Texte intégral
Françoise LABORDE
Alain RICHARD, bonjour. L'alliance de l'OTAN se réunit aujourd'hui à Bruxelles pour décider ou non d'un ordre d'action. Pendant ce temps, Monsieur HOLBROOKE, qui est l'émissaire du groupe de contact et le représentant des Européens, des Américains et des Russes, rencontre Slobodan MILOSEVIC. L'idée serait-elle d'avoir deux formes de pression diplomatique et éventuellement une pression militaire ?
Alain RICHARD, ministre de la Défense
Oui. Je rappelle d'abord que cette situation est imputable à l'autorité yougoslave, Monsieur MILOSEVIC : celui-ci a déclenché une répression violente, avec des moyens militaires lourds contre une population qui demande simplement des droits à l'expression, à parler sa langue et à se doter d'un enseignement normal. Ce conflit a été déclenché avec des moyens militaires injustifiés au regard des oppositions locales. Devant ce fait, le groupe de contact avec les quatre principaux pays européens qui coordonnent, d'une certaine façon, les Américains et les Russes (il y a tout de même eu accord ces derniers jours entre les Européens, les Américains et les Russes) ont mis en place un travail politique. Ce sont les deux pays européens membres permanents du Conseil de sécurité qui ont fait adopter la résolution fixant le cadre politique. Pour que l'autorité yougoslave admette ces réalités politiques, une pression militaire est nécessaire : Monsieur MILOSEVIC fut en effet le premier à mettre en place une pression militaire ; nous avons pu en outre vérifier au cours de cette décennie qu'il se pliait à ce genre de décision.
Françoise LABORDE
Mais existe-t-il une détermination à s'engager réellement ? La presse parle de 430 appareils mobilisés sur une base. Quel sera le pourcentage militaire engagé par la France ? D'habitude, il est de l'ordre de 10 %, soit 43 appareils.
Alain RICHARD
Dans une situation de ce genre, il nous paraît normal de prendre nos responsabilités pour arriver à un résultat politique. Certes, il y a des inconvénients à agir ainsi mais d'autres pourraient se dresser si nous nous mettions à l'écart : ce conflit se déroule en effet en Europe et met en jeu des droits auxquels nous croyons fortement. La France a donc donné son accord pour contribuer à une force aérienne susceptible d'agir s'il n'y a pas d'amélioration. Nous déploierons une quarantaine d'avions, dont une partie sera disposée sur les bases italiennes et une autre, plus importante, sur le porte-avions FOCH.
Françoise LABORDE
Ces derniers jours, les Allemands étaient un peu réticents en disant qu'il ne faudrait pas se fâcher avec les Russes, plutôt opposés à une telle frappe. Quelle est aujourd'hui la position allemande ?
Alain RICHARD
Nous autres, Européens, sommes restés tout à fait soudés depuis les mois de mars et avril. A la suite d'une concertation, il est apparu que l'absence de structure européenne est un handicap pour aboutir à un mandataire qui parlerait au nom de tous les Européens, comme cela se pratique déjà pour d'autres affaires. Il y a eu cependant une grande convergence entre les Européens dans cette affaire. Les Allemands disent ce que tout le monde pense : un effort a été fait pour que les Russes comprennent et acceptent jusqu'à un certain point la pression exercée sur MILOSEVIC. Il faut juste veiller à ne pas les brusquer.
Françoise LABORDE
Que se passera-t-il ce matin à Bruxelles ? Un ordre d'action ?
Alain RICHARD
Un ordre d'activation.
Françoise LABORDE
Il y a un feu vert mais qui n'est pas automatique ?
Alain RICHARD
Cela signifie que le commandement commun prend la responsabilité de la force et qu'il a l'initiative de son emploi. Mais il est entendu que les pourparlers seront poursuivis : si l'émissaire commun, Monsieur HOLBROOKE, arrive à une réelle prise d'engagement de la partie yougoslave à accepter les conditions de paix définies par la communauté internationale, l'emploi de la force sera suspendu ou arrêté.
Françoise LABORDE
Monsieur HOLBROOKE ne semble pas très optimiste pour l'instant ?
Alain RICHARD
Les conditions minimales sont une réduction des forces yougoslaves, un cessez-le-feu (déjà accepté par l'armée du Kosovo) et l'engagement des négociations sur une base proposée par le groupe de contact européen. Si ces conditions sont réunies, la discussion deviendra purement politique. Mais, ce matin, ce n'est pas le cas. Il y a encore une rencontre dans la matinée.
Françoise LABORDE
L'intervention se ferait-elle en une ou deux phases, comme le suggèrent certains Américains ?
Alain RICHARD
Cela a été programmé : il s'agit d'une action contre des objectifs militaires, soit des dépôts de munitions, soit des aéroports militaires, soit des centres logistiques.
Françoise LABORDE
Cela peut se faire à n'importe quel moment de la semaine ?
Alain RICHARD
Oui. Mais une concertation politique étroite entre les autorités et les différents pays continuera. L'ordre d'action sera donné de façon calculée : si les conditions politiques n'étaient pas réunies, les frappes aériennes se répartiraient sans doute sur une période de plusieurs jours.
Françoise LABORDE
Comment gère-t-on la situation après une intervention de ce genre ?
Alain RICHARD
L'objectif est simple : arriver à un cessez-le-feu. Nous considérons que Monsieur MILOSEVIC n'a pas apporté les conditions acceptables pour un cessez-le-feu. L'objectif de notre discussion est d'y arriver le plus rapidement possible. Dans ce cas, il faudra sans doute un certain degré d'intensité et discuter encore au sujet d'une force qui contrôlerait sur place ce cessez-le-feu.
Françoise LABORDE
Combien d'hommes peut-il y avoir sur le terrain pour le contrôler ?
Alain RICHARD
Cela dépendra des conditions dans lesquelles celui-ci aboutira et de la crédibilité des deux parties à renoncer à la force. Vous avez en outre des éléments armés de l'UCK [Armée de libération du Kosovo] qui provoquent des phases de conflit à différents moments. Des milices serbes plus ou moins officieuses existent aussi. La force de contrôle du cessez-le-feu peut donc être de quelques centaines d'observateurs, sans accompagnement armé. Ce n'est pas cependant la position que nous soutiendrons parce que des mesures de sécurité sont nécessaires. La force pourrait être plus consistante.
Françoise LABORDE
25 000 ?
Alain RICHARD
Il est trop tôt pour en parler.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 8 janvier 2002)
Alain RICHARD, bonjour. L'alliance de l'OTAN se réunit aujourd'hui à Bruxelles pour décider ou non d'un ordre d'action. Pendant ce temps, Monsieur HOLBROOKE, qui est l'émissaire du groupe de contact et le représentant des Européens, des Américains et des Russes, rencontre Slobodan MILOSEVIC. L'idée serait-elle d'avoir deux formes de pression diplomatique et éventuellement une pression militaire ?
Alain RICHARD, ministre de la Défense
Oui. Je rappelle d'abord que cette situation est imputable à l'autorité yougoslave, Monsieur MILOSEVIC : celui-ci a déclenché une répression violente, avec des moyens militaires lourds contre une population qui demande simplement des droits à l'expression, à parler sa langue et à se doter d'un enseignement normal. Ce conflit a été déclenché avec des moyens militaires injustifiés au regard des oppositions locales. Devant ce fait, le groupe de contact avec les quatre principaux pays européens qui coordonnent, d'une certaine façon, les Américains et les Russes (il y a tout de même eu accord ces derniers jours entre les Européens, les Américains et les Russes) ont mis en place un travail politique. Ce sont les deux pays européens membres permanents du Conseil de sécurité qui ont fait adopter la résolution fixant le cadre politique. Pour que l'autorité yougoslave admette ces réalités politiques, une pression militaire est nécessaire : Monsieur MILOSEVIC fut en effet le premier à mettre en place une pression militaire ; nous avons pu en outre vérifier au cours de cette décennie qu'il se pliait à ce genre de décision.
Françoise LABORDE
Mais existe-t-il une détermination à s'engager réellement ? La presse parle de 430 appareils mobilisés sur une base. Quel sera le pourcentage militaire engagé par la France ? D'habitude, il est de l'ordre de 10 %, soit 43 appareils.
Alain RICHARD
Dans une situation de ce genre, il nous paraît normal de prendre nos responsabilités pour arriver à un résultat politique. Certes, il y a des inconvénients à agir ainsi mais d'autres pourraient se dresser si nous nous mettions à l'écart : ce conflit se déroule en effet en Europe et met en jeu des droits auxquels nous croyons fortement. La France a donc donné son accord pour contribuer à une force aérienne susceptible d'agir s'il n'y a pas d'amélioration. Nous déploierons une quarantaine d'avions, dont une partie sera disposée sur les bases italiennes et une autre, plus importante, sur le porte-avions FOCH.
Françoise LABORDE
Ces derniers jours, les Allemands étaient un peu réticents en disant qu'il ne faudrait pas se fâcher avec les Russes, plutôt opposés à une telle frappe. Quelle est aujourd'hui la position allemande ?
Alain RICHARD
Nous autres, Européens, sommes restés tout à fait soudés depuis les mois de mars et avril. A la suite d'une concertation, il est apparu que l'absence de structure européenne est un handicap pour aboutir à un mandataire qui parlerait au nom de tous les Européens, comme cela se pratique déjà pour d'autres affaires. Il y a eu cependant une grande convergence entre les Européens dans cette affaire. Les Allemands disent ce que tout le monde pense : un effort a été fait pour que les Russes comprennent et acceptent jusqu'à un certain point la pression exercée sur MILOSEVIC. Il faut juste veiller à ne pas les brusquer.
Françoise LABORDE
Que se passera-t-il ce matin à Bruxelles ? Un ordre d'action ?
Alain RICHARD
Un ordre d'activation.
Françoise LABORDE
Il y a un feu vert mais qui n'est pas automatique ?
Alain RICHARD
Cela signifie que le commandement commun prend la responsabilité de la force et qu'il a l'initiative de son emploi. Mais il est entendu que les pourparlers seront poursuivis : si l'émissaire commun, Monsieur HOLBROOKE, arrive à une réelle prise d'engagement de la partie yougoslave à accepter les conditions de paix définies par la communauté internationale, l'emploi de la force sera suspendu ou arrêté.
Françoise LABORDE
Monsieur HOLBROOKE ne semble pas très optimiste pour l'instant ?
Alain RICHARD
Les conditions minimales sont une réduction des forces yougoslaves, un cessez-le-feu (déjà accepté par l'armée du Kosovo) et l'engagement des négociations sur une base proposée par le groupe de contact européen. Si ces conditions sont réunies, la discussion deviendra purement politique. Mais, ce matin, ce n'est pas le cas. Il y a encore une rencontre dans la matinée.
Françoise LABORDE
L'intervention se ferait-elle en une ou deux phases, comme le suggèrent certains Américains ?
Alain RICHARD
Cela a été programmé : il s'agit d'une action contre des objectifs militaires, soit des dépôts de munitions, soit des aéroports militaires, soit des centres logistiques.
Françoise LABORDE
Cela peut se faire à n'importe quel moment de la semaine ?
Alain RICHARD
Oui. Mais une concertation politique étroite entre les autorités et les différents pays continuera. L'ordre d'action sera donné de façon calculée : si les conditions politiques n'étaient pas réunies, les frappes aériennes se répartiraient sans doute sur une période de plusieurs jours.
Françoise LABORDE
Comment gère-t-on la situation après une intervention de ce genre ?
Alain RICHARD
L'objectif est simple : arriver à un cessez-le-feu. Nous considérons que Monsieur MILOSEVIC n'a pas apporté les conditions acceptables pour un cessez-le-feu. L'objectif de notre discussion est d'y arriver le plus rapidement possible. Dans ce cas, il faudra sans doute un certain degré d'intensité et discuter encore au sujet d'une force qui contrôlerait sur place ce cessez-le-feu.
Françoise LABORDE
Combien d'hommes peut-il y avoir sur le terrain pour le contrôler ?
Alain RICHARD
Cela dépendra des conditions dans lesquelles celui-ci aboutira et de la crédibilité des deux parties à renoncer à la force. Vous avez en outre des éléments armés de l'UCK [Armée de libération du Kosovo] qui provoquent des phases de conflit à différents moments. Des milices serbes plus ou moins officieuses existent aussi. La force de contrôle du cessez-le-feu peut donc être de quelques centaines d'observateurs, sans accompagnement armé. Ce n'est pas cependant la position que nous soutiendrons parce que des mesures de sécurité sont nécessaires. La force pourrait être plus consistante.
Françoise LABORDE
25 000 ?
Alain RICHARD
Il est trop tôt pour en parler.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 8 janvier 2002)