Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, sur la réforme de la formation professionnelle, notamment l'accord national interprofessionnel relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, Paris le 16 novembre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Rencontres Liaisons sociales sur la réforme de la formation professionnelle à Paris le 16 novembre 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
C'est avec plaisir que je suis présent aujourd'hui devant vous pour clôturer cette journée de rencontres sur la réforme de la formation professionnelle. Je tenais à remercier Liaisons Sociales en la personne de son rédacteur en chef, Monsieur Denis Boissard, pour cette invitation.
Si j'en juge par le nombre de participants et le nombre de demandes qui vous sont parvenues, je ne peux que me réjouir de l'intérêt suscité par cette manifestation et également par l'intérêt que remporte ce sujet central pour notre société qu'est la formation professionnelle tout au long de la vie.
Les débats auxquels vous avez participés aujourd'hui ont été riches et ont permis de mettre en évidence les principales questions soulevées par les opérateurs de terrain que vous êtes sur la réforme initiée par la loi du 4 mai 2004.
Je ne vais pas revenir sur l'ensemble des sujets qui ont alimenté le débat mais l'occasion m'est donné aujourd'hui de faire un point d'étape de la réforme. Avant de mettre en évidence et de présenter les enjeux que nous devons tous relever, je vais d'abord, si vous le voulez bien, revenir sur l'origine de la réforme.
Une des questions largement évoquée au moment des débats a été les causes de cette réforme. Encore une nouvelle réforme, pour quoi faire ?
Laissez-moi ici rappelez quelques éléments de contexte : notre système de formation professionnelle, et c'était un constat largement partagé, souffrait de certaines insuffisances et dysfonctionnements, notamment de l'inégalité d'accès à la formation et du défaut de lisibilité des responsabilités et des dispositifs.
Ce constat, partagé par tous, a conduit les partenaires sociaux à ouvrir des négociations sur la formation professionnelle qui ont abouti à la signature d'un accord national interprofessionnel relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle le 20 septembre 2003, accord signé par l'ensemble des organisations patronales et syndicales représentatives au niveau national.
Je tiens à saluer le travail mené par les partenaires sociaux et souligner la qualité de cet accord. Je rappelle que, tout au long de la négociation de cet accord, le Gouvernement n'avait cessé de rappeler la nécessité d'un aggiornamento de notre système de formation.
Sitôt cet accord signé, le Gouvernement a, par conséquent, souhaité présenter au Parlement un texte qui s'est traduit par le vote de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
Cette loi permet de rénover les modalités d'accès des salariés à la formation tout en redéfinissant l'articulation entre la formation professionnelle et le temps de travail.
Je ne vais pas détailler ici le détail de la loi qui vous est désormais familière et dont vous avez eu l'occasion de débattre aujourd'hui mais laissez-moi cependant insister sur certaines de ses avancées comme :
- le droit individuel à la formation qui offre au salarié un temps de formation de 20 heures par an cumulables sur 6 ans, - les périodes de professionnalisation qui visent l'acquisition d'une qualification reconnue et la mise en place du contrat de professionnalisation,
- la rénovation du plan de formation dont l'architecture est désormais rénovée afin de distinguer les actions d'adaptation au poste de travail, les actions liées à l'évolution des emplois ou participant au maintien dans l'emploi et enfin, les actions de développement des compétences.
Toutes ces évolutions étaient nécessaires pour une meilleure lisibilité, un accès simplifié, et plus égal, à la formation mais également, est-il besoin de le préciser pour une plus grande adaptation des salariés aux besoins des entreprises.
Quels sont les enjeux à relever ?
Nous avons désormais des outils rénovés. Ils doivent nous permettre de faire face aux enjeux de la formation professionnelle et, dans le cadre du plan de cohésion sociale, préparé sous l'égide de Jean-Louis Borloo, de favoriser le maintien ou le retour dans l'emploi.
Les décrets d'application de la loi ont été rapidement présentés au conseil national de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi. Ils ont fait l'objet d'une concertation entre les différents ministères et pour certains d'entre eux d'un avis du Conseil d'Etat.
Les décrets principaux permettant une application de la loi sont désormais parus, environ cinq mois après la publication de la loi ce qui, vous l'accorderez, est un délai raisonnable dans ce type d'exercice.
Conformément au souhait du législateur, la mise en uvre de certaines dispositions de la loi, comme la définition des conditions d'application du droit individuel à la formation et des contrats et périodes de professionnalisation, a été confiée à la négociation des partenaires sociaux permettant ainsi de renforcer les politiques de branche.
Vous pourrez ainsi constater combien ma démarche est pragmatique. Il ne s'agit pas d'opposer le rôle de la loi et celui du contrat, ou de plaider pour le tout accord d'entreprise. Je n'ai qu'un souci : parvenir à une bonne complémentarité entre le législateur et les partenaires sociaux d'une part, et à une articulation dynamique entre le niveau de la branche et celui de l'entreprise pour la négociation collective.
Et nous avons montré combien le niveau de la branche restait fondamental dans le domaine de la formation professionnelle.
Les partenaires sociaux se sont engagés très rapidement dans les négociations nationales au niveau interprofessionnel et dans les branches professionnelles. Certains accords sont déjà conclus, dans les secteurs les plus importants en terme de salariés comme l'agriculture, le bâtiment et les travaux publics, l'industrie et la métallurgie. D'autres sont en cours de finalisation dans les secteurs des services.
Les premiers accords seront étendus lors de la séance de la sous-commission de la négociation collective le 29 novembre prochain.
Le travail est donc désormais bien engagé au sein de chacune des branches. Les premiers accords conclus ont permis de constater que les partenaires sociaux se sont saisis des marges de manuvre offertes par le législateur.
Je comprends les inquiétudes qui ont pu apparaître sur le terrain et qui se sont traduites par la crainte que les modalités d'accès à la formation ne soient pas connues suffisamment à temps. Je voulais rappeler devant vous que le cadre législatif est en place, d'une part par la loi du 4 mai, et d'autre part par les décrets qui l'accompagnent. Les accords de branche viendront préciser certaines dispositions mais l'essentiel de la réforme peut d'ores et déjà être appliquée.
Chaque réforme nécessite un travail important de réflexion, de construction et de concertation. Désormais, le cadre législatif est en place et il vous appartient, directeurs des ressources humaines, responsables de formation, consultants et conseils en formation, de la mettre en uvre.
Je l'admets, c'est une tâche qui peut sembler difficile car elle nécessite de l'énergie et oblige à revoir chaque organisation en appréhendant différemment le volet formation de chaque entreprise.
Mais vous le reconnaîtrez également avec moi, cette réforme a le mérite de vous mettre en situation d'analyser les besoins de vos entreprises en matière de savoir-faire. Vous pourrez ainsi mobiliser de nouveaux outils afin de permettre à vos entreprises d'accompagner les changements. Vous réaliserez donc le lien nécessaire entre la stratégie de l'emploi et la formation.
Un récent sondage, publié dans les colonnes du quotidien " La Tribune " indiquait que vous étiez 91 % à penser que cette loi était une bonne chose et que cette réforme aurait des aspects positifs sur les perspectives d'évolution professionnelle des salariés, leur employabilité, leur motivation et leur productivité.
Cette réforme est un enjeu majeur pour les entreprises et les salariés. Nous allons passer d'un droit à la formation à la reconnaissance du droit à la professionnalisation pour les salariés qui vont devenir acteurs de leur formation.
Cette réforme donne un nouveau cadre à la formation continue des salariés, en enrichissant ses modes d'accès et en fixant de nouveaux objectifs. Elle s'inscrit ainsi pleinement dans la réforme en cours des dispositifs de restructurations économiques de la loi de cohésion sociale. Car l'objectif est de faciliter la sécurité professionnelle des salariés dans une économie ouverte. Pour cela, l'outil de la formation professionnelle tout au long de la vie est essentiel, et le droit individuel à la formation, le DIF, en est un élément de base. Il sera d'ailleurs utilisé, très concrètement, pour la convention de reclassement personnalisé, dont bénéficieront tous les salariés, notamment ceux des PME, en cas de licenciement économique.
Je vous encourage à investir dès maintenant dans cette nouvelle donne qui va permettre à l'entreprise de prendre davantage en compte les réalités et d'anticiper, dans cette perspective, les besoins de compétence des salariés, en lien avec ses stratégies de développement économique.
Il est impératif que chacun se saisisse de ce nouveau contexte et s'approprie cette réforme qui fait le lien entre stratégie de l'emploi et la formation. C'est un enjeu gagnant-gagnant pour les entreprises et les salariés :
- pour les entreprises, ce nouveau contexte va leur permettre d'anticiper et de gérer les évolutions professionnelles et les qualifications nécessaires pour demain,
- pour les salariés de développer leur employabilité en s'adaptant aux nouveaux besoins de l'entreprise.
L'erreur serait, je crois, de considérer le contenu de la loi comme une charge supplémentaire sans revoir profondément chaque organisation.
Nous sommes aujourd'hui à un tournant et il revient à chacun de se mobiliser. Notre système de formation professionnelle tel qu'il existait ne pouvait répondre aux exigences de demain. Nous disposons désormais d'un outil nouveau permettant de faire face aux enjeux qui se présentent à nous dont celui de la gestion des âges.
Est-il besoin de rappeler que la France détient un double record : celui de l'entrée la plus tardive sur le marché du travail et celui de la sortie la plus précoce.
Le contrat et les périodes de professionnalisation apportent une première réponse à cette question :
- en permettant aux jeunes de se former aux métiers dont l'entreprise a besoin,
- en permettant aux salariés dont la qualification devient inadaptée aux évolutions technologiques et aux salariés en seconde partie de carrière de rester durablement insérés dans le monde du travail par une adaptation de leurs compétences.
La négociation que les partenaires sociaux vont bientôt ouvrir sur l'emploi des seniors sera, à cet égard, fondamentale. Le Gouvernement la suivra avec une très grande attention. Nous avons pris nos responsabilités avec la réforme des retraites en 2003, la balle est désormais dans le camp des partenaires sociaux pour favoriser l'allongement des carrières, le maintien dans l'emploi des salariés âgés et la reconnaissance de nouvelles formes d'emploi.
En guise de conclusion, je voulais vous dire qu'il est aujourd'hui encore trop tôt pour esquisser un premier bilan de la loi qui doit maintenant être appliquée sur le terrain. Nous serons attentifs au bilan de mise en uvre du droit individuel à la formation que les partenaires sociaux se sont engagés à réaliser fin 2006, et à celui de la mise en uvre générale de l'accord fin 2008.
Ces bilans permettront de vérifier que les dispositifs ont répondu aux trois grandes questions posées par le diagnostic : celles de l'égalité d'accès à la formation, de la dimension qualifiante et de la lisibilité du système.
Mais la réponse dépend d'abord de vous. Je sais pouvoir compter sur votre implication dans cette réforme.
Je vous remercie pour votre attention.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 19 novembre 2004)