Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, sur les grandes lignes du plan pour lutter contre la maladie d'Alzheimer, la prévention et l'information sur la maladie, Paris le 14 septembre 2004.

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Circonstance : Ouverture du 3ème congrès national de l'association France Alzheimer à l'Assemblée nationale le 14 septembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Depuis quelques années, les médecins, les médias et la société ont pris conscience que la maladie d'Alzheimer allait devenir une des premières préoccupations de santé des sociétés dites modernes. Aujourd'hui, près de 800 000 personnes en France sont atteintes de maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée. La prévalence de cette maladie augmente très fortement avec l'âge. De 1,5 % à l'âge de 65 ans, elle double tous les 4 ans pour atteindre 30 % à l'âge de 80 ans. Les experts estiment à plus de 165 000 le nombre de nouveaux cas par an.
A ces aspects épidémiologiques préoccupants, il faut souligner les particularités cliniques de cette maladie qui altère les capacités de mémoire et entraîne la perte des repères dans le temps et dans l'espace : la personne ne reconnaît plus ses enfants ou son conjoint. La maladie d'Alzheimer provoque aussi de graves troubles du comportement : la personne la plus douce peut devenir très agressive. Enfin, cette maladie entraîne une perte plus ou moins complète de l'autonomie.
L'apparition de ces symptômes évolue sur plusieurs années. Ce qui est terrible, c'est que ces malades sont souvent conscients de la réalité de leurs troubles. La famille et les proches constatent une lente et irréversible dégradation des fonctions intellectuelles. La devise de France Alzheimer est, à elle seule, significative : " Un malade, c'est toute une famille qui a besoin d'aide ". Elle est emblématique des enjeux qu'implique cette maladie qui nous concerne tous.
C'est pourquoi j'ai décidé d'engager un plan 2004-2007, que j'ai annoncé hier à la presse. Ce plan respecte avant tout la dignité de la personne atteinte. Il met tout en uvre pour faciliter un diagnostic précoce et améliorer la qualité de vie des patients et de leurs proches.
J'ai le plaisir, aujourd'hui, à l'occasion de l'ouverture du 3e congrès national de France Alzheimer, de vous en présenter les grandes lignes.
Ce plan se décline en 10 objectifs qui couvrent les principaux aspects de la maladie.
1. Le premier objectif est de préserver la dignité de la personne souffrant de maladie d'Alzheimer. Comme les associations et les professionnels de santé le réclament depuis longtemps, cette maladie est enfin reconnue comme une maladie à part entière.
La maladie d'Alzheimer va désormais figurer nommément en 16ème position dans la liste des affections de longue durée - la fameuse ALD30. Il n'est donc plus question de la confondre avec une psychose, un trouble grave de la personnalité ou, pire encore, une arriération mentale !... Ce décret, que je viens de signer, confortera également sa prise en charge à 100 % et un projet de soins adapté à chaque malade.
Dans cette affection, la place de la réflexion éthique est fondamentale. Les particularités cliniques de la maladie d'Alzheimer rendent les personnes souffrant de cette pathologie très vulnérables.
Aussi, afin de guider les professionnels et les familles dans leur pratique quotidienne, des référentiels seront élaborés à partir des conclusions des cinq rencontres régionales prévues jusqu'en 2005. Elles porteront sur les moments clés de la maladie :
- l'annonce du diagnostic,
- mais aussi sur les situations de la vie quotidienne comme la conduite automobile,
- ou sur la signification du consentement aux soins pour les personnes à un stade évolué de la maladie,
- ou encore sur la fin de vie.
J'ai demandé à ce que ces référentiels soient largement diffusés.
2. Le deuxième objectif est de mieux prendre en compte les besoins des malades et des familles en mettant en place une offre adaptée
Il faut mieux travailler à une meilleure connaissance des besoins et des attentes des personnes malades et de leurs familles.
Je souhaite faire évoluer les modes de prise en charge en établissement et faciliter la diffusion de nouveaux services, comme, par exemple, la garde itinérante de nuit. Ce système d'interventions, programmées chaque nuit ou sur appel, permet de sécuriser la personne malade et son entourage.
3. Il faut ensuite faciliter le diagnostic précoce si l'on veut ralentir l'évolution de la maladie et prévenir ses complications
La première étape d'un diagnostic est de détecter les premiers signes d'alerte. Dans la maladie d'Alzheimer, il s'agit de la diminution des performances dans certains actes de la vie quotidienne. Ce peut être l'utilisation du téléphone, des transports, la gestion de son budget ou des erreurs dans la prise de ses médicaments habituels. Ces troubles de la mémoire sont trop souvent banalisés.
Les différentes études épidémiologiques montrent que le diagnostic n'est porté que chez la moitié des personnes souffrant de maladie d'Alzheimer. Le médecin généraliste a donc un rôle essentiel de repérage des premiers signes. Un diagnostic précoce permet d'inscrire le patient dans une filière de soins, et parfois, de ralentir l'évolution de sa maladie.
Pour atteindre cet objectif, j'ai donc décidé d'intégrer une évaluation cognitive aux consultations de prévention prévues dans la loi de santé publique, à partir de l'âge de 70 ans.
De nouveaux " Centres mémoire de ressources et de recherche " seront labellisés et 100 nouvelles " consultations mémoire " de proximité seront créées. Les moyens de ceux qui existent déjà seront renforcés. Un budget de 15 millions d'euros sera ainsi consacré à ces structures. De plus, elles seront spécifiquement prises en charge par la tarification à l'activité.
Ce dépistage précoce nécessite une coopération entre médecins traitants, gériatres, neurologues, psychiatres, orthophonistes et neuro-psychologues. La mise en place de réseaux ville-hôpital est essentielle pour la prise en charge de cette maladie, et je sais que beaucoup d'entre vous s'y emploient. Les agences régionales d'hospitalisation vont procurer une aide méthodologique aux promoteurs de ces réseaux en partenariat avec les unions régionales des médecins libéraux et les unions régionales des caisses d'Assurance maladie.
4. Le quatrième objectif de ce plan est de renforcer la politique d'accompagnement pour les malades à un stade précoce et pour les familles
Il s'agit de donner une meilleure information sur la maladie ; nous avons réalisé pour cela un outil spécifique d'éducation à la santé pour les professionnels et les malades. Il s'agit d'une mallette qui contient un guide pour les médecins, une affiche pour les salles d'attente des professionnels de santé et des livrets d'information pour les patients. Il est conçu pour faciliter la relation entre le médecin et le patient dès l'annonce du diagnostic. Il contribue à recueillir les attentes, à faire préciser le ressenti en plaçant le patient au centre des soins.
Nous avons souhaité avec Hubert Falco que soit diffusé un document simple et pratique d'information aux personnes malades pour les aider à gérer leur vie quotidienne. Le "mémento Alzheimer", issu des travaux de l'Instance Prospective Alzheimer, poursuit cet objectif. Vous pouvez le consulter sur le site Internet du ministère de la santé (www.sante.gouv.fr).
Des aides financières seront apportées aux groupes de parole et de soutien aux personnes malades et à leurs proches. De plus, nous allons créer, avec la Direction générale de la Santé et l'Institut national de prévention en santé, en lien avec l'association France Alzheimer, une plate-forme de téléphonie d'aide et de conseil aux familles.
5. Mais surtout, pour mieux accompagner les malades qui vivent à domicile, j'ai décidé de créer 13 000 places supplémentaires dans les petites unités de vie. De 2 378 places en 2004, nous allons passer à 15 500 places d'ici 2007.
Il est indispensable de donner quelques moments de répit aux familles éprouvées par un tel drame. Comment ? En leur permettant de confier celle ou celui qui souffre d'une maladie d'Alzheimer et qui vit habituellement à leur domicile, pour une ou plusieurs journées par semaine, dans de petites unités de vie autonomes dédiées à cet accueil.
Ces petites structures, que ce soit en accueil de jour ou en hébergement temporaire, le permettent mais les places manquent cruellement.
Leur développement était jusqu'à maintenant limité, car il n'était pas possible d'obtenir un financement de l'Assurance maladie pour les accueils de jour et les hébergements temporaires de moins de 25 places en l'absence de texte réglementaire.
J'ai donc levé les obstacles à la parution du décret que vous attendiez tous. Ce décret prévoit les modalités de tarification des soins dans ces petites unités de vie autonomes. Il est actuellement au Conseil d'Etat et sera très prochainement publié. Ces petites structures pourront désormais bénéficier d'une prise en charge des soins par l'Assurance maladie.
Ce financement sera complémentaire de l'aide personnalisée à l'autonomie, dite APA, qui pourra être ainsi totalement consacrée à l'aide à la dépendance de la personne. Plus de la moitié des personnes qui bénéficient actuellement de l'APA ont aussi une maladie d'Alzheimer ou une maladie apparentée.
6. Parallèlement, il est nécessaire d'adapter les établissements d'hébergement pour personnes âgées qui accueillent des malades atteints d'Alzheimer
Pour ce faire, j'ai décidé de renforcer les effectifs de personnels dans ces établissements. La circulaire du 30 août 2004 relative à la campagne budgétaire dans les services médicaux et médico-sociaux accueillant des personnes âgées a dégagé un financement supplémentaire de 88 millions d'euros, ce qui permettra d'accroître l'encadrement médical dans ces établissements.
7. Il faut aider à la formation des professionnels et des bénévoles qui le souhaitent est importante pour la prise en charge de ces malades, qui ne sont pas des malades comme les autres.
Nous avons ainsi réalisé un CD Rom qui présente le projet de soins et d'aide dans cette maladie, c'est-à-dire l'information sur la maladie, les recommandations thérapeutiques, le suivi, la prévention et le traitement. D'autre part, un guide des bonnes pratiques de soins en établissements d'hébergements pour personnes dépendantes va être diffusé. Ces deux supports ont été conçus par des gériatres et des neurologues cliniciens et chercheurs. Ils seront largement diffusés aux professionnels concernés et seront téléchargeables sur le site Internet du ministère de la santé dans les jours prochains.
8. Il est nécessaire de faciliter la prise en charge des malades en situation de crise
L'évolution de la maladie d'Alzheimer est souvent émaillée d'hospitalisations multiples. Il convient donc de développer les courts séjours gériatriques pour chaque établissement de santé disposant d'un service d'accueil d'urgences. La suppression de l'entente préalable de l'Assurance maladie, jusqu'alors nécessaire, permettra d'admettre directement en service de soins de suite et de réadaptation les malades qui le nécessitent.
De même, il faut améliorer le soutien des familles par le financement prioritaire de gardes à domicile en lien avec l'Assurance maladie et les caisses vieillesse et par le développement de la prestation " aide au retour à domicile après hospitalisation ".
9. Prendre en compte la spécificité des patients jeunes est impératif.
Les formes précoces de la maladie d'Alzheimer, survenant avant l'âge de 65 ans, ne représentent que 5 % des cas, mais elles ont toujours des répercussions très importantes pour le malade et son entourage. J'ai donc demandé qu'un groupe d'experts pluri-disciplinaire, libéraux et hospitaliers, comprenant des représentants des malades, me fasse des propositions pour adapter la prise en charge de ces personnes particulièrement vulnérables.
10. Enfin, le plan prévoit d'encourager la recherche dans le domaine de ces maladies, qu'elle soit clinique ou fondamentale
La maladie d'Alzheimer est une des affections du cerveau pour laquelle les progrès les plus importants ont été réalisés au cours de ces dernières années. Les facteurs de risque ou de protection sont aujourd'hui connus. Les principales mutations géniques responsables des formes familiales ont été identifiées.
Il faut donner une priorité au soutien de la recherche clinique, alors que l'on commence tout juste à comprendre les bases physiopathologiques de la maladie d'Alzheimer, à disposer de médicaments qui laissent entrevoir une lueur d'espoir quant à leur efficacité, et que l'on évoque même, à plus long terme, la possibilité de ralentir le cours de la maladie en intervenant directement sur les lésions neuronales.
Des efforts importants ont été faits ces dernières années. Il faut souligner, bien sûr, le travail de l'INSERM avec son projet portant sur l'impact du dépistage et du diagnostic précoce dans les détériorations cognitives, à partir de la cohorte de l'étude dite " des trois cités (3C : Montpellier, Bordeaux et Dijon) ". Cette cohorte va permettre d'obtenir des éléments de mesure de réalisation des objectifs de la loi relative à la politique de santé publique.
Nous finançons aussi plusieurs programmes hospitaliers de recherche clinique, appelés communément PHRC. Le plus important de ces programmes hospitaliers dans ce domaine concerne " la validation du plan de soin et d'aide ". Il est mis en place dans 12 CHU et 20 centres hospitaliers généraux.
L'accent va être également mis sur la recherche relative aux cellules souches. Le prochain appel d'offre du PHRC comportera notamment cette thématique. Une autre thématique concernera l'évaluation des actions d'amélioration de la qualité de vie des personnes souffrant de maladie d'Alzheimer ou apparentée.
Enfin, il est apparu nécessaire de créer un observatoire de la recherche pour ces maladies. Il s'agit de mettre en place, au sein du groupe de travail " Recherche ", auquel participent les Prs Sylvie Legrain et Jean-François Dartigues, une veille scientifique concernant les activités des centres mémoire de ressources et de recherche.
Cette veille, en partenariat avec le ministère de la Recherche, réalisera l'état des lieux annuel de la recherche et la transmettra au comité de suivi de ce plan.
Voici, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les grands axes du plan d'actions sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées que je souhaite développer dans les trois prochaines années.
Enfin, je voudrais remercier les Professeurs Sylvie Legrain et Françoise Forette, ainsi que les Professeurs Florence Pasquier et Jean-François Dartigues pour leur aide dans la conception de ce plan. Je me félicite de cette excellente collaboration entre gériatres et neurologues, toujours en lien avec les associations de patients et de familles de malades, comme France Alzheimer, que préside avec efficacité Jean Doudrich.
Je compte sur l'ensemble des acteurs concernés pour faire en sorte que les malades souffrant de la maladie d'Alzheimer puissent être soignées et accompagnées dans la dignité.
Je vous remercie et vous souhaite un agréable congrès.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 2 novembre 2004)