Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur les grandes orientations d'une politique européenne de l'apprentissage dans le cadre du futur "Pacte européen pour la jeunesse", Meaux le 11 février 2005.

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Circonstance : Visite du Premier ministre au centre de formation des apprentis de Meaux, à Meaux le 11 février 2005

Texte intégral

Je suis très heureux d'être avec vous, et d'être, ici, à Meaux, de pouvoir saluer J.-F. Copé, qui est celui qui est charge du Budget de l'Etat, c'est donc un personnage très important ; les discussions sont toujours essentielles avec lui, c'est sans doute le ministre que je vois le plus souvent dans la semaine. Il est aussi le Porte-parole. Et le plus jeune des membres du Gouvernement, qui est L. Henart, qui est au Pôle social, aux côtés de J.-L. Borloo, qui est en charge, notamment, de l'Apprentissage et de l'Insertion professionnelle des jeunes, nous allons en parler. Je salue le président de la Chambre des métiers de Meaux, l'ensemble des membres de son bureau qui sont ici présents. Je salue le président national. Un mot pour Monsieur le préfet, qui vient d'une très belle région, la Charente, et lui dire combien je suis heureux de le retrouver ici. Et puis de saluer les parlementaires qui sont présents, notamment G. Drut, avec qui j'ai déjà fait beaucoup de courses, il a toujours été en tête, mais enfin j'essaie de suivre. Mais en tout cas, en amitié, nous sommes à égalité.
Je voudrais vous dire que, ce que vous faites ici, aujourd'hui, dans ce Centre de formation, est sans doute une des formes d'insertion professionnelle les mieux adaptées à ce que prépare l'Europe. Je voudrais vous annoncer une nouvelle, qui est très importante, qui est une nouvelle européenne : le président de la République française a proposé à ses partenaires européens, de lancer un Pacte européen pour la jeunesse". Je vais vous dire ce qu'il y a dedans. Hier, j'étais avec le président de la Commission, à Bruxelles, M. Barroso, hier soir, et mardi j'étais avec le président du Conseil européen, M. Junker, et tous les deux ont décidé d'inscrire "Le Pacte européen pour la jeunesse" au programme du Conseil européen qui va se tenir les 22 et 23 mars. C'est une décision très importante. Parce que l'insertion des jeunes, l'insertion professionnelle des jeunes, en Europe, doit être une priorité parce que sur ce sujet, l'Europe fait moins bien qu'un certain nombre d'autres pays, d'autres continents, notamment, par exemple : les jeunes Américains entrent dans la vie professionnelle plus facilement que les jeunes Européens. Il nous faut donc mobiliser les 25 pays de l'Union pour engager une vraie stratégie au niveau de l'Europe pour l'Education, la formation, l'insertion, l'intégration des jeunes, dans la vie professionnelle, dans la société. Cette décision de l'Union européenne, ce "Pacte européen pour la jeunesse", qui s'intègre à ce que l'on appelle "la stratégie de Lisbonne", c'est-à-dire, la stratégie que met l'Europe pour être un pôle mondial parmi les tous premiers.
C'est une politique européenne qui va avoir trois priorités, vous allez voir que vous avez votre place dans cette dynamique du "Pacte européen pour la jeunesse".
D'abord, c'est l'insertion, l'intégration par la formation : c'est une priorité dans laquelle l'alternance est une voie qui a montré ses résultats. Toutes les formes de qualifications sont très importantes pour entrer dans la vie professionnelle. L'apprentissage, l'alternance, c'est une forme qui fait ses preuves ; vous apprenez ici un métier, ce métier vous commencez à le connaître, à la fois, dans la fonction théorique, avec les formateurs et l'ensemble du CFA, ici. Mais, à la fois, dans la fonction pratique, quand vous êtes en entreprise. Il faut donc développer cette capacité d'insertion professionnelle. Nous avons en France, le souci d'abord de développer la qualification professionnelle. C'est très important, cela se fait dans toutes les formes de l'éducation. Il n'y a pas une forme d'éducation qui est meilleure que l'autre. Il y a un objectif : obtenir une qualification. Ici, vous sortez de cet établissement avec une qualification. Je souhaite vraiment que tous les jeunes français puissent sortir du système éducatif, du système de formation avec une qualification, avec une certification de ses connaissances.
Le problème que nous avons en France, ce sont les 160 000 jeunes qui, chaque année, sortent du système de formation sans aucune qualification, sans aucune qualification. Ils ont naturellement des grandes difficultés à entrer dans la société par le travail. C'est cela que nous voulons corriger. C'est pour cela que nous engageons cette volonté, pour que la démarche de formation soit une réussite. La réussite en formation. Vous avez, ici, un processus qui donne une qualification dans l'ensemble de nos appareils de formation. Je souhaite que l'on soit très attentif à tous les jeunes qui, à un moment ou à un autre, sortent du système sans qualification. C'est l'objectif numéro 1 de l'ensemble des pouvoirs publics en France : aider les jeunes à avoir une qualification. Un jeune qui va chercher un emploi quand il n'a pas de qualification se trouve en grande difficulté.
C'est pour cela que, avec L. Hénart, avec J.-L. Borloo, avec J.-F. Copé et les autres, nous avons construit un certain nombre de dispositifs. Par exemple, aujourd'hui, un jeune qui n'a pas de qualification, s'il trouve une entreprise qui veut bien l'embaucher, l'entreprise ne paiera pas de charges pour l'embaucher. Il y a actuellement 200 000 jeunes qui sont en contrat - contrats jeunes en entreprises - pour lesquels l'entreprise ne paie pas de charges sociales, ce qui facilite l'entrée des jeunes dans l'entreprise.
Donc, là, ce volet d'insertion professionnelle, qui passe par la création d'entreprises, nous créons plus de 200 000 entreprises, on a battu un record en 2004 avec 224 000 entreprises, les contrats jeunes sans charges. Naturellement, l'alternance, avec ce que vous avez ici, comme, notamment, moyens de formation qui, je l'ai vu pour l'automobile, qui vous permet d'être en situation réelle, donc d'avoir une vraie connaissance du métier avant même d'exercer le métier. Je voudrais saluer la Chambre des métiers qui pilote ce dispositif. Je devrais, je dois saluer, je le fais volontiers aussi, le Conseil régional qui apporte des financements, l'ensemble des partenaires qui sont aujourd'hui pour vous, ceux qui sont à votre disposition, à vos côtés pour cette qualification professionnelle. Je veux aussi dire un mot pour les enseignants : nous avons dans notre pays une communauté éducative, dans toutes les formes, que ce soit dans les lycées, les collèges, que ce soit dans les centres de formation pour apprentis. Nous avons des enseignants qui se dévouent à la cause de l'éducation, qui transmettent leur savoir. Ils sont essentiels dans la Nation. Ce sont eux qui, aujourd'hui, ont en charge la formation de la jeunesse. La société française doit savoir dire "merci" à ces enseignants, parce que l'avenir de notre pays c'est forcément la jeunesse, et les enseignants se donnent à la formation de la jeunesse. C'est un dispositif que nous voulons renforcer et je voudrais saluer, ici, tous ceux qui se consacrent à la formation des jeunes. L'insertion professionnelle des jeunes, c'est une priorité qui doit être une priorité européenne, nous voulons mettre en place un certain nombre de dispositifs tels que ceux que je vous ai développé. L'alternance est sans doute l'un des moyens très important puisque nous allons passer de 350 000 apprentis à 500 000 apprentis avec le Plan de cohésion sociale. Pour cela, nous aidons les entreprises avec un crédit d'impôt important pour qu'elles aient envie, intérêt à engager des jeunes en apprentissage, formation théorique, formation pratique. C'est le meilleur chemin pour l'insertion professionnelle. C'est vrai dans les centres de formation, dans les lycées professionnels, c'est vrai dans un certain nombre d'établissements. Cela ne veut pas dire que la formation fondamentale, le parcours général soit un parcours qui ne soit pas valorisé. Il faut une variété des parcours pour que chacun puisse trouver son chemin. Il n'y a pas de jeune sans talent, il n'y a pas de jeune sans qualité. Au système éducatif d'aller chercher le talent, d'aller chercher cette qualité qui fait que le jeune peut trouver confiance en lui, parce qu'il sait qu'il a une force à l'intérieur de lui-même et que cette force sera l'élément de son parcours professionnel. C'est cela le premier objectif du pacte européen pour la jeunesse.
Deuxième objectif : la mobilité, la circulation en Europe. Là, nous avons beaucoup à faire. Nous avons des choses à faire au niveau national pour aider les jeunes à avoir une mobilité professionnelle, c'est-à-dire à avoir des capacités de stage, de stages qui peuvent être dans différentes régions, qui peuvent être dans différents lieux, de stages qui peuvent être aussi à l'intérieur d'un grand département dans plusieurs sites. Nous avons là des efforts à faire. Nous voulons faire des efforts sur le logement, et je peux vous annoncer que nous ferons, à partir du 1er juillet 2005, un effort très important pour le permis de conduire des jeunes. Vous savez que, avec les radars, il y a aujourd'hui de l'argent qui peut être récolté ; cet argent reviendra à la jeunesse parce que nous allons diminuer le coût du permis de conduire, qui est beaucoup trop cher aujourd'hui et qui, notamment pour tous ceux qui ont besoin d'aller travailler, qui ont besoin de la voiture, ont besoin de pouvoir circuler pour leur travail, pour l'exercice professionnel, pour l'insertion professionnelle. Nous avons plusieurs formules qui sont aujourd'hui à l'étude. Il y a notamment la formule que l'on a lancée pour l'ordinateur à 1 euro par jour, ce qui est en fait un crédit que l'État finance avec les personnes qui veulent avoir leur ordinateur. C'est-à-dire que nous finançons les intérêts, nous finançons le coût de l'argent et donc, on peut faire un dispositif de la même nature avec le permis de conduire à 1 euro par jour. Tout de suite le permis de conduire, sans investissement et quand les jeunes commencent à travailler, avec son 1 euro par jour et avec le financement de l'État, à ce moment-là, c'est par son travail qu'il peut financer son permis. Cela ne lui met pas un frein, une barrière à l'insertion professionnelle. Nous voulons travailler sur cet accès le plus possible, le plus facilement possible à la mobilité.
Nous voulons aussi que, dans l'Europe, on puisse trouver notamment une circulation en matière de stages d'entreprises. Nous voulons vraiment créer l'Europe des stages. Toutes les entreprises européennes doivent pouvoir accueillir des jeunes et nous pouvons développer cette capacité d'alternance, une formation dans un pays, un stage, un contrat dans un autre pays. C'est un élément très important pour faciliter cette Europe de l'alternance, cette Europe des stages ; c'est un objectif très important que nous allons mettre en place les 22 et 23 mars pour que l'on puisse circuler dans toute l'Europe et que l'on ait ainsi une expérience professionnelle qui soit une expérience technique, reconnue de qualité, certifiée, validée sur le plan de la formation, mais qui permette aussi, naturellement, de mieux faire connaissance avec l'Europe. Europe des stages, Europe de l'alternance, Europe de l'éducation et de la formation.
Et puis, aussi - c'est le troisième volet - c'est pour tout ce qui est le soutien à la vie de famille, pour les jeunes couples notamment, pour ceux qui dans la vie professionnelle commencent avec des enfants, commencent avec leur parcours familial : aider ce parcours familial pour que le parcours familial soit compatible avec la vie professionnelle. C'est vrai notamment pour les jeunes femmes qui sont souvent en difficulté de lancement dans la vie professionnelle parce que la vie de famille est pour elles un choix qui est difficile à rendre compatible avec la vie professionnelle et donc avec les gardes d'enfants, avec l'accompagnement, avec un certain nombre de dispositifs sociaux pour la jeune parentalité. Nous voulons aider, au niveau de l'Europe aussi, les jeunes à construire leur vie familiale tout en bâtissant leur vie professionnelle, et ne pas se trouver devant des choix qui impliquent que l'on puisse soit retarder son engagement dans la vie familiale, soit retarder son engagement dans la vie professionnelle et trouver un meilleur équilibre. C'est l'intégration pour diminuer le chômage des jeunes ; ça, c'est un objectif très important de toute l'Europe. En Europe, nous avons un niveau plus élevé de chômage des jeunes que dans d'autres continents. Nous avons un effort collectif à faire. Nous le faisons notamment par cette insertion professionnelle par la baisse des charges et par le soutien que nous développons auprès des jeunes. Quand je vois que nous avons aujourd'hui 200 000 jeunes en contrat sans charge, nous étions à 150 000, nous pouvons passer, Laurent Hénart me disait tout à l'heure, à 300 000 à la fin de l'année, nous avons, là, une vraie capacité à intégrer les jeunes dans le tissu social, dans le tissu économique de notre pays. Je peux vous garantir que toutes les actions sont engagées, grâce notamment au Plan de cohésion social, pour qu'on ait une baisse significative du chômage. Cela a déjà commencé, mais ça va, vous allez le voir progressivement s'affirmer au cours de l'année 2005. Mais nous voulons aussi cette mobilité qui est celle des centres de formation, comme celle de lycées, comme celle de l'ensemble des jeunes qui ont besoin de faire connaissance avec l'Europe et qui trouvent dans le stage dans un pays européen, la possibilité de le faire. C'est pour cela que nous mettrons des moyens financiers pour aider naturellement à ce que ces stages soient accessibles aux jeunes, quelles que soient leurs conditions de famille, leurs conditions de revenus, et la capacité financière qu'ils auraient à financer notamment l'hébergement dans la perspective de ces stages à l'étranger.
Il y a donc une vraie volonté de faire en sorte que l'Europe de la jeunesse, grâce à ce pacte, puisse se développer. Le Chef de l'Etat s'est engagé dans cette voie, le chancelier Schröder avec lui, un certain nombre de personnalités, le Premier ministre Zapatero également, le Premier ministre suédois également, et aujourd'hui, il y a une extension pour que cette logique de l'insertion professionnelle des jeunes devienne la priorité des priorités en Europe. C'est un engagement que nous prenons et c'est un engagement très important pour nous.
Enfin, je voudrais saluer les Chambres de métiers, je voudrais saluer tous les professionnels, qui s'engagent dans la formation. Je sais qu'il y a un certain nombre de sujets qui sont très importants pour vous, pour vous aider dans le développement de votre fonction d'apprentissage, dans votre fonction de formation. Je le dis pour les métiers, pour les artisans, la première grande entreprise de France, mais je le dis pour toutes les entreprises de France : les entreprises ont une mission de formation, les entreprises doivent insérer les jeunes, elles doivent leur permettre d'avoir accès à la formation, la formation pratique, la formation opérationnelle. Le droit individuel à la formation nous permet d'avoir cette possibilité. C'est un devoir de toutes les entreprises, c'est un devoir qui est assumé avec, je dirais honneur et détermination, par l'ensemble du secteur des métiers.
C'est pour cela qu'un certain nombre de mesures dans le plan que prépare C. Jacob, ministre issu de ce département, nous avons un certain nombre de dispositions pour aider les Chambres de commerce et les Chambres de métiers, qui ont une action de formation. Il y a par exemple, une taxe, qui s'appelle une taxe sur les salaires, qui vient pénaliser l'enseignant, parce qu'on pénalise d'une certaine manière par cette taxe, ceux qui font de la formation. Nous allons supprimer la taxe sur les salaires pour les enseignants dans ce secteur de manière à pouvoir faciliter le développement des formateurs et de faciliter le financement qui est consacré à la formation, parce que la formation, c'est ce qu'il y a de plus important pour le développement des jeunes.
Je voudrais simplement, en conclusion, vous remercier de votre accueil, vous dire que vous êtes ici dans un établissement qui, j'espère, vous apporte un peu de bonheur, aussi que le travail, ce n'est pas quelque chose qu'on doit aborder dans la tristesse. Il y a des bons moments quand même dans la vie. Il y a des bons moments, quand on est avec des amis, il y a des bons moments au travail, il y a des bons moments en dehors du travail. J'en vois un certain nombre d'entre vous qui vivent de bons moments. Je vois des sourires, je vois qu'ils sont ici déterminés à assumer leur parcours professionnel. Je voudrais vous dire que nous avons en France une forte capacité aujourd'hui de faire face aux difficultés que toute l'Europe connaît. Nous avons engagé avec détermination cette capacité de mobiliser nos partenaires européens pour ce pacte européen de la jeunesse. C'est dans cette direction que nous nous engageons et je vous remercie de participer par votre engagement personnel, parce que le travail, c'est un engagement personnel, et aussi par la bonne ambiance collective qui règne dans cet établissement, de participer ainsi à la mobilisation nationale pour que la France tienne son rang en Europe. Merci à tous."
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 février 2005)