Texte intégral
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureuse d'être à l'Institut d'études politiques de Dijon aujourd'hui, et je voudrais remercier son directeur, M. Lukas Macek, de me donner l'occasion de cette rencontre avec vous sur un sujet sur lequel j'ai entrepris, depuis le début de l'année, un dialogue avec les Français : l'avenir de la construction européenne et le traité constitutionnel pour l'Europe.
Parce que cette rencontre doit être d'abord un échange, je vais être courte, pour avoir tout le temps de vous entendre et de débattre avec vous.
Je voudrais, dans ces quelques mots d'introduction, rappeler brièvement le chemin qui nous a conduit jusqu'à cette étape essentielle dans la marche de l'Europe qu'est le traité constitutionnel. En cinquante ans, le projet européen a changé de nature. Les commémorations de la libération des camps de concentration nazis, cette semaine, nous ont rappelé que l'Europe a été inventée pour en finir avec le passé, celui des guerres, celui de la barbarie, celui de la négation de la dignité et de la valeur de la personne humaine. Forte de ses valeurs, unie dans la mémoire qui doit rester vivante, et déterminée à rester vigilante et mobilisée face aux fléaux latents du racisme et de l'antisémitisme, l'Europe est devenue, aujourd'hui, un projet pour construire l'avenir. Ce moment délicat de transition entre deux projets, c'est celui que nous vivons aujourd'hui.
L'année dernière, l'élargissement à dix pays d'Europe centrale et orientale a marqué l'accomplissement de la mission de paix que s'était donnée l'Europe, en effaçant les traces de la guerre froide. Aujourd'hui la paix sur notre continent, cet équilibre pourtant si fragile comme l'actualité nous l'enseigne chaque jour, est devenue une évidence pour les jeunes Européens. Une évidence comme la liberté de circuler partout en Europe, comme la liberté d'y étudier - et je voudrais saluer dans la salle les étudiants originaires de nombreux pays de l'Europe élargie qui suivent actuellement le cycle européen de l'IEP Dijon -, une évidence comme la prospérité retrouvée, malgré les crises.
Et c'est toute la difficulté : au moment où le projet devient réalité, il s'efface inévitablement des mémoires de ceux-là mêmes qui en bénéficient. C'est alors que renaissent les divisions, comme la crise irakienne l'a si bien montré en 2004. L'Europe ne peut donc continuer d'avancer que si elle se réinvente sans cesse. Pendant longtemps, l'Europe a été surtout un marché intérieur et une politique de la concurrence. Nous leur devons beaucoup. Le marché commun a créé 2,5 millions d'emplois depuis 1993 et généré plus de 800 milliards d'euros de richesse supplémentaire. La politique de la concurrence a changé la vie des consommateurs que nous sommes tous, en faisant baisser les prix de services essentiels comme le téléphone ou des transports. C'est à l'Europe que l'on doit des métamorphoses aussi spectaculaires que celle de l'Irlande, passée en vingt ans de parent pauvre de l'Europe au statut de pays européen le plus riche par habitant aujourd'hui.
Ces réussites, le monde entier nous les envie. Certains Etats membres voudraient s'en satisfaire, et limiter l'Europe à un espace commun de prospérité et de libre échange. En France, notre vision n'est pas celle-là. Notre pays, avec l'Allemagne à ses côtés, a constamment oeuvré pour que l'Europe devienne plus qu'un marché. Nous voulons faire de l'Union un système de valeurs communes et une puissance capable de promouvoir ces valeurs dans le monde. En d'autres termes, une Europe politique.
Nous sommes déjà à mi-chemin de ce projet. Depuis une dizaine d'années, l'Union a élargi ses compétences à des domaines beaucoup plus politiques: je pense par exemple à la sécurité, à la justice et à l'immigration. Je pense bien sûr à la Politique étrangère de sécurité et de défense : la défense européenne a fait, en dix ans, des progrès spectaculaires, en grande partie grâce à la France et au Royaume-Uni, qui la rendent capable, aujourd'hui, de mener des opérations autonomes de maintien de la paix comme l'opération ARTEMIS au Congo en 2003, ou d'assurer la relève de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine.
Mais cette Europe politique, voulue dès l'origine par les fondateurs français de l'Europe, est encore en gestation. Elle représente aujourd'hui le vrai défi de la construction européenne, un projet ambitieux et difficile parce que nous devons convaincre beaucoup de nos partenaires. Elle ne peut voir le jour que si nous lui donnons des moyens nouveaux, à la hauteur de son ambition. C'est la raison d'être de la Constitution européenne, voulue par la France dont le rôle, comme vous le savez, a été central dans la préparation de ce traité. L'objet de la Constitution européenne, c'est précisément de poser les fondations de l'Europe politique :
- en proclamant les valeurs de l'Union, et en leur donnant force de loi à travers la Charte des droits fondamentaux intégrée dans le traité. Parmi ces valeurs, celle de solidarité et de progrès social occupe une place centrale dans la Constitution ;
- en renforçant les compétences les plus politiques de l'Union, pour en faire de véritables politiques communes. C'est tout particulièrement le cas de la politique de justice, de sécurité et d'immigration ;
- en donnant à l'Europe, sur la scène internationale, les moyens d'être aussi influente politiquement qu'elle l'est économiquement. C'est pour y parvenir que le traité dote l'Union d'un ministre des Affaires étrangères et qu'il renforce considérablement la politique de défense européenne.
Vous l'aurez compris, cette Constitution est l'aboutissement de cinquante ans d'efforts français pour faire de l'Europe, non seulement un marché, mais aussi et surtout un acteur capable d'imposer ses valeurs et ses règles dans le jeu sauvage de la mondialisation. Plus que jamais, l'Europe nous regarde. A nous de nous donner les moyens de notre ambition de toujours
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1e février 2005)
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureuse d'être à l'Institut d'études politiques de Dijon aujourd'hui, et je voudrais remercier son directeur, M. Lukas Macek, de me donner l'occasion de cette rencontre avec vous sur un sujet sur lequel j'ai entrepris, depuis le début de l'année, un dialogue avec les Français : l'avenir de la construction européenne et le traité constitutionnel pour l'Europe.
Parce que cette rencontre doit être d'abord un échange, je vais être courte, pour avoir tout le temps de vous entendre et de débattre avec vous.
Je voudrais, dans ces quelques mots d'introduction, rappeler brièvement le chemin qui nous a conduit jusqu'à cette étape essentielle dans la marche de l'Europe qu'est le traité constitutionnel. En cinquante ans, le projet européen a changé de nature. Les commémorations de la libération des camps de concentration nazis, cette semaine, nous ont rappelé que l'Europe a été inventée pour en finir avec le passé, celui des guerres, celui de la barbarie, celui de la négation de la dignité et de la valeur de la personne humaine. Forte de ses valeurs, unie dans la mémoire qui doit rester vivante, et déterminée à rester vigilante et mobilisée face aux fléaux latents du racisme et de l'antisémitisme, l'Europe est devenue, aujourd'hui, un projet pour construire l'avenir. Ce moment délicat de transition entre deux projets, c'est celui que nous vivons aujourd'hui.
L'année dernière, l'élargissement à dix pays d'Europe centrale et orientale a marqué l'accomplissement de la mission de paix que s'était donnée l'Europe, en effaçant les traces de la guerre froide. Aujourd'hui la paix sur notre continent, cet équilibre pourtant si fragile comme l'actualité nous l'enseigne chaque jour, est devenue une évidence pour les jeunes Européens. Une évidence comme la liberté de circuler partout en Europe, comme la liberté d'y étudier - et je voudrais saluer dans la salle les étudiants originaires de nombreux pays de l'Europe élargie qui suivent actuellement le cycle européen de l'IEP Dijon -, une évidence comme la prospérité retrouvée, malgré les crises.
Et c'est toute la difficulté : au moment où le projet devient réalité, il s'efface inévitablement des mémoires de ceux-là mêmes qui en bénéficient. C'est alors que renaissent les divisions, comme la crise irakienne l'a si bien montré en 2004. L'Europe ne peut donc continuer d'avancer que si elle se réinvente sans cesse. Pendant longtemps, l'Europe a été surtout un marché intérieur et une politique de la concurrence. Nous leur devons beaucoup. Le marché commun a créé 2,5 millions d'emplois depuis 1993 et généré plus de 800 milliards d'euros de richesse supplémentaire. La politique de la concurrence a changé la vie des consommateurs que nous sommes tous, en faisant baisser les prix de services essentiels comme le téléphone ou des transports. C'est à l'Europe que l'on doit des métamorphoses aussi spectaculaires que celle de l'Irlande, passée en vingt ans de parent pauvre de l'Europe au statut de pays européen le plus riche par habitant aujourd'hui.
Ces réussites, le monde entier nous les envie. Certains Etats membres voudraient s'en satisfaire, et limiter l'Europe à un espace commun de prospérité et de libre échange. En France, notre vision n'est pas celle-là. Notre pays, avec l'Allemagne à ses côtés, a constamment oeuvré pour que l'Europe devienne plus qu'un marché. Nous voulons faire de l'Union un système de valeurs communes et une puissance capable de promouvoir ces valeurs dans le monde. En d'autres termes, une Europe politique.
Nous sommes déjà à mi-chemin de ce projet. Depuis une dizaine d'années, l'Union a élargi ses compétences à des domaines beaucoup plus politiques: je pense par exemple à la sécurité, à la justice et à l'immigration. Je pense bien sûr à la Politique étrangère de sécurité et de défense : la défense européenne a fait, en dix ans, des progrès spectaculaires, en grande partie grâce à la France et au Royaume-Uni, qui la rendent capable, aujourd'hui, de mener des opérations autonomes de maintien de la paix comme l'opération ARTEMIS au Congo en 2003, ou d'assurer la relève de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine.
Mais cette Europe politique, voulue dès l'origine par les fondateurs français de l'Europe, est encore en gestation. Elle représente aujourd'hui le vrai défi de la construction européenne, un projet ambitieux et difficile parce que nous devons convaincre beaucoup de nos partenaires. Elle ne peut voir le jour que si nous lui donnons des moyens nouveaux, à la hauteur de son ambition. C'est la raison d'être de la Constitution européenne, voulue par la France dont le rôle, comme vous le savez, a été central dans la préparation de ce traité. L'objet de la Constitution européenne, c'est précisément de poser les fondations de l'Europe politique :
- en proclamant les valeurs de l'Union, et en leur donnant force de loi à travers la Charte des droits fondamentaux intégrée dans le traité. Parmi ces valeurs, celle de solidarité et de progrès social occupe une place centrale dans la Constitution ;
- en renforçant les compétences les plus politiques de l'Union, pour en faire de véritables politiques communes. C'est tout particulièrement le cas de la politique de justice, de sécurité et d'immigration ;
- en donnant à l'Europe, sur la scène internationale, les moyens d'être aussi influente politiquement qu'elle l'est économiquement. C'est pour y parvenir que le traité dote l'Union d'un ministre des Affaires étrangères et qu'il renforce considérablement la politique de défense européenne.
Vous l'aurez compris, cette Constitution est l'aboutissement de cinquante ans d'efforts français pour faire de l'Europe, non seulement un marché, mais aussi et surtout un acteur capable d'imposer ses valeurs et ses règles dans le jeu sauvage de la mondialisation. Plus que jamais, l'Europe nous regarde. A nous de nous donner les moyens de notre ambition de toujours
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1e février 2005)