Tribune de M. Renaud Donnedieu de Vabres, porte-parole de l'UMP, dans "Marianne" du 16 décembre 2003, sur la mobilisation autour du pacte de Genève pour relancer le plan de paix au Proche-Orient, sous l'égide de l'ONU.

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Média : Marianne

Texte intégral

Tout d'abord je souhaite féliciter les organisateurs de cette initiative nécessaire et féconde car nous avons le devoir de faire rayonner le pacte de Genève, de reprendre le flambeau.
Je suis heureux d'être parmi vous pour exprimer au nom de l'UMP ma reconnaissance et ma gratitude envers la démarche des négociateurs du pacte de Genève.
Ils illustrent magnifiquement le courage et la force du dialogue, le courage et la force de la négociation, le courage et la force de l'accord.
Comment en effet rester les yeux fermés, les bras croisés face à l'impasse dans lequel est plongé le Proche - Orient, avec le sentiment de l'impasse, de l'impuissance, et donc de la lâcheté dont il faut sortir.
Notre rassemblement ce soir est un message que nous souhaitons adresser tous ensemble et au-delà de nos clivages politiques traditionnels au Premier ministre de l'Etat d'Israël ainsi qu'au Président de l'Autorité Palestinienne.
Monsieur Yasser ARAFAT
Monsieur Ariel SHARON,
Nous sommes ce soir plusieurs milliers de citoyens de France à vous demander de faire table rase du passé.
Nous sommes déterminés à nous mobiliser pour que vous donniez une chance à la paix comme d'autres l'ont fait avant vous.
Nous sommes ce soir porteur d'espoir mais aussi porteurs d'une grande tristesse face à cette spirale de la haine, de la violence et de l'injustice que vous n'avez pas la volonté politique de casser.
Nous sommes ce soir très nombreux à vous demander de surmonter votre méfiance réciproque pour faire la paix afin que vos enfants grandissent sereinement à l'abri de cette folie meurtrière à laquelle nous nous sommes hélas habituées ces dernières années.
Messieurs Yasser ARAFAT et Ariel Sharon
Nous sommes soudés par notre foi en la paix et par ce pacte de Genève qui ouvre enfin un nouvel horizon aux deux peuples.
N'écoutez pas les plus irréductibles de vos conseillers ou de vos ministres.
Prêtez davantage l'oreille à la voix de ces hommes courageux qui tels Yossi Bellin, Yasser Abed Rabo et bien d'autres encore, oeuvrent dans l'ombre pour sortir de cette situation absurde et tragique.
De Camp David, à Oslo, ces hommes de bonne volonté ont su tourner des pages douloureuses de leur histoire pour en écrire de nouvelles et de bien plus belles.
Alors soutenez sans états d'âme leur initiative
Ce soir nous avons parmi nous certains de ces pionniers de la paix, que je salue avec respect et chaleur.
Ce sont des visionnaires.
Ils sont là pour témoigner que des négociations sans préalable peuvent reprendre sur de nouvelles bases.
Ils démontrent par leur présence que les ponts ne sont pas coupés entre palestiniens et israéliens malgré ce que certains essayent de faire croire.
Ces hommes ont choisi d'être en France et donc en Europe car ils savent que nous avons un rôle clé à jouer dans cette région du monde, dans ces pays du sud de la méditerranée, si proches de nous, si attentifs à notre soutien, si dubitatifs parfois sur notre volonté d'agir sur notre capacité politique.
Ces prophètes des temps modernes ont élaboré un document impartial, réaliste, et de bon sens.
Ce pacte est l'ultime compromis, l'ultime point d'équilibre auxquels chaque partie peut adhérer sans se renier sur l'essentiel.
Il est applicable immédiatement et en l'état.
Jamais depuis trois ans, une proposition de cette nature n'aura été aussi concrète et aussi porteuse d'espoir.
Le grand mérite de ce pacte est d'aborder ce qui est de l'ordre du possible et d'écarter ce qui ne l'est pas.
Ce qui est possible, c'est que les Israéliens se retirent des territoires qu'ils occupent depuis 1967 et qu'ils démantèlent leurs 160 implantations dont l'extension ne vise qu'à créer une continuité territoriale dangereuse.
Les irréductibles du bloc de la foi ne sont en fait qu'une minorité.
Une grande partie des colons est prête à revenir en Israël moyennant des compensations financières importantes. Ariel SHARON le sait.
Ce qui est aussi possible c'est que les autorités palestiniennes reconnaissent le fondement juif et inaliénable de l'Etat d'Israël et qu'ils abandonnent l'idée que tous les réfugiés puissent un jour y revenir.
Ce qui est enfin possible, c'est que les israéliens et les palestiniens cohabitent paisiblement à Jérusalem dont ils partageraient la souveraineté.
Jérusalem, cette ville dont la diversité culturelle nous fait penser au Sud de la France et où chacun d'entre nous est un peu chez lui.
Il appartient donc à la France de se mobiliser en toute impartialité, pour accompagner et porter ce nouveau plan de paix au cur même des Nations Unies.
Ce pacte s'inscrit très logiquement dans la continuité des efforts menés par la communauté internationale et dont la dernière initiative fut d'élaborer avec nos partenaires du quartette, nos amis américains et russes et l'ONU" une feuille de route " qu'un attentat à Jérusalem pulvérisa avant même d'être appliqué.
Nous, Européens, à l'origine de cette feuille de route devons être à nouveau moteur dans ce processus de réconciliation dont les modalités ne peuvent pas éternellement être gérées par les tenants d'un ordre régional dont on constate aujourd'hui toute la fragilité.
Certes, les sceptiques sont encore nombreux à convaincre, en Israël, en Palestine et en France où le conflit s'est malheureusement parfois exporté.
A cet égard, en cette veille d'un rappel solennel par le Chef de l'Etat des valeurs de laïcité qui fonde l'esprit même de notre république, je tiens à réaffirmer la vigilance extrême dont nous devons tous faire preuve pour éradiquer définitivement les formes actuelles du racisme, de l'antisémitisme, de la xénophobie, de l'islamophobie qui souillent parfois l'actualité dans notre pays.
Revenons au Proche Orient
Force est de constater que des décisions maladroites de part et d'autre ont motivé les plus fervents partisans de la paix à déserter le camp des colombes pour rejoindre celui des faucons.
Ce sont d'ailleurs parfois les faucons qui font la paix. Souhaitons que cela puisse se vérifier.
Sans tenir la comptabilité des erreurs des uns et des autres, il faut que chacun reconnaisse ses fautes et les corrigent en souscrivant à ce pacte.
Osons dire que Yasser ARAFAT a joué aux apprentis sorciers avec les organisations islamistes les plus radicales en libérant au début de l'Intifada des prisonniers dont il pressentait qu'ils pouvaient se transformer en activistes voire en terroristes.
Osons dire qu'il aurait dû signer un accord avec Ehud Barak à Paris. Nous n'en serions pas là.
Osons dire aussi que la politique d'élimination physique et de bouclage des territoires palestiniens menée par les israéliens n'a fait qu'augmenter la popularité des mouvements islamistes chez les palestiniens et à les irriguer en militants et en candidats au suicide.
Osons dire qu'une nouvelle génération de dirigeants plus modérés et plus pragmatiques doit émerger pour faire la paix.
Osons dire aux israéliens que le tracé de la barrière de sécurité et l'extension des colonies existantes sont perçus comme des actes graves, comme des provocations.
Osons dire enfin que sans prospérité économique, il ne peut pas y avoir de paix durable car la pauvreté est le terreau du fanatisme, de l'intégrisme.
Il faut donc que la communauté internationale ajoute à ce pacte de Genève un volet financier qui pourrait prendre la forme d'une grande banque régionale de développement chargée d'aider à la reconstruction de ces deux économies dévastées par trois années de conflit.
En conclusion, c'est à vous partisan de la paix que je veux m'adresser ce soir en vous disant avec reconnaissance et gratitude :
Rendez vous l'année prochaine à Jérusalem pour la signature d'un accord de paix définitif entre Israéliens et Palestiniens sous l'égide et la protection des Nations Unies

(source http://www.u-m-p.org, le 17 décembre 2003)