Texte intégral
France 2 le 16 juin 2004
Q- F. Laborde-. On est J moins 15 à peu près des festivals de l'été et la question va peut-être se reposer de savoir si les intermittents du spectacle vont se faire entendre ou pas. Il y a déjà un certain nombre de dispositions qui ont été prises. Ils annoncent quand même une journée d'action autour du 25 juin. Comment tout cela se présente-t-il ?
R- "J'espère le mieux possible. Il y a déjà des festivals qui ont eu lieu : le Printemps de Bourges a eu lieu, le Festival de Cannes a eu lieu. J'avais comme objectif de réconcilier et de créer un climat de confiance, c'est-à-dire de faire que les artistes et techniciens du cinéma, de l'audiovisuel et du spectacle vivant sentent qu'ils étaient soutenus et épaulés dans la précarité de leur fonction. C'est-à-dire qu'il y a celles et ceux qui ont un métier très difficile, très particulier, précaire, et qui méritent un système spécifique ; et ceux qui, au fond, n'ont aucune précarité particulière, ou qui travaillent dans des secteurs qui n'ont rien à voir avec la création culturelle et artistique, et qui doivent en être extériorisés. J'ai donc pris des mesures d'urgence, qui sont rentrées en application. Il y avait le problème dont on avait parlé concernant les femmes enceintes, le congé de maladie et ceux qui étaient exclus du système. A partir du 1er juillet, un fond provisoire est mis en place et ils seront réintégrés. Est-ce que pour autant, on a tout réglé ? Il y a un nouveau système à l'avenir à mettre en place, tout simplement pour que artistes et techniciens aient de véritables conditions pérennes de travail. Nous nous y employons. Je désigne aujourd'hui un expert en liaison avec mon collègue des Affaires sociales, J.-L. Borloo, qui va être chargé de nous faire des propositions précises, en liaison avec les partenaires sociaux, pour le nouveau système."
Q- Qui sera cet expert ?
R - "Il s'appelle M. Guillot, vous en avez la primeur !"
Q- D'où vient-il ?
R - "C'est un grand expert économique et financier, qui est à la tête d'un bureau d'étude autonome et indépendant, qui est chargé de faire une expertise financière de la situation, une expertise des conséquences de l'application du protocole, et de définir les bases d'un nouveau système...
Q- M. Guillot fera-t-il par exemple le tri, va-t-il définir des périmètres entre ce qui relève uniquement de l'activité culturelle ou pas ?
R - "C'est en cours. J'attends, dans les heures, qui viennent un premier rapport sur ce sujet, pour justement mieux définir qui relève de l'activité culturelle et artistique dans le domaine du cinéma, de l'audiovisuel public et du spectacle vivant, et qui n'en relève pas. Je prends l'exemple des salons professionnels : c'est une fonction, un métier et des contrats de travail saisonniers que je respecte. Mais ils n'ont rien à voir avec la véritable cible que nous voulons traiter. Mon deuxième objectif, c'est aussi que les Français, l'ensemble de nos concitoyens, soutiennent artistes et techniciens, et qu'ils comprennent la spécificité des métiers, en échange de laquelle il doit y avoir un soutien aussi particulier. Je suis donc pour la réconciliation des uns et des autres. Dans cette période poujadiste, j'attache beaucoup d'importance à ce que chacun comprenne la logique de l'autre."
Q- On est très contents, l'été, d'aller assister à des fêtes, à des festivals, et chaque municipalité en France souvent pousse justement pour avoir son activité...
R - "Bien sûr. Il y a un florilège d'initiatives assez remarquables. Et je souhaite d'autre part que ce qui s'est passé déjà dans les festivals puisse se produire ailleurs, en Avignon et dans tous les lieux où il va y avoir des festivals. C'est que l'activité culturelle existe, les spectacles aient lieu, cela permet aux talents de rayonner et de s'épanouir. Cela n'interdit pas les débats sur la politique culturelle en marge des festivals, parce qu'il y a beaucoup de choses à mettre sur la table. Je suis l'apôtre des nouveaux publics, pour faire en sorte que les gens qui veulent réussir pour la première fois à faire quelque chose le fassent. Plus il y aura de débats, mieux je me porterai, parce que je veux le soutien des Français sur la politique culturelle. L'absence d'information crée le fantasme, ça crée le trouble. Je veux que les choses soient sur la table."
Q- Vous avez parlé des entreprises de l'audiovisuel. On sait que les chaînes de télévision ou certaines maisons de production audiovisuelles étaient un peu montrées du doigt. Il y en a effectivement un certain nombre à qui on va dire : voilà des emplois qui ne relèvent pas du système des intermittents du spectacle, il faut que vous leur donniez des emplois, des CDI ou des CDD ?
R - "Pour que les choses soient tout à fait claires et que nos concitoyens comprennent : vous avez des gens qui travaillent dans des secteurs d'activité qui, au fond, ne correspondent absolument pas, ni à l'audiovisuel, ni au cinéma, ni au spectacle vivant. Et donc, ces secteurs et ces entreprises qui étaient rentrés dans le système doivent en sortir. La deuxième chose : vous avez des gens qui ont en fait un travail permanent, mais aujourd'hui un contrat de travail précaire. J'ai donc écrit à tous les représentants et les présidents de l'audiovisuel public, privé, aux organisations professionnelles du cinéma et à un certain nombre d'organisations du spectacle vivant, pour faire en sorte qu'il y ait au maximum possible, selon un rythme à définir, parce qu'évidemment ce n'est pas facile à faire, une requalification des emplois précaires en emplois permanents, quand en fait, la charge de travail est permanente. C'est donc un objectif précis. En deux mois et quinze jours, je considère quand même que, sur ce sujet mais sur beaucoup d'autres, le Gouvernement de J.-P. Raffarin a franchi de nombreuses étapes. Est-ce que tout est réglé aujourd'hui ? Non. Mais je crois pouvoir dire, comme moment d'étape, que la confiance est rétablie."
Q- Autre thème, la Fête de la musique le 21 juin. Allez-vous prendre des initiatives particulières ? Où serez-vous, dans un endroit particulier ?
R - "Je vais beaucoup circuler. Mais je souhaite surtout que, d'abord, il y ait le maximum d'initiatives partout en France, pour que les gens se découvrent des talents ou aillent tout simplement écouter de la musique. Et je souhaite vraiment, dans cette période marquée par une recrudescence du racisme, de la xénophobie, de l'antisémitisme et de toutes sortes de discriminations, que la musique, les lieux de musique, soient des liens et que, finalement, cela transcende les haines que je sens monter dans notre pays et qui m'inquiètent fondamentalement. Je souhaite que la musique soit une occasion, au fond, de rassemblement et que, quand on voit son voisin, on se dit : il est d'une génération différente de moi, il a une couleur de peau différente de la mienne, il a peut-être des origines religieuses et ethniques différentes des miennes, mais au fond, on se ressemble et on écoute la même musique. Je dis cela avec une certaine gravité, parce que nous avons vu, dans l'actualité récente, des atteintes inacceptables dans notre pays, tout simplement d'irrespect aux droits élémentaires de la personne humaine."
Q- Symboliquement, y aura-t-il des lieux où des musiques d'origines très différentes seront présentées au public ?
R - "Dans ce que le ministère organise lui-même, Place de Valois, on commencera par un groupe amérindien et ensuite, par toute une série de groupes de musique venant des quatre coins au monde ou des quatre coins de France."
Q- Une question non pas maintenant au ministre, mais au membre d'un nouveau groupe qui s'appelle Sensibilité de l'union, et qui est au sein de l'UMP. Peut-on dire que c'est un courant qui regroupe 10 ministres et 21 députés, qui veulent que les choses s'apaisent à l'UMP qui est un peu agitée en ce moment ?
R - "C'est la première fois que je me réexprime au plan purement politique depuis que je suis ministre. Si je le fais, c'est que j'en sens la nécessité. Nous avons créé ce nouveau parti politique, nous y tenons. C'est un rassemblement d'hommes et de femmes venus d'horizons différents, d'anciens partis qui s'étaient chamaillés, divisés..."
Q- Vous-même venez de l'UDF...
R - "La division fait perdre. Nous avons fait, là aussi, un effort de décloisonnement, de rencontre. Et je ne veux pas la reconstitution des ligues dissoutes, des vieilles chapelles d'antan. Qu'il y ait des sensibilités, des identités, des histoires, des racines, très bien. Mais cette ouverture et cet esprit d'équipe, c'est cela qui doit prévaloir au sein de l'UMP. La deuxième chose, qui est pour moi la plus importante, c'est que nous avons des réformes à réussir. Les Français sont impatients de constater, quartier par quartier, commune par commune, dans beaucoup de domaines, des progrès légitimes qu'ils attendent. Nous sommes à la manoeuvre, nous avons fait la réforme des retraites, nous sommes en train de faire celle de l'assurance maladie, celle des intermittents dont j'ai la charge, celle de l'accès à la Culture etc. Nous avons de grands chantiers devant nous. Rien ne doit nous distraire de ces priorités."
Q- C'est-à-dire que vous dites à N. Sarkozy de s'occuper d'EDF au lieu de viser l'UMP ?
R - "Non. Je dis simplement que le temps viendra des ambitions, pour les uns et pour les autres et, un jour, d'une campagne présidentielle. Aujourd'hui, ne désespérons pas les Français. Il n'y a pas un Français aujourd'hui qui nous demande de nous occuper de nous-mêmes, il n'y a pas un Français qui nous demande la désunion de l'UMP, il n'y a pas un Français qui nous demande de commencer une campagne présidentielle. Les Français veulent nous voir au boulot, à la tâche, à la rencontre, au contact des réalités. C'est je crois ce que font les ministres du gouvernement de J.-P. Raffarin, avec le Premier ministre lui-même. Nous avons ce travail, cette feuille de route. Ne concluez pas par mes propos que je veux brider le talent..."
Q- Dire à N. Sarkozy, que c'est trop tôt et qu'il part trop tôt et trop fort ?
R - "Attendez... Par ailleurs, pensez-vous un seul instant que dans cette période difficile on va avoir des ministres qui vont se présenter contre le Premier ministre ? C'est impossible ! Je souhaite qu'un accord intervienne."
Q- Vous dites, comme Douste-Blazy ou d'autres, qu'on peut pas être ministre et président de l'UMP en même temps ?
R - "Je souhaite qu'un accord intervienne et qu'il y ait un esprit d'équipe au sein de l'UMP. On ne va pas commencer à se diviser et on ne va pas commencer de manière interne à se cogner les uns et les autres. Les Français à ce moment-là, alors là oui, on méritera une vraie sanction. Il n'y a pas eu de vote sanction contre le gouvernement de J.-P. Raffarin. Tous les gouvernements d'Europe aujourd'hui, qui éprouvent la difficulté des réformes, évidemment, ne sont pas immédiatement populaires, parce qu'à chaque fois on demande un effort, à chaque fois on est obligés de traiter la réalité. A chaque heure suffit sa peine. Et je souhaite tout simplement que l'on sache se tendre la main et que l'on évite les querelles inutiles."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 juin 2004)
France Inter - le 22 juin 2004
S. Paoli-. Alors que s'annonce l'été des Festivals, auront-ils lieu cette année ? Sera-ce une saison de spectacles ou de forums et de prises de parole ? Les intermittents du spectacle estiment que leur dossier est loin d'être bouclé. La fédération CGT du spectacle a appelé à un rassemblement devant le siège de l'UNEDIC, vendredi prochain.
Mais avant de parler de la saison des spectacles qui s'annonce, peut-être un commentaire sur cette affaire et sur ce monde de l'économie saisit par toutes sortes de vertiges, au niveau des grands patrons, ceux qui sont sensés représenter un peu une certaine image du pays...
- "Plusieurs éléments. D'abord, quand il y a des enquêtes judiciaires en cours, vous comprendrez bien que je ne formule aucun commentaire, d'aucune sorte, sur un dossier pour lequel la justice est saisie. Et je souhaite, bien sûr, qu'elle puisse avoir les moyens d'apporter toute la lumière nécessaire. Maintenant, sur le fonctionnement des grandes entreprises, je crois qu'il y a le droit des épargnants, le droit des salariés et que c'est évidemment très important, si l'on veut avoir un capitalisme populaire. C'est-à-dire que si on veut avoir les épargnants qui se sentent reconnus, et non pas privés d'un droit de cité légitime, à partir du moment où ils financent l'activité de l'entreprise, eh bien il faut y prendre garde, comme pour les salariés qui doivent pouvoir participer à un certain nombre de décisions."
Y voyez-vous une forme de régulation possible, justement, des grands enjeux économiques, avec aujourd'hui la place des épargnants dans le fonctionnement de ce type d'entreprise ?
- "Je pense que cela nécessite la transparence absolue, bien sûr, de l'information. Il y a aussi un nouveau problème qui surgit peut-être, qui est celui de la rémunération du travail. Vous savez, la plus belle phrase, pour moi, de la déclaration des droits de l'homme c'est : "Toute distinction sociale doit être fondée sur l'utilité commune". Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que cela légitime les hiérarchies, mais qu'il faut qu'elles soient fondées sur quelque chose d'intelligible. Alors, quand quelqu'un met au point un brevet, emporte un marché considérable et assure un développement fantastique pour une entreprise, pour un pays et pour toutes celles et tous ceux qui y travaillent, qu'il y ait des rémunérations très importantes ne me choque pas. Il faut que les rémunérations soient fondées sur des données intelligibles, parce que sinon, cela crée un espèce de trouble et une crise de confiance et peut-être l'irruption d'un capitalisme financier difficilement intelligible, notamment dans un pays comme la France, qui n'est pas particulièrement rompu à ce genre de pratiques au fond. Je pense, si vous voulez, qu'il ne faut pas avoir une attitude idéologique, mais il faut que chacun ait un pouvoir reconnu et que des contre-pouvoirs existent, là comme ailleurs."
Vous venez de prononcer un mot très important parce qu'il est le socle de beaucoup de choses : c'est le mot "confiance". Où en êtes-vous de la question de confiance établie entre vous et les intermittents du spectacle, depuis que vous avez pris vos fonctions ?
- "Eh bien, je pense avoir beaucoup progressé depuis la fois où je suis venu chez vous, il y a quelques semaines. Nous étions tout à fait en amont des discussions et c'était très peu de jours après mon arrivée. Avec les instructions que j'avais reçues du président de la République et du Premier ministre, j'ai mis au point un système provisoire, d'urgence, qui est maintenant en vigueur. Un certain nombre de mesures sont déjà rentrées en application, d'autres vont rentrer en application à partir du 1er juillet, pour toutes celles et tous ceux qui avaient été exclus par les conséquences du protocole du 26 juin 2003. Vous savez très bien qu'il y avait un problème qui se trouvait posé"
Il y avait des urgences surtout, notamment pour les femmes enceintes...
- "Ça, c'est réglé. Ce qui n'était pas réglé, parce que cela supposait des moyens financiers et un déblocage de la situation, c'est la prise en compte de celles et ceux qui avaient fait 507 heures en 11 mois et ceux qui pouvaient les avoir faites en 12 mois. C'était une revendication et j'ai apporté, au nom du Gouvernement, sur ce sujet, une réponse positive. Deuxième point, dans les mesures aussi d'urgence, l'ensemble des responsables des sociétés d'audiovisuel, publiques, privées, des responsables du cinéma, des responsables du spectacle vivant, ont reçu de ma part des éléments d'orientation très concrets pour démarrer - parce que cela ne se réglera pas en vingt-quatre heures - la requalification d'un certain nombre d'emplois. Cela veut dire, si vous voulez, qu'il y avait des abus, des gens qui, au fond, ont un travail permanent, mais ont un contrat de travail précaire..."
Vous aurez la transparence là-dessus, puisque vous évoquiez la transparence tout à l'heure ? Vous saurez exactement ce qu'il en est ?
- "Eh bien, je compte bien le savoir ! Vous savez, c'est aussi un des domaines dans lequel avoir des données d'information est parfois compliqué, mais c'est nécessaire. Donc, ces mesures qui ont permis de rétablir, je crois, un vrai climat de dialogue, de confiance, et - permettez-moi le terme - de réconciliation, sont intervenues. Pourquoi était-ce très important ? Parce que j'avais le sentiment qu'au-delà de la solidarité vis-à-vis des exclus, il y avait une forme d'incompréhension qui m'inquiétait fortement entre, au fond, le pouvoir politique que je représente et l'ensemble de la communauté des artistes et des techniciens, qui avaient le sentiment que l'on ne reconnaissait pas ni leur talent, ni la spécificité de leur action. Le provisoire, l'urgence rentrent en application. Deuxièmement, j'ai reçu comme instruction du Premier ministre - et je tiens la feuille de route qui m'a été confiée - de bâtir les termes d'un nouveau système d'indemnisation du chômage dans le cadre, bien sûr, de la solidarité interprofessionnelle..."
Pour bien vous comprendre, est-ce que cela veut dire la remise en cause de l'accord qui avait été signé l'été passé au moment où, au fond, tout a commencé à se bloquer ?
- "Vous savez, certains me demandaient l'abrogation pure et simple. L'abrogation pure et simple débouchait sur quoi, sur quel système ? Donc il fallait prendre des mesures d'urgence, concrètes, qui soient perçues comme un progrès - c'est fait. Et deuxièmement, il fallait s'engager vers la construction d'un nouveau système. Il faut qu'il repose sur des bases incontestables. Les uns et les autres me demandaient la désignation d'un expert indépendant pour mesurer concrètement les chiffres de l'UNEDIC, les conséquences de l'application du protocole du 26 juin et puis bâtir ce nouveau système avec une logique de partenariat. Parce que je comprends très bien que l'UNEDIC ait pu me dire : "Mais, attendez, ce n'est pas à nous de financer l'intégralité de la politique culturelle en France'". Bien. Cet expert est désigné, il aura des rapports d'étapes et la conclusion qu'il doit me formuler, c'est le 31 octobre. Dernier point très important, j'ai le souci de bâtir un système incontestable et que les intermittents du cinéma, de l'audiovisuel et du spectacle vivant aient un véritable soutien des Français. Et cela passe par la reconnaissance de la spécificité de ces métiers et, deuxièmement, que le périmètre soit le plus incontestable possible, parce que je veux pouvoir justifier à mes concitoyens la spécificité d'un système. Cela suppose que cela concerne l'activité culturelle et artistique, au sens large, dans les domaines que j'ai évoqués. Cela veut dire que nous allons essayer, progressivement, d'extérioriser un certain nombre de métiers, qui sont des métiers très utiles, dont je ne conteste pas évidemment l'utilité, mais qui n'ont rien à voir avec la création culturelle et artistique."
Cela veut dire que vous allez faire le tri entre ceux qui relèvent, pour de bon, de l'intermittence, et ceux qui n'en relèvent pas ?
- "Absolument. Ce n'est pas uniquement de l'intermittence, parce qu'il faut s'entendre sur les termes. L'emploi saisonnier, ça existe en France ; mais la spécificité de l'activité culturelle et artistique, dans le domaine du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, c'est autre chose. C'est ça que je veux défendre. J'attends dans les jours prochains un rapport sur ce sujet. Je verrais s'il y a accord ou pas entre les partenaires sociaux. Et le calendrier, c'est moi qui le déterminerais, pour savoir selon quel rythme nous essayons de faire réduire le périmètre pour que ne soient directement soutenus que celles et ceux qui, effectivement, y ont droit. C'est la raison pour laquelle, par rapport à l'activité culturelle et artistique, j'ai confiance dans l'esprit de responsabilité de l'ensemble de la communauté artistique. Le temps de la méprise est révolu. Je pense d'autre part qu'est parfaitement compatible et nécessaire l'activité culturelle et artistique d'un côté et, deuxièmement, les débats. Et j'ai donné instruction à tous les services qui dépendent de moi, dans le cadre de tous les festivals, de faire en sorte que chaque fois que ce sera souhaité, qu'il puisse y avoir un débat sur la politique culturelle, sur les pratiques culturelles, sur les nouveaux publics, parce que les uns et les autres, permettez-moi de vous le dire, on a tous intérêt à se secouer. J'ai été frappé d'un constat alarmant émanant de M. Latarjet, pour dire qu'au fond, il y a une offre culturelle de plus en plus diversifiée, mais un public trop étroit. C'est la raison pour laquelle j'ai été très heureux du succès, malgré le foot, de la Fête de la Musique, hier soir. Pourquoi ? Parce que c'est la musique qui fait irruption partout, sur le trottoir, dans des lieux inattendus, avec un objectif : encourager la pratique et de faire en sorte, bien sûr, que les professionnels soient reconnus."
La musique, restons-y un instant : baisse ou pas de la TVA sur les disques ? On n'arrive plus à savoir
- "C'est tout à fait simple. Vous savez, il y a des moments dans la vie, il faut regarder les choses qui sont écrites de manière définitive et officielle. J'ai proposé en Conseil des ministres, et cela a été adopté, un mémorandum français à destination de l'Union européenne, dans lequel figure bien évidemment la question de la baisse de la TVA sur le disque. J'en ai parlé d'ailleurs récemment au commissaire européen, M. Bolkestein, pour essayer d'obtenir une décision. Pourquoi est-ce que c'est important ? Il y a de temps en temps des technologies qui progressent, qui font irruption sur le marché et qui peuvent apparaître comme des progrès. Et moi, je ne suis pas ni un castrateur, ni un censeur, donc je ne veux pas que nos auditeurs aujourd'hui aient le sentiment que le ministre de la Culture et de la Communication considère qu'Internet est une très mauvaise chose. Je ne dis pas ça. Je veux simplement obtenir une logique de responsabilité, là encore. Et évidemment, les questions ayant trait au prix du disque sont des choses importantes. L'un des leviers dont je dispose, c'est la baisse de la TVA. Je n'ai pas encore convaincu l'ensemble de mes partenaires de l'Union européenne, mais à cause des problèmes de la contrefaçon et de la piraterie, ce dossier se pose d'une manière nouvelle, ce que j'ai indiqué au commissaire européen en charge de ce dossier. Donc la politique du Gouvernement, de ce point de vue là, est claire : nous allons continuer à nous battre pour obtenir cette baisse de TVA et, sur ce sujet très important qu'est celui au fond du respect de la diversité culturelle, des artistes, des auteurs, des compositeurs, du pluralisme nécessaire, je souhaite qu'il n'y ait pas de bouc émissaire désigné, mais que s'asseyent autour de la même table - et je vais m'y employer - aussi bien les amateurs de musique, c'est-à-dire les acheteurs de disques, aussi bien d'ailleurs d'une certaine manière les jeunes pirates, parce que je pense qu'il faut qu'on se fasse directement secouer par eux, les professionnels, les diffuseurs, les distributeurs, pour qu'on parvienne à un bon équilibre. C'est extraordinairement difficile, et j'essaie en ce moment de mobiliser les artistes sur ce sujet."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 juin 2004)
Q- F. Laborde-. On est J moins 15 à peu près des festivals de l'été et la question va peut-être se reposer de savoir si les intermittents du spectacle vont se faire entendre ou pas. Il y a déjà un certain nombre de dispositions qui ont été prises. Ils annoncent quand même une journée d'action autour du 25 juin. Comment tout cela se présente-t-il ?
R- "J'espère le mieux possible. Il y a déjà des festivals qui ont eu lieu : le Printemps de Bourges a eu lieu, le Festival de Cannes a eu lieu. J'avais comme objectif de réconcilier et de créer un climat de confiance, c'est-à-dire de faire que les artistes et techniciens du cinéma, de l'audiovisuel et du spectacle vivant sentent qu'ils étaient soutenus et épaulés dans la précarité de leur fonction. C'est-à-dire qu'il y a celles et ceux qui ont un métier très difficile, très particulier, précaire, et qui méritent un système spécifique ; et ceux qui, au fond, n'ont aucune précarité particulière, ou qui travaillent dans des secteurs qui n'ont rien à voir avec la création culturelle et artistique, et qui doivent en être extériorisés. J'ai donc pris des mesures d'urgence, qui sont rentrées en application. Il y avait le problème dont on avait parlé concernant les femmes enceintes, le congé de maladie et ceux qui étaient exclus du système. A partir du 1er juillet, un fond provisoire est mis en place et ils seront réintégrés. Est-ce que pour autant, on a tout réglé ? Il y a un nouveau système à l'avenir à mettre en place, tout simplement pour que artistes et techniciens aient de véritables conditions pérennes de travail. Nous nous y employons. Je désigne aujourd'hui un expert en liaison avec mon collègue des Affaires sociales, J.-L. Borloo, qui va être chargé de nous faire des propositions précises, en liaison avec les partenaires sociaux, pour le nouveau système."
Q- Qui sera cet expert ?
R - "Il s'appelle M. Guillot, vous en avez la primeur !"
Q- D'où vient-il ?
R - "C'est un grand expert économique et financier, qui est à la tête d'un bureau d'étude autonome et indépendant, qui est chargé de faire une expertise financière de la situation, une expertise des conséquences de l'application du protocole, et de définir les bases d'un nouveau système...
Q- M. Guillot fera-t-il par exemple le tri, va-t-il définir des périmètres entre ce qui relève uniquement de l'activité culturelle ou pas ?
R - "C'est en cours. J'attends, dans les heures, qui viennent un premier rapport sur ce sujet, pour justement mieux définir qui relève de l'activité culturelle et artistique dans le domaine du cinéma, de l'audiovisuel public et du spectacle vivant, et qui n'en relève pas. Je prends l'exemple des salons professionnels : c'est une fonction, un métier et des contrats de travail saisonniers que je respecte. Mais ils n'ont rien à voir avec la véritable cible que nous voulons traiter. Mon deuxième objectif, c'est aussi que les Français, l'ensemble de nos concitoyens, soutiennent artistes et techniciens, et qu'ils comprennent la spécificité des métiers, en échange de laquelle il doit y avoir un soutien aussi particulier. Je suis donc pour la réconciliation des uns et des autres. Dans cette période poujadiste, j'attache beaucoup d'importance à ce que chacun comprenne la logique de l'autre."
Q- On est très contents, l'été, d'aller assister à des fêtes, à des festivals, et chaque municipalité en France souvent pousse justement pour avoir son activité...
R - "Bien sûr. Il y a un florilège d'initiatives assez remarquables. Et je souhaite d'autre part que ce qui s'est passé déjà dans les festivals puisse se produire ailleurs, en Avignon et dans tous les lieux où il va y avoir des festivals. C'est que l'activité culturelle existe, les spectacles aient lieu, cela permet aux talents de rayonner et de s'épanouir. Cela n'interdit pas les débats sur la politique culturelle en marge des festivals, parce qu'il y a beaucoup de choses à mettre sur la table. Je suis l'apôtre des nouveaux publics, pour faire en sorte que les gens qui veulent réussir pour la première fois à faire quelque chose le fassent. Plus il y aura de débats, mieux je me porterai, parce que je veux le soutien des Français sur la politique culturelle. L'absence d'information crée le fantasme, ça crée le trouble. Je veux que les choses soient sur la table."
Q- Vous avez parlé des entreprises de l'audiovisuel. On sait que les chaînes de télévision ou certaines maisons de production audiovisuelles étaient un peu montrées du doigt. Il y en a effectivement un certain nombre à qui on va dire : voilà des emplois qui ne relèvent pas du système des intermittents du spectacle, il faut que vous leur donniez des emplois, des CDI ou des CDD ?
R - "Pour que les choses soient tout à fait claires et que nos concitoyens comprennent : vous avez des gens qui travaillent dans des secteurs d'activité qui, au fond, ne correspondent absolument pas, ni à l'audiovisuel, ni au cinéma, ni au spectacle vivant. Et donc, ces secteurs et ces entreprises qui étaient rentrés dans le système doivent en sortir. La deuxième chose : vous avez des gens qui ont en fait un travail permanent, mais aujourd'hui un contrat de travail précaire. J'ai donc écrit à tous les représentants et les présidents de l'audiovisuel public, privé, aux organisations professionnelles du cinéma et à un certain nombre d'organisations du spectacle vivant, pour faire en sorte qu'il y ait au maximum possible, selon un rythme à définir, parce qu'évidemment ce n'est pas facile à faire, une requalification des emplois précaires en emplois permanents, quand en fait, la charge de travail est permanente. C'est donc un objectif précis. En deux mois et quinze jours, je considère quand même que, sur ce sujet mais sur beaucoup d'autres, le Gouvernement de J.-P. Raffarin a franchi de nombreuses étapes. Est-ce que tout est réglé aujourd'hui ? Non. Mais je crois pouvoir dire, comme moment d'étape, que la confiance est rétablie."
Q- Autre thème, la Fête de la musique le 21 juin. Allez-vous prendre des initiatives particulières ? Où serez-vous, dans un endroit particulier ?
R - "Je vais beaucoup circuler. Mais je souhaite surtout que, d'abord, il y ait le maximum d'initiatives partout en France, pour que les gens se découvrent des talents ou aillent tout simplement écouter de la musique. Et je souhaite vraiment, dans cette période marquée par une recrudescence du racisme, de la xénophobie, de l'antisémitisme et de toutes sortes de discriminations, que la musique, les lieux de musique, soient des liens et que, finalement, cela transcende les haines que je sens monter dans notre pays et qui m'inquiètent fondamentalement. Je souhaite que la musique soit une occasion, au fond, de rassemblement et que, quand on voit son voisin, on se dit : il est d'une génération différente de moi, il a une couleur de peau différente de la mienne, il a peut-être des origines religieuses et ethniques différentes des miennes, mais au fond, on se ressemble et on écoute la même musique. Je dis cela avec une certaine gravité, parce que nous avons vu, dans l'actualité récente, des atteintes inacceptables dans notre pays, tout simplement d'irrespect aux droits élémentaires de la personne humaine."
Q- Symboliquement, y aura-t-il des lieux où des musiques d'origines très différentes seront présentées au public ?
R - "Dans ce que le ministère organise lui-même, Place de Valois, on commencera par un groupe amérindien et ensuite, par toute une série de groupes de musique venant des quatre coins au monde ou des quatre coins de France."
Q- Une question non pas maintenant au ministre, mais au membre d'un nouveau groupe qui s'appelle Sensibilité de l'union, et qui est au sein de l'UMP. Peut-on dire que c'est un courant qui regroupe 10 ministres et 21 députés, qui veulent que les choses s'apaisent à l'UMP qui est un peu agitée en ce moment ?
R - "C'est la première fois que je me réexprime au plan purement politique depuis que je suis ministre. Si je le fais, c'est que j'en sens la nécessité. Nous avons créé ce nouveau parti politique, nous y tenons. C'est un rassemblement d'hommes et de femmes venus d'horizons différents, d'anciens partis qui s'étaient chamaillés, divisés..."
Q- Vous-même venez de l'UDF...
R - "La division fait perdre. Nous avons fait, là aussi, un effort de décloisonnement, de rencontre. Et je ne veux pas la reconstitution des ligues dissoutes, des vieilles chapelles d'antan. Qu'il y ait des sensibilités, des identités, des histoires, des racines, très bien. Mais cette ouverture et cet esprit d'équipe, c'est cela qui doit prévaloir au sein de l'UMP. La deuxième chose, qui est pour moi la plus importante, c'est que nous avons des réformes à réussir. Les Français sont impatients de constater, quartier par quartier, commune par commune, dans beaucoup de domaines, des progrès légitimes qu'ils attendent. Nous sommes à la manoeuvre, nous avons fait la réforme des retraites, nous sommes en train de faire celle de l'assurance maladie, celle des intermittents dont j'ai la charge, celle de l'accès à la Culture etc. Nous avons de grands chantiers devant nous. Rien ne doit nous distraire de ces priorités."
Q- C'est-à-dire que vous dites à N. Sarkozy de s'occuper d'EDF au lieu de viser l'UMP ?
R - "Non. Je dis simplement que le temps viendra des ambitions, pour les uns et pour les autres et, un jour, d'une campagne présidentielle. Aujourd'hui, ne désespérons pas les Français. Il n'y a pas un Français aujourd'hui qui nous demande de nous occuper de nous-mêmes, il n'y a pas un Français qui nous demande la désunion de l'UMP, il n'y a pas un Français qui nous demande de commencer une campagne présidentielle. Les Français veulent nous voir au boulot, à la tâche, à la rencontre, au contact des réalités. C'est je crois ce que font les ministres du gouvernement de J.-P. Raffarin, avec le Premier ministre lui-même. Nous avons ce travail, cette feuille de route. Ne concluez pas par mes propos que je veux brider le talent..."
Q- Dire à N. Sarkozy, que c'est trop tôt et qu'il part trop tôt et trop fort ?
R - "Attendez... Par ailleurs, pensez-vous un seul instant que dans cette période difficile on va avoir des ministres qui vont se présenter contre le Premier ministre ? C'est impossible ! Je souhaite qu'un accord intervienne."
Q- Vous dites, comme Douste-Blazy ou d'autres, qu'on peut pas être ministre et président de l'UMP en même temps ?
R - "Je souhaite qu'un accord intervienne et qu'il y ait un esprit d'équipe au sein de l'UMP. On ne va pas commencer à se diviser et on ne va pas commencer de manière interne à se cogner les uns et les autres. Les Français à ce moment-là, alors là oui, on méritera une vraie sanction. Il n'y a pas eu de vote sanction contre le gouvernement de J.-P. Raffarin. Tous les gouvernements d'Europe aujourd'hui, qui éprouvent la difficulté des réformes, évidemment, ne sont pas immédiatement populaires, parce qu'à chaque fois on demande un effort, à chaque fois on est obligés de traiter la réalité. A chaque heure suffit sa peine. Et je souhaite tout simplement que l'on sache se tendre la main et que l'on évite les querelles inutiles."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 juin 2004)
France Inter - le 22 juin 2004
S. Paoli-. Alors que s'annonce l'été des Festivals, auront-ils lieu cette année ? Sera-ce une saison de spectacles ou de forums et de prises de parole ? Les intermittents du spectacle estiment que leur dossier est loin d'être bouclé. La fédération CGT du spectacle a appelé à un rassemblement devant le siège de l'UNEDIC, vendredi prochain.
Mais avant de parler de la saison des spectacles qui s'annonce, peut-être un commentaire sur cette affaire et sur ce monde de l'économie saisit par toutes sortes de vertiges, au niveau des grands patrons, ceux qui sont sensés représenter un peu une certaine image du pays...
- "Plusieurs éléments. D'abord, quand il y a des enquêtes judiciaires en cours, vous comprendrez bien que je ne formule aucun commentaire, d'aucune sorte, sur un dossier pour lequel la justice est saisie. Et je souhaite, bien sûr, qu'elle puisse avoir les moyens d'apporter toute la lumière nécessaire. Maintenant, sur le fonctionnement des grandes entreprises, je crois qu'il y a le droit des épargnants, le droit des salariés et que c'est évidemment très important, si l'on veut avoir un capitalisme populaire. C'est-à-dire que si on veut avoir les épargnants qui se sentent reconnus, et non pas privés d'un droit de cité légitime, à partir du moment où ils financent l'activité de l'entreprise, eh bien il faut y prendre garde, comme pour les salariés qui doivent pouvoir participer à un certain nombre de décisions."
Y voyez-vous une forme de régulation possible, justement, des grands enjeux économiques, avec aujourd'hui la place des épargnants dans le fonctionnement de ce type d'entreprise ?
- "Je pense que cela nécessite la transparence absolue, bien sûr, de l'information. Il y a aussi un nouveau problème qui surgit peut-être, qui est celui de la rémunération du travail. Vous savez, la plus belle phrase, pour moi, de la déclaration des droits de l'homme c'est : "Toute distinction sociale doit être fondée sur l'utilité commune". Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que cela légitime les hiérarchies, mais qu'il faut qu'elles soient fondées sur quelque chose d'intelligible. Alors, quand quelqu'un met au point un brevet, emporte un marché considérable et assure un développement fantastique pour une entreprise, pour un pays et pour toutes celles et tous ceux qui y travaillent, qu'il y ait des rémunérations très importantes ne me choque pas. Il faut que les rémunérations soient fondées sur des données intelligibles, parce que sinon, cela crée un espèce de trouble et une crise de confiance et peut-être l'irruption d'un capitalisme financier difficilement intelligible, notamment dans un pays comme la France, qui n'est pas particulièrement rompu à ce genre de pratiques au fond. Je pense, si vous voulez, qu'il ne faut pas avoir une attitude idéologique, mais il faut que chacun ait un pouvoir reconnu et que des contre-pouvoirs existent, là comme ailleurs."
Vous venez de prononcer un mot très important parce qu'il est le socle de beaucoup de choses : c'est le mot "confiance". Où en êtes-vous de la question de confiance établie entre vous et les intermittents du spectacle, depuis que vous avez pris vos fonctions ?
- "Eh bien, je pense avoir beaucoup progressé depuis la fois où je suis venu chez vous, il y a quelques semaines. Nous étions tout à fait en amont des discussions et c'était très peu de jours après mon arrivée. Avec les instructions que j'avais reçues du président de la République et du Premier ministre, j'ai mis au point un système provisoire, d'urgence, qui est maintenant en vigueur. Un certain nombre de mesures sont déjà rentrées en application, d'autres vont rentrer en application à partir du 1er juillet, pour toutes celles et tous ceux qui avaient été exclus par les conséquences du protocole du 26 juin 2003. Vous savez très bien qu'il y avait un problème qui se trouvait posé"
Il y avait des urgences surtout, notamment pour les femmes enceintes...
- "Ça, c'est réglé. Ce qui n'était pas réglé, parce que cela supposait des moyens financiers et un déblocage de la situation, c'est la prise en compte de celles et ceux qui avaient fait 507 heures en 11 mois et ceux qui pouvaient les avoir faites en 12 mois. C'était une revendication et j'ai apporté, au nom du Gouvernement, sur ce sujet, une réponse positive. Deuxième point, dans les mesures aussi d'urgence, l'ensemble des responsables des sociétés d'audiovisuel, publiques, privées, des responsables du cinéma, des responsables du spectacle vivant, ont reçu de ma part des éléments d'orientation très concrets pour démarrer - parce que cela ne se réglera pas en vingt-quatre heures - la requalification d'un certain nombre d'emplois. Cela veut dire, si vous voulez, qu'il y avait des abus, des gens qui, au fond, ont un travail permanent, mais ont un contrat de travail précaire..."
Vous aurez la transparence là-dessus, puisque vous évoquiez la transparence tout à l'heure ? Vous saurez exactement ce qu'il en est ?
- "Eh bien, je compte bien le savoir ! Vous savez, c'est aussi un des domaines dans lequel avoir des données d'information est parfois compliqué, mais c'est nécessaire. Donc, ces mesures qui ont permis de rétablir, je crois, un vrai climat de dialogue, de confiance, et - permettez-moi le terme - de réconciliation, sont intervenues. Pourquoi était-ce très important ? Parce que j'avais le sentiment qu'au-delà de la solidarité vis-à-vis des exclus, il y avait une forme d'incompréhension qui m'inquiétait fortement entre, au fond, le pouvoir politique que je représente et l'ensemble de la communauté des artistes et des techniciens, qui avaient le sentiment que l'on ne reconnaissait pas ni leur talent, ni la spécificité de leur action. Le provisoire, l'urgence rentrent en application. Deuxièmement, j'ai reçu comme instruction du Premier ministre - et je tiens la feuille de route qui m'a été confiée - de bâtir les termes d'un nouveau système d'indemnisation du chômage dans le cadre, bien sûr, de la solidarité interprofessionnelle..."
Pour bien vous comprendre, est-ce que cela veut dire la remise en cause de l'accord qui avait été signé l'été passé au moment où, au fond, tout a commencé à se bloquer ?
- "Vous savez, certains me demandaient l'abrogation pure et simple. L'abrogation pure et simple débouchait sur quoi, sur quel système ? Donc il fallait prendre des mesures d'urgence, concrètes, qui soient perçues comme un progrès - c'est fait. Et deuxièmement, il fallait s'engager vers la construction d'un nouveau système. Il faut qu'il repose sur des bases incontestables. Les uns et les autres me demandaient la désignation d'un expert indépendant pour mesurer concrètement les chiffres de l'UNEDIC, les conséquences de l'application du protocole du 26 juin et puis bâtir ce nouveau système avec une logique de partenariat. Parce que je comprends très bien que l'UNEDIC ait pu me dire : "Mais, attendez, ce n'est pas à nous de financer l'intégralité de la politique culturelle en France'". Bien. Cet expert est désigné, il aura des rapports d'étapes et la conclusion qu'il doit me formuler, c'est le 31 octobre. Dernier point très important, j'ai le souci de bâtir un système incontestable et que les intermittents du cinéma, de l'audiovisuel et du spectacle vivant aient un véritable soutien des Français. Et cela passe par la reconnaissance de la spécificité de ces métiers et, deuxièmement, que le périmètre soit le plus incontestable possible, parce que je veux pouvoir justifier à mes concitoyens la spécificité d'un système. Cela suppose que cela concerne l'activité culturelle et artistique, au sens large, dans les domaines que j'ai évoqués. Cela veut dire que nous allons essayer, progressivement, d'extérioriser un certain nombre de métiers, qui sont des métiers très utiles, dont je ne conteste pas évidemment l'utilité, mais qui n'ont rien à voir avec la création culturelle et artistique."
Cela veut dire que vous allez faire le tri entre ceux qui relèvent, pour de bon, de l'intermittence, et ceux qui n'en relèvent pas ?
- "Absolument. Ce n'est pas uniquement de l'intermittence, parce qu'il faut s'entendre sur les termes. L'emploi saisonnier, ça existe en France ; mais la spécificité de l'activité culturelle et artistique, dans le domaine du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, c'est autre chose. C'est ça que je veux défendre. J'attends dans les jours prochains un rapport sur ce sujet. Je verrais s'il y a accord ou pas entre les partenaires sociaux. Et le calendrier, c'est moi qui le déterminerais, pour savoir selon quel rythme nous essayons de faire réduire le périmètre pour que ne soient directement soutenus que celles et ceux qui, effectivement, y ont droit. C'est la raison pour laquelle, par rapport à l'activité culturelle et artistique, j'ai confiance dans l'esprit de responsabilité de l'ensemble de la communauté artistique. Le temps de la méprise est révolu. Je pense d'autre part qu'est parfaitement compatible et nécessaire l'activité culturelle et artistique d'un côté et, deuxièmement, les débats. Et j'ai donné instruction à tous les services qui dépendent de moi, dans le cadre de tous les festivals, de faire en sorte que chaque fois que ce sera souhaité, qu'il puisse y avoir un débat sur la politique culturelle, sur les pratiques culturelles, sur les nouveaux publics, parce que les uns et les autres, permettez-moi de vous le dire, on a tous intérêt à se secouer. J'ai été frappé d'un constat alarmant émanant de M. Latarjet, pour dire qu'au fond, il y a une offre culturelle de plus en plus diversifiée, mais un public trop étroit. C'est la raison pour laquelle j'ai été très heureux du succès, malgré le foot, de la Fête de la Musique, hier soir. Pourquoi ? Parce que c'est la musique qui fait irruption partout, sur le trottoir, dans des lieux inattendus, avec un objectif : encourager la pratique et de faire en sorte, bien sûr, que les professionnels soient reconnus."
La musique, restons-y un instant : baisse ou pas de la TVA sur les disques ? On n'arrive plus à savoir
- "C'est tout à fait simple. Vous savez, il y a des moments dans la vie, il faut regarder les choses qui sont écrites de manière définitive et officielle. J'ai proposé en Conseil des ministres, et cela a été adopté, un mémorandum français à destination de l'Union européenne, dans lequel figure bien évidemment la question de la baisse de la TVA sur le disque. J'en ai parlé d'ailleurs récemment au commissaire européen, M. Bolkestein, pour essayer d'obtenir une décision. Pourquoi est-ce que c'est important ? Il y a de temps en temps des technologies qui progressent, qui font irruption sur le marché et qui peuvent apparaître comme des progrès. Et moi, je ne suis pas ni un castrateur, ni un censeur, donc je ne veux pas que nos auditeurs aujourd'hui aient le sentiment que le ministre de la Culture et de la Communication considère qu'Internet est une très mauvaise chose. Je ne dis pas ça. Je veux simplement obtenir une logique de responsabilité, là encore. Et évidemment, les questions ayant trait au prix du disque sont des choses importantes. L'un des leviers dont je dispose, c'est la baisse de la TVA. Je n'ai pas encore convaincu l'ensemble de mes partenaires de l'Union européenne, mais à cause des problèmes de la contrefaçon et de la piraterie, ce dossier se pose d'une manière nouvelle, ce que j'ai indiqué au commissaire européen en charge de ce dossier. Donc la politique du Gouvernement, de ce point de vue là, est claire : nous allons continuer à nous battre pour obtenir cette baisse de TVA et, sur ce sujet très important qu'est celui au fond du respect de la diversité culturelle, des artistes, des auteurs, des compositeurs, du pluralisme nécessaire, je souhaite qu'il n'y ait pas de bouc émissaire désigné, mais que s'asseyent autour de la même table - et je vais m'y employer - aussi bien les amateurs de musique, c'est-à-dire les acheteurs de disques, aussi bien d'ailleurs d'une certaine manière les jeunes pirates, parce que je pense qu'il faut qu'on se fasse directement secouer par eux, les professionnels, les diffuseurs, les distributeurs, pour qu'on parvienne à un bon équilibre. C'est extraordinairement difficile, et j'essaie en ce moment de mobiliser les artistes sur ce sujet."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 juin 2004)