Texte intégral
Monsieur le Directeur général,
Mesdames, Messieurs les administrateurs et directeurs,
Je me réjouis à travers votre journée de formation de pouvoir m'adresser à vous qui êtes pour la plupart des personnels en situation d'encadrement dans des établissements adhérents de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés (FEHAP).
Je suis en fonction que depuis trois semaines mais d'ores et déjà je suis parfaitement consciente de l'importance du rôle des directeurs des services et des établissements pour personnes âgées.
Avant d'être en charge des personnes âgées au Gouvernement, je suis comme beaucoup d'entre nous parente de personnes âgées et j'ai pu mesurer le rôle du directeur d'établissement auquel on livre ses angoisses, ses attentes, et dont on attend le réconfort dans un domaine aussi difficile que celui de l'humain.
Vos missions ont ces dernières années considérablement évolué et cette mutation va sans doute se poursuivre.
En introduisant cette session de travail, je souhaitais tout d'abord esquisser avec vous les principales caractéristiques de cette évolution (1) puis aborder quelques-unes unes des conséquences de celles-ci sur vos fonctions (2).
1. Pour commencer, regardons ensemble les quatre facteurs qui ont métamorphosé le secteur des personnes âgées, métamorphose, dont je dois le reconnaître, la société n'est pas encore pleinement consciente.
Premier facteur, bien évidemment, l'évolution démographique, notamment celle qui concerne les plus de 75 ans.
Les plus de 75 ans :
- 3 500 000 au recensement de 1982
- 4 500 000 en 1999
et sont sans doute plus de 5 000 000 aujourd'hui.
Les plus de 80 ans :
- 1 100 000 en 2000,
- 2 200 000 en 2020, c'est-à-dire deux fois plus nombreux.
En 1995, le taux de prévalence de la dépendance était de 1,7 % entre 65 et 69 ans,
de 9 % à 80 ans,
25 % à 85 ans
35 % à 90 ans.
Grâce aux progrès de la médecine, à l'élévation du niveau de vie, ce taux de prévalence diminue et c'est là une excellente nouvelle pour nos aînés qui, globalement, vivent mieux, plus longtemps sont plus longtemps autonomes.
Néanmoins, le nombre de personnes âgées dépendantes va continuer à augmenter du fait d'une croissance démographique de ces tranches d'âge plus rapide que le fléchissement du taux de prévalence de la dépendance.
Selon un scénario médian, le nombre de personnes âgées dépendantes qui était de 800 000 fin 2003 augmenterait de 8 à 9 % d'ici 2010 soit 870 000 personnes et de 25 % d'ici 2020 soit 1 000 000 de personnes environ.
Ce constat me conduit à évoquer un deuxième facteur, celui de l'évolution qualitative de la démographie des établissements.
Dans les années 70, on rentrait en maison de retraite à 65 ans parce qu'on était souvent isolé, que l'on rencontrait des difficultés financières et on restait en maison pour une longue durée, souvent plus de 10 ans. En 2004 ; on rentre dans un EPHAD parce qu'on est âgé (en moyenne 83 ans) et dépendant.
La durée moyenne de séjours a aussi considérablement diminué. Elle est de 400 jours en moyenne et ne dépasse pas souvent 3 ans. De plus en plus de résidents sont désorientés et atteints de la maladie d'Alzheimer.
L'augmentation des pathologies lourdes modifie les conditions de prise en charge des personnes en établissement, et par conséquent les conditions de travail et la nature même des responsabilités de leurs directeurs dans des unités de plus en plus, médicalisées.
Troisième facteur, auquel vous êtes confrontés, celui d'une demande diversifiée de la part des publics et de leur famille.
Finis en effet, les hospices de 250 lits, les chambres communes et les services standardisés.
A juste titre, nos concitoyens formulent une demande de services humanisés, d'unités de petite taille. Offrir un accompagnement personnalisé et une fin de vie digne à nos aînés est une exigence morale, médicale, sociale.
Pour les malades atteints d'Alzheimer, les familles comme les professionnels souhaitent des unités autonomes, des accueils de jour, des hébergements temporaires.
La diététique est entrée dans les établissements de même que les actions d'animation et celles visant à développer la vie sociale des résidents quel que soit leur âge et leur état.
Quatrième facteur résultant des précédents, la transformation des missions des établissements. Chargés d'accueillir, d'héberger, de nourrir et de blanchir les résidents, les établissements doivent désormais assurer des missions plus complètes qu'auparavant et plus exigeantes en terme de qualité.
Ces missions concernent la prise en charge de soins, celle de la dépendance. Elles relèvent finalement d'une approche personnalisée de l'individu. Elles doivent s'attacher à prendre en compte les phénomènes de la maltraitance et les exigences législatives qui rendent obligatoires un contrat de séjour, un livret d'accueil, ou encore un conseil de la vie sociale.
Tous ces changements ont bien évidemment une incidence sur vos fonctions, c'est ce que je souhaiterais aborder maintenant.
2. Les mutations des établissements s'accompagnent nécessairement d'une mutation de la fonction de direction.
Faut-il réinventer cette fonction comme le suggère l'intitulé de cette journée ? Il faut en tout cas la faire évoluer.
Pour le personnel comme pour les cadres de direction, ce n'est pas la même chose que de gérer des murs, un hébergement, de la restauration pour une population d'âge moyen de 65 ans et de gérer les mêmes fonctions auxquelles s'ajoutent les soins, la prise en charge des fonctions d'autonomie et l'accompagnement en fin de vie.
Première conséquence, une évolution nécessaire de vos qualifications, de vos cursus de formation pour des attributions qui exigent une approche toujours plus humaine de votre mission.
Comme vous le savez, un décret de qualification des directeurs doit être publié en application de la loi de rénovation sociale et médico-sociale du 2 janvier 2002. Une pré-version a été transmise aux générations récemment, et il sera tenu le plus grand compte de cette consultation pour l'élaboration du texte définitif : nous n'imposerons pas une formation et les qualifications préalables qui ne soient pas réalistes et qui ne tiennent pas compte à la fin des caractéristiques des établissements gérés et de l'expérience des hommes ou des femmes en poste depuis plusieurs années. Je crois savoir que la FEHAP a quelques observations à faire valoir sur cette question.
Je voulais aussi vous affirmer ma volonté de rendre le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement social (CAMES) accessible par la validation des acquis de l'expérience (VAE)
Deuxième conséquence, des moyens d'intervention bien sûr. Le plan de réforme de la dépendance à travers les moyens nouveaux de la CNSA complétés par ceux de l'ONDAM apportera d'ici 2007 des réponses fortes et financièrement significatives pour notre pays. Pour en avoir discuté avant hier avec votre directeur général, M. RIFFARD, je sais que les moyens dégagés n'entraînent pas pour vos établissements une réponse suffisamment pertinente notamment au travers de la fameuse DOMINIC +35 %.
Pour les établissements accueillant de nombreuses personnes âgées très dépendantes (plus de la moitié des résidents en GIR 1 ET 2) et parmi elles des personnes atteintes de pathologies de type Alzheimer, le calcul de la dotation a été modifié et revient à une DOMINIC + 56 %. C'est une première réponse et il est difficile à ce stade d'aller au-delà, les dépassements ont été trop importants et compromettent l'achèvement de la réforme de la tarification.
Mais je suis disposée à continuer à rechercher avec vous les options les plus appropriées notamment pour les petites structures sachant qu'il convient aussi de se projeter dans l'avenir et de continuer à améliorer le taux d'encadrement des établissements au-delà de 2007.
Troisième conséquence, une évolution des fonctions managériales pour adapter les agents aux nouvelles attentes en terme de lutte contre la maltraitance, de sécurité, de prévention des épidémies et d'organisation pour faire face aux situations d'urgence.
Un directeur doit donc avoir une culture de projet de vie, savoir organiser son établissement de manière à stimuler les capacités des résidents.
Il est aussi le garant d'une bonne organisation et d'une bonne distribution des soins.
Pour conclure, comment ne pas rappeler que vous êtes des acteurs majeurs de la gérontologie, discipline en pleine évolution dont l'image doit être positivée au même titre que l'image de la vieillesse elle-même.
Notre société doit s'adapter aux défis de l'évolution de sa démographie. Certains métiers sont en plein devenir. Les repenser pour offrir de vraies perspectives de carrière est indispensable.
Pour autant, faut-il réinventer la fonction de direction en gérontologie ?
Sans doute mais je ne souhaite pas ce faisant, mésestimer la qualité de ceux qui y travaillent depuis des années. Je leur rends hommage. Il faut donc partir de l'existant, du socle de vos compétences actuelles et les enrichir pour mieux répondre aux nouvelles attentes.
Cette adaptation, c'est aussi l'objectif que je me fixe pour l'État, pour que les pouvoirs publics accompagnent eux aussi cette révolution de la longévité.
Je vous remercie.
(Source http://www.fehap.fr, le 22 novembre 2004)
Mesdames, Messieurs les administrateurs et directeurs,
Je me réjouis à travers votre journée de formation de pouvoir m'adresser à vous qui êtes pour la plupart des personnels en situation d'encadrement dans des établissements adhérents de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés (FEHAP).
Je suis en fonction que depuis trois semaines mais d'ores et déjà je suis parfaitement consciente de l'importance du rôle des directeurs des services et des établissements pour personnes âgées.
Avant d'être en charge des personnes âgées au Gouvernement, je suis comme beaucoup d'entre nous parente de personnes âgées et j'ai pu mesurer le rôle du directeur d'établissement auquel on livre ses angoisses, ses attentes, et dont on attend le réconfort dans un domaine aussi difficile que celui de l'humain.
Vos missions ont ces dernières années considérablement évolué et cette mutation va sans doute se poursuivre.
En introduisant cette session de travail, je souhaitais tout d'abord esquisser avec vous les principales caractéristiques de cette évolution (1) puis aborder quelques-unes unes des conséquences de celles-ci sur vos fonctions (2).
1. Pour commencer, regardons ensemble les quatre facteurs qui ont métamorphosé le secteur des personnes âgées, métamorphose, dont je dois le reconnaître, la société n'est pas encore pleinement consciente.
Premier facteur, bien évidemment, l'évolution démographique, notamment celle qui concerne les plus de 75 ans.
Les plus de 75 ans :
- 3 500 000 au recensement de 1982
- 4 500 000 en 1999
et sont sans doute plus de 5 000 000 aujourd'hui.
Les plus de 80 ans :
- 1 100 000 en 2000,
- 2 200 000 en 2020, c'est-à-dire deux fois plus nombreux.
En 1995, le taux de prévalence de la dépendance était de 1,7 % entre 65 et 69 ans,
de 9 % à 80 ans,
25 % à 85 ans
35 % à 90 ans.
Grâce aux progrès de la médecine, à l'élévation du niveau de vie, ce taux de prévalence diminue et c'est là une excellente nouvelle pour nos aînés qui, globalement, vivent mieux, plus longtemps sont plus longtemps autonomes.
Néanmoins, le nombre de personnes âgées dépendantes va continuer à augmenter du fait d'une croissance démographique de ces tranches d'âge plus rapide que le fléchissement du taux de prévalence de la dépendance.
Selon un scénario médian, le nombre de personnes âgées dépendantes qui était de 800 000 fin 2003 augmenterait de 8 à 9 % d'ici 2010 soit 870 000 personnes et de 25 % d'ici 2020 soit 1 000 000 de personnes environ.
Ce constat me conduit à évoquer un deuxième facteur, celui de l'évolution qualitative de la démographie des établissements.
Dans les années 70, on rentrait en maison de retraite à 65 ans parce qu'on était souvent isolé, que l'on rencontrait des difficultés financières et on restait en maison pour une longue durée, souvent plus de 10 ans. En 2004 ; on rentre dans un EPHAD parce qu'on est âgé (en moyenne 83 ans) et dépendant.
La durée moyenne de séjours a aussi considérablement diminué. Elle est de 400 jours en moyenne et ne dépasse pas souvent 3 ans. De plus en plus de résidents sont désorientés et atteints de la maladie d'Alzheimer.
L'augmentation des pathologies lourdes modifie les conditions de prise en charge des personnes en établissement, et par conséquent les conditions de travail et la nature même des responsabilités de leurs directeurs dans des unités de plus en plus, médicalisées.
Troisième facteur, auquel vous êtes confrontés, celui d'une demande diversifiée de la part des publics et de leur famille.
Finis en effet, les hospices de 250 lits, les chambres communes et les services standardisés.
A juste titre, nos concitoyens formulent une demande de services humanisés, d'unités de petite taille. Offrir un accompagnement personnalisé et une fin de vie digne à nos aînés est une exigence morale, médicale, sociale.
Pour les malades atteints d'Alzheimer, les familles comme les professionnels souhaitent des unités autonomes, des accueils de jour, des hébergements temporaires.
La diététique est entrée dans les établissements de même que les actions d'animation et celles visant à développer la vie sociale des résidents quel que soit leur âge et leur état.
Quatrième facteur résultant des précédents, la transformation des missions des établissements. Chargés d'accueillir, d'héberger, de nourrir et de blanchir les résidents, les établissements doivent désormais assurer des missions plus complètes qu'auparavant et plus exigeantes en terme de qualité.
Ces missions concernent la prise en charge de soins, celle de la dépendance. Elles relèvent finalement d'une approche personnalisée de l'individu. Elles doivent s'attacher à prendre en compte les phénomènes de la maltraitance et les exigences législatives qui rendent obligatoires un contrat de séjour, un livret d'accueil, ou encore un conseil de la vie sociale.
Tous ces changements ont bien évidemment une incidence sur vos fonctions, c'est ce que je souhaiterais aborder maintenant.
2. Les mutations des établissements s'accompagnent nécessairement d'une mutation de la fonction de direction.
Faut-il réinventer cette fonction comme le suggère l'intitulé de cette journée ? Il faut en tout cas la faire évoluer.
Pour le personnel comme pour les cadres de direction, ce n'est pas la même chose que de gérer des murs, un hébergement, de la restauration pour une population d'âge moyen de 65 ans et de gérer les mêmes fonctions auxquelles s'ajoutent les soins, la prise en charge des fonctions d'autonomie et l'accompagnement en fin de vie.
Première conséquence, une évolution nécessaire de vos qualifications, de vos cursus de formation pour des attributions qui exigent une approche toujours plus humaine de votre mission.
Comme vous le savez, un décret de qualification des directeurs doit être publié en application de la loi de rénovation sociale et médico-sociale du 2 janvier 2002. Une pré-version a été transmise aux générations récemment, et il sera tenu le plus grand compte de cette consultation pour l'élaboration du texte définitif : nous n'imposerons pas une formation et les qualifications préalables qui ne soient pas réalistes et qui ne tiennent pas compte à la fin des caractéristiques des établissements gérés et de l'expérience des hommes ou des femmes en poste depuis plusieurs années. Je crois savoir que la FEHAP a quelques observations à faire valoir sur cette question.
Je voulais aussi vous affirmer ma volonté de rendre le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement social (CAMES) accessible par la validation des acquis de l'expérience (VAE)
Deuxième conséquence, des moyens d'intervention bien sûr. Le plan de réforme de la dépendance à travers les moyens nouveaux de la CNSA complétés par ceux de l'ONDAM apportera d'ici 2007 des réponses fortes et financièrement significatives pour notre pays. Pour en avoir discuté avant hier avec votre directeur général, M. RIFFARD, je sais que les moyens dégagés n'entraînent pas pour vos établissements une réponse suffisamment pertinente notamment au travers de la fameuse DOMINIC +35 %.
Pour les établissements accueillant de nombreuses personnes âgées très dépendantes (plus de la moitié des résidents en GIR 1 ET 2) et parmi elles des personnes atteintes de pathologies de type Alzheimer, le calcul de la dotation a été modifié et revient à une DOMINIC + 56 %. C'est une première réponse et il est difficile à ce stade d'aller au-delà, les dépassements ont été trop importants et compromettent l'achèvement de la réforme de la tarification.
Mais je suis disposée à continuer à rechercher avec vous les options les plus appropriées notamment pour les petites structures sachant qu'il convient aussi de se projeter dans l'avenir et de continuer à améliorer le taux d'encadrement des établissements au-delà de 2007.
Troisième conséquence, une évolution des fonctions managériales pour adapter les agents aux nouvelles attentes en terme de lutte contre la maltraitance, de sécurité, de prévention des épidémies et d'organisation pour faire face aux situations d'urgence.
Un directeur doit donc avoir une culture de projet de vie, savoir organiser son établissement de manière à stimuler les capacités des résidents.
Il est aussi le garant d'une bonne organisation et d'une bonne distribution des soins.
Pour conclure, comment ne pas rappeler que vous êtes des acteurs majeurs de la gérontologie, discipline en pleine évolution dont l'image doit être positivée au même titre que l'image de la vieillesse elle-même.
Notre société doit s'adapter aux défis de l'évolution de sa démographie. Certains métiers sont en plein devenir. Les repenser pour offrir de vraies perspectives de carrière est indispensable.
Pour autant, faut-il réinventer la fonction de direction en gérontologie ?
Sans doute mais je ne souhaite pas ce faisant, mésestimer la qualité de ceux qui y travaillent depuis des années. Je leur rends hommage. Il faut donc partir de l'existant, du socle de vos compétences actuelles et les enrichir pour mieux répondre aux nouvelles attentes.
Cette adaptation, c'est aussi l'objectif que je me fixe pour l'État, pour que les pouvoirs publics accompagnent eux aussi cette révolution de la longévité.
Je vous remercie.
(Source http://www.fehap.fr, le 22 novembre 2004)