Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du gouvernement, à Europe 1 le 23 décembre 2004, sur notamment la libération des otages français détenus en Irak, MM. Christian Chesnot et Georges Malbrunot.

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Circonstance : Libération des otages français détenus en Irak, MM. Christian Chesnot et Georges Malbrunot, le 22 décembre 2004

Média : Emission Journal de 8h - Europe 1

Texte intégral

QUESTION : On peut aujourd'hui parler des "ex-otages français en Irak". Chacun a exprimé son soulagement, sa joie d'un tel dénouement à la veille d'une période de festivités, d'autres. L'équipe dirigeante du Parti socialiste, par exemple, vous demande la transparence sur les conditions dans lesquelles cette libération a pu être obtenue. "C'est le moment des explications", dit le socialiste J.-M. Ayrault. Est-ce que c'est déplacé ou est-ce que c'est légitime ?
Jean-François COPE (Réponse) : C'est légitime. La demande de transparence, cela fait naturellement partie de la logique même d'une grande démocratie comme la nôtre. Je crois que les Français - pas que les responsables du Parti socialiste - ont toute légitimité à savoir les choses, d'autant que c'est vrai que cette épreuve qui a été très douloureuse, vécue par nos deux compatriotes, a été, je crois, aussi, un moment de rassemblement, de solidarité, de fraternité, assez exceptionnel, on l'a rappelé toute la journée d'hier et donc oui, c'est parfaitement légitime...
QUESTION : Alors, en toute transparence, qu'est-ce que l'on peut dire ? Les clefs de la libération de nos deux compatriotes, quelles sont-elles ?
Jean-François COPE (Réponse) : Vous comprenez que je ne sois pas le mieux placé aujourd'hui pour vous le dire, d'abord parce que l'événement de leur retour est extrêmement récent, puisque cela date d'hier, et que bien entendu cela va être maintenant le temps de la parole. Chacun va avoir l'occasion de parler, de raconter. Il y aura une part, naturellement, très émotionnelle, mais aussi une part d'explications, de récit de tout ce qui s'est passé. Et bien sûr viendra alors le temps de la transparence et chacun saura exactement ce qu'il en a été.
QUESTION : Mais avant que ce temps n'arrive, quelques précisions tout de même : il n'y a pas eu de rançon ?
Jean-François COPE (Réponse) : Non, ni demande ni versement.
QUESTION : Il n'y a pas eu de dons, de défraiements quelconques ?
Jean-François COPE (Réponse) : Non, pas à ma connaissance.
QUESTION : La politique de la France, son attitude en Irak, ont-elles aidé à ce dénouement heureux ?
Jean-François COPE (Réponse) : Ce que nous avons les uns et les autres expliqué - c'était notamment le cas du Premier ministre et régulièrement de M. Barnier, de M. Alliot- Marie, D. de Villepin, de votre serviteur -, c'était qu'en réalité, durant toute cette période, nous avons évidemment fait feu de tout bois pour faire en sorte de mettre en uvre tous les contacts que l'on pouvait avoir dans la région, afin bien entendu d'établir la possibilité d'un dialogue, d'une discussion, qui nous permettait effectivement d'arriver à ce dénouement heureux. Et c'est vrai que de ce point de vue, le travail mis en uvre par l'ensemble des services français, que ce soit les services diplomatiques, la DGSE, tout cela a donné lieu, vraiment, je crois, à un travail très rigoureux et qui a permis cet heureux dénouement.
QUESTION : Ce sont eux, qu'il faut remercier, les services secrets ?
Jean-François COPE (Réponse) : C'est autant la DGSE que le Quai d'Orsay et puis surtout, je crois, de manière générale, l'ensemble de ceux qui ont absolument, dans une chaîne de solidarité fantastique, permis cette libération. Vous savez, c'est un travail de fourmis et quand, à plusieurs reprises, et le Premier ministre et un certain nombre de ministres, dont M. Barnier, ont demandé la discrétion, c'est parce qu'un travail comme celui-là exige la discrétion. Et je dois dire que de ce point de vue, les journalistes français ont été, dans leur ensemble, tout à fait remarquables, en terme d'éthique, parce que c'est vrai que cette discrétion était indispensable.
QUESTION : On a eu l'impression que tout est arrivé, là, en quelques heures, de façon un petit peu imprévue. Le Président était en visite privée à Marrakech, une atmosphère de vacances semblait régner sur l'exécutif. Comment se sont passées ces heures ?
Jean-François COPE (Réponse) : Pour autant, sur tous ces sujets, d'ailleurs comme sur tous ceux de l'activité gouvernementale, nous restons, naturellement, les uns et les autres, très actifs et très mobilisés. Et pour ce qui concerne ce qui a conduit à la libération de monsieur Chesnot et de monsieur Malbrunot, le moins que l'on puisse dire c'est que notre mobilisation a été permanente.
QUESTION : Le mot est un peu mystérieux, on parle de "débriefing", c'est un langage militaire...
Jean-François COPE (Réponse) : C'est même journalistique.
QUESTION : C'est militaire d'abord. Qu'attendent les autorités françaises d'un débriefing de deux otages ?
Jean-François COPE (Réponse) : Je crois déjà que l'idée est de recouper toutes les informations, tous les faits, toutes les rumeurs, tout ce qui a circulé pendant tous ces mois et qui doit permettre de bien comprendre comment se sont déroulées les différentes étapes. C'est aussi une manière de mieux connaître encore l'atmosphère, l'ambiance, et comment tout cela s'est passé. Je crois que c'est instructif aussi pour l'avenir.
QUESTION : Vous confirmez que l'intermission de D. Julia n'a que desservi la cause des otages ?
Jean-François COPE (Réponse) : Oui, c'est la démonstration d'une véritable irresponsabilité de bout en bout.
QUESTION : Des voix s'élèvent pour demander son exclusion de l'UMP.
Jean-François COPE (Réponse) : Cela relève à la fois de l'exécutif du groupe parlementaire de l'UMP et puis bien sûr de l'exécutif du parti, l'UMP, que de décider de ce qu'il en sera de D. Julia.
QUESTION : Aujourd'hui, selon vous, un Français peut travailler à la reconstruction en Irak, qu'il soit journaliste, qu'il soit entrepreneur ?
Jean-François COPE (Réponse) : Tout doit se faire, et on a eu l'occasion de le rappeler à de nombreuses reprises sous l'égide de la Communauté internationale. C'est vraiment ça le mot clef, sur le plan politique comme sur le plan économique.
QUESTION : On pense ce matin au dernier otage français, I. Bétancourt.
Jean-François COPE (Réponse) : Oui.
QUESTION : Pas de début d'espoir la concernant ?
Jean-François COPE (Réponse) : Si ce n'est les contacts que nous multiplions là encore, tous azimuts, pour obtenir la libération d'I. Bétancourt. Mais c'est vrai, le président de la République l'a rappelé, nous pensons beaucoup à elle.
QUESTION : Revenons sur la scène intérieure. Les députés se sont séparés hier, et jusqu'à la mi-janvier. Le budget 2005 a été adopté définitivement, sur une base de 2,5 % de croissance, le ministre des Finances serait content avec 2. N'a-t-on pas péché par optimisme sur cette prévision de croissance et le budget ne nous réserve-t-il pas quelques mauvaises surprises l'année prochaine ?
Jean-François COPE (Réponse) : D'abord, je crois qu'il ne faut pas en parler au passé, parce que je rappelle quand même que l'année 2005 n'a pas encore commencé. Nous avons bâti cette hypothèse, en l'occurrence N. Sarkozy et D. Bussereau il y a quelques mois, sur la base de ce que l'on appelle le "consensus des économies". On fait ça tous les ans : on prend la moyenne de ce qu'anticipent les économistes pour 2005. Et à ce stade, je le dis ici clairement, comme a pu le dire également H. Gaymard, il n'y a aucune raison de revenir sur cette perspective de croissance, sur cet objectif de croissance. Il y a en revanche un objectif, c'est d'aller chercher la croissance, dixième par dixième, avec les dents. En clair, cela veut dire qu'il faut se bouger, cela veut dire que toutes les mesures que nous avons préparées dans ce budget, qu'il s'agisse de certains allègements fiscaux en faveur de l'investissement, en faveur de l'embauche, qu'il s'agisse des mesures que nous prenons pour stimuler la feuille de paie des Français, eh bien tout cela va dans le même sens : aller chercher la croissance.
QUESTION : La consommation va bien. Est-ce que ce n'est pas un peu artificiel, parce que la fin de l'année, cela a été le succès du déblocage de l'épargne salariale, cela a été les dons facilités ? Pensez-vous vraiment que c'est un outil de tendance ?
Jean-François COPE (Réponse) : Reconnaissez avec moi que la vie est cruelle. Quand les indicateurs ne sont pas bons, on dit que vraiment rien ne va ! Et quand ils sont bons, on dit que c'est
artificiel !
QUESTION : Là, je dis qu'ils sont bons, mais que cela vaut peut-être pour un mois et pas pour les onze qui suivent...
Jean-François COPE (Réponse) : C'était déjà bon dans le mois précédant, alors, "les onze qui suivent"... Je rappelle qu'il y a d'autres mesures qui continuent d'être applicables, y compris en faveur de la consommation. Notre objectif est simple : quand on baisse l'impôt sur le revenu, comme on l'a fait depuis deux ans et demi, quand on augmente le Smic au bénéfice d'un million de personnes et quand on met en place des dispositifs pour alléger les charges sociales et faciliter l'embauche, tout ça, c'est quoi ? C'est pour fluidifier l'économie. Quand on met en place, ce qui va être le cas en 2005, un dispositif pour permettre à ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus, de pouvoir le faire, même chose. Et nous allons continuer comme ça. Nous allons maîtriser la dépense publique, parce que c'est vrai que quand la dépense publique dérape, cela pèse sur l'économie, parce que la dépense publique, quand il y en a trop, qu'elle n'est pas maîtrisée, elle coûte cher à tout le monde et elle n'est pas efficace. Donc, en 2005, mon travail, avec H. Gaymard, ça va être ça : ça va être la dépense publique efficace, que chaque Français sache que chaque euro qu'il verse en impôts donne lieu à du service public plus efficace. Sinon, on ne le fait pas, on le fait autrement.
QUESTION : Vous allez commencer l'année 2005 avec des fonctionnaires dans la rue.
Jean-François COPE (Réponse) : L'idée, ce n'est pas uniquement ça. L'année 2005, c'est de rappeler que l'on va tous ensemble faire bouger les choses, y compris pour moderniser l'Etat et y compris au bénéfice des fonctionnaires. Parce que je crois qu'il faut se garder dans ce domaine de toute caricature : au-delà de la revalorisation générale des rémunérations qui a été proposée par le ministre de la Fonction publique, il y a tout un travail que l'on peut faire pour chaque fonctionnaire. Faire en sorte que pour chacun d'entre eux il y ai une perspective de carrière, il y ait plus de considération, il y ait tout un travail dont il soit le premier bénéficiaire à travers la modernisation de l'Etat. Et c'est de ça dont on veut discuter avec eux.
QUESTION : Dernière question : qui conduira la campagne du référendum sur la Constitution ?
Jean-François COPE (Réponse) : C'est une question dont je ne comprends jamais très bien le sens !
QUESTION : Tout le monde ?
Jean-François COPE (Réponse) : Mais pas tout le monde. Le Premier ministre en tant que patron du Gouvernement et patron de la majorité, le président de l'UMP en tant que principal parti de la majorité, et nous tous...
QUESTION : Et le Premier secrétaire du PS...
Jean-François COPE (Réponse) : Sans doute du côté du PS, bien sûr. Mais enfin, je vais vous dire une chose : on ne sera jamais trop nombreux pour faire campagne pour le "oui". C'est absolument capital et, de ce point de vue, l'année 2005 est un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte, parce qu'il s'agit de prendre date pour faire réussir l'Europe.
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 décembre 2004)