Déclarationde Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur les mesures à prendre, à la fois fiscales et en matière d'innovation, pour accroître la compétitivité des entreprises du secteur des biens d'équipement, à Paris le 25 novembre 2003.

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Circonstance : Table ronde sur le thème : "quelle compétitivité pour les industries des biens d'équipement de la personne" à Bercy le 25 novembre 2003

Texte intégral

Intervenant voici un an au Sénat sur l'avenir des industries du textile et de l'habillement en France, j'avais exprimé ma certitude qu'il n'y a de déclin que dans l'abandon. J'avais posé les grandes orientations de mon action : promouvoir l'innovation et la formation, favoriser l'accès aux financements, renforcer la convergence des différents instruments collectifs au bénéfice de la cohésion d'un tissu industriel essentiellement constitué de PME, défendre un commerce mondial équitable, où l'ouverture répond à l'ouverture, et éthique.
Les mesures que j'ai développées, en liaison avec Claudie HAIGNERE, en faveur de l'innovation, constituent une première réponse. Discutées actuellement par les parlementaires dans le projet de loi de finances, pour être applicables dès janvier 2004, elles visent, notamment par des exonérations de charges sociales, fiscales et de taxe professionnelle pour les investissements de R D, à inscrire nos entreprises dans une véritable dynamique d'audace industrielle. De son côté, François LOOS a défendu la nécessité d'une ouverture effective et réciproque des marchés mondiaux, passant notamment par une baisse généralisée des droits de douanes et des initiatives sectorielles obligatoires dans les domaines les plus sensibles. Telle a été notre position à Cancun.
Sur le terrain, à la rencontre des entrepreneurs et des salariés, au plus près des réalités concrètes, j'ai engagé les évolutions positives les plus immédiatement nécessaires, notamment en assouplissant l'accès à certains dispositifs d'aides, insuffisamment exploités.
Comme je m'y étais engagée, j'ai inlassablement soutenu à Bruxelles la nécessité qu'émerge, au sein de l'Union européenne, une véritable politique de compétitivité industrielle. En effet, une société ne prospère durablement que pour autant qu'elle développe un tissu économique dynamique, créatif et vivant. Cette action constante a eu un effet concret.
Les conclusions du Conseil européen des 16 et 17 octobre, qui font suite à la lettre commune du Président Jacques CHIRAC, du Chancelier Gerhard SCHRÖDER et du Premier Ministre Tony BLAIR, marquent un tournant essentiel, et sans doute une prise de conscience, dans l'approche qu'a l'Union européenne des questions industrielles.
Trop longtemps, l'Union européenne a cru que des conditions favorables (marché intérieur fluide, concurrence " parfaite "...) suffiraient à elles seules à assurer le succès de l'économie européenne : force est de constater aujourd'hui que trop nombreux sont nos secteurs industriels qui souffrent au lieu de croître, au détriment de l'emploi.
Les récentes communications de la Commission en faveur de la compétitivité industrielle de différents secteurs montrent qu'une nouvelle dynamique positive s'enclenche. Il s'agit pour la Commission d'un premier pas que j'ai tenu à souligner. S'agissant des secteurs industriels du textile et de l'habillement, et plus largement des secteurs du cuir, de la chaussure, de la maroquinerie, de la ganterie..., cette communication :
? met fin à une trop longue période pendant laquelle ces industries ont été considérées comme inéluctablement vouées au déclin, sous la pression de la concurrence des pays à faible coût de main d'oeuvre, et notamment ceux d'Extrême-Orient ;
? amorce une démarche volontariste des institutions communautaires pour mettre en place une véritable politique industrielle européenne, permettant de positionner l'Union comme un ensemble cohérent et solidaire, capable de résister à cette concurrence extérieure ;
? redonne l'espoir d'un avenir de préservation et de développement à l'ensemble des entreprises et des salariés des secteur des biens d'équipement de la personne, dont la plupart font corps depuis des décennies, voire des siècles, avec leur région d'implantation, au point d'être des éléments constitutifs de leur identité sociale et de leur culture.
L'importance traditionnelle des secteurs industriels des biens d'équipement de la personne en France, les enjeux liés au développement de segments innovants et créatifs, ainsi que les enjeux humains et sociaux résultants des transformations actuelles de ces activités, imposent une extrême attention à cette évolution de la doctrine européenne, porteuse d'avenir pour ces secteurs.
Il importe maintenant de passer aux mesures concrètes et à une véritable prise en compte des spécificités de ces secteurs. Ce nouvel état d'esprit européen qui se dessine implique que chacun prenne conscience que cet avenir favorable ne peut reposer durablement que sur le dynamisme innovant des entreprises et des salariés concernés.
Avec la suppression des quotas d'importation à compter du 1er janvier 2005, l'émergence de la Chine comme un acteur industriel majeur, et l'élargissement de l'Union en 2004, vos secteurs industriels sont face à des défis colossaux et immédiats. Il me semble donc que l'urgence impose de contracter l'agenda que propose la Commission.
La conception de cette ambition industrielle européenne renouvelée suppose une volonté politique forte. La France se veut être force de propositions. Il s'agit de créer les conditions d'une meilleure compétitivité de ces secteurs, dans un contexte commercial global, équilibré et équitable. Cela suppose la mise en oeuvre au plan européen d'initiatives concertées, déclinées en actions nationales concrètes, structurées dans un agenda adapté à l'urgence des enjeux, et permettant l'émergence de nouveaux métiers ainsi que de pôles de compétitivité innovants et créatifs, notamment dans le cadre d'une véritable zone PANEUROMED constituée.
L'emploi industriel n'étant pas uniformément réparti en Europe, chaque pays a une perception différente quant à l'importance de tel ou tel secteur industriel. Cette ambition doit donc s'exprimer en fonction des spécificités propres à chaque secteur, au risque sinon de n'être que le plus petit dénominateur commun.
Les pays européens doivent se montrer solidaires entre eux, qu'ils soient ou non actifs dans les secteurs industriels concernés :
? l'avenir de l'Europe ne repose pas seulement sur les secteurs de pointe comme les biotechnologies ou les technologies de l'information. Nous aurons toujours besoin, surtout si nous voulons le plein emploi pour nos sociétés, des secteurs plus classiques de l'industrie : le discours qui consiste à dire " concentrons-nous uniquement sur les secteurs de pointe ", laissant sur le bord du chemin des hommes et des femmes sans travail, est insuffisant.
? Au regard d'objectifs concurrentiels, environnementaux ou sanitaires, louables par ailleurs, nous devons aussi faire preuve de précaution en matière de compétitivité industrielle.
Cette table ronde à laquelle je vous ai convié doit être l'occasion d'enclencher, pour les secteurs des biens d'équipements de la personne, cette dynamique que le Gouvernement entend insuffler à toute l'économie française, en bénéficiant pleinement des initiatives européennes. Elle permettra à la parole de la France d'être plus forte à l'occasion du prochain Conseil Compétitivité. Elle peut être l'occasion de nous fixer, collectivement, une feuille de route ambitieuse, une sorte de pacte partenarial.
Je crois utile en effet de rechercher, selon une démarche partenariale, à partir d'un constat effectué en commun, les moyens de renverser la tendance au désengagement des industries de vos secteurs. Il nous faut éclairer l'avenir à un horizon pertinent, pour définir les scénarii envisageables et les mesures nécessaires permettant de créer les conditions de l'évolution la plus favorable.
Il s'agit de concevoir, puis de mettre en oeuvre, un plan d'actions concret et opérationnel pour accompagner, dans les meilleures conditions, l'adaptation des entreprises et de leurs salariés aux nouvelles donnes d'une mondialisation accélérée.
Prenant appui sur les réflexions existantes, notamment au plan régional et dans les différents bassins d'emploi les plus concernés, et bénéficiant pleinement du nouvel état d'esprit européen qui se dessine, il s'agira de définir, ensemble, les déterminants d'une stratégie partagée, et de mieux cibler les spécificités sectorielles les plus porteuses, ainsi que les moyens de les stimuler. Le partage d'un diagnostic et surtout de solutions communes constituera pour nous tous - incontestablement - un atout, tant au plan national qu'européen.
Cette dynamique nationale, nous devons également la mettre au service de la Commission afin que son diagnostic réaliste permette à l'Union européenne d'adopter à brèves échéances - la fin de l'année 2004 apparaît un objectif raisonnable - des initiatives concrètes pour renforcer la compétitivité de ces secteurs, dans un cadre mondial particulièrement exigeant. Les premières propositions de la Commission devraient pouvoir être discutées dès l'été 2004.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 31 décembre 2003)