'années, parce que nous pensons que ce dialogue avec la Turquie est extrêmement important pour le progrès, pour la stabilité, la sécurité, non seulement de la Turquie elle-même mais de l'ensemble du continent européen. A partir du rapport présenté par la Commission européenne, qui recommande, dans certaines conditions et avec une méthode précise, l'ouverture de négociations d'adhésion qui n'ont jamais été ouvertes jusqu'à présent, c'est le Conseil européen, le 17 décembre, qui devra décider s'il y a lieu d'ouvrir ces négociations, d'en fixer les modalités, le contrôle et de choisir la date pour ouvrir cette négociation.
Vous me permettrez, à la place où je me trouve et s'agissant du Conseil européen auquel je participerai aux côtés du chef de l'État, de ne pas en dire plus. C'est le Conseil européen qui prendra cette décision, comme c'est son rôle.
Q - Concernant l'initiative franco-européenne pour accompagner les Palestiniens dans la première étape qui consiste au retrait des troupes israéliennes de Gaza, y a-t-il, dans cette initiative, l'envoi de forces d'interposition des deux côtés ou d'inspecteurs sur place comme les Palestiniens le souhaitent ?
R - D'abord, je veux rappeler qu'il y a la Feuille de route, avec l'ensemble des étapes qu'elle prévoit, pour conduire le plus vite possible à ces deux États vivant côte à côte et notamment à la reconnaissance de l'État palestinien, y compris d'ailleurs, et je l'ai dit en Israël, dans des frontières provisoires. Il y a urgence à atteindre cet objectif et à stabiliser l'avenir si je puis dire, à la fois pour le peuple israélien et pour le peuple palestinien. Tout ce qui doit être fait, doit s'inscrire dans cet objectif et dans le cadre de cette Feuille de route. Voilà pourquoi nous considérons que la promesse faite par le gouvernement israélien de se retirer d'un premier territoire, celui de Gaza, est un élément positif qui doit être soutenu parce que c'est une première étape et que c'est un premier retrait d'un territoire occupé.
C'est une chose de décider de se retirer, cela en est une autre de le faire. Nous attendons donc avec confiance le vote de la Knesset qui doit confirmer cette décision, puis sa mise en uvre. Et c'est une troisième chose de réussir ce retrait. Et c'est là où nous commençons à discuter entre nous, comme je l'ai suggéré dans ma visite, aussi bien d'ailleurs, lorsque je suis allé à Ramallah que lorsque je suis allé en Israël, et ce n'est pas une initiative franco-européenne, ce sera une initiative européenne à laquelle nous voulons travailler. Nous en avons beaucoup parlé avec mon collègue, M. Moratinos, pour déterminer comment accompagner ce retrait, c'est-à-dire, le réussir et montrer que ce premier retrait s'accompagne de stabilité, d'une plus grande sécurité, de la réduction des violences et puis d'un progrès économique, avec un port qui fonctionne, un aéroport qui fonctionne, des liaisons entre la Cisjordanie et Gaza et une économie qui redémarre.
Vous voyez, de tous ces éléments, probablement le plus important immédiatement, c'est celui de la sécurité et voilà pourquoi nous soutenons, et voulons soutenir, l'initiative égyptienne qui est courageuse, forte et précise. Comment ? Nous verrons bien ! Nous avons imaginé, les uns et les autres, qu'il pourrait y avoir une présence internationale. Sous quelle forme ? Il est trop tôt pour le dire. Mais, tout cela fait partie d'un ensemble et, comme l'a dit Javier Solana il y a quelques jours, les Européens prendront une initiative ensemble pour accompagner la réussite du retrait de Gaza, comme première étape sur la Feuille de route.
Laissez-nous quelques semaines pour travailler ensemble et être prêts, peut-être après les élections américaines, tous ensemble, à nous réinvestir, les Américains, les Russes, les Européens, membres du Quartet avec les Nations unies. Il y a urgence de notre point de vue à faire repartir le Processus de paix entre Israéliens et Palestiniens et c'est notre responsabilité, je l'ai dit à la tribune des Nations unies, c'est notre responsabilité, celle de notre génération, d'aboutir à un règlement durable de ce conflit qui est un conflit central.
Q - Ma question porte sur l'immigration clandestine. Avez-vous les moyens de vos ambitions en matière de lutte contre l'immigration clandestine ? Comment a été reçue l'idée de centres de regroupement des clandestins ? Et finalement, quelle politique d'assouplissement des visas comptez-vous adopter ?
R - Je suis là pour vous rendre compte des travaux que nous avons eus ce matin et je vous ai dit l'ensemble des sujets qui étaient à l'ordre du jour. Donc, très franchement, je dois vous dire, puisque je vous rends compte de nos travaux, que nous n'avons pas évoqué ce matin, sauf dans le cadre de la nouvelle politique de voisinage et de la liberté de circulation où plusieurs de nos collègues de la rive Sud se sont exprimés, nous n'avons pas évoqué, dans le détail, les questions d'immigration, notamment les projets qui sont, ici ou là, suggérés de centres de transit qui se situeraient en dehors de l'Union européenne.
Puisque vous me posez cette question, je voudrais dire que la France est opposée à l'idée qui a été évoquée d'établir des centres de transit en dehors de l'Union européenne, ce qui créerait une sorte de premier filtrage des candidats à l'immigration et à l'asile. Cette position très claire de notre pays a été affirmée dès le mois de juin 2003 par le président de la République à l'occasion du Sommet de Thessalonique et je l'ai confirmée moi-même à Rome, il y a quelques semaines, et mon collègue, Dominique de Villepin, a également dit que nous y étions opposés pour des questions morales et éthiques d'abord, mais aussi parce qu'elle est contraire à nos traditions et puisqu'elle aurait pour effet de concentrer, vers ces centres, les flux d'immigration illégale et de favoriser des filières délictueuses qui tireraient profit de l'activité de trafics d'hommes et de femmes.
Donc nous sommes, pour toutes ces raisons, clairement opposés à cette idée. Je vous donne la position du gouvernement français, mais très franchement, nous n'avons pas évoqué cette question durant nos travaux.
Q - La conférence sur l'Irak, dites-vous, doit être utile et ouverte. Pour autant l'opposition irakienne n'y participera pas. Est-ce que vous ne pensez pas que cela condamne cette conférence à l'inutilité ?
R - Il y a toujours un risque que les objectifs ne soient pas atteints et pourtant il faut tout faire pour que cette conférence soit réussie, qu'elle soit utile. C'est d'ailleurs avec cette idée - une conférence utile - que nous l'avions nous-mêmes proposée, vous vous souvenez, il y a plus d'un an, avec la Russie. Pour qu'elle soit utile, en effet, il faut qu'elle soit une étape sur laquelle le processus politique se consolide, s'appuie, pour aller plus loin. Nous n'avons pas de préalables, ni de conditions à poser, nous avons simplement le souci de dire comment cette conférence peut être utile. C'est une conférence intergouvernementale, je veux bien reconnaître que le gouvernement irakien seul y participera. Et pourtant, si l'on parle du processus politique et démocratique en Irak, du retour progressif à une pleine et totale souveraineté du peuple irakien sur son avenir et sur son destin, il faut que ce signal-là soit utile et utilisé pour que des forces ou des groupes, qui ont utilisé la violence, y renoncent, que tous les groupes, toutes les communautés et toutes les forces politiques irakiennes se sentent associés, d'une manière ou d'une autre. Là encore, j'exprime la position du gouvernement français, nous n'avons pas discuté de tout cela puisque les Égyptiens travaillent actuellement intelligemment et activement pour préparer cette conférence de Charm el Cheikh, mais vous m'interrogez, je vous réponds.
On a imaginé, par exemple, qu'il y ait, adossée à la conférence de Charm el Cheikh, une autre conférence inter-irakienne, en même temps ou juste après, qui permettrait d'inclure les forces politiques irakiennes, celles qui sont déjà dans le processus démocratique ou celles qui voudraient s'y mettre, en renonçant définitivement à la violence. Cela nous paraît très important que les Irakiens, dans leur plus large majorité possible, s'approprient ce processus politique et démocratique. Voilà le souci que nous avons exprimé.
Q - L'Europe et la France encouragent les forces israéliennes à sortir de Gaza et considèrent que ce retrait est une étape pour le Processus de paix, alors qu'il y a des voix en Israël qui considèrent que cela gêne le Processus de paix. Est-ce qu'il y a un malentendu entre les deux camps et comment allez-vous trouver le point de vue israélien après votre visite en Israël ?
R - Il y a sans doute, autour de ce retrait, des idées différentes ou des arrière-pensées. Moi, ce que je veux retenir, c'est ce que m'a dit le Premier ministre israélien, ce que m'a dit le chef de l'opposition, Shimon Pérès, qui vont avoir d'ailleurs à se prononcer avec d'autres, à la Knesset sur ce premier retrait d'un territoire occupé, le retrait de Gaza. Et j'ai entendu le Premier ministre dire son attachement, et c'est cela qui compte pour nous, à la Feuille de route. Encore une fois, il n'y a pas d'alternative à cette Feuille de route, sauf la violence ou le chaos ou la panne du Processus de paix. Je disais tout à l'heure l'urgence de faire redémarrer ce Processus de paix sur la base et avec la Feuille de route. Le Premier ministre israélien, quand je l'ai interrogé, - il m'a reçu longuement - m'a dit qu'il restait fidèle et attaché à la Feuille de route. C'est cela qui compte pour nous, plus que telle ou telle déclaration parallèlement.
Q - Je voulais juste vous poser une question, pour préciser un peu plus sur la question de l'Irak et de cette conférence. Vous avez parlé du fait qu'une réunion est très utile aujourd'hui. Mais est-ce qu'on a "re-évoqué" la question de l'envoi éventuel de troupes étrangères au-delà de celles qui sont déjà là-bas maintenant ? Et vous avez aussi parlé du fait que vous avez envie de voir que cela devienne une étape importante vers le processus de paix dans ce pays-là. Pouvez-vous nous donner au moins une mesure concrète que vous envisagez, qui pourrait résulter de cette conférence, qui vous rassurait et prouverait qu'on est sur la bonne voie ?
R - Nous sommes dans un processus extrêmement fragile avec une situation très instable en Irak, on le voit tous les jours, avec des violences qui se multiplient. Il faut aborder cette question à la fois avec du volontarisme et de l'humilité. Et si quelqu'un avait une recette ou une idée évidente pour rétablir immédiatement la paix et la stabilité, nous serions contents de l'entendre. Prenons les choses par étape. Voilà dans quel esprit nous avons travaillé, sur des choses concrètes, à la résolution 1546, de manière constructive, pour sortir de cette spirale, de ce que j'ai appelé les "trous noirs" qui emportaient et risquent d'emporter l'Irak et toute la région.
Voilà pourquoi nous avons suggéré cette deuxième mesure concrète, que ce processus soit consolidé, à la fois à l'intérieur de l'Irak, par une conférence inter-irakienne - nous continuons à penser qu'elle est utile -, au-delà de ce qui a déjà été fait, avec ce souci que toutes les forces irakiennes qui choisissent de renoncer à la violence, s'approprient ce processus et puis, à l'extérieur, par la coopération avec les pays de la région et la communauté internationale.
C'est donc l'objet de la conférence de Charm el Cheikh. Et puis naturellement, on va en discuter à Charm el Cheikh, mais dans ce processus, il y a d'autres étapes concrètes et difficiles dont la tenue d'élections. Il faut tout faire pour que les conditions d'une élection crédible, sérieuse soient possibles. Parce qu'à la clef de cette élection, il y a la future Constitution, et puis naturellement, la suite du processus avec, comme je l'ai déjà dit, ce qui est inscrit dans l'agenda de la résolution 1546, le moment où on devra décider du maintien ou du retrait des troupes internationales qui sont actuellement en Irak.
Prenons les choses une par une et commençons par réussir cette conférence en ayant, encore une fois, le souci d'aborder toutes les questions, à la fois de l'inclusivité du plus grand nombre possible d'Irakiens dans ce processus politique, de la tenue des élections et aussi du moment où se posera la décision de maintenir ou de retirer les troupes internationales.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 octobre 2004)
Je voudrais vous remercier pour votre attention et pour votre présence à cette onzième réunion ministérielle des ministres des Affaires étrangères du Forum méditerranéen. Il faut d'ailleurs rappeler que, s'il y a une onzième réunion, c'est que ce Forum a été créé, il y a maintenant dix ans, par deux ministres qui étaient Amr Moussa, à l'époque ministre des Affaires étrangères de l'Égypte, et puis Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères de la France, avec un certain nombre de pays, de l'Union européenne et de l'autre rive, tous riverains et intéressés par les enjeux et le développement du bassin méditerranéen. Naturellement mes premiers mots sont pour remercier mes dix collègues d'avoir personnellement, depuis hier et tout au long de cette longue matinée, fait le déplacement.
L'idée de ce Forum, c'est d'être un lieu qui soit un peu comme un laboratoire d'idées, de part et d'autre de la Méditerranée, et de permettre, ce qui n'est pas toujours le cas dans d'autres enceintes, un débat informel. Pour ma part, c'est la première fois que je participe à ce Forum ; je l'ai présidé, - c'était le tour de la France - et j'étais très frappé, tout au long de cette matinée et hier soir, de la spontanéité, de la franchise et de l'amitié qui existent dans nos débats. Je veux dire que nous avons là une nouvelle preuve que ce Forum est utile, j'allais dire particulièrement en ce moment où nous sommes confrontés, tous ensemble, à des crises régionales.
Nous avons parlé longuement, hier, de la situation en Irak et, à nouveau, de ce conflit central qu'est le conflit israélo-palestinien. Je veux rappeler ici ce que j'ai dit en Israël il y a quelques jours : l'instabilité et l'insécurité au Proche-orient, c'est évidemment l'instabilité et l'insécurité pour tout le continent européen qui en est si proche. Donc, nous avons eu un dialogue politique, des contacts personnels entre nous et également, puisque j'ai parlé de laboratoires d'idées, l'occasion de tester, d'élaborer des propositions que nous pouvons ensuite introduire dans le processus euro-méditerranéen quelques mois avant que nous nous retrouvions pour commémorer le dixième anniversaire du processus de Barcelone, une occasion qui permettra surtout, au-delà d'une commémoration, de relancer ce processus de Barcelone. La concertation que nous eue depuis hier a été particulièrement utile. Nous avons eu un dialogue, un vrai dialogue entre partenaires du Nord et du Sud et une détermination commune à relancer la politique de l'Union européenne pour la Méditerranée.
Nous avons travaillé sur la nouvelle politique du voisinage qui est proposée par la Commission européenne et par l'Union et, puisque je parle du processus euro-méditerranéen de Barcelone, je veux dire notre accord, un accord de tous les onze, pour que cette politique soit bien l'instrument central et privilégié de coopération entre les deux rives de la Méditerranée.
Bien sûr, il y a l'initiative lancée par les États-Unis qui constitue à nos yeux, avec le G8, un exercice complémentaire mais distinct. Je l'ai déjà dit, nous avons travaillé sur les moyens de rénover ce partenariat euro-méditerranéen. Comment travaillons-nous ? Nous travaillons à partir de papiers, de "non-papiers" qui sont élaborés en tandem, par plusieurs d'entre nous. Ainsi, sur la politique européenne de sécurité et de défense, nous avons développé des réflexions communes sur les enjeux stratégiques du bassin méditerranéen, en termes de défense et de sécurité, et un papier maroco-français a été élaboré. Ainsi, sur la nouvelle politique de voisinage, Algériens et Italiens ont travaillé ensemble. Ainsi, sur ce que pourrait être une adaptation de la politique régionale européenne prévue à l'intérieur de l'Union, à certaines régions, de l'autre côté de la Méditerranée, un papier espagnol et français a nourri notre discussion. Et nous continuerons ainsi à parler de tous ces sujets, à onze, d'ici au dixième anniversaire du processus de Barcelone.
S'agissant du voisinage, nous sommes, tous les onze, d'accord pour considérer que les plans d'actions de l'Union européenne, qui sont en cours de négociation avec chacun des partenaires méditerranéens, doivent être adoptés individuellement, au fur et à mesure qu'ils sont prêts, et non pas ensemble, dans un paquet global.
S'agissant de la sécurité qui préoccupe tant nos compatriotes, nous avons rappelé notre rejet complet, intransigeant, du terrorisme qui frappe durement nos pays. Nous sommes d'accord pour approfondir nos coopérations intergouvernementales contre le terrorisme mais aussi, nous sommes d'accord pour demander à la communauté internationale, et nous le ferons nous-mêmes, ensemble, de traiter plus efficacement encore les causes et les racines du terrorisme et, en particulier, les conflits ou l'injustice.
J'ai parlé de la rénovation de la politique de voisinage et l'adaptation du programme MEDA qui fera place à cette politique de voisinage en utilisant quelques-unes des bonnes méthodes de la politique structurelle européenne que j'ai eu l'honneur de gérer pendant cinq ans. Je peux donc dire que cette méthode, dans les régions les moins développées de l'Union européenne, s'agissant de la planification sur sept ans, de la politique de partenariat, de cette idée que nous ne sommes pas dans une logique de guichet mais dans une logique de projet, cette méthode-là peut être utilisée et utile de l'autre côté de la Méditerranée. Nous voudrions tester cette idée, en accord avec les autres membres de l'Union européenne.
Enfin, je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons longuement parlé du conflit israélo-palestinien. J'ai rendu compte de ma visite en Israël la semaine dernière, et naturellement de l'Irak, dans la perspective de la conférence régionale élargie qui se tiendra à Charm El Cheikh les 22 et 23 novembre.
Sur le Proche-Orient, nous sommes tous ensemble d'accord pour rappeler que la seule référence reste la Feuille de route avec l'objectif auquel nous sommes définitivement attachés de deux États vivant côte à côte : l'État d'Israël, en sécurité, et l'État palestinien, indépendant et viable.
Naturellement, toute initiative que nous voudrions soutenir s'inscrit dans le cadre et pour cette Feuille de route. Il y a urgence à relancer ce processus qui est en panne aujourd'hui et urgence à mettre fin aux violences qui touchent, tour à tour et jour après jour, aussi bien les enfants d'Israël que les enfants de Palestine.
S'agissant de l'Irak, là encore, nous avons tous exprimé une très vive préoccupation devant l'aggravation des violences. Nous sommes attachés à la sortie de cette spirale de violence par un processus politique, tel qu'il a été décrit par la résolution des Nations unies, la résolution 1546, et voilà pourquoi nous pensons que la conférence de Charm El Cheikh est une étape importante sur cette voie. Nous souhaitons que cette conférence soit utile et ouverte.
Enfin, je voudrais vous confirmer que la Tunisie prend le relais de la présidence de ce forum pour l'année à venir et il y a, comme vous l'aurez compris, beaucoup de rendez-vous méditerranéens sur l'agenda européen qui vont justifier une présidence très dense.
Enfin, l'Égypte accueillera une réunion ministérielle spéciale de notre forum au tout début de 2006, dans le cadre du suivi du dixième anniversaire du processus de Barcelone.
Voilà ce que je voulais vous dire en conclusion de nos travaux et en remerciant à nouveau l'ensemble de mes dix collègues qui ont participé à cette réunion du forum méditerranéen.
Q - (Au sujet de l'adhésion de la Turquie et de la pensée négative de la classe politique et de l'opinion française concernant ces négociations)
R - Je vous félicite pour votre perspicacité, vous avez remarqué que, dans la société française, il y avait un débat, c'est le moins que l'on puisse dire, et je pense d'ailleurs qu'il n'existe pas seulement dans la société française. Un peu partout en Europe, il y a un débat et je pense que personne ne doit craindre le débat.
En matière européenne, j'ai toujours pensé que le silence était la pire des situations. Puisqu'il y a un débat, tant mieux ! Parlons-en, comme nous avons commencé de le faire à l'Assemblée nationale l'autre jour.
En ce qui me concerne, et sous l'autorité du président de la République, je veux confirmer que nous soutenons le dialogue avec la Turquie. Nous le soutenons aujourd'hui mais nos prédécesseurs aussi, depuis une quarantaine d'années, parce que nous pensons que ce dialogue avec la Turquie est extrêmement important pour le progrès, pour la stabilité, la sécurité, non seulement de la Turquie elle-même mais de l'ensemble du continent européen. A partir du rapport présenté par la Commission européenne, qui recommande, dans certaines conditions et avec une méthode précise, l'ouverture de négociations d'adhésion qui n'ont jamais été ouvertes jusqu'à présent, c'est le Conseil européen, le 17 décembre, qui devra décider s'il y a lieu d'ouvrir ces négociations, d'en fixer les modalités, le contrôle et de choisir la date pour ouvrir cette négociation.
Vous me permettrez, à la place où je me trouve et s'agissant du Conseil européen auquel je participerai aux côtés du chef de l'État, de ne pas en dire plus. C'est le Conseil européen qui prendra cette décision, comme c'est son rôle.
Q - Concernant l'initiative franco-européenne pour accompagner les Palestiniens dans la première étape qui consiste au retrait des troupes israéliennes de Gaza, y a-t-il, dans cette initiative, l'envoi de forces d'interposition des deux côtés ou d'inspecteurs sur place comme les Palestiniens le souhaitent ?
R - D'abord, je veux rappeler qu'il y a la Feuille de route, avec l'ensemble des étapes qu'elle prévoit, pour conduire le plus vite possible à ces deux États vivant côte à côte et notamment à la reconnaissance de l'État palestinien, y compris d'ailleurs, et je l'ai dit en Israël, dans des frontières provisoires. Il y a urgence à atteindre cet objectif et à stabiliser l'avenir si je puis dire, à la fois pour le peuple israélien et pour le peuple palestinien. Tout ce qui doit être fait, doit s'inscrire dans cet objectif et dans le cadre de cette Feuille de route. Voilà pourquoi nous considérons que la promesse faite par le gouvernement israélien de se retirer d'un premier territoire, celui de Gaza, est un élément positif qui doit être soutenu parce que c'est une première étape et que c'est un premier retrait d'un territoire occupé.
C'est une chose de décider de se retirer, cela en est une autre de le faire. Nous attendons donc avec confiance le vote de la Knesset qui doit confirmer cette décision, puis sa mise en uvre. Et c'est une troisième chose de réussir ce retrait. Et c'est là où nous commençons à discuter entre nous, comme je l'ai suggéré dans ma visite, aussi bien d'ailleurs, lorsque je suis allé à Ramallah que lorsque je suis allé en Israël, et ce n'est pas une initiative franco-européenne, ce sera une initiative européenne à laquelle nous voulons travailler. Nous en avons beaucoup parlé avec mon collègue, M. Moratinos, pour déterminer comment accompagner ce retrait, c'est-à-dire, le réussir et montrer que ce premier retrait s'accompagne de stabilité, d'une plus grande sécurité, de la réduction des violences et puis d'un progrès économique, avec un port qui fonctionne, un aéroport qui fonctionne, des liaisons entre la Cisjordanie et Gaza et une économie qui redémarre.
Vous voyez, de tous ces éléments, probablement le plus important immédiatement, c'est celui de la sécurité et voilà pourquoi nous soutenons, et voulons soutenir, l'initiative égyptienne qui est courageuse, forte et précise. Comment ? Nous verrons bien ! Nous avons imaginé, les uns et les autres, qu'il pourrait y avoir une présence internationale. Sous quelle forme ? Il est trop tôt pour le dire. Mais, tout cela fait partie d'un ensemble et, comme l'a dit Javier Solana il y a quelques jours, les Européens prendront une initiative ensemble pour accompagner la réussite du retrait de Gaza, comme première étape sur la Feuille de route.
Laissez-nous quelques semaines pour travailler ensemble et être prêts, peut-être après les élections américaines, tous ensemble, à nous réinvestir, les Américains, les Russes, les Européens, membres du Quartet avec les Nations unies. Il y a urgence de notre point de vue à faire repartir le Processus de paix entre Israéliens et Palestiniens et c'est notre responsabilité, je l'ai dit à la tribune des Nations unies, c'est notre responsabilité, celle de notre génération, d'aboutir à un règlement durable de ce conflit qui est un conflit central.
Q - Ma question porte sur l'immigration clandestine. Avez-vous les moyens de vos ambitions en matière de lutte contre l'immigration clandestine ? Comment a été reçue l'idée de centres de regroupement des clandestins ? Et finalement, quelle politique d'assouplissement des visas comptez-vous adopter ?
R - Je suis là pour vous rendre compte des travaux que nous avons eus ce matin et je vous ai dit l'ensemble des sujets qui étaient à l'ordre du jour. Donc, très franchement, je dois vous dire, puisque je vous rends compte de nos travaux, que nous n'avons pas évoqué ce matin, sauf dans le cadre de la nouvelle politique de voisinage et de la liberté de circulation où plusieurs de nos collègues de la rive Sud se sont exprimés, nous n'avons pas évoqué, dans le détail, les questions d'immigration, notamment les projets qui sont, ici ou là, suggérés de centres de transit qui se situeraient en dehors de l'Union européenne.
Puisque vous me posez cette question, je voudrais dire que la France est opposée à l'idée qui a été évoquée d'établir des centres de transit en dehors de l'Union européenne, ce qui créerait une sorte de premier filtrage des candidats à l'immigration et à l'asile. Cette position très claire de notre pays a été affirmée dès le mois de juin 2003 par le président de la République à l'occasion du Sommet de Thessalonique et je l'ai confirmée moi-même à Rome, il y a quelques semaines, et mon collègue, Dominique de Villepin, a également dit que nous y étions opposés pour des questions morales et éthiques d'abord, mais aussi parce qu'elle est contraire à nos traditions et puisqu'elle aurait pour effet de concentrer, vers ces centres, les flux d'immigration illégale et de favoriser des filières délictueuses qui tireraient profit de l'activité de trafics d'hommes et de femmes.
Donc nous sommes, pour toutes ces raisons, clairement opposés à cette idée. Je vous donne la position du gouvernement français, mais très franchement, nous n'avons pas évoqué cette question durant nos travaux.
Q - La conférence sur l'Irak, dites-vous, doit être utile et ouverte. Pour autant l'opposition irakienne n'y participera pas. Est-ce que vous ne pensez pas que cela condamne cette conférence à l'inutilité ?
R - Il y a toujours un risque que les objectifs ne soient pas atteints et pourtant il faut tout faire pour que cette conférence soit réussie, qu'elle soit utile. C'est d'ailleurs avec cette idée - une conférence utile - que nous l'avions nous-mêmes proposée, vous vous souvenez, il y a plus d'un an, avec la Russie. Pour qu'elle soit utile, en effet, il faut qu'elle soit une étape sur laquelle le processus politique se consolide, s'appuie, pour aller plus loin. Nous n'avons pas de préalables, ni de conditions à poser, nous avons simplement le souci de dire comment cette conférence peut être utile. C'est une conférence intergouvernementale, je veux bien reconnaître que le gouvernement irakien seul y participera. Et pourtant, si l'on parle du processus politique et démocratique en Irak, du retour progressif à une pleine et totale souveraineté du peuple irakien sur son avenir et sur son destin, il faut que ce signal-là soit utile et utilisé pour que des forces ou des groupes, qui ont utilisé la violence, y renoncent, que tous les groupes, toutes les communautés et toutes les forces politiques irakiennes se sentent associés, d'une manière ou d'une autre. Là encore, j'exprime la position du gouvernement français, nous n'avons pas discuté de tout cela puisque les Égyptiens travaillent actuellement intelligemment et activement pour préparer cette conférence de Charm el Cheikh, mais vous m'interrogez, je vous réponds.
On a imaginé, par exemple, qu'il y ait, adossée à la conférence de Charm el Cheikh, une autre conférence inter-irakienne, en même temps ou juste après, qui permettrait d'inclure les forces politiques irakiennes, celles qui sont déjà dans le processus démocratique ou celles qui voudraient s'y mettre, en renonçant définitivement à la violence. Cela nous paraît très important que les Irakiens, dans leur plus large majorité possible, s'approprient ce processus politique et démocratique. Voilà le souci que nous avons exprimé.
Q - L'Europe et la France encouragent les forces israéliennes à sortir de Gaza et considèrent que ce retrait est une étape pour le Processus de paix, alors qu'il y a des voix en Israël qui considèrent que cela gêne le Processus de paix. Est-ce qu'il y a un malentendu entre les deux camps et comment allez-vous trouver le point de vue israélien après votre visite en Israël ?
R - Il y a sans doute, autour de ce retrait, des idées différentes ou des arrière-pensées. Moi, ce que je veux retenir, c'est ce que m'a dit le Premier ministre israélien, ce que m'a dit le chef de l'opposition, Shimon Pérès, qui vont avoir d'ailleurs à se prononcer avec d'autres, à la Knesset sur ce premier retrait d'un territoire occupé, le retrait de Gaza. Et j'ai entendu le Premier ministre dire son attachement, et c'est cela qui compte pour nous, à la Feuille de route. Encore une fois, il n'y a pas d'alternative à cette Feuille de route, sauf la violence ou le chaos ou la panne du Processus de paix. Je disais tout à l'heure l'urgence de faire redémarrer ce Processus de paix sur la base et avec la Feuille de route. Le Premier ministre israélien, quand je l'ai interrogé, - il m'a reçu longuement - m'a dit qu'il restait fidèle et attaché à la Feuille de route. C'est cela qui compte pour nous, plus que telle ou telle déclaration parallèlement.
Q - Je voulais juste vous poser une question, pour préciser un peu plus sur la question de l'Irak et de cette conférence. Vous avez parlé du fait qu'une réunion est très utile aujourd'hui. Mais est-ce qu'on a "re-évoqué" la question de l'envoi éventuel de troupes étrangères au-delà de celles qui sont déjà là-bas maintenant ? Et vous avez aussi parlé du fait que vous avez envie de voir que cela devienne une étape importante vers le processus de paix dans ce pays-là. Pouvez-vous nous donner au moins une mesure concrète que vous envisagez, qui pourrait résulter de cette conférence, qui vous rassurait et prouverait qu'on est sur la bonne voie ?
R - Nous sommes dans un processus extrêmement fragile avec une situation très instable en Irak, on le voit tous les jours, avec des violences qui se multiplient. Il faut aborder cette question à la fois avec du volontarisme et de l'humilité. Et si quelqu'un avait une recette ou une idée évidente pour rétablir immédiatement la paix et la stabilité, nous serions contents de l'entendre. Prenons les choses par étape. Voilà dans quel esprit nous avons travaillé, sur des choses concrètes, à la résolution 1546, de manière constructive, pour sortir de cette spirale, de ce que j'ai appelé les "trous noirs" qui emportaient et risquent d'emporter l'Irak et toute la région.
Voilà pourquoi nous avons suggéré cette deuxième mesure concrète, que ce processus soit consolidé, à la fois à l'intérieur de l'Irak, par une conférence inter-irakienne - nous continuons à penser qu'elle est utile -, au-delà de ce qui a déjà été fait, avec ce souci que toutes les forces irakiennes qui choisissent de renoncer à la violence, s'approprient ce processus et puis, à l'extérieur, par la coopération avec les pays de la région et la communauté internationale.
C'est donc l'objet de la conférence de Charm el Cheikh. Et puis naturellement, on va en discuter à Charm el Cheikh, mais dans ce processus, il y a d'autres étapes concrètes et difficiles dont la tenue d'élections. Il faut tout faire pour que les conditions d'une élection crédible, sérieuse soient possibles. Parce qu'à la clef de cette élection, il y a la future Constitution, et puis naturellement, la suite du processus avec, comme je l'ai déjà dit, ce qui est inscrit dans l'agenda de la résolution 1546, le moment où on devra décider du maintien ou du retrait des troupes internationales qui sont actuellement en Irak.
Prenons les choses une par une et commençons par réussir cette conférence en ayant, encore une fois, le souci d'aborder toutes les questions, à la fois de l'inclusivité du plus grand nombre possible d'Irakiens dans ce processus politique, de la tenue des élections et aussi du moment où se posera la décision de maintenir ou de retirer les troupes internationales.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 octobre 2004)