Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur et porte-parole du gouvernement, à France 2 le 6 octobre 2004, sur le sort des otages français en Irak, le débat sur les négociations d'adhésion de la Turquie à l'Europe, la constitution européenne et l'éventualité de la rémunération des comptes bancaires.

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Texte intégral

Q- Nous allons évoquer l'activité gouvernementale, avec quelques grands dossiers. Mais avant, un mot tout de même sur la suite de l'affaire des otages. Le député D. Julia est rentré, il a été entendu hier à l'Assemblée nationale. On a le sentiment que les choses se sont calmées aujourd'hui. Est-ce à dire, que, bon, finalement il n'y a pas eu tant de pataugeage que ça ou c'est simplement qu'on préfère ne rien dire tant que les otages ne sont pas revenus ?
R- Ecoutez, je crois que l'heure est maintenant à retrouver la sérénité et le climat d'union nationale. Au-delà des péripéties de ces derniers jours, je crois que c'est une occasion de rappeler que maintenant tout doit être tendu vers un seul objectif qui est la libération de nos compatriotes qui sont retenus en otages. Et je crois vraiment que rien d'autre ne doit compter dans cette affaire et que tout doit être concentré sur ce seul objectif. Donc oui, vraiment je crois que l'heure maintenant est à retrouver le chemin de la sérénité et de l'unité nationale.
Q- La diplomatie française, j'imagine continue à prendre contact. M. Barnier avait dit que certains contacts avaient été rompus, est-ce qu'ils ont pu être rétablis ?
R- Ecoutez, en l'occurrence toutes les pistes et tous les contacts qui peuvent être noués le sont depuis d'ailleurs le début et donc bien sûr la diplomatie dans ce domaine conduite par M. Barnier est évidemment extrêmement active.
Q- Il va recevoir D. Julia, M. Barnier ou pas ?
R- Oh écoutez, je n'ai pas d'information sur ce point, mais je crois qu'honnêtement, pardon, de le dire à nouveau, mais D. Julia n'est pas le sujet.
Q- Alors passons maintenant à un autre thème européen qui est la Turquie avec l'avis de la Commission européenne qui devrait, aujourd'hui d'ailleurs faire savoir qu'elle est plutôt favorable, avec certaines conditions, à l'entrée de la Turquie en Europe. On sait qu'en France l'opinion publique est plutôt contre et puis il doit y avoir la réunion du Conseil européen autour du 19 décembre, pour décider si on donne ou pas le feu vert. Alors, est-ce que le 19 décembre, on peut déjà avoir une idée, ou il faudra attendre le référendum dont a parlé le président Chirac ?
R- Je crois que c'est un sujet difficile, notamment parce qu'il exige de faire oeuvre de beaucoup de pédagogie et d'explications. Il faut vraiment que chacun comprenne que cette décision, si elle doit être prise, elle ne le sera que d'ici 10 ou 15 ans, comme toutes les grandes décisions européennes de cette nature. Je rappelle, par exemple, quand on a fait l'euro, tout le monde pense que cela a été au moment du traité de Maastricht. Mais je rappelle que le processus a été lancé au début des années 80. Le référendum donc a eu lieu 8 ou 9 ans, ou 10 ans après, en 1992, pour application en 2000, vous vous en souvenez. Donc, là, ce processus il est très long. Là, on est dans la phase de démarrage avec effectivement un avis de la Commission, une première décision des pays et puis ensuite un renvoi à 10 ou 15 ans. Et, à ce moment là, comme l'a indiqué le président de la République, un référendum dans 10 ou 15 ans. Le principe du référendum est décidé maintenant pour être exercé et soumis aux Français d'ici 10 ou 15 ans.
Q- Alors à gauche on a un peu critiqué cette idée, en disant, justement il y a un référendum dans 10 ou 15 ans, ce sera trop tard. Pourquoi ne pas dire tout de suite si c'est oui, oui si c'est non. Parce que pendant 10 ou 15 ans, les Turcs vont faire tous les efforts pour rentrer dans l'Europe et ce sera très difficile de leur dire non, alors que la chose est très avancée.
R- Je ne partage pas tout à fait cet avis, parce que la remarque pouvait s'appliquer pour toutes les autres décisions qui ont été soumises à référendum. Il faut du temps pour construire les projets. Vous savez le temps de la construction européenne est un temps long. Il faut bien comprendre que cela exige de faire travailler ensemble de nombreux pays, des opinions publiques qui ont besoin mûrir par rapport à tous ces sujets, avant de faire le choix qu'elles souhaitent dans la sérénité et la pleine connaissance des faits. Donc le rendez-vous est bien prévu d'ici 10 ou 15 ans et en l'occurrence les peuples pour lesquels il y a référendum pourront en toute sérénité décider oui, ou non, c'est le principe même de la démocratie.
Q- Et l'idée que tout passera par référendum, enfin à chaque fois qu'il y aura en tout cas une candidature pour rentrer dans l'Union européenne, sera inscrite dans la Constitution ?
R- C'est la proposition qui a été faite par le président de la République pour ce qui concerne la Constitution française.
Q- Avant ce référendum sur la Turquie, il y en a un autre, qui est le référendum sur la Constitution européenne. La France, là encore, on ne sait pas bien si elle va dire, plutôt oui, plutôt non - on pense que cela sera plutôt oui, sauf peut-être si le Parti socialiste penche vers le non. Comment va se passer la campagne, à quel moment saura-t-on quelle est la date du référendum ?
R- D'abord, vous avez raison de préciser que c'est deux choses différentes, parce qu'on voit bien que les partisans du non ont tellement envie que le non l'emporte qu'ils sont prêts à rajouter dans la marmite, tout et n'importe quoi. Y compris la Turquie, y compris les délocalisations. Enfin tout ça n'a absolument rien à voir avec le référendum de l'année prochaine qui ne porte que sur la Constitution européenne, et dont on discute depuis une bonne quinzaine d'années, entre parenthèses. Donc, ce qui est vrai, c'est que cette campagne, elle va être hyper active, elle va être à mon avis passionnante. Moi je pense que nous aurons là un rendez-vous historique, comparable à ce que nous avons eu quand il y a eu le traité de Maastricht où tout le monde en parlait. Ce qui prouve que là, c'est un moment de rendez-vous essentiel. Alors écoutez la date n'est pas fixée, le président de la République avait évoqué, le 14 juillet dernier, il avait évoqué le deuxième semestre de 2005. Je ne sais pas vous en dire plus pour l'instant, la date n'a pas été fixée. Il y a tout un processus avant par la voie parlementaire, avant d'arriver au référendum. Mais en tout cas cette campagne elle sera très active, y compris pour le oui. Parce qu'on entend le non, mais il faut savoir que les partisans du oui, dont je suis d'ailleurs, considèrent qu'il faudra à un moment ou à un autre placer chacun devant de ses responsabilités. Si la Constitution n'est pas ratifiée par référendum par les Français, qu'est-ce qui va se passer ? Eh bien ! on va être dans le système précédent, qui n'est pas un système très efficace, il faut bien le dire.
Q- Certains en bons esprits, ou certains à esprits un peu espiègles imaginent que si par hasard le non l'emportait, le président de la République pourrait être tenté de retarder le plus possible l'échéance référendaire pour ne pas être confronté justement à un non. C'est une hypothèse plausible ou pas du tout ?
R- Ecoutez, je ne crois pas que ce soit du tout l'état d'esprit dans lequel il se place. Je crois qu'au contraire, il souhaite vraiment que ce soit un débat passionné et passionnant dans lequel on se dit tout, dans lequel il faudra combattre la désinformation, parce qu'il y en aura et dans lequel surtout, on va essayer d'engager les Français, parce que crois que chacun doit quand même comprendre que derrière ça il y a des atouts fantastiques. Il faut quand même rappeler que l'Europe elle est faite pour préparer les Français aux atouts de la mondialisation et aussi pour les protéger des méfaits de la mondialisation. Et pour cela, l'Europe, l'euro, la monnaie unique, elle nous préserve de beaucoup de choses par exemple. Et idem sur la protection des frontières, idem dans le domaine fiscal et social. Donc vraiment, il faut être très très motivé là-dessus.
Q- L'Europe qui protège les citoyens, en voilà peut-être un exemple concret, puisque la cour européenne de justice a décidé que les comptes bancaires en France pouvaient être rémunérés, qu'il était illégal d'interdire la rémunération des comptes bancaires. C'est une bonne nouvelle pour ceux qui ont des comptes de dépôt en France. Qu'en dit le porte-parole du Gouvernement ?
R- Là-dessus, je crois qu'il faut être clair, bien entendu qu'il faut respecter les décisions de justice. Simplement il faudra veiller à ce que cela ne soit pas un alibi pour augmenter les tarifications qui sont faites aux consommateurs, c'est tout, c'est-à-dire que je crois...
Q- Donc pas de chèque payant ?
R- En tout cas, je ne sais pas... on ne va pas préjuger de tout ça. Mais ce qui est vrai c'est que chacun reçoit sur ses papiers de banque toute la grille tarifaire. Bon, je crois qu'il ne faudrait pas que ce soit un facteur d'encouragement pour certaines banques à sur-tarifer, sous prétexte qu'on ferait des petites rémunérations des comptes courants excédentaires qui ne sont tout de même pas si nombreux que ça. Donc je crois qu'il faut faire un petit peu attention à cela et donc nous veillerons à construire quelque chose qui soit respectueux de la décision de justice, mais attentif à l'intérêt des consommateurs. Parce qu'on ne se bat pas comme on le fait pour faire baisser les prix et puis en même temps pour avoir ce type d'effet pervers.
Q- Mais là, la concurrence entre banques bénéficierait en l'occurrence aux consommateurs, souhaitons-le.
R- Oui, je veux le souhaiter, c'est la raison pour laquelle on y fera tout de même très attention.
Q- Et puis dernière disposition et qui va apaiser un conflit en cours, c'est les dispositions prises pour les pêcheurs. Là encore, c'est un des effets, non pas de la mondialisation, mais enfin en tout cas de l'internationalisation du marché du pétrole.
R- Oui, mais enfin, je voudrais rappeler sur ce point, que grâce au cours élevé de l'euro, la facture est moins lourde qu'elle ne le serait si nous n'avions pas l'euro, c'est un bon exemple. Pour le reste, H. Gaymard a fait un travail vraiment formidable, je crois, d'écoute et de réactivité et je crois qu'effectivement les réponses qui sont proposées aujourd'hui aux professionnels marins pêcheurs est de nature tout de même à les rassurer. Ce n'est qu'une première étape, vous le savez. Le Premier ministre va rencontrer tous les professionnels qui peuvent ici ou là concernés, je pense par exemple aux agriculteurs, du fait des aléas de la conjoncture sur le pétrole.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 octobre 2004)