Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Dans le cadre de la loi d'orientation sur l'Ecole, le gouvernement a décidé d'engager la modernisation du baccalauréat. J'ai tenu à vous y associer pleinement. J'ai besoin de l'éclairage des spécialistes et interprètes de la communauté éducative que vous êtes. Je sais que certains d'entre vous ont un jugement réservé à l'égard de notre objectif, mais je compte - dans un esprit aussi constructif que possible - sur leur expérience et leurs observations.
Le bac est un symbole respecté ; une institution utile qui couronne notre système scolaire. Il doit demeurer, mais être repensé.
Le débat sur l'organisation et le contenu du bac, n'est pas, vous le savez, nouveau. Les velléités d'adaptation sont récurrentes, mais le renoncement fut souvent, ces dernières années, au rendez-vous. Les gouvernements passaient, le bac demeurait en l'état, quand il ne se complexifiait pas.
Le temps est venu d'agir ensemble. Notre objectif est que le nouveau bac soit en place pour la session 2007.
C'est dire combien vos travaux, qui conduiront à des mesures précises, appelées à entrer - enfin ! - dans les faits, sont attendus. Beaucoup de nos concitoyens, familles et élèves, escomptent, j'en ai la conviction, une évolution maîtrisée de cet examen. Votre responsabilité est donc importante.
Je sais que notre initiative effarouche certains. A tort, me semble-t-il, car le statu quo n'est pas la panacée. Si nous prenons un peu de recul, nous constatons d'ailleurs que l'histoire du bac est faite d'ajustements permanents.
Cette institution n'est donc nullement condamnée à rester figée.
Entre le décret organique du 17 mars 1808 qui institue cet examen (qui alors ne comportait que des épreuves orales portant sur des auteurs grecs et latins, sur la rhétorique, l'histoire, la géographie et la philosophie), et le bac 2004, il y a un monde. De nombreuses étapes ont été franchies : en 1880 les premières épreuves écrites apparaissent, en 1853 c'est au tour de la 1ère langue vivante, en 1968 c'est la création du bac technologique et en 1985 celle du bac professionnel A chaque fois, il y eut des débats et certaines crispations disciplinaires.
Au regard de toutes ces mutations antérieures, notre ambition réformatrice n'est pas insolite. Elle l'est d'autant moins que nous avons pour objectif de revisiter l'organisation du bac, non d'y renoncer. C'est d'ailleurs bien en ce sens que l'IGAEN avait formulé ses recommandations dans un rapport datant de 1998.
Cet examen final présente plusieurs atouts qu'il serait absurde de négliger :
- il constitue un rendez-vous national qui place tous les élèves en situation d'égalité ; un rendez-vous qui sanctionne avec force la fin des études secondaires et ouvre l'accès à l'enseignement supérieur dont il est le premier grade ;
- il est, sur le plan personnel, une étape marquante pour l'adolescent ;
- il est enfin, pour de nombreux enseignants, un levier de motivation pour l'investissement scolaire de leurs élèves.
Pour autant, nous allons moderniser cet examen car il y a des paramètres dont il convient de prendre la juste mesure :
- d'abord, vous le savez mieux que quiconque, l'organisation du bac est excessivement lourde: elle exige des moyens humains et techniques considérables qui dépassent le raisonnable. A l'occasion du bac 2004, c'est 4 300 centres d'examen qui ont été installés, 130 000 examinateurs et correcteurs qui ont été sollicités, 4 millions de copies qui ont été corrigées. L'immensité de la tâche, nous place dans une situation que je n'hésite pas à qualifier de périlleuse pour le bac. Nous ne sommes pas à l'abri d'un fort dérapage qui affecterait alors la légitimité même de cet examen ;
- cette gigantesque organisation, a une incidence sur le fonctionnement de notre système éducatif que je ne puis juger comme satisfaisante :le troisième trimestre est amputé de presque un mois pour tous les élèves de seconde, première et terminale (soit l'équivalent de 3 mois sur une scolarité au lycée). Compte tenu de la mobilisation des professeurs sur le baccalauréat, les cours doivent être interrompus et toutes les autres opérations scolaires (conseils de classe, procédures d'orientation en fin seconde), sont avancées dans le calendrier. Cette année, le troisième trimestre commence en région parisienne le lundi 9 mai et quelques jours après débuteront les premières épreuves du bac technologique ;
- enfin, j'estime excessif le nombre d'épreuves, entre 10 et 12 (d'une durée totale d'environ 24 à 30 heures!). Dans tout examen, il y a une exigence qui provoque une tension naturelle... C'est légitime et utile. Mais là, cette succession d'épreuves, concentrée sur quelques jours, génère un stress souvent contre-productif. Il peut entamer la confiance du candidat et incite plus d'un élève à un bachotage plus qu'à un travail régulier, en profondeur, tout au long de l'année. Les études montrent que 5 ou 6 épreuves dans les disciplines dominantes sont suffisantes.
Voilà les raisons qui nous conduisent à repenser le bac et à proposer dans le projet de loi de limiter le nombre d'épreuves finales à 6.
J'attends de votre groupe des avis et des propositions qui permettent de préciser les contours d'une adaptation du baccalauréat. Une part de contrôle continu, de contrôle en cours de formation, ou d'autres modalités : toutes ces pistes de travail vous sont ouvertes. Il s'agit de concevoir un dispositif permettant d'évaluer les disciplines, mais pas de la même manière, ni en même temps.
Votre réflexion ne s'engage pas sur un champ vide : il existe déjà des modalités particulières prévues pour l'éducation physique et sportive, pour l'évaluation des capacités expérimentales en sciences physiques
Au cur de vos propositions, il vous faudra trouver un équilibre fonctionnel entre :
- notre volonté de profiler le bac autour de 6 épreuves terminales ( qui peuvent d'ailleurs être différentes selon les séries )
- le besoin d'évaluer sous d'autres formes l'acquisition des autres matières,
- la nécessité de préserver la valeur nationale du diplôme et l'égalité des candidats.
Cet équilibre ne devant naturellement pas se traduire par un alourdissement du dispositif actuel
Mesdames et messieurs,
Une partie de l'avenir du bac est entre vos mains.
Je vous remercie chaleureusement d'avoir accepté de faire partie de ce groupe de travail, présidé par Pierre Brunel, professeur à l'université de Paris IV, dont l'esprit d'ouverture et le sens du dialogue sont reconnus.
Je suis convaincu que votre éclairage et vos recommandations répondront aux attentes qui entourent vos travaux.
Je vous remercie pour votre contribution et laisse, immédiatement, votre commission engager sa réflexion.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 19 janvier 2005)