Texte intégral
GYMNICH DE SALZBOURG POINT DE PRESSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES,
M. HUBERT VEDRINE - Salzbourg - 05.09.1998
C'était une journée très intéressante. La présidence autrichienne a bien préparé ce Gymnich. On a passé l'essentiel de la journée à travailler sur les méthodes de fonctionnement et de coordination au sein de l'Union européenne, en commençant par savoir comment les ministres des Affaires étrangères pouvaient exercer à plein le rôle qui est le leur du fait des traités. La présidence en tirera des conclusions pratiques qui pourraient être appliquées dès le prochain Conseil Affaires générales. Cela rejoint un certain nombre de suggestions qui avaient été faites il y a un certain temps par l'Italie, puis par la France, et un certain nombre de conclusions qui avaient été tirées par la présidence britannique. Je trouve que c'est un bon exemple de travail utile. Pour ce qui est des autres sujets, nous avons simplement commencé à parler de la Russie, par un début d'échanges, un début d'analyse. Nous travaillerons sur le projet de texte et nous tirerons d'éventuelles conclusions demain matin. Toute la journée était consacrée à des questions de fonctionnement. Au nom de la France, je m'en réjouis, parce que nous pensions que c'était cela la priorité. C'est une très bonne chose que ce Gymnich de rentrée soit centré là-dessus.
Q - Le fonctionnement du Conseil Affaires générales est-il réellement aussi inefficace que cela ?
R - Je n'ai pas dit cela. Le Conseil Affaires générales - les ministres qui le composent - et la présidence autrichienne, dans une phase qui est tout à fait importante dans l'histoire de l'Union, face à une année chargée de décisions compliquées à prendre, ont organisé une réflexion utile sur la manière d'exercer au mieux les fonctions de coordination qui sont celles qui recouvrent le terme "affaires générales". C'est une bonne chose que les ministres des Affaires étrangères veuillent exercer leurs fonctions pleinement et de façon efficace... Il y avait autour de la table une volonté très grande d'aboutir à toute une série de modifications concrètes, de petites réformes pratiques relatives à l'organisation des travaux, l'emploi du temps, la distinction des sujets abordés, la disponibilité des ministres. Ce sont des points qui me paraissent ambitieux et concrets.
Q - Pensez-vous que tout cela va être mis sur le papier par la présidence autrichienne, et ensuite approuvé par le Conseil ? Il y a donc un rôle formel tout de même .
R - Il y a un rôle formel pour certaines choses. Il y a beaucoup d'aspects qui n'ont pas besoin de passer par ce que vous dites. Il y a un certain nombre de dispositions à prendre pour le prochain Conseil Affaires générales et pour les suivants... Il y a par exemple des aspects techniques consistant à dire que de temps en temps on devrait pouvoir se dispenser de voyages compliqués, en organisant des vidéos conférences. Il y a l'idée de mieux ordonner le travail du Conseil Affaires générales, selon qu'il exerce la fonction de coordination sur un certain nombre de sujet transversaux ou horizontaux, selon qu'il travaille sur la Pesc, ou selon qu'il travaille sur la question des relations avec les pays tiers. Outre ces trois grands chapitres, il y a une série d'engagements très concrets, comme la limitation du tour de table, la façon de mieux hiérarchiser les sujets, entre ceux sur lesquels on doit décider et ceux sur lesquels on doit procéder à un échange de vues. Ce sont de petites choses prises une par une, mais qui forment un tout cohérent. La présidence autrichienne - je tiens à le dire - a très bien synthétisé les observations, les propositions qui avaient été faites par les Italiens, par nous-mêmes à plusieurs reprises, et reprises par les Anglais à la fin de leur présidence. Cela fait partie d'un travail que doivent faire toutes les institutions de l'Union européenne pour fonctionner le mieux possible.
Q - Il était question que ce conseil informel serve à préparer le conseil européen de fin octobre à Pörtschach, à la fois en ce qui concerne la réforme des institutions et , tout ce qui avait été évoqué dans la lettre franco-allemande avant Cardiff ?
R - Tout doit être fait pour rendre le Conseil Affaires générales encore plus efficace, performant et plus lié à l'amélioration des mécanismes de décision. Donc, on est dans le même sujet. D'autre part, il y aura un autre Conseil Affaires générales avant la rencontre de la fin octobre. Et c'est celui-là qui travaillera particulièrement sur le sujet évoqué à Cardiff. Nous n'avons pas passé la journée sur des sujets d'actualité immédiats et brûlants. Je considère que ce qu'on a fait est plus important.
Q - L'idée du partenariat européen n'a pas été très bien reçue, n'est-ce-pas ?
R - Cette question a également été abordée. Le sentiment général - mais je laisserai M. Schuessel faire éventuellement le point - c'est qu'il y a déjà des organismes, ou des institutions, ou des méthodes pour traiter ces sujets. Nous sommes convenu que c'était une idée généreuse, dont tout le monde comprenait l'inspiration. Il y a un certain nombre de pays à la périphérie, des pays qui sont déjà engagés dans un processus et qu'on ne peut pas ignorer. Il y a un point de départ du raisonnement que chacun comprend, que chacun ressent. Et moi qui rentre d'Ukraine et de Moldavie, où j'étais avec le président de la République, je comprend cela très bien. La réaction générale a été de dire : essayons d'abord d'approfondir notre réflexion sur l'usage que l'on peut faire des organismes existants, réfléchissons plus à ce que l'on peut dire dans le cadre de la Conférence européenne. Là aussi, excellent climat, très bon tour de table. C'était une journée exemplaire sur le plan du travail.
Q - A-t-il été question du haut représentant PESC, de la procédure de désignation ?
R - Il y a eu un début de discussion sur le profil et le calendrier, nous arrivons au moment où il faut commencer à préciser les choses.
Q - Quel profil ?
R - Le profil a déjà été défini dans des textes, notamment à Amsterdam. Il faut une personnalité qui puisse incarner, représenter et parler aux interlocuteurs de l'Europe à un haut niveau. Enfin, on ne peut pas en faire une discussion abstraite. On serait sûr de s'égarer.
Q - Doit-il être Français ?
R - Non. Personne n'a dit qu'il devait être de telle ou telle nationalité. Il faudrait qu'il soit Européen, dans les deux sens du terme.
Q - Avez-vous abordé la question de la Russie quand même ?
R - On a commencé la discussion sur l'analyse de la situation. On en parlera très vraisemblablement demain matin. On verra ce qui doit être dit en se plaçant d'un point de vue économique, d'un point de vue politique, pour essayer d'embrasser l'ensemble de la situation, et qui se placera du point de vue de l'Union européenne et de la contribution qu'elle peut apporter à la solution de la crise.
Q - Y aura-t-il une mission de la troïka ?
R - Ce n'est pas encore conclu. Ce que je dis n'écarte rien, mais ce n'est pas conclu à ce stade. La discussion a commencé, il y a eu quatre ou cinq intervenants, un long exposé du Président Santer à ce sujet.
Q - A-t-il été question du Kossovo ?
R - Non.
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GYMNICH DE SALZBOURG POINT DE PRESSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES,
M. HUBERT VEDRINE - Salzbourg - 06.09.1998
Je confirme d'abord mon appréciation d'hier. C'était une bonne réunion, bien préparée, très concrète et, à mon sens très utile. Pour l'échange de vues et les conclusions relatifs à l'amélioration des méthodes de travail, pour la fonction, qui est très importante, du Conseil des Affaires générales dans tous ses aspects, nous sommes arrivés à des conclusions précises que la présidence va mettre en application. Nous sommes maintenant dans la phase de la mise en oeuvre. L'échange de vues est terminé. Nous allons agir.
Hier soir et ce matin, il y a eu un échange de vues sur la Russie. Cet échange d'analyse, très intéressant, a été au fond des choses et a abouti à une déclaration sur la Russie. Il y a eu un échange sur la question de savoir s'il fallait envoyer la troïka tout de suite ou dès que possible. Car il vaudrait mieux qu'il y ait un gouvernement en face. Mais après tout, la troïka verra à peu près tous les interlocuteurs possibles, quel que soit le contexte. L'analyse a été très intéressante parce qu'elle a mis l'accent sur la nécessité pour les partenaires extérieurs de la Russie, - les Occidentaux, les Américains, les institutions financières internationales -, de mieux préciser les réformes qui sont attendues, étant entendu que l'expérience des dernières années a montré qu'on ne peut pas plaquer, en aussi peu d'années, de l'extérieur et de façon magique, tous les dispositifs de la démocratie et de l'économie de marché, qui ont mis dans nos démocraties parfois deux siècles et demi à se développer, à s'enraciner surtout. Cette discussion, très intéressante, a porté sur la façon dont on peut mieux participer de l'extérieur à cette considérable mutation, parce que c'est notre intérêt bien compris à long terme.
Ce qui est frappant, dans toutes ces analyses qui partent d'une situation économique, c'est que la plupart des intervenants en viennent à dire qu'on n'y arrivera pas si l'on ne participe pas à la reconstruction d'un Etat en Russie. Les quinze ministres ont donc invité la Commission, en ce qui la concerne, à intégrer cette approche et à raisonner en termes d'aides, de recettes ou de solutions économiques transposées. Nous avons eu également un débat long et intéressant sur le Kossovo avec un volet albanais qui lui est tout à fait lié. Nous avons terminé par une intervention du ministre belge, approuvé par les autres participants, sur la situation en Afrique des Grands lacs.
En ce qui concerne le Kossovo, tous les participants ont confirmé la volonté de l'Union européenne d'être présente, de maintenir sa présence, ses contacts et son action à un haut niveau. La présidence est chargée de faire les propositions rapides sur les modalités. Nous avons travaillé sur la question des réfugiés. L'initiative que j'ai prise il y a quelques jours avec Klaus Kinkel est soutenue par l'ensemble des participants et par la Commission. Nous avons eu un échange de vues sur les déclarations récentes qui ont été faites sur la possibilité de négocier un arrangement intérimaire. Dans l'ensemble, cette hypothèse a été prise comme une piste à creuser, avec un certain intérêt, et bien entendu avec une certaine prudence, compte tenu du fait que nous sommes échaudés par beaucoup d'expériences antérieures. Il faut voir si les protagonistes acceptent d'approfondir cette idée. Les positions de fond restent les mêmes. Elles restent très cohérentes. Je rappelle à chaque fois que même si nous n'avons pas encore, par magie, trouvé la solution à ce problème très compliqué, il y a une vraie grande cohésion des positions notamment au sein des Européens depuis le début du drame. Nous continuons à maintenir des pressions et des sanctions contre Belgrade, une politique qui s'adapte et qui pourra être réalisé au fur et à mesure de l'engagement réel, et pas uniquement par des déclarations de Belgrade, dans le processus de négociation. Nous maintenons notre soutien à M. Rugova et nous sommes obligés d'adresser une mise en garde très ferme à l'UCK, dont les actions et les déclarations ne vont pas dans le sens de la recherche d'une solution politique et n'aident pas M. Rugova à mener la politique qu'il voudrait mener et que nous soutenons. Donc, cela reste le cadre de la politique de l'Europe. A cet égard nous avons jugés positifs les passages de la déclaration récente Clinton-Eltsine consacrée à ce sujet.
En ce qui concerne l'Albanie, nous avons tous pensé qu'en complément à cette action au Kossovo, nous devions, et les ministres et la Commission, rassembler à nouveau nos moyens pour qu'il y ait une action, une politique de l'ensemble de l'Europe pour aider l'Albanie à assumer et à assurer ses fonctions en tant qu'Etat, ce qu'elle n'arrive pas à faire aujourd'hui, en tout cas dans le nord du pays.
Sur l'Afrique des Grands lacs, le ministre belge est intervenu pour analyser la situation, donner quelques chiffres malheureusement frappants que chacun connaît, sur les conséquences humaines des affrontements dans la région, pour apporter son plein soutien à l'idée française, que j'ai rappelée récemment, d'une conférence pour la paix et la stabilité dans l'Afrique des Grands lacs, avec tous les protagonistes, et pour demander - ce que le président Santer a accepté immédiatement - que l'Union européenne vérifie si son aide budgétaire à certains pays concernés n'est pas détournée à des fins guerrières. Il ne s'agit pas, je le précise, de l'aide humanitaire, à laquelle il ne faut pas toucher et que dans certains cas il faudrait même augmenter.
Enfin, il y a eu un petit échange à propos de la déclaration malheureuse de M. Hill à propos de l'Europe. Tout le monde pense qu'il s'agit d'une déclaration dont il aurait pu faire l'économie. Cela ne doit pas affecter notre analyse sur le fond sauf que M. Hill a affirmé très faussement que l'Europe tournait le dos aux Balkans. Nous ne voudrions pas que les Etats-Unis tournent le dos à l'Europe sur cette question. C'est naturellement ensemble que nous pouvons trouver une solution et que nous pourrons garantir une solution.
Q - Que signifie exactement le passage concernant l'aide éventuelle à la Russie ?
R - Cela veut dire que les programmes doivent être adaptés à la situation nouvelle. Nous exprimons, les uns et les autres, notre disponibilité à poursuivre notre engagement auprès de la Russie dans le cadre d'une politique de mutations et de réformes véritables. La discussion est maintenant de savoir comment, sur la base de quel programme et avec qui. Vous comprenez bien qu'on ne peut pas tellement aller plus loin aujourd'hui, tant qu'on ne sait pas exactement à qui on parle.
En ce qui me concerne, je ne pense pas qu'il y ait eu une erreur stratégique de la part de l'Occident s'agissant de la Russie, depuis l'époque de Gorbatchev jusqu'à maintenant. L'erreur stratégique à partir de 1991, peu avant si l'on prend le début d'ouverture de Gorbatchev, aurait été de traiter la Russie en pays vaincu. Cette erreur stratégique, l'Occident ne l'a pas commise ; nous avions peut-être réfléchi sur l'histoire du 20ème siècle.
En ce qui concerne les modalités de l'aide, le type de programme, le type de coopération, le type de réforme, il est certain que c'est plus compliqué. Tout simplement parce que personne ne connaît la recette du miracle pour faire passer une économie de type soviétique, notamment russe, à une économie avancée. Personne ne connaît la recette. Aucun de nos pays, aucun pays occidental, aucun pays européen ne s'est développé en s'appuyant, au début de son développement, sur ces recettes là. Si la question est de savoir s'il a fallu tâtonner c'est oui. C'est vrai pour tout le monde. C'est vrai pour les Russes, comme c'est vrai des gouvernements étrangers partenaires, comme c'est vrai pour les institutions financières internationales. Aujourd'hui, tout le monde est à la recherche d'une solution qui permette, à partir d'un gouvernement russe politiquement responsable, et capable d'engager de vrais réformes et de restaurer un Etat crédible, d'appliquer les réformes qui permettraient l'engagement de vrais changements. Tout le monde le recherche. On n'a pas à se renvoyer la balle les uns les autres. Pour commencer, c'est naturellement le problème des Russes, mais c'est aussi le problème de leurs partenaires extérieurs, donc naturellement de l'Union européenne. C'est plutôt l'idée d'une adaptation à cette situation nouvelle qui apparaît aujourd'hui crûment plutôt qu'une discussion sur la question de savoir ce qu'il fallait faire il y a cinq ans.
Q - La troïka à Moscou, que peut-elle faire ?
R - Elle ira voir sur place quelle est la situation, ce que les différentes forces politiques sont prêtes à accepter, prêtes à faire, et par conséquent ce que sera la ligne politique du futur gouvernement. A partir de là, il y aura une discussion sur ce que l'Union européenne fait, continue à faire, ou modifie ou fait en plus. C'est une démarche tout à fait normale. C'est un moment suffisamment important pour que cette discussion ait lieu.
Q - Y-a-t-il une condition préalable à la mission de la troïka ?
R - Il n'y a pas de conditions au sens propre du terme. C'est aux trois ministres concernés d'apprécier. Dans l'idéal, il serait plus efficace d'y aller quand ils pourront rencontrer un gouvernement, mais ils peuvent très bien y aller sans attendre. Ils rencontreront toutes les forces politiques. Cette nuance n'est pas importante.
Q - Sur la poursuite des réformes en Russie ? N'y-a-t-il pas des différences d'appréciations entre l'Union européenne et les Américains ?
R - L'essentiel est que nos analyses convergent. Il n'est pas étonnant qu'il y ait des tonalités chez les uns et les autres. Pour des pays aux tonalités et aux expériences propres, il s'agit d'agir pour converger vers une aide efficace à la Russie. Tout le débat porte là-dessus. Il faut tenir compte des différents éléments. C'est vrai qu'il y a une tonalité dans laquelle je me retrouve bien, comme je me retrouve bien dans le texte d'aujourd'hui, dont je suis content pour y avoir participé comme tout le monde.
Les événements de Russie doivent donc être aujourd'hui à l'occasion d'une réflexion. Nous voulons trouver des vraies réformes qui engagent un vrai processus, pour nous permettre de poursuivre notre effort auprès des Russes, ce qui est notre orientation stratégique, et nous souhaitons qu'il y ait à Moscou un gouvernement capable d'endosser ces réformes là. Voilà l'équation.
L'analyse des forces, de la situation de la Russie et de la situation internationale nous amènent à la conclusion que les Russes ne peuvent pas globalement changer, ou faire complètement marche arrière, revenir d'une économie libérale vers une économie planifiée. Notre analyse est que cela ne peut pas se produire.
Q - Avez-vous l'intention de désigner un Monsieur Kossovo autre que M. Gonzalès ?
R - Cela fait partie du chapitre des réflexions que nous avons demandés à la présidence, pour assurer une présence européenne plus continue et plus soutenue sur cette question. Donc, la présidence de l'UE fera des propositions.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2001)
M. HUBERT VEDRINE - Salzbourg - 05.09.1998
C'était une journée très intéressante. La présidence autrichienne a bien préparé ce Gymnich. On a passé l'essentiel de la journée à travailler sur les méthodes de fonctionnement et de coordination au sein de l'Union européenne, en commençant par savoir comment les ministres des Affaires étrangères pouvaient exercer à plein le rôle qui est le leur du fait des traités. La présidence en tirera des conclusions pratiques qui pourraient être appliquées dès le prochain Conseil Affaires générales. Cela rejoint un certain nombre de suggestions qui avaient été faites il y a un certain temps par l'Italie, puis par la France, et un certain nombre de conclusions qui avaient été tirées par la présidence britannique. Je trouve que c'est un bon exemple de travail utile. Pour ce qui est des autres sujets, nous avons simplement commencé à parler de la Russie, par un début d'échanges, un début d'analyse. Nous travaillerons sur le projet de texte et nous tirerons d'éventuelles conclusions demain matin. Toute la journée était consacrée à des questions de fonctionnement. Au nom de la France, je m'en réjouis, parce que nous pensions que c'était cela la priorité. C'est une très bonne chose que ce Gymnich de rentrée soit centré là-dessus.
Q - Le fonctionnement du Conseil Affaires générales est-il réellement aussi inefficace que cela ?
R - Je n'ai pas dit cela. Le Conseil Affaires générales - les ministres qui le composent - et la présidence autrichienne, dans une phase qui est tout à fait importante dans l'histoire de l'Union, face à une année chargée de décisions compliquées à prendre, ont organisé une réflexion utile sur la manière d'exercer au mieux les fonctions de coordination qui sont celles qui recouvrent le terme "affaires générales". C'est une bonne chose que les ministres des Affaires étrangères veuillent exercer leurs fonctions pleinement et de façon efficace... Il y avait autour de la table une volonté très grande d'aboutir à toute une série de modifications concrètes, de petites réformes pratiques relatives à l'organisation des travaux, l'emploi du temps, la distinction des sujets abordés, la disponibilité des ministres. Ce sont des points qui me paraissent ambitieux et concrets.
Q - Pensez-vous que tout cela va être mis sur le papier par la présidence autrichienne, et ensuite approuvé par le Conseil ? Il y a donc un rôle formel tout de même .
R - Il y a un rôle formel pour certaines choses. Il y a beaucoup d'aspects qui n'ont pas besoin de passer par ce que vous dites. Il y a un certain nombre de dispositions à prendre pour le prochain Conseil Affaires générales et pour les suivants... Il y a par exemple des aspects techniques consistant à dire que de temps en temps on devrait pouvoir se dispenser de voyages compliqués, en organisant des vidéos conférences. Il y a l'idée de mieux ordonner le travail du Conseil Affaires générales, selon qu'il exerce la fonction de coordination sur un certain nombre de sujet transversaux ou horizontaux, selon qu'il travaille sur la Pesc, ou selon qu'il travaille sur la question des relations avec les pays tiers. Outre ces trois grands chapitres, il y a une série d'engagements très concrets, comme la limitation du tour de table, la façon de mieux hiérarchiser les sujets, entre ceux sur lesquels on doit décider et ceux sur lesquels on doit procéder à un échange de vues. Ce sont de petites choses prises une par une, mais qui forment un tout cohérent. La présidence autrichienne - je tiens à le dire - a très bien synthétisé les observations, les propositions qui avaient été faites par les Italiens, par nous-mêmes à plusieurs reprises, et reprises par les Anglais à la fin de leur présidence. Cela fait partie d'un travail que doivent faire toutes les institutions de l'Union européenne pour fonctionner le mieux possible.
Q - Il était question que ce conseil informel serve à préparer le conseil européen de fin octobre à Pörtschach, à la fois en ce qui concerne la réforme des institutions et , tout ce qui avait été évoqué dans la lettre franco-allemande avant Cardiff ?
R - Tout doit être fait pour rendre le Conseil Affaires générales encore plus efficace, performant et plus lié à l'amélioration des mécanismes de décision. Donc, on est dans le même sujet. D'autre part, il y aura un autre Conseil Affaires générales avant la rencontre de la fin octobre. Et c'est celui-là qui travaillera particulièrement sur le sujet évoqué à Cardiff. Nous n'avons pas passé la journée sur des sujets d'actualité immédiats et brûlants. Je considère que ce qu'on a fait est plus important.
Q - L'idée du partenariat européen n'a pas été très bien reçue, n'est-ce-pas ?
R - Cette question a également été abordée. Le sentiment général - mais je laisserai M. Schuessel faire éventuellement le point - c'est qu'il y a déjà des organismes, ou des institutions, ou des méthodes pour traiter ces sujets. Nous sommes convenu que c'était une idée généreuse, dont tout le monde comprenait l'inspiration. Il y a un certain nombre de pays à la périphérie, des pays qui sont déjà engagés dans un processus et qu'on ne peut pas ignorer. Il y a un point de départ du raisonnement que chacun comprend, que chacun ressent. Et moi qui rentre d'Ukraine et de Moldavie, où j'étais avec le président de la République, je comprend cela très bien. La réaction générale a été de dire : essayons d'abord d'approfondir notre réflexion sur l'usage que l'on peut faire des organismes existants, réfléchissons plus à ce que l'on peut dire dans le cadre de la Conférence européenne. Là aussi, excellent climat, très bon tour de table. C'était une journée exemplaire sur le plan du travail.
Q - A-t-il été question du haut représentant PESC, de la procédure de désignation ?
R - Il y a eu un début de discussion sur le profil et le calendrier, nous arrivons au moment où il faut commencer à préciser les choses.
Q - Quel profil ?
R - Le profil a déjà été défini dans des textes, notamment à Amsterdam. Il faut une personnalité qui puisse incarner, représenter et parler aux interlocuteurs de l'Europe à un haut niveau. Enfin, on ne peut pas en faire une discussion abstraite. On serait sûr de s'égarer.
Q - Doit-il être Français ?
R - Non. Personne n'a dit qu'il devait être de telle ou telle nationalité. Il faudrait qu'il soit Européen, dans les deux sens du terme.
Q - Avez-vous abordé la question de la Russie quand même ?
R - On a commencé la discussion sur l'analyse de la situation. On en parlera très vraisemblablement demain matin. On verra ce qui doit être dit en se plaçant d'un point de vue économique, d'un point de vue politique, pour essayer d'embrasser l'ensemble de la situation, et qui se placera du point de vue de l'Union européenne et de la contribution qu'elle peut apporter à la solution de la crise.
Q - Y aura-t-il une mission de la troïka ?
R - Ce n'est pas encore conclu. Ce que je dis n'écarte rien, mais ce n'est pas conclu à ce stade. La discussion a commencé, il y a eu quatre ou cinq intervenants, un long exposé du Président Santer à ce sujet.
Q - A-t-il été question du Kossovo ?
R - Non.
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GYMNICH DE SALZBOURG POINT DE PRESSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES,
M. HUBERT VEDRINE - Salzbourg - 06.09.1998
Je confirme d'abord mon appréciation d'hier. C'était une bonne réunion, bien préparée, très concrète et, à mon sens très utile. Pour l'échange de vues et les conclusions relatifs à l'amélioration des méthodes de travail, pour la fonction, qui est très importante, du Conseil des Affaires générales dans tous ses aspects, nous sommes arrivés à des conclusions précises que la présidence va mettre en application. Nous sommes maintenant dans la phase de la mise en oeuvre. L'échange de vues est terminé. Nous allons agir.
Hier soir et ce matin, il y a eu un échange de vues sur la Russie. Cet échange d'analyse, très intéressant, a été au fond des choses et a abouti à une déclaration sur la Russie. Il y a eu un échange sur la question de savoir s'il fallait envoyer la troïka tout de suite ou dès que possible. Car il vaudrait mieux qu'il y ait un gouvernement en face. Mais après tout, la troïka verra à peu près tous les interlocuteurs possibles, quel que soit le contexte. L'analyse a été très intéressante parce qu'elle a mis l'accent sur la nécessité pour les partenaires extérieurs de la Russie, - les Occidentaux, les Américains, les institutions financières internationales -, de mieux préciser les réformes qui sont attendues, étant entendu que l'expérience des dernières années a montré qu'on ne peut pas plaquer, en aussi peu d'années, de l'extérieur et de façon magique, tous les dispositifs de la démocratie et de l'économie de marché, qui ont mis dans nos démocraties parfois deux siècles et demi à se développer, à s'enraciner surtout. Cette discussion, très intéressante, a porté sur la façon dont on peut mieux participer de l'extérieur à cette considérable mutation, parce que c'est notre intérêt bien compris à long terme.
Ce qui est frappant, dans toutes ces analyses qui partent d'une situation économique, c'est que la plupart des intervenants en viennent à dire qu'on n'y arrivera pas si l'on ne participe pas à la reconstruction d'un Etat en Russie. Les quinze ministres ont donc invité la Commission, en ce qui la concerne, à intégrer cette approche et à raisonner en termes d'aides, de recettes ou de solutions économiques transposées. Nous avons eu également un débat long et intéressant sur le Kossovo avec un volet albanais qui lui est tout à fait lié. Nous avons terminé par une intervention du ministre belge, approuvé par les autres participants, sur la situation en Afrique des Grands lacs.
En ce qui concerne le Kossovo, tous les participants ont confirmé la volonté de l'Union européenne d'être présente, de maintenir sa présence, ses contacts et son action à un haut niveau. La présidence est chargée de faire les propositions rapides sur les modalités. Nous avons travaillé sur la question des réfugiés. L'initiative que j'ai prise il y a quelques jours avec Klaus Kinkel est soutenue par l'ensemble des participants et par la Commission. Nous avons eu un échange de vues sur les déclarations récentes qui ont été faites sur la possibilité de négocier un arrangement intérimaire. Dans l'ensemble, cette hypothèse a été prise comme une piste à creuser, avec un certain intérêt, et bien entendu avec une certaine prudence, compte tenu du fait que nous sommes échaudés par beaucoup d'expériences antérieures. Il faut voir si les protagonistes acceptent d'approfondir cette idée. Les positions de fond restent les mêmes. Elles restent très cohérentes. Je rappelle à chaque fois que même si nous n'avons pas encore, par magie, trouvé la solution à ce problème très compliqué, il y a une vraie grande cohésion des positions notamment au sein des Européens depuis le début du drame. Nous continuons à maintenir des pressions et des sanctions contre Belgrade, une politique qui s'adapte et qui pourra être réalisé au fur et à mesure de l'engagement réel, et pas uniquement par des déclarations de Belgrade, dans le processus de négociation. Nous maintenons notre soutien à M. Rugova et nous sommes obligés d'adresser une mise en garde très ferme à l'UCK, dont les actions et les déclarations ne vont pas dans le sens de la recherche d'une solution politique et n'aident pas M. Rugova à mener la politique qu'il voudrait mener et que nous soutenons. Donc, cela reste le cadre de la politique de l'Europe. A cet égard nous avons jugés positifs les passages de la déclaration récente Clinton-Eltsine consacrée à ce sujet.
En ce qui concerne l'Albanie, nous avons tous pensé qu'en complément à cette action au Kossovo, nous devions, et les ministres et la Commission, rassembler à nouveau nos moyens pour qu'il y ait une action, une politique de l'ensemble de l'Europe pour aider l'Albanie à assumer et à assurer ses fonctions en tant qu'Etat, ce qu'elle n'arrive pas à faire aujourd'hui, en tout cas dans le nord du pays.
Sur l'Afrique des Grands lacs, le ministre belge est intervenu pour analyser la situation, donner quelques chiffres malheureusement frappants que chacun connaît, sur les conséquences humaines des affrontements dans la région, pour apporter son plein soutien à l'idée française, que j'ai rappelée récemment, d'une conférence pour la paix et la stabilité dans l'Afrique des Grands lacs, avec tous les protagonistes, et pour demander - ce que le président Santer a accepté immédiatement - que l'Union européenne vérifie si son aide budgétaire à certains pays concernés n'est pas détournée à des fins guerrières. Il ne s'agit pas, je le précise, de l'aide humanitaire, à laquelle il ne faut pas toucher et que dans certains cas il faudrait même augmenter.
Enfin, il y a eu un petit échange à propos de la déclaration malheureuse de M. Hill à propos de l'Europe. Tout le monde pense qu'il s'agit d'une déclaration dont il aurait pu faire l'économie. Cela ne doit pas affecter notre analyse sur le fond sauf que M. Hill a affirmé très faussement que l'Europe tournait le dos aux Balkans. Nous ne voudrions pas que les Etats-Unis tournent le dos à l'Europe sur cette question. C'est naturellement ensemble que nous pouvons trouver une solution et que nous pourrons garantir une solution.
Q - Que signifie exactement le passage concernant l'aide éventuelle à la Russie ?
R - Cela veut dire que les programmes doivent être adaptés à la situation nouvelle. Nous exprimons, les uns et les autres, notre disponibilité à poursuivre notre engagement auprès de la Russie dans le cadre d'une politique de mutations et de réformes véritables. La discussion est maintenant de savoir comment, sur la base de quel programme et avec qui. Vous comprenez bien qu'on ne peut pas tellement aller plus loin aujourd'hui, tant qu'on ne sait pas exactement à qui on parle.
En ce qui me concerne, je ne pense pas qu'il y ait eu une erreur stratégique de la part de l'Occident s'agissant de la Russie, depuis l'époque de Gorbatchev jusqu'à maintenant. L'erreur stratégique à partir de 1991, peu avant si l'on prend le début d'ouverture de Gorbatchev, aurait été de traiter la Russie en pays vaincu. Cette erreur stratégique, l'Occident ne l'a pas commise ; nous avions peut-être réfléchi sur l'histoire du 20ème siècle.
En ce qui concerne les modalités de l'aide, le type de programme, le type de coopération, le type de réforme, il est certain que c'est plus compliqué. Tout simplement parce que personne ne connaît la recette du miracle pour faire passer une économie de type soviétique, notamment russe, à une économie avancée. Personne ne connaît la recette. Aucun de nos pays, aucun pays occidental, aucun pays européen ne s'est développé en s'appuyant, au début de son développement, sur ces recettes là. Si la question est de savoir s'il a fallu tâtonner c'est oui. C'est vrai pour tout le monde. C'est vrai pour les Russes, comme c'est vrai des gouvernements étrangers partenaires, comme c'est vrai pour les institutions financières internationales. Aujourd'hui, tout le monde est à la recherche d'une solution qui permette, à partir d'un gouvernement russe politiquement responsable, et capable d'engager de vrais réformes et de restaurer un Etat crédible, d'appliquer les réformes qui permettraient l'engagement de vrais changements. Tout le monde le recherche. On n'a pas à se renvoyer la balle les uns les autres. Pour commencer, c'est naturellement le problème des Russes, mais c'est aussi le problème de leurs partenaires extérieurs, donc naturellement de l'Union européenne. C'est plutôt l'idée d'une adaptation à cette situation nouvelle qui apparaît aujourd'hui crûment plutôt qu'une discussion sur la question de savoir ce qu'il fallait faire il y a cinq ans.
Q - La troïka à Moscou, que peut-elle faire ?
R - Elle ira voir sur place quelle est la situation, ce que les différentes forces politiques sont prêtes à accepter, prêtes à faire, et par conséquent ce que sera la ligne politique du futur gouvernement. A partir de là, il y aura une discussion sur ce que l'Union européenne fait, continue à faire, ou modifie ou fait en plus. C'est une démarche tout à fait normale. C'est un moment suffisamment important pour que cette discussion ait lieu.
Q - Y-a-t-il une condition préalable à la mission de la troïka ?
R - Il n'y a pas de conditions au sens propre du terme. C'est aux trois ministres concernés d'apprécier. Dans l'idéal, il serait plus efficace d'y aller quand ils pourront rencontrer un gouvernement, mais ils peuvent très bien y aller sans attendre. Ils rencontreront toutes les forces politiques. Cette nuance n'est pas importante.
Q - Sur la poursuite des réformes en Russie ? N'y-a-t-il pas des différences d'appréciations entre l'Union européenne et les Américains ?
R - L'essentiel est que nos analyses convergent. Il n'est pas étonnant qu'il y ait des tonalités chez les uns et les autres. Pour des pays aux tonalités et aux expériences propres, il s'agit d'agir pour converger vers une aide efficace à la Russie. Tout le débat porte là-dessus. Il faut tenir compte des différents éléments. C'est vrai qu'il y a une tonalité dans laquelle je me retrouve bien, comme je me retrouve bien dans le texte d'aujourd'hui, dont je suis content pour y avoir participé comme tout le monde.
Les événements de Russie doivent donc être aujourd'hui à l'occasion d'une réflexion. Nous voulons trouver des vraies réformes qui engagent un vrai processus, pour nous permettre de poursuivre notre effort auprès des Russes, ce qui est notre orientation stratégique, et nous souhaitons qu'il y ait à Moscou un gouvernement capable d'endosser ces réformes là. Voilà l'équation.
L'analyse des forces, de la situation de la Russie et de la situation internationale nous amènent à la conclusion que les Russes ne peuvent pas globalement changer, ou faire complètement marche arrière, revenir d'une économie libérale vers une économie planifiée. Notre analyse est que cela ne peut pas se produire.
Q - Avez-vous l'intention de désigner un Monsieur Kossovo autre que M. Gonzalès ?
R - Cela fait partie du chapitre des réflexions que nous avons demandés à la présidence, pour assurer une présence européenne plus continue et plus soutenue sur cette question. Donc, la présidence de l'UE fera des propositions.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2001)