Tribune de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, dans "Avui" du 18 décembre 2003, sur la carrière politique de Jordi Pujol après 23 ans de présidence à la généralité de Catalogne.

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Média : Avui - Presse étrangère

Texte intégral

Je connais bien Jordi Pujol que j'ai eu l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises et avec lequel j'entretiens des relations très amicales et chaleureuses. Chacune de nos rencontres m'a permis de mieux saisir pourquoi, pendant vingt-trois ans, tant de ses concitoyens lui ont fait confiance pour conduire les destinées de la Généralité de Catalogne. Ceux qui le connaissent savent l'étendue de sa culture, son inlassable capacité à mettre en perspective les événements, l'enracinement de chacun de ses choix dans l'histoire de la Catalogne, au service de laquelle, dès son plus jeune âge, il a décidé de s'engager. Profondément attaché à la terre catalane, héritier d'une grande culture méditerranéenne, il ne conçoit la Catalogne que comme ouverte, généreuse, rayonnante, indissociable d'une conception exigeante des libertés fondamentales et de la démocratie.
Parmi les convictions qui sont les siennes, il y a celle, bien ancrée, que pour l'équilibre de l'Union européenne et des Etats-nations qui la composent, il faut garder des racines, préserver sa culture ou sa langue. Je partage aussi avec Jordi Pujol la conviction que les collectivités locales sont les lieux d'une démocratie de proximité davantage susceptibles de satisfaire les attentes des citoyens. Comme lui, je suis convaincu que le cadre national n'est pas remis en cause par le lien local. Au contraire, les libertés locales renforcent le lien national.
Mais, avant tout, je voudrais ici rendre hommage au travail accompli par Jordi Pujol dont j'ai pu, hier en tant que président de Conseil régional et en tant que parlementaire national, aujourd'hui en tant que Premier ministre, apprécier l'engagement au service de la Catalogne et de la construction européenne. On ne peut qu'être impressionné par la qualité du travail qu'il a réalisé avec son équipe pour traiter les problèmes et servir les projets d'avenir de la Catalogne. L'ampleur des réformes qu'il a menées à bien est éloquente : sur le plan institutionnel, le développement des compétences autonomiques dans le cadre de la Constitution de 1978, sur le plan économique, la modernisation du tissu industriel et la création d'un environnement favorable aux investissements nationaux et internationaux. Il faut aussi souligner la protection sociale et l'éducation qui lui tiennent à cur et qui sont la clef de la fondation d'un contrat social intégrateur sans lequel la société se délite. On pourrait aussi évoquer le succès planétaire des Jeux olympiques de 1992 ou encore la Conférence de Barcelone qui a lancé le processus euro-méditerranéen dans lequel la France et l'Espagne sont, depuis 1995, des partenaires actifs.
Aujourd'hui, la Catalogne est perçue par beaucoup de Français comme une région d'avenir où ils sont toujours plus nombreux à s'implanter et à vivre durablement. Pour la Catalogne, la France est le premier partenaire commercial, un débouché naturel et une voie de passage vers les autres partenaires européens.
A l'heure où il quitte ses fonctions, je tiens à saluer chaleureusement Jordi Pujol, ce grand Catalan et ce grand Espagnol, cet Européen convaincu. Je suis sûr qu'il continuera de jouer un rôle très important dans la vie institutionnelle et politique de l'Espagne et de l'Europe.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 décembre 2003)