Texte intégral
Paris accueille cette semaine le forum international sur l'efficacité de l'aide au développement. De quoi s'agit-il ? D'abord, de cerner les objectifs. Naguère, malgré des ambitions souvent floues et disparates qui visaient le court terme, l'aide internationale a connu des réussites : par exemple, l'éradication de l'onchocercose ("cécité des rivières") en Afrique de l'Ouest : 600 000 cas de cécité ont été évités, et les terres arables proches des rivières ont été réoccupées sans risque, permettant de nourrir 17 millions de personnes supplémentaires.
Mais il manquait un cadre de travail mondial. Le sommet des chefs d'Etat du monde, en 2000 à New York, a permis un consensus autour d'"Objectifs du Millénaire pour le développement". Mais cet accord sur les objectifs doit se doubler d'une harmonisation des procédures. Lorsque des dizaines de donateurs interviennent concomitamment, chacun avec ses propres procédures et programmes, le pays d'accueil est confronté à un véritable casse-tête administratif.
Les Objectifs du Millénaire nous fixent donc une ligne d'horizon partagée. Mais avons-nous les moyens de nos ambitions ? Pour diminuer de moitié la pauvreté mondiale d'ici à 2015, on sait qu'il faudra doubler le volume des aides : passer de 65 à 130 milliards de dollars par an, ce qui est peu à côté des 950 milliards de dollars consacrés aux armements. Car le Sud ne connaîtra pas la croissance par le seul moteur du secteur privé.
Prenons un village isolé subsaharien. Les habitants n'y sont ni éduqués ni soignés. Chaque femme accouche en moyenne huit fois. Pas de route, pas de banques, pas d'assurances, pas de services publics. Pourquoi une entreprise privée s'installerait-elle là ? Elle trouverait difficilement de la main-d'oeuvre, sans formation, occupée à cultiver sa subsistance ou à marcher des heures pour chercher un peu d'eau. Seule l'aide internationale, en scolarisant les enfants, en contribuant à la maîtrise de la sexualité reproductive, en apportant des services et des routes, peut ranimer une dynamique de vie.
C'est pourquoi, sous l'impulsion du président de la République Jacques Chirac, la France a engagé un effort substantiel pour augmenter notre aide, en privilégiant l'Afrique. Elle atteindra 0,5 % de notre PIB en 2007. Mais il faudra un vrai sursaut universel pour atteindre vite l'objectif de doubler l'aide globale. Ainsi la France a-t-elle souhaité des taxes internationales innovantes qui permettent des ressources stables et pérennes. Pour l'éducation ou pour la santé, cette permanence est une condition première.
Cet effort engage chaque Français : il en va de la solidarité et de la morale élémentaire. Mais c'est aussi notre intérêt. Car aider le Sud, c'est conjurer des déséquilibres futurs insurmontables. Nous le voyons brutalement avec l'émergence de nouvelles maladies transmissibles : de nouvelles souches de tuberculose, difficilement soignables, sont réapparues en Afrique, du fait de l'extrême misère, et elles ont commencé à toucher l'Europe et le reste du monde. On peut craindre que demain, du fait des conditions sanitaires précaires en Asie, une épidémie de grippe aviaire transmise aux êtres humains ne se généralise.
De même, il est vital de créer des emplois au Sud, pour éviter des migrants qui, souvent au péril de leur vie, veulent s'expatrier en Europe. Les Africains sont aujourd'hui 700 millions. Leur nombre va doubler en trente ans, soit plusieurs fois la population de toute l'Union européenne. Des désordres accrus naîtront de ce décalage inacceptable en soi : une Afrique surpeuplée et sous-développée, aux portes d'une Europe vieillissante et gavée.
Les Objectifs du Millénaire pour le développement ne sont pas hors de portée. Des progrès spectaculaires ont été déjà accomplis. Depuis 1990, 130 millions de personnes sont sorties de l'extrême pauvreté (moins de 1 dollar par jour) ; la famine a régressé ; le taux de mortalité infantile est passé de 8,8 à 7 %. 5 millions d'enfants de moins de cinq ans seront sauvés, chaque année, et 350 millions d'humains supplémentaires auront accès à l'eau potable.
Bouleversés par le tsunami en Asie, les Français ont montré leur générosité et leur engagement humanitaire. Mais l'urgence n'est pas tout. La pauvreté quotidienne tue continûment et en sourdine. Elle est la source de toutes les injustices et de toutes les crises : la guerre et l'obscurantisme y trouvent leur terreau. Chaque jour, 8 000 morts du sida pourraient être évitées. Chaque semaine, deux tsunamis silencieux dévastent les pays pauvres. La mobilisation des opinions est nécessaire. C'est-à-dire de chacun de nous, par fraternité ou par prévoyance. Car la générosité et la précaution font ici cause commune.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 mars 2005)
Mais il manquait un cadre de travail mondial. Le sommet des chefs d'Etat du monde, en 2000 à New York, a permis un consensus autour d'"Objectifs du Millénaire pour le développement". Mais cet accord sur les objectifs doit se doubler d'une harmonisation des procédures. Lorsque des dizaines de donateurs interviennent concomitamment, chacun avec ses propres procédures et programmes, le pays d'accueil est confronté à un véritable casse-tête administratif.
Les Objectifs du Millénaire nous fixent donc une ligne d'horizon partagée. Mais avons-nous les moyens de nos ambitions ? Pour diminuer de moitié la pauvreté mondiale d'ici à 2015, on sait qu'il faudra doubler le volume des aides : passer de 65 à 130 milliards de dollars par an, ce qui est peu à côté des 950 milliards de dollars consacrés aux armements. Car le Sud ne connaîtra pas la croissance par le seul moteur du secteur privé.
Prenons un village isolé subsaharien. Les habitants n'y sont ni éduqués ni soignés. Chaque femme accouche en moyenne huit fois. Pas de route, pas de banques, pas d'assurances, pas de services publics. Pourquoi une entreprise privée s'installerait-elle là ? Elle trouverait difficilement de la main-d'oeuvre, sans formation, occupée à cultiver sa subsistance ou à marcher des heures pour chercher un peu d'eau. Seule l'aide internationale, en scolarisant les enfants, en contribuant à la maîtrise de la sexualité reproductive, en apportant des services et des routes, peut ranimer une dynamique de vie.
C'est pourquoi, sous l'impulsion du président de la République Jacques Chirac, la France a engagé un effort substantiel pour augmenter notre aide, en privilégiant l'Afrique. Elle atteindra 0,5 % de notre PIB en 2007. Mais il faudra un vrai sursaut universel pour atteindre vite l'objectif de doubler l'aide globale. Ainsi la France a-t-elle souhaité des taxes internationales innovantes qui permettent des ressources stables et pérennes. Pour l'éducation ou pour la santé, cette permanence est une condition première.
Cet effort engage chaque Français : il en va de la solidarité et de la morale élémentaire. Mais c'est aussi notre intérêt. Car aider le Sud, c'est conjurer des déséquilibres futurs insurmontables. Nous le voyons brutalement avec l'émergence de nouvelles maladies transmissibles : de nouvelles souches de tuberculose, difficilement soignables, sont réapparues en Afrique, du fait de l'extrême misère, et elles ont commencé à toucher l'Europe et le reste du monde. On peut craindre que demain, du fait des conditions sanitaires précaires en Asie, une épidémie de grippe aviaire transmise aux êtres humains ne se généralise.
De même, il est vital de créer des emplois au Sud, pour éviter des migrants qui, souvent au péril de leur vie, veulent s'expatrier en Europe. Les Africains sont aujourd'hui 700 millions. Leur nombre va doubler en trente ans, soit plusieurs fois la population de toute l'Union européenne. Des désordres accrus naîtront de ce décalage inacceptable en soi : une Afrique surpeuplée et sous-développée, aux portes d'une Europe vieillissante et gavée.
Les Objectifs du Millénaire pour le développement ne sont pas hors de portée. Des progrès spectaculaires ont été déjà accomplis. Depuis 1990, 130 millions de personnes sont sorties de l'extrême pauvreté (moins de 1 dollar par jour) ; la famine a régressé ; le taux de mortalité infantile est passé de 8,8 à 7 %. 5 millions d'enfants de moins de cinq ans seront sauvés, chaque année, et 350 millions d'humains supplémentaires auront accès à l'eau potable.
Bouleversés par le tsunami en Asie, les Français ont montré leur générosité et leur engagement humanitaire. Mais l'urgence n'est pas tout. La pauvreté quotidienne tue continûment et en sourdine. Elle est la source de toutes les injustices et de toutes les crises : la guerre et l'obscurantisme y trouvent leur terreau. Chaque jour, 8 000 morts du sida pourraient être évitées. Chaque semaine, deux tsunamis silencieux dévastent les pays pauvres. La mobilisation des opinions est nécessaire. C'est-à-dire de chacun de nous, par fraternité ou par prévoyance. Car la générosité et la précaution font ici cause commune.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 mars 2005)