Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous voir réunis ce matin et de pouvoir m'adresser directement à vous. Je remercie Jean-Michel Sévérino de m'avoir convié à ouvrir votre rencontre annuelle. D'autant plus que j'ai une triple raison de me réjouir de cette occasion qui m'est offerte de vous parler directement.
Tout d'abord, vous êtes ceux qui, avec les ambassadeurs et les chefs des services de Coopération et d'Action culturelle (SCAC) que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer l'an dernier, constituent les relais directs sur le terrain de la politique du gouvernement en faveur du développement.
Ensuite, avec vos équipes, vous êtes une vitrine de l'action de la France dans ce domaine, et je sais, pour l'avoir constaté lors de mes nombreux déplacements à quel point votre travail est de qualité et surtout, c'est sans doute le plus important, il est très apprécié de nos pays partenaires.
Enfin, je voulais vous dire que j'ai beaucoup de respect pour votre action. Vous qui avez choisi l'un des métiers les plus difficiles qui soit, celui de développer des pays moins riches que nous.
Je voulais ce matin vous entretenir de notre programme de travail pour 2005, sous deux aspects essentiels que sont la voix de la France lors de cette année du développement et l'achèvement de la réforme de notre dispositif bilatéral que le gouvernement a lancée en 2004.
1) 2005 est donc l'année du développement. Deux facteurs majeurs expliquent ceci :
Un sommet de l'ONU en septembre 2005, auquel participera le président de la République, fera un bilan des Objectifs du Millénaire pour le développement.
Le Royaume-uni, qui préside le G8 et présidera l'Union européenne au deuxième semestre, a décidé de mettre l'accent sur le développement et sur l'Afrique.
L'actualité dramatique de ces dernières semaines ne fait que renforcer l'urgence de ces priorités. Lors de mon déplacement au sommet de Jakarta, j'ai pu mesurer l'ampleur des destructions et l'horreur du drame vécu par les populations. Mais, et c'est la lueur d'espoir que j'en tire, j'ai pu me rendre compte à quel point la communauté internationale savait se mobiliser sur de grandes causes en faveur du développement et de l'humanitaire.
Ce dernier signal, au moment où l'Année du développement commençait par la remise d'un rapport du professeur Sachs au Secrétaire général des Nations unies, me laisse confiant dans la possibilité d'atteindre ces Objectifs.
Je voudrais ici redire avec force que les Objectifs du Millénaire doivent constituer le coeur de votre action de terrain. J'entends, ça et là, qu'ils ne seraient qu'un des aspects de notre politique de développement.
En fait, ces Objectifs représentent un cadre de référence pour la première fois unique, incontestable, pour l'action des bailleurs de fonds. Alors que nous parlons d'appropriation de l'aide, d'harmonisation entre bailleurs de fonds, nos actions de terrain, vos actions de terrain, doivent avoir en permanence ces Objectifs en ligne de mire. Dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances, ils seront au coeur de la mesure de la performance des ministères des Affaires étrangères et des Finances, qui constituent la mission interministérielle "aide publique au développement" que je coordonne. Ces deux ministères sont de loin les premiers pourvoyeurs de crédits de l'AFD.
Pour atteindre ces Objectifs, il y a consensus sur la nécessité de doubler l'aide au développement. Le récent rapport Sachs, que j'ai eu l'occasion de commenter conjointement avec Mark Malloch-Brown, l'administrateur du PNUD, à Paris la semaine dernière, souligne à nouveau ce fait.
Ce rapport insiste également à nouveau sur la nécessité de rendre les ressources en faveur du développement plus stables. C'est pourquoi le président de la République a proposé l'an dernier que de nouvelles taxes internationales soient créées, le rapport que M. Landau lui a remis mi-septembre en dressant des pistes concrètes. Il y a quelques jours, le président a proposé d'affecter le produit d'une première taxe à la lutte contre le sida. Mais malgré d'excellentes raisons de fond, l'atteinte d'un tel objectif sera difficile et requerra une mobilisation de tous les instants. Face à l'opposition de plusieurs pays, en particulier les Etats-Unis, nos ambassadeurs seront en première ligne pour défendre nos thèses. Je souhaite que vous puissiez leur apporter tout le concours de votre expérience des questions de développement et de vos relations avec nos partenaires multilatéraux pour pousser cette idée.
Mais les Objectifs du Millénaire nécessiteront aussi et avant tout une mobilisation des populations des pays développés. C'est bien évidemment mon rôle que d'expliquer à la population française pourquoi il faut aider. Mais pour ce faire, j'ai besoin de tout votre appui. En effet, je suis convaincu qu'une adhésion durable à l'aide au développement nécessite de dépasser l'élan de solidarité, et de parler à la raison et non simplement au coeur. Il nous faut à la fois montrer que l'aide est efficace, et qu'elle nous est utile. En réalisant des projets qui démontrent le succès de l'aide, en ayant des résultats, en m'apportant des exemples qui frappent l'opinion, vous contribuerez à pérenniser l'action française en faveur du développement.
La notion de "Biens publics mondiaux" est à cet égard très intéressante. C'est cette année que le groupe de travail conjoint franco-suédois sur ce thème remettra ses conclusions. Loin d'être un concept théorique, parfois perçu comme un peu spécieux, les Biens publics mondiaux, dont votre directeur général est l'un des grands défendeurs, doivent constituer un moyen opérationnel de justifier notre solidarité en faveur des plus pauvres. La lutte contre les maladies transmissibles, la paix et la sécurité, le commerce international, la bonne gestion des ressources naturelles sont autant d'exemples qui montrent à quel point nous vivons dans un monde unique et notre intérêt géopolitique est bien d'aider le Sud.
Faisons fi des débats un peu académiques de savoir si le financement des Biens publics mondiaux doit ou non constituer de l'aide au développement. Notre générosité s'impose. Nous sommes face à un défi planétaire que seul pourra relever un développement du Sud.
C'est également pourquoi l'accent doit être mis sur l'Afrique. Ce continent, du Cameroun au Sénégal, bien sûr, mais plus largement du Maroc à l'Afrique du Sud, est le plus proche de l'Europe. C'est l'Europe qui subira une immigration incontrôlée si les jeunes Africains, aujourd'hui déjà plus nombreux que l'ensemble de la population de l'Union européenne à 25, ne trouvent pas d'emplois sur place.
L'Afrique est également le seul continent qui ne progresse pas sur les Objectifs du Millénaire. Aussi avons-nous là une double raison de l'appuyer.
Pour ce faire, deux axes me semblent essentiels :
- Vous devrez davantage prendre en compte les dynamiques régionales lancées par les Africains eux-mêmes, et en disant cela, je pense bien entendu au NEPAD. L'Afrique est un continent morcelé, et l'union seule la renforcera dans une économie mondiale de plus en plus intégrée.
- Deuxième point, vous devrez chercher à innover sans cesse. L'AFD réalise de grands efforts en ce domaine. L'usage accru d'appuis budgétaires va dans le bon sens, de même que l'élaboration d'ingénieries subtiles dans les partenariats public-privé. S'il y a une leçon que nous devons retenir de la pensée en matière de développement, c'est qu'il n'y a plus de consensus comme il y avait naguère un consensus de Washington. Lors de la Conférence de Shanghai de mai dernier, il est clairement apparu qu'il n'y avait pas de modèle unique. Un projet ou une stratégie de développement qui a bien marché dans un pays peut être un échec cuisant dans un pays voisin, et réciproquement. L'adaptabilité est aujourd'hui le maître-mot.
2) Mais je voulais également vous dire un mot en ce début d'année sur la mise en oeuvre de la réforme décidée par le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) du 20 juillet dernier.
Celui-ci est parti d'un double constat simple, qui avait d'ailleurs été celui du Comité de l'aide au développement de l'OCDE quelques semaines plus tôt :
- Nous sommes l'un des pays les plus engagés en faveur du développement du Sud, comme en témoignent les nombreuses initiatives du président de la République.
- En revanche, notre faiblesse tient au manque de lisibilité, à la fois de notre stratégie et de notre dispositif institutionnel.
Les décisions du CICID se fondent sur ce double constat. Je voudrais en retenir deux éléments principaux :
- Tout d'abord, une clarification est réalisée au niveau de la mise en oeuvre des programmes et des projets, et c'est sans doute l'aspect le plus visible pour vous et le plus "chronophage" à court terme, lorsque vous devrez gérer des transferts. Le ministère des Affaires étrangères se recentre sur la fonction de pilotage stratégique et transfère à l'Agence française de développement l'instruction et la mise en oeuvre des programmes et des projets.
Cela signifie que la tutelle sur l'Agence sera renforcée. Ses orientations stratégiques seront plus directement définies par l'Etat. C'est en particulier le cas à deux niveaux :
- les stratégies sectorielles sont désormais définies par l'Etat, en pratique sous la coordination de la direction du Développement et de la Coopération technique au sein de la direction générale de la Coopération internationale et du Développement (DGCID). Cela signifie que l'AFD n'aura plus à avoir de stratégies sectorielles propres, mais des déclinaisons de celles de l'Etat, à la conception desquelles elle participera, cela va de soi.
- Les modalités d'intervention pays par pays seront définies par l'Etat. Nos ambassadeurs sont chargés de discuter avec les pays d'accueil des documents-cadres de partenariat. Ces documents seront contraignants pour l'action de l'AFD qui, là encore, devra par conséquent participer activement à leur rédaction.
Second élément, qui nous réunit aujourd'hui, le niveau politique. Le ministre chargé de la Coopération est désigné comme chef de file de l'aide publique au développement française. C'est lui qui, désormais, coordonnera l'action de tous les acteurs publics concernés, jusqu'ici dispersés, et rendra compte au Premier ministre et au président de la République. Le caractère interministériel de cette mission est une innovation importante dans la vie publique française.
Une présentation unique, sous la forme d'un document de politique transversale, sera faite annuellement au Parlement, en annexe aux futures lois de finances.
Cela signifie que, dans votre travail quotidien, vous devez veiller à la valorisation politique qui pourra être faite de votre action. Comme je vous le disais tout à l'heure, cette visibilité est essentielle pour me permettre de convaincre nos concitoyens, le Parlement et le ministre délégué au Budget, de la nécessité d'accentuer l'effort en matière d'aide. Le temps n'est plus où l'AFD pouvait travailler de manière séparée du politique. Je sais que vous avez déjà réalisé de grandes évolutions. La culture de résultat, et je parle là d'objectif final en matière de développement et non de réalisation de projets, a bien progressé. Cela donne à l'Agence et donc à chacun d'entre vous une hauteur de vues, bien au-delà des actions de terrain ponctuelles, qui nécessite que vous preniez encore davantage en compte les orientations politiques que moi-même ou mes successeurs vous donneront.
C'est notamment pourquoi il importe que les représentants de l'Etat, et en particulier le ministre de la Coopération, du Développement et de la Francophonie, les autres membres du gouvernement ou, sur le terrain, nos ambassadeurs, puissent mettre en valeur vos projets. Il leur appartient d'annoncer des financements pour des projets que vous aurez sélectionnés, et, pour les dons mis en oeuvre sur les crédits du ministère des Affaires étrangères, de co-signer les conventions de financement.
Je sais que cette évolution a pu susciter des inquiétudes dans vos rangs. Je voudrais dire ici avec force qu'il n'est pas question pour l'Etat de remettre en cause l'autonomie de gestion de l'établissement public industriel et commercial qu'est l'AFD. Une telle vision serait contre-productive pour vous, mais aussi pour l'Etat qui se priverait de la qualité de l'instruction réalisée par les équipes de l'AFD.
L'esprit de la réforme est que l'Etat et l'AFD apprennent à travailler davantage ensemble. L'Etat renforcera sa tutelle en améliorant son pilotage stratégique et non par un "micro-management". L'AFD, véritable opérateur pivot, se montrera plus transparente.
Vous le voyez, il s'agit là d'une réforme importante, et le chantier a bien avancé depuis juillet dernier.
Nous avons pu clarifier concrètement ce que signifiaient ces principes pour le Fonds de solidarité prioritaire. La revue de portefeuille qui s'est tenue à Paris à l'automne dernier entre l'AFD et la DGCID a permis, après mes derniers arbitrages, d'identifier projet par projet ce qui serait transféré.
Un travail similaire est en cours pour l'assistance technique, même si la nature particulière de cette activité nous a conduit à en adapter la méthode. Ainsi, nous avons demandé à MM Connan et Wattez de nous remettre un rapport de propositions sur ce thème.
C'est important, d'autant que, dans ce domaine, la réforme du CICID va se conjuguer avec une autre évolution, qui consistera à affecter davantage d'assistants techniques (AT) à des tâches d'influence, en particulier auprès d'organisations multilatérales ou régionales. Ces tâches d'influence continueront à être pilotées par l'Etat. Un exemple typique est le pôle de Dakar en matière d'éducation pour tous, dont le rôle n'est pas de concevoir des politiques sectorielles pays par pays, mais bien plutôt d'appuyer les grands bailleurs de fonds.
Pour conduire cette évolution, nous comptons nous appuyer davantage sur le GIP France Coopération internationale, auquel l'Etat entend donner une masse critique sur la scène internationale en lui confiant la gestion de ses propres AT. Il nous apparaît en effet indispensable de renforcer la compétence française en expertise, qui puisse venir appuyer l'AFD dans ses projets, mais aussi l'ensemble des autres opérateurs de l'aide internationale.
S'agissant enfin de la coopération décentralisée et des organisations non gouvernementales, qui représentent une priorité du gouvernement, les appuis incitatifs de l'Etat resteront directement entre les mains du ministère des Affaires étrangères. Une réflexion est lancée, dans la perspective du prochain CICID, sur le renforcement de nos appuis aux ONG. Dans les postes, ce sera également le cas. Je souhaite ainsi que le fonds social de développement soit renforcé.
Mesdames et Messieurs, depuis mon arrivée en avril dernier, c'est la première fois que je suis amené à m'exprimer devant vous. Et depuis avril dernier, le gouvernement a décidé d'importantes évolutions de notre dispositif en faveur du développement.
C'est pourquoi je souhaite que soient renforcés les échanges entre les différents services qui oeuvrent dans un même objectif. Il me semble ainsi essentiel qu'à l'avenir les responsables des réseaux de coopération du ministère des Affaires étrangères et de l'AFD puissent se retrouver aux mêmes dates, de manière à permettre des réunions conjointes.
Jean-Michel Sévérino m'avait dit à quel point la qualité des agents de l'AFD est exceptionnelle, et leur motivation pour notre cause très élevée, probablement supérieure à celle de beaucoup d'agents d'institutions multilatérales
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 janvier 2005)
Je suis très heureux de vous voir réunis ce matin et de pouvoir m'adresser directement à vous. Je remercie Jean-Michel Sévérino de m'avoir convié à ouvrir votre rencontre annuelle. D'autant plus que j'ai une triple raison de me réjouir de cette occasion qui m'est offerte de vous parler directement.
Tout d'abord, vous êtes ceux qui, avec les ambassadeurs et les chefs des services de Coopération et d'Action culturelle (SCAC) que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer l'an dernier, constituent les relais directs sur le terrain de la politique du gouvernement en faveur du développement.
Ensuite, avec vos équipes, vous êtes une vitrine de l'action de la France dans ce domaine, et je sais, pour l'avoir constaté lors de mes nombreux déplacements à quel point votre travail est de qualité et surtout, c'est sans doute le plus important, il est très apprécié de nos pays partenaires.
Enfin, je voulais vous dire que j'ai beaucoup de respect pour votre action. Vous qui avez choisi l'un des métiers les plus difficiles qui soit, celui de développer des pays moins riches que nous.
Je voulais ce matin vous entretenir de notre programme de travail pour 2005, sous deux aspects essentiels que sont la voix de la France lors de cette année du développement et l'achèvement de la réforme de notre dispositif bilatéral que le gouvernement a lancée en 2004.
1) 2005 est donc l'année du développement. Deux facteurs majeurs expliquent ceci :
Un sommet de l'ONU en septembre 2005, auquel participera le président de la République, fera un bilan des Objectifs du Millénaire pour le développement.
Le Royaume-uni, qui préside le G8 et présidera l'Union européenne au deuxième semestre, a décidé de mettre l'accent sur le développement et sur l'Afrique.
L'actualité dramatique de ces dernières semaines ne fait que renforcer l'urgence de ces priorités. Lors de mon déplacement au sommet de Jakarta, j'ai pu mesurer l'ampleur des destructions et l'horreur du drame vécu par les populations. Mais, et c'est la lueur d'espoir que j'en tire, j'ai pu me rendre compte à quel point la communauté internationale savait se mobiliser sur de grandes causes en faveur du développement et de l'humanitaire.
Ce dernier signal, au moment où l'Année du développement commençait par la remise d'un rapport du professeur Sachs au Secrétaire général des Nations unies, me laisse confiant dans la possibilité d'atteindre ces Objectifs.
Je voudrais ici redire avec force que les Objectifs du Millénaire doivent constituer le coeur de votre action de terrain. J'entends, ça et là, qu'ils ne seraient qu'un des aspects de notre politique de développement.
En fait, ces Objectifs représentent un cadre de référence pour la première fois unique, incontestable, pour l'action des bailleurs de fonds. Alors que nous parlons d'appropriation de l'aide, d'harmonisation entre bailleurs de fonds, nos actions de terrain, vos actions de terrain, doivent avoir en permanence ces Objectifs en ligne de mire. Dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances, ils seront au coeur de la mesure de la performance des ministères des Affaires étrangères et des Finances, qui constituent la mission interministérielle "aide publique au développement" que je coordonne. Ces deux ministères sont de loin les premiers pourvoyeurs de crédits de l'AFD.
Pour atteindre ces Objectifs, il y a consensus sur la nécessité de doubler l'aide au développement. Le récent rapport Sachs, que j'ai eu l'occasion de commenter conjointement avec Mark Malloch-Brown, l'administrateur du PNUD, à Paris la semaine dernière, souligne à nouveau ce fait.
Ce rapport insiste également à nouveau sur la nécessité de rendre les ressources en faveur du développement plus stables. C'est pourquoi le président de la République a proposé l'an dernier que de nouvelles taxes internationales soient créées, le rapport que M. Landau lui a remis mi-septembre en dressant des pistes concrètes. Il y a quelques jours, le président a proposé d'affecter le produit d'une première taxe à la lutte contre le sida. Mais malgré d'excellentes raisons de fond, l'atteinte d'un tel objectif sera difficile et requerra une mobilisation de tous les instants. Face à l'opposition de plusieurs pays, en particulier les Etats-Unis, nos ambassadeurs seront en première ligne pour défendre nos thèses. Je souhaite que vous puissiez leur apporter tout le concours de votre expérience des questions de développement et de vos relations avec nos partenaires multilatéraux pour pousser cette idée.
Mais les Objectifs du Millénaire nécessiteront aussi et avant tout une mobilisation des populations des pays développés. C'est bien évidemment mon rôle que d'expliquer à la population française pourquoi il faut aider. Mais pour ce faire, j'ai besoin de tout votre appui. En effet, je suis convaincu qu'une adhésion durable à l'aide au développement nécessite de dépasser l'élan de solidarité, et de parler à la raison et non simplement au coeur. Il nous faut à la fois montrer que l'aide est efficace, et qu'elle nous est utile. En réalisant des projets qui démontrent le succès de l'aide, en ayant des résultats, en m'apportant des exemples qui frappent l'opinion, vous contribuerez à pérenniser l'action française en faveur du développement.
La notion de "Biens publics mondiaux" est à cet égard très intéressante. C'est cette année que le groupe de travail conjoint franco-suédois sur ce thème remettra ses conclusions. Loin d'être un concept théorique, parfois perçu comme un peu spécieux, les Biens publics mondiaux, dont votre directeur général est l'un des grands défendeurs, doivent constituer un moyen opérationnel de justifier notre solidarité en faveur des plus pauvres. La lutte contre les maladies transmissibles, la paix et la sécurité, le commerce international, la bonne gestion des ressources naturelles sont autant d'exemples qui montrent à quel point nous vivons dans un monde unique et notre intérêt géopolitique est bien d'aider le Sud.
Faisons fi des débats un peu académiques de savoir si le financement des Biens publics mondiaux doit ou non constituer de l'aide au développement. Notre générosité s'impose. Nous sommes face à un défi planétaire que seul pourra relever un développement du Sud.
C'est également pourquoi l'accent doit être mis sur l'Afrique. Ce continent, du Cameroun au Sénégal, bien sûr, mais plus largement du Maroc à l'Afrique du Sud, est le plus proche de l'Europe. C'est l'Europe qui subira une immigration incontrôlée si les jeunes Africains, aujourd'hui déjà plus nombreux que l'ensemble de la population de l'Union européenne à 25, ne trouvent pas d'emplois sur place.
L'Afrique est également le seul continent qui ne progresse pas sur les Objectifs du Millénaire. Aussi avons-nous là une double raison de l'appuyer.
Pour ce faire, deux axes me semblent essentiels :
- Vous devrez davantage prendre en compte les dynamiques régionales lancées par les Africains eux-mêmes, et en disant cela, je pense bien entendu au NEPAD. L'Afrique est un continent morcelé, et l'union seule la renforcera dans une économie mondiale de plus en plus intégrée.
- Deuxième point, vous devrez chercher à innover sans cesse. L'AFD réalise de grands efforts en ce domaine. L'usage accru d'appuis budgétaires va dans le bon sens, de même que l'élaboration d'ingénieries subtiles dans les partenariats public-privé. S'il y a une leçon que nous devons retenir de la pensée en matière de développement, c'est qu'il n'y a plus de consensus comme il y avait naguère un consensus de Washington. Lors de la Conférence de Shanghai de mai dernier, il est clairement apparu qu'il n'y avait pas de modèle unique. Un projet ou une stratégie de développement qui a bien marché dans un pays peut être un échec cuisant dans un pays voisin, et réciproquement. L'adaptabilité est aujourd'hui le maître-mot.
2) Mais je voulais également vous dire un mot en ce début d'année sur la mise en oeuvre de la réforme décidée par le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) du 20 juillet dernier.
Celui-ci est parti d'un double constat simple, qui avait d'ailleurs été celui du Comité de l'aide au développement de l'OCDE quelques semaines plus tôt :
- Nous sommes l'un des pays les plus engagés en faveur du développement du Sud, comme en témoignent les nombreuses initiatives du président de la République.
- En revanche, notre faiblesse tient au manque de lisibilité, à la fois de notre stratégie et de notre dispositif institutionnel.
Les décisions du CICID se fondent sur ce double constat. Je voudrais en retenir deux éléments principaux :
- Tout d'abord, une clarification est réalisée au niveau de la mise en oeuvre des programmes et des projets, et c'est sans doute l'aspect le plus visible pour vous et le plus "chronophage" à court terme, lorsque vous devrez gérer des transferts. Le ministère des Affaires étrangères se recentre sur la fonction de pilotage stratégique et transfère à l'Agence française de développement l'instruction et la mise en oeuvre des programmes et des projets.
Cela signifie que la tutelle sur l'Agence sera renforcée. Ses orientations stratégiques seront plus directement définies par l'Etat. C'est en particulier le cas à deux niveaux :
- les stratégies sectorielles sont désormais définies par l'Etat, en pratique sous la coordination de la direction du Développement et de la Coopération technique au sein de la direction générale de la Coopération internationale et du Développement (DGCID). Cela signifie que l'AFD n'aura plus à avoir de stratégies sectorielles propres, mais des déclinaisons de celles de l'Etat, à la conception desquelles elle participera, cela va de soi.
- Les modalités d'intervention pays par pays seront définies par l'Etat. Nos ambassadeurs sont chargés de discuter avec les pays d'accueil des documents-cadres de partenariat. Ces documents seront contraignants pour l'action de l'AFD qui, là encore, devra par conséquent participer activement à leur rédaction.
Second élément, qui nous réunit aujourd'hui, le niveau politique. Le ministre chargé de la Coopération est désigné comme chef de file de l'aide publique au développement française. C'est lui qui, désormais, coordonnera l'action de tous les acteurs publics concernés, jusqu'ici dispersés, et rendra compte au Premier ministre et au président de la République. Le caractère interministériel de cette mission est une innovation importante dans la vie publique française.
Une présentation unique, sous la forme d'un document de politique transversale, sera faite annuellement au Parlement, en annexe aux futures lois de finances.
Cela signifie que, dans votre travail quotidien, vous devez veiller à la valorisation politique qui pourra être faite de votre action. Comme je vous le disais tout à l'heure, cette visibilité est essentielle pour me permettre de convaincre nos concitoyens, le Parlement et le ministre délégué au Budget, de la nécessité d'accentuer l'effort en matière d'aide. Le temps n'est plus où l'AFD pouvait travailler de manière séparée du politique. Je sais que vous avez déjà réalisé de grandes évolutions. La culture de résultat, et je parle là d'objectif final en matière de développement et non de réalisation de projets, a bien progressé. Cela donne à l'Agence et donc à chacun d'entre vous une hauteur de vues, bien au-delà des actions de terrain ponctuelles, qui nécessite que vous preniez encore davantage en compte les orientations politiques que moi-même ou mes successeurs vous donneront.
C'est notamment pourquoi il importe que les représentants de l'Etat, et en particulier le ministre de la Coopération, du Développement et de la Francophonie, les autres membres du gouvernement ou, sur le terrain, nos ambassadeurs, puissent mettre en valeur vos projets. Il leur appartient d'annoncer des financements pour des projets que vous aurez sélectionnés, et, pour les dons mis en oeuvre sur les crédits du ministère des Affaires étrangères, de co-signer les conventions de financement.
Je sais que cette évolution a pu susciter des inquiétudes dans vos rangs. Je voudrais dire ici avec force qu'il n'est pas question pour l'Etat de remettre en cause l'autonomie de gestion de l'établissement public industriel et commercial qu'est l'AFD. Une telle vision serait contre-productive pour vous, mais aussi pour l'Etat qui se priverait de la qualité de l'instruction réalisée par les équipes de l'AFD.
L'esprit de la réforme est que l'Etat et l'AFD apprennent à travailler davantage ensemble. L'Etat renforcera sa tutelle en améliorant son pilotage stratégique et non par un "micro-management". L'AFD, véritable opérateur pivot, se montrera plus transparente.
Vous le voyez, il s'agit là d'une réforme importante, et le chantier a bien avancé depuis juillet dernier.
Nous avons pu clarifier concrètement ce que signifiaient ces principes pour le Fonds de solidarité prioritaire. La revue de portefeuille qui s'est tenue à Paris à l'automne dernier entre l'AFD et la DGCID a permis, après mes derniers arbitrages, d'identifier projet par projet ce qui serait transféré.
Un travail similaire est en cours pour l'assistance technique, même si la nature particulière de cette activité nous a conduit à en adapter la méthode. Ainsi, nous avons demandé à MM Connan et Wattez de nous remettre un rapport de propositions sur ce thème.
C'est important, d'autant que, dans ce domaine, la réforme du CICID va se conjuguer avec une autre évolution, qui consistera à affecter davantage d'assistants techniques (AT) à des tâches d'influence, en particulier auprès d'organisations multilatérales ou régionales. Ces tâches d'influence continueront à être pilotées par l'Etat. Un exemple typique est le pôle de Dakar en matière d'éducation pour tous, dont le rôle n'est pas de concevoir des politiques sectorielles pays par pays, mais bien plutôt d'appuyer les grands bailleurs de fonds.
Pour conduire cette évolution, nous comptons nous appuyer davantage sur le GIP France Coopération internationale, auquel l'Etat entend donner une masse critique sur la scène internationale en lui confiant la gestion de ses propres AT. Il nous apparaît en effet indispensable de renforcer la compétence française en expertise, qui puisse venir appuyer l'AFD dans ses projets, mais aussi l'ensemble des autres opérateurs de l'aide internationale.
S'agissant enfin de la coopération décentralisée et des organisations non gouvernementales, qui représentent une priorité du gouvernement, les appuis incitatifs de l'Etat resteront directement entre les mains du ministère des Affaires étrangères. Une réflexion est lancée, dans la perspective du prochain CICID, sur le renforcement de nos appuis aux ONG. Dans les postes, ce sera également le cas. Je souhaite ainsi que le fonds social de développement soit renforcé.
Mesdames et Messieurs, depuis mon arrivée en avril dernier, c'est la première fois que je suis amené à m'exprimer devant vous. Et depuis avril dernier, le gouvernement a décidé d'importantes évolutions de notre dispositif en faveur du développement.
C'est pourquoi je souhaite que soient renforcés les échanges entre les différents services qui oeuvrent dans un même objectif. Il me semble ainsi essentiel qu'à l'avenir les responsables des réseaux de coopération du ministère des Affaires étrangères et de l'AFD puissent se retrouver aux mêmes dates, de manière à permettre des réunions conjointes.
Jean-Michel Sévérino m'avait dit à quel point la qualité des agents de l'AFD est exceptionnelle, et leur motivation pour notre cause très élevée, probablement supérieure à celle de beaucoup d'agents d'institutions multilatérales
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 janvier 2005)