Interviews de M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, à France Inter le 30 août 2004 et à Radio Classique le 31 août 2004, sur l'université d'été du MEDEF, les mesures annoncées par le gouvernement sur l'assouplissement des 35 heures et la hausse du SMIC.

Prononcé le

Média : France 2 - Radio Classique - Télévision

Texte intégral

France Inter -
E.-A. Seillière, président du Medef
Q- Est-ce l'Europe qui menace les 35 heures ? Si c'était le cas, comment dès lors répondre à la concurrence des nouveaux pays entrants, où les coûts salariaux sont beaucoup plus faibles que les pionniers européens ? Le pragmatisme revendiqué par le Medef, qui ouvre aujourd'hui son université d'été, prône la remise en cause des acquis sociaux, à commencer par la remise en cause des 35 heures, au nom de la réalité économique, et s'interroge sur la conception française de la solidarité. C'est une posture qui, outre les syndicats, interpelle aussi la politique gouvernementale.
Travailler plus et gagner moins en Europe, on l'a vu chez Volkswagen, chez Sinas, est-ce du pragmatisme à vos yeux, E.-A. Seillière ?
R - "D'abord, si vous voulez, il ne s'agit pas de travailler plus pour gagner moins. Il s'agit de s'organiser, au niveau des entreprises, pour pouvoir maintenir l'emploi, développer l'entreprise, gagner plus, et si besoin est travailler plus. La manière dont on a, dans notre pays, par la loi, imposé - comme on le fait en matière de circulation, "interdit de rouler à plus de 35" -, à toutes les entreprises, est quelque chose qui, dès l'origine, a été ressenti dans les entreprises comme une contrainte unique au monde. Depuis lors, et cela fait maintenant sept ans, les choses ont évolué. Et l'on voit l'opinion manifester de façon évidente, et le débat naître, pas du fait du Medef, du fait de la société française qui s'inquiète en se disant : pouvons-nous, nous, maintenir ce modèle législatif, limitatif de travail - alors que, dans le monde entier, parce que la réalité économique est celle de la concurrence ? On se dit : oui, il faut, en effet, probablement travailler plus pour pouvoir tenir le coup. Et le Medef dans cette affaire, s'est mis un peu en retrait. Il dit maintenant : société française, réglez le problème que vous vous êtes créés à vous-mêmes. Et nous les entrepreneurs, bien entendu, nous sommes demandeurs pour nos salariés, j'y reviens, pour des contreparties, pour plus de pouvoir d'achat, pour plus de travail, que l'on modifie, en effet, ce que l'on a imposé de façon aussi générale et brutale."
Q-Mais concevez-vous, vous, le patron des patrons, votre responsabilité éthique et morale ? Il existe aujourd'hui malheureusement, un risque de chantage : chantage aux délocalisations, chantage à l'emploi. Comment faire en sorte que l'entreprise ne bascule pas dans cette forme de rapports de forces ?
R - "D'abord, si vous voulez, nous faisons une grande partie de notre université d'été sur la questions des mots. Les mots, l'intelligence. L'abstraction est-elle au pouvoir chez nous ou s'agit-il de regarder la réalité dans sa diversité ? C'est ce que nous appelons la microdécision. L'entreprise, est un projet, un projet qui met en place des équipes, des équipes de talents, avec quelqu'un qui met en oeuvre des choses que l'on appelle, en effet, le patron. Tout ceci, aujourd'hui, est une réalité dans laquelle le conflit, le chantage sont des mots inventés pour généraliser ce qui peut exister ici ou là. Il y a 2 millions d'entreprises en France. Il y a trois ou quatre entreprises qui, la plupart d'ailleurs dans des groupes multinationaux actuellement, pour une question de survie et pas de chantage, de survie... On leur dit : vous avez la commande, si vous êtes capables de me fournir tel prix. On se retourne vers les salariés, on leur dit : êtes-vous d'accord pour faire un effort pour que l'on ait cette commande, qu'on garde notre emploi, qu'on reste ensemble ? Alors, on appelle cela du chantage, et tout le monde est parti derrière ce mot, comme à la chasse à courre."
Q-Mais il y a un danger de brèche quand même, vous le savez bien...
R - "Non, il n'y pas un danger de brèche, il y a en réalité une réalité à regarder. Non pas de manière générale, comme on le fait toujours en France au nom d'idéologies, mais dans le détail de chaque entreprise, où nous revendiquons, au nom de la liberté, que l'on puisse, par la négociation, entre ceux qui ont le projet d'entreprise, c'est-à-dire, les salariés, les cadres et le patron, en réalité, tenir le coup. C'est ce que nous demandons ; que l'on donne à l'entreprise la possibilité de négocier avec ses salariés la manière dont on organise... Et avec des contreparties, bien sûr. Pas forcément les contreparties voulues par les syndicats dans l'interprofessionnel, les grand-messes du soir et de la nuit, non. Ce que chacun peut trouver dans la réalité de son entreprise, c'est-à-dire : j'ai une commande, eh bien je vous donnerais, si nous la réalisons dans telles ou telles condition, un mois en plus de salaire, ou d'ailleurs je ne sais pas quoi, des stock-options, la participation dans l'entreprise, de l'intéressement. Il n'y a pas que la réglementation pour faire les choses. Chacun peut inventer en réalité sa solution. C'est ce que nous demandons."
Q-En attendant, c'est quand même une définition du pragmatisme que vous poussez assez loin, et d'ailleurs vous le reconnaissez vous-même dans l'entretien que vous avez accordé au Figaro Magazine, ce week-end. Vous remettez en cause une certaine définition de la solidarité à la française tout de même. Ce que fait J.-L. Borloo, ce n'est pas votre tasse de thé.
R - "La définition de la "solidarité à la française" cela ne veut rien dire. Que va-t-on être capables de financer ? Comment peut-on faire mieux en s'organisant mieux - c'est d'ailleurs la réforme des grands systèmes qui est en cause ? Et donc, nous faisons, nous, entreprises, aujourd'hui, un gros effort pour que l'on sorte de ces approches générales qui, d'ailleurs, politiquement, mènent à des affrontements et à l'immobilisme. Parce que, figurez-vous, on accuse beaucoup le pauvre M. Raffarin de faire la politique du Medef... Le Medef s'inscrit totalement en faux. Depuis que M. Raffarin est là, on n'a rien eu pour l'entreprise ! Pouvez-vous me citer une mesure pour l'entreprise, dans les domaines clés ? Les 35 heures, on n'a rien fait. La restructuration, on n'a rien fait. Le Smic, bien entendu, nous demandions..."
Q-C'est même la grande colère du patronat ...
R - "Nous l'avons toujours dit. En trois ans, monter le Smic de 17 %, mais on va perdre des emplois ! On n'a rien fait ! On a espérer que l'on ferait quelque chose, il y avait des membres du Gouvernement qui le souhaitaient. On a bien entendu arbitrer contre l'intérêt de l'emploi et de l'entreprise. Sur les prélèvements, on n'a rien fait. Même sur le service minimum : on s'était engagé en juillet à faire des choses, on n'a rien fait. Donc, ne nous y trompons pas. Actuellement, nous avons un gouvernement qui s'intéresse à énormément de choses, mais il s'intéresse assez peu à l'entreprise."
Q-Etes-vous en train de nous dire peut-être que vous trouvez au fond plus d'écoute du côté des syndicats ? Parce - je fais à nouveau référence au Figaro Magazine -, vous trouvez les syndicalistes français très réalistes...
R - "Ecoutez, chaque fois que nous pouvons mener une négociation avec les syndicats, nous menons en fait vers un accord. C'est que nous l'avons fait dans le domaine de la formation, nous l'avons fait dans le domaine de l'assurance chômage - et d'ailleurs, nous avons vu, hélas ! l'affaire des recalculés, beaucoup d'accords que nous avions pris ont été remis en cause. Nous l'avions fait dans l'affaire des intermittents, avec les syndicats. Mais chaque fois, la société française intervient en disant que ce que les partenaires sociaux décident ensemble et ce dont ils conviennent, ça ne nous va pas, alors on ne le laisse pas faire. Nous sommes pour le dialogue social, nous sommes pour la micro-décision dans l'entreprise et nous pensons d'ailleurs que c'est comme cela que l'on restera compétitifs, parce que nous sommes bien entendu plein d'espoir. Notre université d'été, vous allez le voir, va ressortir avec un message d'optimisme, que la France ça tourne. Alors, on met un point d'interrogation parce qu'il faut qu'en effet, ceux qui nous dirigent ne se mettent pas dans une situation d'immobilisme. Je ne vous cache pas que nous sommes assez inquiets de voir actuellement les affrontements entre les uns et les autres risquer de mener à des périodes de tension. Nous avons deux ans et demi devant nous"
Q-Mais c'est le président de la République qui a donné la donne sociale, vous le savez bien ?
R - "Je ne suis pas là pour parler politique..."
Q-Vous en faites quand même, forcément un peu.
R - "Forcément un peu, mais je suis là pour dire en tout cas au Gouvernement que sa responsabilité est claire. C'est dans les deux années et demi qui viennent, pendant lesquelles il n'y a pas "d'élections politiques" devant nous, qu'il faut avancer, et avancer très vite, justement vers plus de souplesse, moins d'obstacles, moins de rigidités. Les entrepreneurs veulent embaucher, parce qu'ils ont des commandes potentielles : il ne les prennent souvent pas, parce que les choses sont trop rigides et trop bloquées dans notre pays. Alors, je vous en prie - c'est un appel que nous lançons -, pendant la fin du quinquennat, ouvrez grands les chemins du réalisme, sortez des blocages idéologiques, faites du pragmatisme et laissez-nous travailler dans la liberté, avec nos salariés, pour plus de pouvoir d'achat."
Q-Mais où verriez-vous aujourd'hui ce que vous appelez le "blocage idéologique" ? Encore une fois, sans faire de la "politique politicienne", mais néanmoins, un président de la République qui appuie beaucoup sur la fibre sociale et un ministre de l'Economie - je lis, à la Une des Echos ce matin : "Bercy envisage une baisse de l'impôt sur les sociétés"... Est-ce que c'est votre coup de colère sur le Smic qui
R - "Mais bien entendu ! On a mis - ce sont les socialistes à l'époque, et on a évidemment fait la même chose à l'alternance : on a dit qu'on ne peut pas mettre en place les 35 heures et faire payer en effet 17 % de plus le Smic, avec tout ce qui va avec, du point de vue de la hiérarchie des salaires. On va faire de l'allègement de charges, financé par le contribuable ? On ne l'a pas demandé ! On nous a imposé tout ceci. Alors, aujourd'hui, on nous dit : "on ne vous le donne pas" ! On répond : "C'est un engagement, vous ne le prenez pas ? On n'est pas content !". Bien entendu, nous sommes en négociation extrêmement serrée et extrêmement tendue actuellement avec le Gouvernement, pour avoir, pour les entreprises, ce à quoi on s'est engagé. Et si on ne le donne pas - parce que je pense que c'est probablement ce que l'on veut faire -, bien entendu, d'avoir ailleurs des contreparties. Et nous avons dit que si l'on ne fait pas ça, et que finalement, dans tous les arbitrages, sur la Défense, sur le Smic, sur tout le reste, c'est une fois de plus sur l'entreprise que l'on fait peser la charge, alors, ne nous y trompons pas, vous aurez de la délocalisation, les gens ne voudront plus travailler ici pour faire des entreprises et pour les développer. Nous menons donc un combat pour le maintien dans notre pays des entreprises, de l'emploi, de la réussite, de la croissance et de l'emploi. Et nous sommes là-dessus très engagés."
Q-Est-ce que l'université d'été du Medef envisage un scénario qui serait, pour faire court, le départ d'un ministre de l'Economie et des Finances, qui s'appellerait N. Sarkozy, de son ministère ? Et qu'est-ce que vous feriez ?
R- "N. Sarkozy ne vient pas parler aux entrepreneurs de politique à l'université d'été. Il vient parler du renouvellement des générations, ce qui est, paraît-il, un sujet qui l'intéresse, comme beaucoup d'autres. Alors nous verrons bien ce qu'il a nous dire. Mais, vous savez, nous ne faisons pas, nous, de choix en matière politique. Ce que nous attendons, c'est un gouvernement qui soit décidé et qui soit organisé pour pouvoir faire évoluer la société française, pour que celle-ci fasse de l'emploi et de la croissance. C'est ce que demande la France, et les entrepreneurs le demandent avec elle."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 août 2004)
Radio Classique - 8h15 - Invité d'E. Cugny :
E.-A. Seillière, président du Medef
La sixième université d'été du Medef s'est ouverte hier après-midi à Jouy-en-Josas précisément sur le campus de HEC. C'est chaque année, le grand rendez-vous patronal de la rentrée, une grande fête de famille, où l'on travaille et on réfléchit beaucoup. Cette année, le thème retenu est : "Ca tourne ? Mécanisme et étincelle du monde contemporain". Radio Classique reçoit ce matin le président du Medef. Bonjour E.-A. Seillière.
- "Bonjour. "
Q- Vous accueillez depuis hier donc quelque 2000 personnes, chefs d'entreprises, écrivains, hommes politiques et puis hier, en plénière, un invité nommé N. Sarkozy. L'applaudimètre a failli exploser littéralement. On peut dire qu'entre le Medef et le ministre de l'Economie, c'est l'entente cordiale ?
R- - "Vous savez, la tribune au cours de laquelle s'est exprimé N. Sarkozy, qui venait pour la quatrième fois aux universités d'été, et donc qui est un habitué de nos débats où il prend part avec beaucoup de flammes, comme toujours, comportait également N. de Tavernost, le patron de M6, H. de Castries, président d'AXA et même J.-P. Huchon, le président de la région Ile-de-France, dont on sait qu'il est socialiste. Tout ceci était un débat, un débat d'idées sur un thème passionnant d'ailleurs : c'est le renouvellement des générations et tout ce qui implique dans les différents domaines de la société française. "
Q- Alors N. Sarkozy ne s'est pas vraiment exprimé sur les 35 heures ou les grands dossiers qui vous animent. Il a plutôt lancé un coup de griffes à J. Chirac plaidant pour le renouvellement des générations en politique. On pouvait quand même attendre plus de la part d'un ministre de l'économie devant un parterre de chefs d'entreprises ? Non ?
R- - "Ce n'est pas du tout le sentiment qu'ont eu les quelque 1500 auditeurs de ce passionnant échange de vue. On a eu plutôt le sentiment qu'on ne trouvait pas de conflit de générations dans notre pays et que c'était très important de le constater. Que d'ailleurs la responsabilité et la capacité d'agir dans les domaines ne dépendaient en rien de l'âge, mais beaucoup plus de la passion, de l'engagement, bien entendu de la compétence. Et donc la vision que nous avons de notre pays sur ce problème des générations dans tous les domaines, aussi bien politique, économique, qu'artistique ou autre, était beaucoup plus optimiste et unitaire qu'on aurait pu le penser. Et je crois que tout le monde au fond a constaté, une fois encore, que quand le Medef organise un débat, c'est plutôt pour constater que l'optimisme règne dans notre pays et qu'il faut avoir confiance. "
Q- E.-A. Seillière, N. Sarkozy donc n'a pas fait profil bas hier devant les patrons ?
R- - "Pas du tout. D'ailleurs si vous voulez, ça fait maintenant des années qu'il dit qu'un dirigeant politique français qui éviterait d'avoir le contact [avec] l'ensemble des entrepreneurs français manquerait évidemment le contact avec une partie tout à fait essentielle et centrale de la société civile. "
Q- Alors vous-même, E.-A. Seillière, vous avez nettement durci le ton à l'encontre de J.-P. Raffarin. Vous dites : "depuis que Raffarin est là, on n'a rien eu pour l'entreprise". Est-ce que l'on peut dire que le torchon brûle ?
R- - "Non, pas du tout. Vous savez, en démocratie chacun s'exprime et que l'université d'été, c'est surtout l'occasion pour nous d'avoir le contact avec notre terrain. De la France entière, les entrepreneurs viennent pour ce grand échange intellectuel et donc on sent bien le climat. Eh bien le climat en effet est raide. Les entrepreneurs français disent : Que se passe-t-il ? Pendant l'été, on a eu le sentiment qu'on allait avoir des choses qui sont essentielles pour l'avenir des entreprises, c'est-à-dire l'étalement du SMIC dont chacun sait que son augmentation à 17 % est tout à fait démesurée par rapport aux capacités de l'économie de notre pays. On avait également cette question de l'allègement des charges sur lequel le Gouvernement s'était engagé par la loi et sur lesquelles on revenait. Et donc je dirais on a eu une atmosphère véritablement tout à fait déçue. Et de ce fait, on s'est entre nous dit : Mais qu'est-ce qui s'est passé depuis qu'il y a eu l'alternance ? Y a-t-il eu dans les différents domaines directement de l'intérêt de l'entreprise quelque chose qui s'est passé ? Et en réalité, on a passé en revue les choses - les 35 heures, les prélèvements, le code du travail, le service minimum - et le constat est simple : il ne s'est rien passé. Et donc nous disons aujourd'hui : Voilà deux ans et demi maintenant devant nous d'un quinquennat sans élection, en dehors du référendum européen qui n'est pas une élection à terme. Allons-y, maintenant il faut faire en sorte que les entreprises françaises aient envie d'investir, de se développer et de bien sûr faire de l'emploi dans notre pays. "
Q- Donc aujourd'hui, on peut parler véritablement de désenchantement de la part des chefs d'entreprises ?
R- - "Non ! Au contraire, je dirais, nous ne sommes pas du tout désenchantés, mais nous sommes, je dirais impatients et demandeurs de ce qu'on se mette à agir. Nous serions désenchantés si nous avions le sentiment que le Gouvernement était décidé à ne pas le faire. "
Q- Alors le Gouvernement justement envisage un allègement de l'impôt sur les sociétés. Votre réaction ?
R- - "Ecoutez, il y a eu en réalité tout cet été et encore ce dernier week-end des discussions assez serrées avec le Gouvernement, qui en quelque sorte renonce à ses engagements sur les allègements de charges qui sont les conséquences qu'il a lui-même mis en place de l'augmentation accélérée des rémunérations, notamment des rémunérations peu qualifiées du fait des 35 heures. Alors à partir du moment où on nous a dit, on ne le fera pas, on le fera seulement en partie, le Gouvernement de lui-même a dit : écoutez, il faut peut-être en effet que l'on cherche une manière de ne pas continuer à prélever sur les entreprises autant qu'on le faisait avant, puisqu'on ne leur donne pas les allègements de charges, que d'ailleurs nous n'avons jamais demandés mais qui sont la conséquence directe des 35 heures. "
Q- Donc c'est acquis : l'allègement de l'impôt sur les sociétés ?
R- - "Ah ! Non, absolument pas. C'est une idée qui a pointé, je dirais dans les cercles gouvernementaux, quand on s'est rendu compte qu'on faisait en effet aux entreprises tellement une mauvaise manière en renonçant à l'allègement de charges qui est un engagement de l'Etat. Il cherche, je dirais, des compensations. Pour les entreprises, ce n'est pas du tout la même chose. Avoir une heure de travail qui augmente du fait qu'on ne met pas en place les allègements de charges auxquels, qu'on a promis, ce n'est pas du tout la même chose, que d'avoir évidemment un enlèvement par exemple de la surtaxe Juppé. Mais tout de même l'enlèvement sur la surtaxe Juppé, si elle était acquise, représenterait une diminution en effet des charges sur les entreprises qui n'est pas négligeable. "
Q- Donc là vous applaudissez ?
R- - "Non, on n'applaudit pas du tout. Vous savez c'est une surtaxe provisoire qui a été mise en place il y a huit ans, ça fait huit ans qu'on attend qu'elle soit enlevée. Si on le fait aujourd'hui, je ne vais pas dire que ce soit un miracle. "
Q- Alors autre projet du Gouvernement, E.-A. Seillière, c'est une hausse de la taxe d'apprentissage. On passerait de 0,5 % aujourd'hui à 0,7 % et, en contrepartie, les entreprises qui embaucheraient des apprentis bénéficieraient d'un crédit d'impôt ?
R- - "Là, c'est quelque chose qui touche à la capacité qu'ont les entrepreneurs et notamment les entrepreneurs des entreprises petites et moyennes, de se mettre directement à faire de l'apprentissage. Ce n'est pas par la pression de l'argent qu'on déclenche dans une entreprise l'envie d'avoir un apprenti. C'est quand - et ça nous le faisons beaucoup par une campagne ardente -, quand on convainc l'entrepreneur que c'est son intérêt de mettre en place par la formation la relève de son personnel. Et donc en maniant là, comme il en a l'intention semble-t-il, des flux d'argent qui comme toujours quand on commence à les regarder du côté du Gouvernement, consistent à croître les prélèvements d'une manière ou d'autre, nous avons évidemment énormément de vigilance sur ce sujet capital. Nous sommes pour l'apprentissage, nous pensons que c'est quelque chose qui est non seulement je dirais du devoir, mais l'intérêt des entrepreneurs pour former la jeunesse et organiser la relève, nous ne sommes pas partisans de ces manoeuvres financières qui consistent d'une manière ou d'une autre à racler encore sur l'entreprise du prélèvement pour essayer de favoriser je ne sais quelle autre dépense. "
Q- Vous rencontrez je crois demain, J.-L. Borloo. C'est ça ?
R- - "Non, nous rencontrons M. Larcher qui est un des ministres de son équipe"
Q- Mardi prochain en l'occurrence ?
R- - "M. Borloo vient à l'université d'été, mais quand un ministre vient à l'université d'été, ce n'est absolument pas pour traiter les problèmes que je dirais pendants, c'est pour s'exprimer avec nous et réfléchir avec nous sur d'autres sujets. Et donc M. Borloo vient participer à une réflexion sur la société française et son évolution. "
Q- Alors la rencontre avec G. Larcher justement, le ministre délégué aux Relations du travail, est prévue mardi prochain. Qu'allez-vous lui dire ? On voit notamment en ce moment, il discute avec les syndicats, donc les partenaires sociaux, les discussions se poursuivent et ces syndicats critiquent largement les délocalisations notamment. Donc ce sera au coeur des discussions ?
R- - "Il est tout à fait nécessaire que le gouvernement entende les partenaires sociaux. D'ailleurs je vous rappelle en passant que quand le Medef se rend devant un ministre pour une consultation, il le fait bien entendu en tant que partenaire social, mais il le fait aussi en tant que représentant des entrepreneurs. Il y a autre chose dans la représentation du Medef que la simple expression des problèmes sociaux. Nous, nous avons en charge la création du Produit Intérieur Brut et de la croissance. Il faut donc faire attention à ce que l'on nous écoute quand on dit que l'envie de faire, l'envie d'investir, l'envie d'innover dans notre pays peuvent être en question, parce que les rigidités sont trop fortes et qu'on n'y touche pas parce que les prélèvements sont trop forts et qu'on n'y touche pas. Donc nous avons, je dirais, à faire entendre la voix de l'entrepreneur en même temps que la voix du partenaire social. "
Q- On parlait tout à l'heure de N. Sarkozy. Autre invité, hier : le président de la région Ile-de-France, qui lui alors là a été hué pour le coup. Le socialiste J.-P. Huchon a appelé le Medef à ne pas cautionner les actions de groupes comme Bosch ou Doux, qui sont revenus sur les 35 heures. Alors quelle réponse apportez-vous
à M. Huchon ?
R- "M. Huchon a été largement applaudi et je crois qu'à un moment de son propos, il y a eu des réactions dans la salle, mais nous sommes toujours extrêmement courtois et respectueux de toutes les opinions et notamment lorsqu'un dirigeant socialiste a l'amabilité et le courage, certainement d'une certaine manière, de venir devant une assemblée d'entrepreneurs de notre pays et nous apprécions beaucoup, beaucoup sa présence et nous l'avons vivement remercié. Alors sur les affaires de délocalisation, d'abord nous avons protesté avec véhémence contre le fait que l'on utilise le même terme de "chantage" pour l'attitude des assassins potentiels en Irak vis-à-vis de vos confrères et pour les propositions que font une ou deux entreprises dans notre pays à leurs salariés parce qu'il risque de ne pas y avoir la commande qui permettrait de maintenir l'emploi. Et que l'on propose à ceux-ci de remonter quelque peu leur travail. Mais vous savez, passer de 35 heures à 36 heures pour sauver 800 emplois, c'est quelque chose qui a été compris par les syndicats ou certains syndicats qui ont été d'accord pour le faire. Alors c'est une proposition que l'on fait aux salariés parce que c'est ça la réalité économique et que c'est le devoir du chef d'entreprise que d'y faire face. Il n'y a pas de chantage et cette expression nous choque. Quant à l'affaire Doux, vous comprenez quand il s'agit de remonter de 32 heures à 35 heures le travail dans une entreprise, je ne peux pas dire non plus que nous considérions ici que ce soit le cas courant. Donc il y a eu deux exemples, il y a deux millions d'entreprises et j'aimerais bien qu'on vienne bien considérer une fois pour toute que quand il y a un cas, il ne faut pas généraliser. "
Q- E.-A. Seillière, rapidement pour terminer, passer cette sixième université d'été, donc qui se poursuit jusqu'à demain, quel sera le cheval de bataille du Medef pour cette année ?
R- "La liberté. La liberté pour les entreprises de s'organiser avec leurs personnels dans le cadre de négociation d'entreprise, avec la priorité du contrat, du contrat négocié dans l'équipe que forme chaque entreprise sur le projet d'entreprise et que ces contrats aient priorité sur l'application du règlement de la loi, voire même de l'accord interprofessionnel qui par son ampleur ne saisit pas la réalité de l'entreprise et sa diversité. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 31 août 2004)