Déclaration de candidature de M. François Bayrou, président de l'UDF, pour les élections régionales de mars 2004 en Aquitaine, Bordeaux le 12 janvier 2004.

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Texte intégral

Je suis très heureux de vous accueillir pour ce lancement de campagne. D'accueillir les conseillers régionaux sortants, les parlementaires, le Président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, les responsables de nos fédérations départementales, des cinq départements d'Aquitaine et naturellement les élus de Bordeaux qui nous accueillent et qui ont mis en place cette rencontre, dans ce lieu au fond assez symbolique, j'y reviendrai dans une minute.
Je vous remercie d'être là. C'est naturellement un moment important, puisque c'est la première étape de la campagne pour les élections régionales, et c'est l'occasion pour moi de commencer à présenter les équipes qui la conduiront. Quand je dis équipe, c'est parce que je vous présenterai chaque fois, dans chacun des départements, un homme et une femme, puisque c'est cette mixité que la loi a voulue et que nous allons incarner dans la composition de ces listes et dans les tandems qui les mèneront.
Je présenterai chacun, chacune de ces équipes, dans chacun des départements, dans une conférence de presse particulière : aujourd'hui la Gironde, puis quatre conférences de presse en Dordogne, dans le Lot-et-Garonne, dans les Pyrénées-Atlantiques et dans les Landes.
Il était naturel que nous commencions par la Gironde et par Bordeaux parce que c'est le chef lieu, la capitale de la région et naturellement lorsqu'on pense Aquitaine, on pense Bordeaux.
C'est une élection très importante, tout à fait particulière, la première d'un nouveau genre. Pourquoi ?
- Parce que c'est la première fois que les citoyens de la région choisiront leur président de région au suffrage universel. Jusqu'à maintenant, vous le savez, on ne votait pas dans l'ensemble de la région, on votait département par département. Il y avait des listes séparées dans chaque département, des bulletins de vote différents dans chaque département et on n'élisait pas un président, on élisait des conseillers régionaux, on les élisait dans un scrutin à un seul tour et après ils faisaient leur "cuisine" eux-mêmes. Ce qui a valu, vous le savez, un grand nombre de désagréments et donc, depuis le premier jour, j'ai soutenu l'idée que le président de la région devait être élu au suffrage universel, que c'était sa légitimité et c'est ce que la loi a choisi en deux étapes : Lionel Jospin d'abord et le gouvernement actuel ensuite, mais le principe était le même, une seule circonscription pour l'ensemble de la région et un seul bulletin de vote, dans une élection à deux tours qui permet au citoyen d'exprimer au premier tour une préférence et au deuxième tour, éventuellement, de se rassembler.
- Parce que nous sommes dans un moment politique très important : c'est la seule élection qui aura lieu à l'échelon national au suffrage universel avant 2007. La seule élection " de moyen terme " comme disent les Américains, l'étape où l'on peut rectifier ce qui ne va pas, envoyer des messages, pour que le gouvernement qui est en place jusqu'en 2007 sache quel est le sentiment profond des citoyens sur la politique du pays. Comme vous le savez, nous dénonçons le blocage de la vie politique nationale par un mouvement politique qui a toutes les responsabilités, qui est un parti unique et qui prétend représenter à lui tout seul toutes les sensibilités de la majorité, ce qui n'est pas bon selon nous pour la démocratie en France. Car le pluralisme c'est l'oxygène de la démocratie.
- Enfin cette élection est particulière du fait de l'apparition du fait régional. Vous le savez, depuis longtemps, depuis Jacques Chaban-Delmas - et prononcer son nom dans sa ville est pour moi une émotion... En effet, j'ai été pendant de longues années le benjamin du Conseil régional d'Aquitaine, quand il s'est mis en place et quand Jacques Chaban-Delmas en a été le président. Si d'ailleurs vous cherchez dans les photos d'archives, vous retrouverez une élection du président du Conseil régional d'Aquitaine qui avait créé beaucoup d'émotions à l'époque, parce que Jacques Chaban-Delmas l'avait emporté alors qu'il n'avait pas la majorité, et cela avait été une grande surprise et suscité une marée de commentaires sur l'art particulier qui était celui du maire de Bordeaux et de cet homme politique national éminent que nous étions nombreux à aimer beaucoup. Et si vous regardez les photos d'archives donc, le très jeune élu qui dépouillait le scrutin pour Jacques Chaban-Delmas, c'était celui qui vous parle aujourd'hui. Permettez-moi cette réflexion : la région que Jacques Chaban-Delmas avait inventée, fédérait toutes les collectivités locales de l'espace régional. Les grandes villes et les conseils généraux y étaient tous représentés ce qui permettait à ces élus de réfléchir ensemble à l'avenir de leur région. Et j'ai toujours trouvé que c'était une bonne idée, moi qui, vous le savez, suis pour que ces collectivités locales, départements et régions, un jour n'en forment plus qu'une.
Ce fait régional est en croissance depuis maintenant trente ans, mais il va acquérir aujourd'hui, du fait de cette élections, une dimension particulière, surtout parce que les régions nouvelles pourront prendre des initiatives que les régions d'aujourd'hui ne peuvent pas prendre. En tout cas je le souhaite et ce sera l'objet de la discussion des prochains textes de décentralisation.
En raison du caractère particulier de cette élection régionale, se décline notre double volonté :
- Première volonté : nous avons la volonté d'offrir un choix nouveau aux Français. Quand je dis un choix nouveau - je suis très heureux que Jacques Delors, hier soir dans une émission grand public, ait dit les choses de la même manière - entre les deux partis monolithiques et si lourds qui prétendent à eux tous seuls représenter la politique française, les citoyens français ont besoin d'un choix nouveau. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi, nous, librement, de présenter ce choix nouveau. Non pas de rechercher des accords d'appareils qui nous auraient donné des places, comme on voudrait nous y entraîner. Ce ne sont pas des places que nous cherchons, c'est la possibilité pour les Français de s'exprimer et de choisir une voie politique nouvelle et en choisissant cette voie politique nouvelle, d'envoyer un message sans ambiguïté au pouvoir et à l'UMP qui l'incarne, et qui signifiera " vous n'êtes pas les seuls représentants de la sensibilité des citoyens en France, vous devez tenir compte de la diversité des Français et des problèmes concrets qui se posent à eux et pas trancher au sommet pour que tout le monde obéisse à la base ".
- Deuxième volonté : nous voulons gérer différemment les régions. Nous ne voulons plus que les régions soient seulement résumées à une préférence partisane. Nous ne voulons plus que ce soit perpétuellement le combat d'un clan contre un autre clan et ceci explique naturellement le choix que nous avons fait et ma présence à cet instant à Bordeaux.
Alors il faut que je réponde pour vous à trois questions simples : où et comment avons-nous l'intention de mener campagne, sur quels thèmes, et avec quelles lignes directrices ?
1. Je mènerai campagne naturellement dans toute la région. Comme vous le vérifierez dans les textes, cette fois-ci les têtes de listes le sont pour tous les départements à la fois, mais elles doivent être rattachées à un département, c'est ainsi que le législateur l'a voulu. Je suis venu naturellement pour dire ce qu'il en sera et pour vous présenter l'équipe qui va conduire cette liste. Je mènerai la liste des élections régionales en Gironde. Et je voudrais vous présenter celle qui mènera cette liste avec moi, je demande à Véronique Fayet, adjointe au maire de Bordeaux de me rejoindre à cette tribune.
Je voudrais, si vous voulez bien, vous dire un mot de Véronique Fayet. C'est une femme pour qui j'ai beaucoup d'admiration. Elle est, comme vous le savez, dans cette ville, troisième adjointe, adjointe aux affaires sociales. C'est quelqu'un qui a en elle une immense générosité et en même temps une très grande et très profonde loyauté. C'est un chef d'équipe et on va en avoir besoin parce que cette équipe qu'il nous faut bâtir et construire et animer, elle va naturellement devoir le faire particulièrement en raison des responsabilités qui sont les miennes. Véronique Fayet animera cette équipe avec moi.
2. Pourquoi ai-je choisi de me présenter en Gironde, alors que ma terre d'élections, où je suis député, c'est les Pyrénées-Atlantiques et que beaucoup de mes amis souhaitaient, et moi-même affectivement, que je continue comme je l'ai souvent fait à mener la liste dans les Pyrénées-Atlantiques. La réponse est toute simple : cette candidature est symbolique parce que c'est en Gironde que se jouera une part essentielle de cette élection. C'est le département le plus grand de la région, c'est le département le plus peuplé et c'est donc pour moi la manière de montrer que j'ai l'intention, dans cette élection, d'être en première ligne et pas uniquement sur les terres que j'ai si souvent arpentées des Pyrénées. Au demeurant, le lendemain de cette élection, tous les élus sont conseillers régionaux d'Aquitaine. La distinction entre départements disparaît dès l'instant que l'on est élu et le président, si je suis élu, c'est naturellement le président de toute l'Aquitaine. Je ne couperai pas mes liens et mes racines avec les Pyrénées-Atlantiques, mais je mènerai le combat en Gironde, pour montrer symboliquement quelle est la détermination qui nous anime.
3. Sur quels thèmes mènerons-nous campagne ? Il y aura trois chapitres principaux à cette campagne électorale.
Le premier chapitre principal ce seront les jeunes aquitains, parce que, au fond, lorsqu'on a la responsabilité de la région, responsabilité d'éducation, responsabilité de formation, enseignement supérieur et recherche (et toutes ces responsabilités j'essaierai de les présenter différemment de la manière dont on le fait aujourd'hui) on s'occupe des jeunes, mais je suis certain que presque aucun des jeunes Aquitains n'a été invité à participer à la réflexion sur son avenir et il me semble qu'il faut sortir de cette tour d'ivoire.
Deuxième grand axe, le dynamisme aquitain. C'est naturellement des chances économiques de l'Aquitaine qu'il s'agit. De la manière pour les élus, les responsables de soutenir la politique de leur région.
Troisième grand axe, la solidarité aquitaine.
J'aurai l'occasion sur tous ces sujets de faire des propositions précises.
Je voudrais vous dire maintenant sur quel axe nous allons conduire cette campagne et pour cela, le mieux, est que je vous dévoile le slogan que nous avons choisi :
"L'Aquitaine, la vie ensemble."
Je vais essayer de vous expliquer pourquoi nous avons choisi ce slogan.
Le nom ou le mot " la vie " permet de symboliser ce que je disais à l'instant. il y a deux manières de conduire la destinée d'une région : il y a la manière habituelle qui est celle qui est trop souvent appliquée, pas seulement dans cette région-ci, mais dans la plupart des régions françaises, ce sont les élus qui parlent entre eux. Des réunions innombrables - et c'est vrai qu'ils y passent beaucoup de temps - avec les conseillers régionaux, les conseillers économiques et sociaux, les responsables divers des différentes assemblées, mais aucun des habitants de la région ne sait ce qui se passe dans ces assemblées. Je voudrais simplement que vous vous posiez une question simple : un citoyen d'Aquitaine, combien de conseillers régionaux d'Aquitaine connaît-il ? Et vous qui êtes des responsables pour la plupart d'entre vous, demandez-vous vous-mêmes - si vous n'êtes pas conseiller régional - combien vous en connaissez dans votre département ? Combien ont-ils fait de comptes-rendus de mandat ? Quelle est leur intervention dans le débat ? Les assemblées fonctionnent en vase clos. Le fossé qui se creuse entre les élus et le citoyen est toujours plus profond et toujours plus large. J'ai eu l'occasion, vous le savez, de le vérifier récemment dans un scrutin qui a fait couler beaucoup d'encre, qui était le referendum aux Antilles. Tous les élus de Guadeloupe et tous les élus de Martinique, à quelques rarissimes exceptions près, avaient décidé de soutenir le texte présenté et de voter oui, mais la population a voté non parce que les citoyens étaient ceux qu'on avait complètement abandonnés.
Ce que je voudrais dans le mandat du Conseil régional qui vient, dans les six années qui viennent - puisque désormais ce mandat durera six ans - c'est qu'au lieu de parler de dossiers, on parle de la vie des gens, qu'au lieu de parler d'abstractions, on parle du concret. Et je considérerai que nous avons réussi cette campagne si les Aquitains entendent, non seulement la différence politique qui est la nôtre et sur laquelle je reviendrai dans une minute, mais ce que nous allons pouvoir changer dans leur vie, pas dans le journal, dans leur vie ! - encore que les journaux seront très importants, je serais malvenu de défendre une position différente ! Que les Aquitains aient pour leur vie, donc pour leur avenir, des chances que les habitants des autres régions n'ont pas. Quand vous prenez le bilan - je l'ai fait récemment- de la région Aquitaine, il n'est pas négligeable, je ne suis pas là pour dénigrer. Simplement, chacune de ses actions est-elle conduite dans d'autres régions ? La réponse est : dans toutes les autres régions françaises, tous les autres conseils régionaux conduisent des actions semblables, du même ordre. Les trains régionaux, il y en a dans toutes les régions françaises, des programmes de formation, des CFA, il y en a dans toutes les régions françaises. Ce que je voudrais, c'est qu'un Conseil régional comme le nôtre, le Conseil régional d'Aquitaine, défriche des chemins qui n'ont pas été ouverts ailleurs. C'est l'objectif que je me fixe, l'objectif régional pour cette campagne électorale : nous allons proposer des choses qui ne se font nulle part ailleurs. J'espère aussi proposer des choses qui se font ailleurs et qui ne se font pas ici, mais nous allons tenter de montrer qu'on peut inventer des politiques régionales complètement différentes et originales et qui changeront concrètement la vie des gens, qui apporteront quelque chose que les gens n'ont pas aujourd'hui. Donc la vie.
Et "ensemble" parce qu'il me semble qu'il y a sous cet adverbe très simple une originalité, et plus même trois originalités.
- D'abord "ensemble" parce qu'il y a un besoin de cohésion et de solidarité de toute l'Aquitaine. C'est une région, vous le savez bien, en raison de l'absence des équipements routiers en particulier, qui explose. Le Lot-et-Garonne d'un côté, et aussi les Pyrénées-Atlantiques de l'autre qui sont attirées par Midi-Pyrénées, Toulouse, simplement parce qu'on est de Pau à Toulouse en une heure et demie, tandis qu'il faut - certains parmi vous l'ont encore expérimenté aujourd'hui en venant ici- plus de trois heures pour venir à Bordeaux en voiture. Donc, pour quelqu'un comme moi qui a fait toutes ses études à Bordeaux, qui a vécu à Bordeaux et dont les premiers enfants sont nés à Bordeaux, à cette époque-là le lien était un lien naturel entre les Pyrénées et Bordeaux. Mes amis ont tous fait leurs études à Bordeaux. Mais aujourd'hui c'est à Toulouse que les études se font, c'est vers Toulouse que spontanément les étudiants se tournent. Naturellement, cette Aquitaine qui se sépare c'est une menace très lourde pour l'avenir de la région, et le Lot-et-Garonne peut en dire au moins autant. Il y a un besoin de bâtir une volonté régionale, commune et c'est très intéressant de l'offrir à l'Aquitaine.
- Ensemble, ensuite, ce mot doit avoir une dimension sociale. Cette explosion de la région Aquitaine, cet écartement, cette menace sur l'unité, c'est aussi celle de la société française. Je suis très sensible au fait qu'aujourd'hui la vie est plus dure pour ceux pour qui elle est déjà très dure. Lorsque vous avez des enfants étudiants et que vous gagnez le SMIC, lorsque vous êtes dans une grande ville et que vous habitez très près de l'université ou du campus, c'est une chose. Mais lorsque vous habitez à deux cents kilomètres et qu'il faut trouver un logement et que, comme il arrive tout de même assez souvent, vous avez plusieurs enfants, c'est souvent ingérable. C'est trop lourd pour vous. De la même manière lorsque vous êtes en situation de difficulté sociale, la culture ne vous arrive pas. De la même manière la formation n'est pas la même. Et je pourrais ainsi égrener un certain nombre de responsabilités que la région exerce. Faire qu'on se soutienne, qu'on s'entraide, qu'on vive ensemble, c'est pour moi le deuxième objectif. Il est social.
- Ensemble enfin, dans un objectif politique. Je vous l'ai dit, l'originalité de la démarche que l'UDF défendra, non seulement c'est de ne pas accepter d'être dans le même moule, mais si nous n'acceptons pas d'être dans le même moule c'est aussi en particulier parce que nous pensons que dans une région, si elle est bien équilibrée, on devrait obliger les opinions différentes à travailler ensemble. Je ne connais pas de plus grande absurdité que de voir la région monopolisée par la moitié de ses électeurs contre la moitié des autres. Cette espèce de sectarisme dans lequel on vit depuis des années et qui fait que les uns estiment qu'ils ont complètement raison quand les autres estiment qu'ils ont complètement tort, ce n'est pas notre manière de voir dans la famille politique que nous représentons, mais ce n'est pas notre manière de voir en Aquitaine. L'Aquitaine a toujours été - je citais tout à l'heure le nom de Chaban - la région où l'on respectait et où l'on fédérait. C'est d'ailleurs la même chose, fédérer c'est respecter. On ne peut pas fédérer si on ne respecte pas, il faut respecter pour pouvoir rassembler. Nous voulons offrir une nouvelle chance à cette vision politique là. Ensemble.
C'est cette ligne directrice que nous allons défendre tout au long de la campagne électorale. C'est assez drôle parce que cette manière de voir l'Aquitaine, la vie ensemble, c'est presque une redondance, parce que le mot " Aquitaine ", veut dire le pays des eaux mêlées. L'eau c'est la vie. C'est pourquoi cela tombait très bien que nous venions au Café Maritime : vous avez là le rassemblement des eaux de l'Aquitaine qui défile sous vos yeux, c'est aussi une assez jolie image de ce qu'est l'origine et, nous l'espérons, l'avenir de cette région.
Merci beaucoup.
(source http://www.bayrou-aquitaine.net, le 14 janvier 2004)