Texte intégral
Le document que vous avez entre les mains présente le bilan de l'action ministérielle, que je conduis auprès de Jack Lang sur une période de trois mois.
Il m'est paru en effet indispensable de l'établir, compte tenu de l'exigence de lisibilité que j'ai sentie chez tous les partenaires de mon champ de compétence ministériel. Je sais qu'ils l'expriment auprès de la représentation nationale C'est ici en bonne partie, bien sûr, la conséquence des circonstances politiques particulières qui ont entouré la création de ce ministère. Mais, c'est aussi une expression parfois anxieuse des problèmes de fond auxquels ce secteur de l'éducation nationale est confronté.
La création du Ministère et son contexte.
Il est bien vrai que la décision politique prise par le Premier Ministre de créer ce ministère l'a été dans le souci d'apporter une réponse positive aux aspirations que le mouvement de grève des enseignants des lycées professionnels avait fait émerger. Il est exact que ce mouvement avait un fort contenu corporatif concentré sur la question du nouveau statut des enseignants. Mais il est également nécessaire de prendre en compte que, comme souvent en pareil cas et surtout s'agissant d'une profession qui s'identifie aussi intimement aux missions de service public qu'elle accomplit, des préoccupations plus larges se sont également très fortement exprimées dans ce mouvement. Elles ont interpellé la nature même de l'enseignement concerné, ses relations au monde de l'entreprise, ses méthodes pédagogiques, la place particulière de la voie professionnelle dans le monde éducatif et bien d'autres questions toutes aussi décisives. Au demeurant, les partenaires syndicaux du secteur ont une longue histoire qui les lie aux origines de l'édification de cette voie d'enseignement. Elle les positionne de longue date dans les débats récurrents qui l'ont animé depuis un demi-siècle et dont l'actualité ne se dément pas. De sorte que, si la création du ministère a bien correspondu à une conjoncture dont on visait le dénouement sur des bases positives, elle se proposait aussi comme objectif de plus longue portée de répondre à l'ensemble des questions de fond qui se trouvaient ainsi exposées toutes en même temps.
Pour finir on devra ajouter que le processus de professionnalisation des enseignements supérieurs, engagé depuis trois décennies dans les universités, entre dans une phase d'accélération et d'élargissement vigoureusement encouragé par le Gouvernement. On sait en effet qu'il s'agit là d'une réponse concrète à l'exigence de la démocratisation de l'enseignement supérieur, après qu'ait été atteint l'objectif de l'augmentation massive de ses effectifs étudiants.
En situant le nouveau ministère dans le cadre de celui de l'éducation nationale, un autre message fondateur est délivré. Il signale une vision moderne de ce que sont les métiers de notre époque et donc les conditions à réunir pour les enseigner. En fait, les métiers contemporains peuvent être décrits comme autant de " sciences pratiques ". C'est à dire qu'ils sont tout à la fois un savoir de haut niveau de contenu et une culture technique de la mise en uvre de ces savoirs. C'est pourquoi le décret d'attribution du ministère de l'enseignement professionnel étend ses compétences à l'ensemble du monde éducatif par délégation auprès du ministre de l'éducation nationale, Jack Lang.
La coproduction des changements.
Le chantier ouvert est donc particulièrement vaste. L'expérience des précédents mois avait clairement montré que, quelle que soit la qualité des solutions imaginées, la résolution concrète des problèmes posés ne peut se dissocier des conditions du dialogue et des concertations avec les acteurs qui les subissent autant qu'ils les portent. Les appréciations du Premier ministre sur ce point à l'occasion de son intervention télévisée pointaient clairement la nécessité d'aborder la situation de cette façon, non seulement pour éviter les blocages mais surtout pour permettre de réaliser les changements indispensables. D'ailleurs, contrairement à une opinion trop répandue, les partenaires du secteur, les syndicats enseignants et lycéens comme les associations de parents d'élèves se sont tous montrés réceptifs à cette méthode de la coproduction des changements. Ils en affirmaient eux-mêmes la nécessité, même s'ils ne convenaient entre eux ni des objectifs, ni des méthodes pour y parvenir.
C'est pourquoi la manière d'apurer le conflit dans l'enseignement professionnel, préalable à l'ouverture de quelque chantier que ce soit, revêtait une importance singulière à la fois sur le fond du dossier considéré, mais plus largement comme test d'une méthode de travail commun. Au demeurant, en ouvrant le dossier à partir des problèmes que l'actualité brûlante avait fait surgir dans les lycées professionnels, c'est en réalité l'ensemble des questions posées à l'enseignement professionnel qui pouvaient à leur tour être mises en débat, dans le secondaire comme dans le supérieur.
Le règlement du conflit dans les lycées professionnels
Le dialogue noué dès l'installation du ministère se devait d'être exemplaire. Il a donc associé l'ensemble des organisations syndicales enseignantes et lycéenne du secteur sans en exclure aucune. En même temps, était réaffirmée la responsabilité particulière des organisations syndicales représentatives telles que le vote des enseignants aux élections professionnelles les avait situées. C'est donc aux institutions de la démocratie sociale qu'appartenait de plein droit l'expression ultime d'un avis sur les résultats de la négociation. Pour marquer l'importance de ces institutions dans la démarche entreprise, j'ai donc tenu à me présenter personnellement devant le Comité Technique Paritaire Ministériel (CTPM) pour l'informer des propositions dont il était saisi. Une présence ministérielle devant cette instance n'avait pas eu de précédent depuis plus de dix ans. Sans préjuger de leurs votes, toutes les organisations syndicales ont salué cette initiative. Pour finir, les votes exprimés en fin de réunion inversent ceux constatés à l'occasion du CTPM antérieur à propos du précédent projet de statut.. L'accord trouvé satisfaisait, après vingt ans de revendication, l'exigence d'unification des horaires de travail des enseignants des lycées professionnels : ceux qui avaient une obligation de service de 23 heures hebdomadaires ont été alignés sur les 18 heures dues par leurs collègues enseignant les matières générales. Naturellement, la nouvelle organisation du travail, réalisée sans annualisation, sans pondération ni flexibilité nécessitait de nouveaux moyens. Le Gouvernement y a pourvu dans des proportions tout à fait importantes puisque, notamment, 2600 équivalents emplois à temps plein ont été ajoutés au effectifs, représentant 43000 heures supplémentaires.. Le total de ces engagements représente plus de 600 millions de dépenses en année pleine. Ce chiffre est à rapprocher du milliard attribué à l'ensemble de l'éducation nationale dans le collectif budgétaire 2000 qui a réparti les excédents de recettes fiscales.
On doit à la vérité de dire que, sur un plan technique, cet accord laissait plusieurs questions en suspend. Ainsi, par exemple, les grilles horaires d'enseignement, arrêtées en fonction des conditions du précédent statut, n'ont pu être réexaminées compte tenu de l'avancement de l'année scolaire et des délais de préparation de la rentrée. De même, n'était-il pas possible d'envisager la mise en place dès le premier trimestre du nouvel outil pédagogique qu'est le Projet Pluridisciplinaire à Caractère Professionnel (PPCP). L'évaluation des grilles horaires donnera donc lieu à une table ronde d'évaluation dès septembre 2000 en vue de préparer les grilles horaires de l'année suivante dans des délais permettant une sérieuse évaluation technique des difficultés. Quant au PPCP, un délai de mise en uvre a été prévu, reportant au premier janvier 2001 sa mise en place effective. Au demeurant, d'importants moyens de coordination et de soutien technique ont été mis en place, au ministère même, comme dans chaque Académie, pour assister le travail des cadres de proximité et les enseignants qui ont à mettre en uvre le nouveau dispositif. Sans entrer plus avant dans les détails d'une matière assez aride compte tenu de sa spécificité, l'ensemble de la démarche a voulu témoigner d'un souci clairement assumé de transparence des décisions, accompagné d'une pratique soucieuse des conditions techniques de la faisabilité des changements décidés. Dans cet état d'esprit, les circulaires ministérielles concernant la mise en uvre des PPCP, comme celle définissant les nouvelles conditions de suivi des stages ont été concertées avec les organisations syndicales.
A la suite, le cabinet ministériel, depuis le vote du Comité Technique paritaire, a assumé un lien direct avec la représentation syndicale au niveau national, et souvent même académique ou départemental, pour garantir la bonne exécution des décisions prises lorsque des litiges apparaissaient. Au total, 28 organisations syndicales différentes ont été reçues au cours de ces trois mois. Dans le même temps, les organisations représentatives étaient reçues à plusieurs reprises en audience ministérielle et des contacts permanents, parfois quotidiens étaient établis entre elles et le cabinet au fur et à mesure des besoins.
Sans doute est-ce cette ambiance de travail qui a permis de dégager, sans arrière pensée et en confiance, au fil des rencontres, la liste des chantiers de fond à traiter pour l'avenir. Cette liste décrit du même coup un diagnostic partagé sur les problèmes du secteur.
Des lignes d'action permanentes
Ainsi, les discussions renouées en bilatéral autant à la demande des partenaires syndicaux que du ministère, les visites de terrain dans 17 établissements à raison d'une journée par semaine, la consultation des corps d'inspection comme des personnalités qualifiées ont donc rapidement permis d'établir des lignes d'action permanente, véritables boussoles pour guider les décisions quotidiennes du ministère.
De fait, elles convergent jusqu'au point de formuler quasiment un projet global pour l'enseignement professionnel secondaire. Mais, celui-ci se présente davantage comme un ensemble de réglages que comme une réforme d'ensemble.
Ces lignes d'action permanente ont été détaillées, à mesure de leur élaboration, à l'occasion des entretiens dans la presse. Dans la mesure où le projet qui résulte de cet ensemble de réglages, restera en cours d'élaboration et de discussion pendant tout le dernier trimestre de l'année 2000, le bilan que je dresse aujourd'hui s'en tiendra donc à indiquer les objectifs partagés qui en sont la trame. Mais, d'ores et déjà, chacun d'entre eux a commencé à trouver de substantielles mises en application en moins de 100 jours.
Le défi de la nouvelle donne.
On en comprendra mieux la portée si l'on prend la précaution d'inscrire ces décisions dans leur environnement. Il s'agit évidemment de la nouvelle donne économique, marquée par la reprise de la croissance et de l'emploi. Celle-ci produit d'ores et déjà des pénuries de main d'uvre d'autant plus spectaculaires qu'elles se concentrent sur des secteurs précis de production et de localisation. Paradoxalement, au même moment, la baisse démographique des élèves du secondaire se répercute aux trois quarts sur l'enseignement professionnel ! Ainsi, à la rentrée 1999, il a fallu constater que pour 21 000 inscriptions de moins dans le secondaire, 15 000 touchaient la voie professionnelle. Ce phénomène appelle un débat d'intérêt national sur les raisons qui conduisent à une telle impasse. Il met en cause, bien sûr, la gestion des flux d'élèves et les conditions de l'orientation de leur parcours scolaire. Mais, il concerne aussi surtout plus largement la place que reconnaît notre société à la culture technique et aux formes d'intelligence qu'elle appelle. Il est donc logique que la question du rôle du collège soit posée. Mais, sans attendre la réponse qu'il faudra y apporter dans les meilleurs délais, l'enseignement professionnel doit savoir désigner et traiter ses propres faiblesses.
Elles se concentrent sur 5 points repérés à ce jour : l'insuffisante fluidité des parcours qu'elle propose, la difficile lisibilité de ceux-ci, la garantie de crédibilité des diplômes qu'elle délivre, la précarité du statut de ses enseignants, les conditions sociales de la vie des jeunes en formation accueillis dans les établissements.
Ce diagnostic s'applique également, certes dans d'autres conditions, aux parcours proposés dans l'enseignement supérieur technologique et professionnel. C'est donc bien pour l'ensemble des séquences professionnalisantes de l'éducation nationale qu'il faut définir des réponses et des principes invariants d'échelle.
Pour le confort d'exposition des problèmes posés et des réponses qui ont commencé à y être apportées, je me propose de résumer l'orientation contenue par chacun des points évoqués, et de proposer un renvoi sur les fiches techniques qui décrivent le détail des actions déjà réalisées.
La FLUIDITÉ des parcours scolaires.
L'un des premiers obstacles psychologiques qui se présente au moment de la décision d'inscrire un jeune dans l'enseignement professionnel est le sentiment que cette voie ne lui permettra pas, s'il en a pourtant le goût et le talent, de poursuivre une progression vers les plus hauts niveaux de qualification. Sans proposer l'allongement des études comme un impératif pour chaque élève, il est néanmoins indispensable de garantir que, le cas échéant, chacun pourra aller aussi loin que le lui permettront ses mérites. C'est affaire de passerelles disponibles entre les différentes voies d'enseignement, autant que de mise en place de contremarches entre les différents paliers de formation, et notamment entre le secondaire et le supérieur. Sur ce point, un pas très significatif a été franchi, qui signale fortement l'objectif que je poursuis. En effet, j'ai publié un arrêté autorisant la conservation du bénéfice des notes acquises au baccalauréat dans les matières générales par un élève qui choisirait de passer ensuite un autre baccalauréat. La mesure est naturellement d'application générale pour les trois voies d'enseignement. Mais, elle prend un sens tout particulier pour les lauréats du Bac-pro qui peuvent, notamment par ce moyen, entreprendre un passage en terminale technologique. Dès lors, cette dernière peut fonctionner pour ces jeunes comme une passerelle effective vers l'enseignement supérieur.
Cependant, à l'intérieur même du parcours dans l'enseignement professionnel, on doit constater l'existence de filières en impasse. C'est pourquoi j'ai fixé l'objectif qu'il n'y ait plus de BEP sans ouverture sur un bac pro dans la même spécialité. La formule se prolonge évidemment par l'exigence qu'il n'y ait pas de bac-pro sans passerelle ou contremarche vers l'enseignement supérieur (BTS, DUT etc).
Ces exemples illustrent ma préoccupation. Elle me conduit à penser que la synergie la plus forte qui serait capable de produire la fluidité maximale est dans le rapprochement physique, dans un même établissement, des enseignements de la voie technologique et de la voie professionnelle. On peut l'observer dans certains établissements d'enseignement où ils se trouvent déjà réunis. On constate alors qu'ils épaulent effectivement leur attractivité respective et, en même temps, ils obtiennent le meilleur rendement des classes de transition d'une voie à l'autre. Cette piste est celle que j'explore pour aller plus avant.
La LISIBILITÉ de la voie d'enseignement professionnel
Un autre obstacle au choix des jeunes pour la voie professionnelle est l'opacité des parcours qu'elle propose, le caractère abscons des dénominations attribuées aux qualifications qu'elle délivre, la très faible visibilité des progressions qu'elle offre vers les sommets des qualifications professionnelles, grades et diplômes changeant d'ailleurs de noms et de type d'établissements selon les étapes. Cette opacité fonctionne à la fois comme un repoussoir, mais aussi et surtout, comme un facteur de discrimination. Discrimination, en effet, car la culture du projet personnel et du " plan de carrière " est culturellement cantonnée à quelques catégories sociales et ce ne sont pas celles dont les enfants sont les plus nombreux dans la voie technologique et professionnelle Repoussoir, parce qu'une telle pratique de la dénomination méconnaît la psychologie des jeunes ainsi empêchés de s'identifier à leur formation. En même temps qu'il leur est impossible de rendre celle-ci définissable par le métier auquel elle se rapporte, il leur est de ce fait interdit de bénéficier de sa reconnaissance sociale. En dépit des apparences qui feraient croire à une question simple de pure construction d'image, le problème soulevé percute de nombreux usages aux fondements et aux intérêts les plus divers. Quoi qu'il en soit, la refonte des dénominations des diplômes (et donc des cursus), le positionnement des établissements et celui des formations délivrées dans les termes de la nomenclature des métiers est un moyen essentiel pour la lisibilité des parcours. Elle est aussi un facteur d'attractivité des établissements dès lors que les établissements du secondaire et du supérieur s'y réfèreraient parallèlement. C'est pourquoi j'ai décidé le reclassement de toutes les licences professionnelles d'après cette nomenclature des métiers. Je suis persuadé qu'un premier signal de cette sorte, amplifié par le prestige de l'enseignement supérieur, facilitera son extension progressive à tous les types d'établissements et de formations professionnalisantes. Il est alors très évident que ces reclassements peuvent être un point d'appui positif pour refondre, là où cela est nécessaire, les parcours éducatifs eux-mêmes afin de garantir leur cohérence. J'estime que c'est aussi un changement indispensable pour parvenir à dresser des cartes d'offre de formations lisibles aux différents échelons de réalités territoriales, capables tout à la fois de cohérence et de complémentarité entre les différentes structures aujourd'hui disponibles, qu'elles soient publiques ou privées. Dans ces conditions, je crois que nous aurons alors à portée de main le moyen de l'entretien de plan de carrière auquel j'estime que tout jeune scolarisé doit avoir droit un an avant l'âge de fin d'obligation scolaire, quel que soit le point auquel il est parvenu dans son parcours scolaire.
La CREDIBILITÉ des formations
La voie professionnelle, comme la voie technologique, doit toute sa fiabilité à la valeur qualifiante des diplômes qu'elle délivre. Dès lors, le contenu de ceux-ci, d'une part, et, d'autre part, le débouché professionnel concret sur lequel ouvre la formation reçue, doivent être absolument garantis. Il faut donc s'en assurer de façon régulière à la fois pour les formations existantes et pour celles qui doivent être mises en place en fonction de l'émergence de nouveaux besoins. Cette tâche est prise en charge par les Commissions Professionnelles Consultatives (C.P.C.) pour ce qui concerne les formations au niveau CAP, BEP, Bac Pro, BTS. Au cours des trois derniers mois, 32 diplômes ont été ainsi réorganisés ou créés. Le mouvement s'étendra à l'ensemble des spécialités. De plus, les cohérences entre les parcours exigés seront réévaluées dans le cadre d'une conférence générale des Commissions Professionnelles Consultatives. Elle s'accompagnera de la mise en place d'un comité des programmes qui étendra cette investigation aux matières générales. Dans le même temps, un Observatoire des Métiers sera installé, et rapproché de la commission ad hoc crée au Commissariat général au plan, pour définir les formations correspondant aux besoins des métiers émergents. Cette ardente obligation est aussi celle qui prévaut dans l'enseignement supérieur. Elle s'est imposée dans le processus de mise en place des nouvelles Licences Professionnelles dont mon ministère a eu la charge. Le cahier des charges fixé pour le comité d'expert qui ont examiné les 500 projets déposés par les établissements d'enseignements a été complété par une déclaration d'orientation politique que j'ai faite devant le CNESER. J'ai choisi la voie d'une haute exigence sur les contenus, les durées d'enseignement et la valeur nationale des diplômes concernés. Il en résulte, il est vrai, une très forte sélection. La crédibilité des nouveaux diplômes est à mes yeux à ce prix. Les deux cents projets retenus offrent à mes yeux ces garanties. Car 300 maquettes ont été éliminées d'après ces critères combinés. Enfin, 25 des projets sélectionnés ont encore fait l'objet d'une demande ministérielle de rectification avant d'être définitivement agréés.
Le souci de la crédibilité des formations dispensées conduit aussi à s'interroger sur la place et le contenu des stages et périodes de formation en entreprise, séquence du parcours éducatif spécifique à l'enseignement professionnel secondaire et supérieur. Leur valeur pédagogique n'est pas toujours assurée, leur déroulement n'est pas toujours suivi comme cela serait souhaitable. Pourtant ces périodes comptent pour l'évaluation des jeunes et participent totalement à la délivrance des diplômes. On ne saurait donc sous-estimer les dysfonctionnements actuels. Le Premier Ministre m'a donc confié la mise au point d'un Protocole national d'accord-cadre pour les périodes de formation en entreprise, à négocier avec les intervenants, enseignants, jeunes et professionnels concernés. Dès à présent, j'ai publié une circulaire, concertée avec les syndicats, fixant les règles applicables dans le cadre du nouveau droit des élèves à deux heures hebdomadaires de suivi de leur période en entreprise dans l'enseignement secondaire professionnel.
C'est aussi dans cet ordre de préoccupation que je veux situer une autre décision pourtant justifiée par une situation autrement plus intolérable. A la suite d'un rapport que j'avais commandé à l'inspection générale de l'éducation nationale, j'ai en effet inscrit dans la loi " Modernisation sociale " une clause permettant la répression pénale des discriminations raciales conduisant à des refus de stage. Ici, en effet, à la blessure que le racisme inflige à nos jeunes, s'ajoute de surcroît l'empêchement pour eux d'accomplir une étape obligatoire de leur parcours pour obtenir leur diplôme.
La condition statutaire et sociale des participants à l'enseignement professionnel
On ne peut organiser le changement dans la voie de l'enseignement professionnel, ni répondre aux exigences de la " nouvelle donne ", comme au paradoxe qu'elle fait apparaître, sans intégrer au point de départ de la démarche le traitement des questions lourdes que soulève la condition enseignante, comme celle des étudiants dans ce secteur. Les trois mois d'activité ont été particulièrement actifs dans ce domaine.
a) La condition enseignante
Les enseignants disposent avec leurs syndicats d'une forte capacité d'expression. C'est à partir des constats et revendications qu'ils ont dressés que l'action de changement s'est déployée. Cette action s'est évidemment concentrée sur la promulgation du nouveau statut, mais elle a également impliqué celui des retraités à partir du moment ou j'ai réalisé la fusion en un corps unique de l'ensemble des grades de la profession. Par ailleurs un défi spécifique se trouve lancé par le record de personnel sous statut précaire dans cet ordre d'enseignement. Cette situation est d'autant plus incohérente que le corps des titulaires se distribue d'après une pyramide des âges faisant prévoir des départs massifs à la retraite au cours des années à venir. Elle est de surcroît périlleuse pour la pérennité de nos enseignements au moment où la nouvelle donne économique fait subir au service public une forte compétition avec le secteur privé pour l'embauche et notamment celle des professeurs de spécialité. Dans le cadre du plan gouvernemental de résorption de la précarité dans la fonction publique, j'ai décidé d'ouvrir des possibilités exceptionnelles d'intégration facilitées pour les personnels sous statuts précaires.
b).La condition des jeunes en formation
L'âge moyen des élèves des lycées professionnels appelle une attention particulière. Plus âgés que leurs camarades du secondaire général, majeurs pour beaucoup d'entre eux, parfois jeunes pères et mères de famille, les conditions de leur accueil, leurs moyens d'existence, leur implication dans leur propre formation doivent être pris en compte de manière spécifique. Encore faut-il, bien sûr, disposer de connaissances précises sur la situation. C'est pourquoi j'ai commandé une enquête de l'Inspection Générale de l'Éducation Nationale (IGEN) sur la situation sociale des jeunes en formation dans les lycées professionnels, puisque aucune étude n'est disponible à ce jour faute de n'avoir jamais été demandée au cours des vingt dernières années. L'observation de terrain permet cependant de savoir qu'un nombre très significatif de jeunes adultes lycéens ont une activité salariée en dehors de leurs heures de cours. De ce fait leur disponibilité pour le travail scolaire est évidemment affectée. Les succès de l'apprentissage (qui est rémunéré), les départs vers l'emploi en cours de stage attestent de la force de cette contrainte financière sur le parcours scolaire de nos jeunes. J'ai donc voulu poser franchement la question du statut social du jeune en formation. Ma préoccupation fait écho aux interventions de la représentation syndicale lycéenne sur ce point. Mais, la question du statut social des étudiants en formation est exactement de même nature pour les jeunes inscrits dans les filières professionnelles de l'enseignement supérieur, même si elle se pose dans des termes différents. Inclus dans le plan global concernant le statut social étudiant qu'impulse le ministère de l'éducation nationale, les jeunes post-bac de l'enseignement technologique et professionnel bénéficieront pleinement des 6 mesures de progrès social de ce plan. Mais, on voit que dans le secondaire comme dans le supérieur se pose la question de l'autonomie sociale du jeune comme condition pour qu'il soit réellement coproducteur de sa propre formation, libre de ses choix et disponible pour réussir son parcours qualifiant. J'ai ouvert ce dossier en proposant la rétribution obligatoire des stages et périodes de formation en entreprise. Mes consultations ont commencé. Mon projet est d'élargir le débat jusqu'à la possibilité de contrats de pré-embauche rétribuant les jeunes dans leur dernière année de formation avant le diplôme professionnel.
Une seconde avancée me semble indispensable pour prendre en compte le besoin d'une plus forte implication des jeunes dans le déroulement de leur vie lycéenne. Il s'agit de la mise en place d'un véritable statut citoyen du lycéen dans son établissement. J'ai donc pris les mesures d'extension des droits des élus lycéens que cette question appelle. En même temps, j'ai voulu faire évoluer le régime disciplinaire qui leur est applicable. Dans mon esprit, cette démarche appelle aussi une véritable formation citoyenne des jeunes et j'ai donc entamé une réflexion sur la mise en place d'un module d'enseignement consacré aux "grands problèmes contemporains ".
L'Europe de l'enseignement professionnel
La mobilité des enseignants et des élèves a été proclamée objectif prioritaire de la présidence française. L'enseignement professionnel est pionnier dans ce domaine. 4000 de ses élèves ont déjà participé à une période de formation en entreprise dans un pays européen. J'ai décidé de faire doubler ce nombre l'année prochaine. De nombreuses classes " européennes " existent dans l'enseignement professionnel. J'ai donc publié la décision de créer une mention " section européenne " pour les lauréats de Bac-pro acquis dans ces conditions et ayant obtenu la moyenne nécessaire pour la mention " bien ". Ajoutons ici, pour le symbole qu'il veut représenter, la création d'un prix de la " Fraternité professionnelle " que j'ai décidée pour récompenser une équipe européenne à l'occasion de l'éco-Marathon Shell, qui a vu cette année 35 équipes étrangères participer à cette grande compétition technique des établissements d'enseignements professionnels français.
Mesurer la qualité
Dans le cadre de cette présidence française, le ministre de l'éducation nationale, Jack Lang, a délégué au ministère de l'enseignement professionnel le pilotage des initiatives qui doivent conduire l'Union européenne à se doter d'indicateurs de qualité pour évaluer les performances des divers systèmes éducatifs. De fait, d'ores et déjà, Jack Lang a installé un haut comité de l'évaluation présidé par Claude Thélot qui est en charge de cette mission pour le système éducatif français. C'est dans le cadre de cette action qu'un indicateur de qualité de l'enseignement professionnel sera également élaboré. L'intérêt de tels indicateurs est naturellement dans l'évaluation des résultats qu'il permet et donc l'aide à la décision qu'il apporte. Mais, il inclut également un enjeu plus politique. La question posée par la formation de cette sorte d'indicateur est de savoir ce qu'il va mesurer. Par-là même se trouvent définies les valeurs qu'une société veut voir porter par son système éducatif.
En conclusion de ce bilan, je veux souligner que la brièveté de la période qu'il concerne n'a donc pas empêché la vigueur de l'action. Celle - ci est conduite en étroite collaboration avec le ministre de l'Education Nationale, Jack Lang. Les principes mis en uvre dans les changements impulsés comme dans la gestion quotidienne sont bien les mêmes des deux côtés de la rue de Grenelles. Cette unité de pilotage est me semble-t-il un gage d'efficacité conforme à l'exigence de réussite de la mission qui est confiée à l'éducation Nationale.
(source http://www.education.gouv.fr, le 2 octobre 2000)
Il m'est paru en effet indispensable de l'établir, compte tenu de l'exigence de lisibilité que j'ai sentie chez tous les partenaires de mon champ de compétence ministériel. Je sais qu'ils l'expriment auprès de la représentation nationale C'est ici en bonne partie, bien sûr, la conséquence des circonstances politiques particulières qui ont entouré la création de ce ministère. Mais, c'est aussi une expression parfois anxieuse des problèmes de fond auxquels ce secteur de l'éducation nationale est confronté.
La création du Ministère et son contexte.
Il est bien vrai que la décision politique prise par le Premier Ministre de créer ce ministère l'a été dans le souci d'apporter une réponse positive aux aspirations que le mouvement de grève des enseignants des lycées professionnels avait fait émerger. Il est exact que ce mouvement avait un fort contenu corporatif concentré sur la question du nouveau statut des enseignants. Mais il est également nécessaire de prendre en compte que, comme souvent en pareil cas et surtout s'agissant d'une profession qui s'identifie aussi intimement aux missions de service public qu'elle accomplit, des préoccupations plus larges se sont également très fortement exprimées dans ce mouvement. Elles ont interpellé la nature même de l'enseignement concerné, ses relations au monde de l'entreprise, ses méthodes pédagogiques, la place particulière de la voie professionnelle dans le monde éducatif et bien d'autres questions toutes aussi décisives. Au demeurant, les partenaires syndicaux du secteur ont une longue histoire qui les lie aux origines de l'édification de cette voie d'enseignement. Elle les positionne de longue date dans les débats récurrents qui l'ont animé depuis un demi-siècle et dont l'actualité ne se dément pas. De sorte que, si la création du ministère a bien correspondu à une conjoncture dont on visait le dénouement sur des bases positives, elle se proposait aussi comme objectif de plus longue portée de répondre à l'ensemble des questions de fond qui se trouvaient ainsi exposées toutes en même temps.
Pour finir on devra ajouter que le processus de professionnalisation des enseignements supérieurs, engagé depuis trois décennies dans les universités, entre dans une phase d'accélération et d'élargissement vigoureusement encouragé par le Gouvernement. On sait en effet qu'il s'agit là d'une réponse concrète à l'exigence de la démocratisation de l'enseignement supérieur, après qu'ait été atteint l'objectif de l'augmentation massive de ses effectifs étudiants.
En situant le nouveau ministère dans le cadre de celui de l'éducation nationale, un autre message fondateur est délivré. Il signale une vision moderne de ce que sont les métiers de notre époque et donc les conditions à réunir pour les enseigner. En fait, les métiers contemporains peuvent être décrits comme autant de " sciences pratiques ". C'est à dire qu'ils sont tout à la fois un savoir de haut niveau de contenu et une culture technique de la mise en uvre de ces savoirs. C'est pourquoi le décret d'attribution du ministère de l'enseignement professionnel étend ses compétences à l'ensemble du monde éducatif par délégation auprès du ministre de l'éducation nationale, Jack Lang.
La coproduction des changements.
Le chantier ouvert est donc particulièrement vaste. L'expérience des précédents mois avait clairement montré que, quelle que soit la qualité des solutions imaginées, la résolution concrète des problèmes posés ne peut se dissocier des conditions du dialogue et des concertations avec les acteurs qui les subissent autant qu'ils les portent. Les appréciations du Premier ministre sur ce point à l'occasion de son intervention télévisée pointaient clairement la nécessité d'aborder la situation de cette façon, non seulement pour éviter les blocages mais surtout pour permettre de réaliser les changements indispensables. D'ailleurs, contrairement à une opinion trop répandue, les partenaires du secteur, les syndicats enseignants et lycéens comme les associations de parents d'élèves se sont tous montrés réceptifs à cette méthode de la coproduction des changements. Ils en affirmaient eux-mêmes la nécessité, même s'ils ne convenaient entre eux ni des objectifs, ni des méthodes pour y parvenir.
C'est pourquoi la manière d'apurer le conflit dans l'enseignement professionnel, préalable à l'ouverture de quelque chantier que ce soit, revêtait une importance singulière à la fois sur le fond du dossier considéré, mais plus largement comme test d'une méthode de travail commun. Au demeurant, en ouvrant le dossier à partir des problèmes que l'actualité brûlante avait fait surgir dans les lycées professionnels, c'est en réalité l'ensemble des questions posées à l'enseignement professionnel qui pouvaient à leur tour être mises en débat, dans le secondaire comme dans le supérieur.
Le règlement du conflit dans les lycées professionnels
Le dialogue noué dès l'installation du ministère se devait d'être exemplaire. Il a donc associé l'ensemble des organisations syndicales enseignantes et lycéenne du secteur sans en exclure aucune. En même temps, était réaffirmée la responsabilité particulière des organisations syndicales représentatives telles que le vote des enseignants aux élections professionnelles les avait situées. C'est donc aux institutions de la démocratie sociale qu'appartenait de plein droit l'expression ultime d'un avis sur les résultats de la négociation. Pour marquer l'importance de ces institutions dans la démarche entreprise, j'ai donc tenu à me présenter personnellement devant le Comité Technique Paritaire Ministériel (CTPM) pour l'informer des propositions dont il était saisi. Une présence ministérielle devant cette instance n'avait pas eu de précédent depuis plus de dix ans. Sans préjuger de leurs votes, toutes les organisations syndicales ont salué cette initiative. Pour finir, les votes exprimés en fin de réunion inversent ceux constatés à l'occasion du CTPM antérieur à propos du précédent projet de statut.. L'accord trouvé satisfaisait, après vingt ans de revendication, l'exigence d'unification des horaires de travail des enseignants des lycées professionnels : ceux qui avaient une obligation de service de 23 heures hebdomadaires ont été alignés sur les 18 heures dues par leurs collègues enseignant les matières générales. Naturellement, la nouvelle organisation du travail, réalisée sans annualisation, sans pondération ni flexibilité nécessitait de nouveaux moyens. Le Gouvernement y a pourvu dans des proportions tout à fait importantes puisque, notamment, 2600 équivalents emplois à temps plein ont été ajoutés au effectifs, représentant 43000 heures supplémentaires.. Le total de ces engagements représente plus de 600 millions de dépenses en année pleine. Ce chiffre est à rapprocher du milliard attribué à l'ensemble de l'éducation nationale dans le collectif budgétaire 2000 qui a réparti les excédents de recettes fiscales.
On doit à la vérité de dire que, sur un plan technique, cet accord laissait plusieurs questions en suspend. Ainsi, par exemple, les grilles horaires d'enseignement, arrêtées en fonction des conditions du précédent statut, n'ont pu être réexaminées compte tenu de l'avancement de l'année scolaire et des délais de préparation de la rentrée. De même, n'était-il pas possible d'envisager la mise en place dès le premier trimestre du nouvel outil pédagogique qu'est le Projet Pluridisciplinaire à Caractère Professionnel (PPCP). L'évaluation des grilles horaires donnera donc lieu à une table ronde d'évaluation dès septembre 2000 en vue de préparer les grilles horaires de l'année suivante dans des délais permettant une sérieuse évaluation technique des difficultés. Quant au PPCP, un délai de mise en uvre a été prévu, reportant au premier janvier 2001 sa mise en place effective. Au demeurant, d'importants moyens de coordination et de soutien technique ont été mis en place, au ministère même, comme dans chaque Académie, pour assister le travail des cadres de proximité et les enseignants qui ont à mettre en uvre le nouveau dispositif. Sans entrer plus avant dans les détails d'une matière assez aride compte tenu de sa spécificité, l'ensemble de la démarche a voulu témoigner d'un souci clairement assumé de transparence des décisions, accompagné d'une pratique soucieuse des conditions techniques de la faisabilité des changements décidés. Dans cet état d'esprit, les circulaires ministérielles concernant la mise en uvre des PPCP, comme celle définissant les nouvelles conditions de suivi des stages ont été concertées avec les organisations syndicales.
A la suite, le cabinet ministériel, depuis le vote du Comité Technique paritaire, a assumé un lien direct avec la représentation syndicale au niveau national, et souvent même académique ou départemental, pour garantir la bonne exécution des décisions prises lorsque des litiges apparaissaient. Au total, 28 organisations syndicales différentes ont été reçues au cours de ces trois mois. Dans le même temps, les organisations représentatives étaient reçues à plusieurs reprises en audience ministérielle et des contacts permanents, parfois quotidiens étaient établis entre elles et le cabinet au fur et à mesure des besoins.
Sans doute est-ce cette ambiance de travail qui a permis de dégager, sans arrière pensée et en confiance, au fil des rencontres, la liste des chantiers de fond à traiter pour l'avenir. Cette liste décrit du même coup un diagnostic partagé sur les problèmes du secteur.
Des lignes d'action permanentes
Ainsi, les discussions renouées en bilatéral autant à la demande des partenaires syndicaux que du ministère, les visites de terrain dans 17 établissements à raison d'une journée par semaine, la consultation des corps d'inspection comme des personnalités qualifiées ont donc rapidement permis d'établir des lignes d'action permanente, véritables boussoles pour guider les décisions quotidiennes du ministère.
De fait, elles convergent jusqu'au point de formuler quasiment un projet global pour l'enseignement professionnel secondaire. Mais, celui-ci se présente davantage comme un ensemble de réglages que comme une réforme d'ensemble.
Ces lignes d'action permanente ont été détaillées, à mesure de leur élaboration, à l'occasion des entretiens dans la presse. Dans la mesure où le projet qui résulte de cet ensemble de réglages, restera en cours d'élaboration et de discussion pendant tout le dernier trimestre de l'année 2000, le bilan que je dresse aujourd'hui s'en tiendra donc à indiquer les objectifs partagés qui en sont la trame. Mais, d'ores et déjà, chacun d'entre eux a commencé à trouver de substantielles mises en application en moins de 100 jours.
Le défi de la nouvelle donne.
On en comprendra mieux la portée si l'on prend la précaution d'inscrire ces décisions dans leur environnement. Il s'agit évidemment de la nouvelle donne économique, marquée par la reprise de la croissance et de l'emploi. Celle-ci produit d'ores et déjà des pénuries de main d'uvre d'autant plus spectaculaires qu'elles se concentrent sur des secteurs précis de production et de localisation. Paradoxalement, au même moment, la baisse démographique des élèves du secondaire se répercute aux trois quarts sur l'enseignement professionnel ! Ainsi, à la rentrée 1999, il a fallu constater que pour 21 000 inscriptions de moins dans le secondaire, 15 000 touchaient la voie professionnelle. Ce phénomène appelle un débat d'intérêt national sur les raisons qui conduisent à une telle impasse. Il met en cause, bien sûr, la gestion des flux d'élèves et les conditions de l'orientation de leur parcours scolaire. Mais, il concerne aussi surtout plus largement la place que reconnaît notre société à la culture technique et aux formes d'intelligence qu'elle appelle. Il est donc logique que la question du rôle du collège soit posée. Mais, sans attendre la réponse qu'il faudra y apporter dans les meilleurs délais, l'enseignement professionnel doit savoir désigner et traiter ses propres faiblesses.
Elles se concentrent sur 5 points repérés à ce jour : l'insuffisante fluidité des parcours qu'elle propose, la difficile lisibilité de ceux-ci, la garantie de crédibilité des diplômes qu'elle délivre, la précarité du statut de ses enseignants, les conditions sociales de la vie des jeunes en formation accueillis dans les établissements.
Ce diagnostic s'applique également, certes dans d'autres conditions, aux parcours proposés dans l'enseignement supérieur technologique et professionnel. C'est donc bien pour l'ensemble des séquences professionnalisantes de l'éducation nationale qu'il faut définir des réponses et des principes invariants d'échelle.
Pour le confort d'exposition des problèmes posés et des réponses qui ont commencé à y être apportées, je me propose de résumer l'orientation contenue par chacun des points évoqués, et de proposer un renvoi sur les fiches techniques qui décrivent le détail des actions déjà réalisées.
La FLUIDITÉ des parcours scolaires.
L'un des premiers obstacles psychologiques qui se présente au moment de la décision d'inscrire un jeune dans l'enseignement professionnel est le sentiment que cette voie ne lui permettra pas, s'il en a pourtant le goût et le talent, de poursuivre une progression vers les plus hauts niveaux de qualification. Sans proposer l'allongement des études comme un impératif pour chaque élève, il est néanmoins indispensable de garantir que, le cas échéant, chacun pourra aller aussi loin que le lui permettront ses mérites. C'est affaire de passerelles disponibles entre les différentes voies d'enseignement, autant que de mise en place de contremarches entre les différents paliers de formation, et notamment entre le secondaire et le supérieur. Sur ce point, un pas très significatif a été franchi, qui signale fortement l'objectif que je poursuis. En effet, j'ai publié un arrêté autorisant la conservation du bénéfice des notes acquises au baccalauréat dans les matières générales par un élève qui choisirait de passer ensuite un autre baccalauréat. La mesure est naturellement d'application générale pour les trois voies d'enseignement. Mais, elle prend un sens tout particulier pour les lauréats du Bac-pro qui peuvent, notamment par ce moyen, entreprendre un passage en terminale technologique. Dès lors, cette dernière peut fonctionner pour ces jeunes comme une passerelle effective vers l'enseignement supérieur.
Cependant, à l'intérieur même du parcours dans l'enseignement professionnel, on doit constater l'existence de filières en impasse. C'est pourquoi j'ai fixé l'objectif qu'il n'y ait plus de BEP sans ouverture sur un bac pro dans la même spécialité. La formule se prolonge évidemment par l'exigence qu'il n'y ait pas de bac-pro sans passerelle ou contremarche vers l'enseignement supérieur (BTS, DUT etc).
Ces exemples illustrent ma préoccupation. Elle me conduit à penser que la synergie la plus forte qui serait capable de produire la fluidité maximale est dans le rapprochement physique, dans un même établissement, des enseignements de la voie technologique et de la voie professionnelle. On peut l'observer dans certains établissements d'enseignement où ils se trouvent déjà réunis. On constate alors qu'ils épaulent effectivement leur attractivité respective et, en même temps, ils obtiennent le meilleur rendement des classes de transition d'une voie à l'autre. Cette piste est celle que j'explore pour aller plus avant.
La LISIBILITÉ de la voie d'enseignement professionnel
Un autre obstacle au choix des jeunes pour la voie professionnelle est l'opacité des parcours qu'elle propose, le caractère abscons des dénominations attribuées aux qualifications qu'elle délivre, la très faible visibilité des progressions qu'elle offre vers les sommets des qualifications professionnelles, grades et diplômes changeant d'ailleurs de noms et de type d'établissements selon les étapes. Cette opacité fonctionne à la fois comme un repoussoir, mais aussi et surtout, comme un facteur de discrimination. Discrimination, en effet, car la culture du projet personnel et du " plan de carrière " est culturellement cantonnée à quelques catégories sociales et ce ne sont pas celles dont les enfants sont les plus nombreux dans la voie technologique et professionnelle Repoussoir, parce qu'une telle pratique de la dénomination méconnaît la psychologie des jeunes ainsi empêchés de s'identifier à leur formation. En même temps qu'il leur est impossible de rendre celle-ci définissable par le métier auquel elle se rapporte, il leur est de ce fait interdit de bénéficier de sa reconnaissance sociale. En dépit des apparences qui feraient croire à une question simple de pure construction d'image, le problème soulevé percute de nombreux usages aux fondements et aux intérêts les plus divers. Quoi qu'il en soit, la refonte des dénominations des diplômes (et donc des cursus), le positionnement des établissements et celui des formations délivrées dans les termes de la nomenclature des métiers est un moyen essentiel pour la lisibilité des parcours. Elle est aussi un facteur d'attractivité des établissements dès lors que les établissements du secondaire et du supérieur s'y réfèreraient parallèlement. C'est pourquoi j'ai décidé le reclassement de toutes les licences professionnelles d'après cette nomenclature des métiers. Je suis persuadé qu'un premier signal de cette sorte, amplifié par le prestige de l'enseignement supérieur, facilitera son extension progressive à tous les types d'établissements et de formations professionnalisantes. Il est alors très évident que ces reclassements peuvent être un point d'appui positif pour refondre, là où cela est nécessaire, les parcours éducatifs eux-mêmes afin de garantir leur cohérence. J'estime que c'est aussi un changement indispensable pour parvenir à dresser des cartes d'offre de formations lisibles aux différents échelons de réalités territoriales, capables tout à la fois de cohérence et de complémentarité entre les différentes structures aujourd'hui disponibles, qu'elles soient publiques ou privées. Dans ces conditions, je crois que nous aurons alors à portée de main le moyen de l'entretien de plan de carrière auquel j'estime que tout jeune scolarisé doit avoir droit un an avant l'âge de fin d'obligation scolaire, quel que soit le point auquel il est parvenu dans son parcours scolaire.
La CREDIBILITÉ des formations
La voie professionnelle, comme la voie technologique, doit toute sa fiabilité à la valeur qualifiante des diplômes qu'elle délivre. Dès lors, le contenu de ceux-ci, d'une part, et, d'autre part, le débouché professionnel concret sur lequel ouvre la formation reçue, doivent être absolument garantis. Il faut donc s'en assurer de façon régulière à la fois pour les formations existantes et pour celles qui doivent être mises en place en fonction de l'émergence de nouveaux besoins. Cette tâche est prise en charge par les Commissions Professionnelles Consultatives (C.P.C.) pour ce qui concerne les formations au niveau CAP, BEP, Bac Pro, BTS. Au cours des trois derniers mois, 32 diplômes ont été ainsi réorganisés ou créés. Le mouvement s'étendra à l'ensemble des spécialités. De plus, les cohérences entre les parcours exigés seront réévaluées dans le cadre d'une conférence générale des Commissions Professionnelles Consultatives. Elle s'accompagnera de la mise en place d'un comité des programmes qui étendra cette investigation aux matières générales. Dans le même temps, un Observatoire des Métiers sera installé, et rapproché de la commission ad hoc crée au Commissariat général au plan, pour définir les formations correspondant aux besoins des métiers émergents. Cette ardente obligation est aussi celle qui prévaut dans l'enseignement supérieur. Elle s'est imposée dans le processus de mise en place des nouvelles Licences Professionnelles dont mon ministère a eu la charge. Le cahier des charges fixé pour le comité d'expert qui ont examiné les 500 projets déposés par les établissements d'enseignements a été complété par une déclaration d'orientation politique que j'ai faite devant le CNESER. J'ai choisi la voie d'une haute exigence sur les contenus, les durées d'enseignement et la valeur nationale des diplômes concernés. Il en résulte, il est vrai, une très forte sélection. La crédibilité des nouveaux diplômes est à mes yeux à ce prix. Les deux cents projets retenus offrent à mes yeux ces garanties. Car 300 maquettes ont été éliminées d'après ces critères combinés. Enfin, 25 des projets sélectionnés ont encore fait l'objet d'une demande ministérielle de rectification avant d'être définitivement agréés.
Le souci de la crédibilité des formations dispensées conduit aussi à s'interroger sur la place et le contenu des stages et périodes de formation en entreprise, séquence du parcours éducatif spécifique à l'enseignement professionnel secondaire et supérieur. Leur valeur pédagogique n'est pas toujours assurée, leur déroulement n'est pas toujours suivi comme cela serait souhaitable. Pourtant ces périodes comptent pour l'évaluation des jeunes et participent totalement à la délivrance des diplômes. On ne saurait donc sous-estimer les dysfonctionnements actuels. Le Premier Ministre m'a donc confié la mise au point d'un Protocole national d'accord-cadre pour les périodes de formation en entreprise, à négocier avec les intervenants, enseignants, jeunes et professionnels concernés. Dès à présent, j'ai publié une circulaire, concertée avec les syndicats, fixant les règles applicables dans le cadre du nouveau droit des élèves à deux heures hebdomadaires de suivi de leur période en entreprise dans l'enseignement secondaire professionnel.
C'est aussi dans cet ordre de préoccupation que je veux situer une autre décision pourtant justifiée par une situation autrement plus intolérable. A la suite d'un rapport que j'avais commandé à l'inspection générale de l'éducation nationale, j'ai en effet inscrit dans la loi " Modernisation sociale " une clause permettant la répression pénale des discriminations raciales conduisant à des refus de stage. Ici, en effet, à la blessure que le racisme inflige à nos jeunes, s'ajoute de surcroît l'empêchement pour eux d'accomplir une étape obligatoire de leur parcours pour obtenir leur diplôme.
La condition statutaire et sociale des participants à l'enseignement professionnel
On ne peut organiser le changement dans la voie de l'enseignement professionnel, ni répondre aux exigences de la " nouvelle donne ", comme au paradoxe qu'elle fait apparaître, sans intégrer au point de départ de la démarche le traitement des questions lourdes que soulève la condition enseignante, comme celle des étudiants dans ce secteur. Les trois mois d'activité ont été particulièrement actifs dans ce domaine.
a) La condition enseignante
Les enseignants disposent avec leurs syndicats d'une forte capacité d'expression. C'est à partir des constats et revendications qu'ils ont dressés que l'action de changement s'est déployée. Cette action s'est évidemment concentrée sur la promulgation du nouveau statut, mais elle a également impliqué celui des retraités à partir du moment ou j'ai réalisé la fusion en un corps unique de l'ensemble des grades de la profession. Par ailleurs un défi spécifique se trouve lancé par le record de personnel sous statut précaire dans cet ordre d'enseignement. Cette situation est d'autant plus incohérente que le corps des titulaires se distribue d'après une pyramide des âges faisant prévoir des départs massifs à la retraite au cours des années à venir. Elle est de surcroît périlleuse pour la pérennité de nos enseignements au moment où la nouvelle donne économique fait subir au service public une forte compétition avec le secteur privé pour l'embauche et notamment celle des professeurs de spécialité. Dans le cadre du plan gouvernemental de résorption de la précarité dans la fonction publique, j'ai décidé d'ouvrir des possibilités exceptionnelles d'intégration facilitées pour les personnels sous statuts précaires.
b).La condition des jeunes en formation
L'âge moyen des élèves des lycées professionnels appelle une attention particulière. Plus âgés que leurs camarades du secondaire général, majeurs pour beaucoup d'entre eux, parfois jeunes pères et mères de famille, les conditions de leur accueil, leurs moyens d'existence, leur implication dans leur propre formation doivent être pris en compte de manière spécifique. Encore faut-il, bien sûr, disposer de connaissances précises sur la situation. C'est pourquoi j'ai commandé une enquête de l'Inspection Générale de l'Éducation Nationale (IGEN) sur la situation sociale des jeunes en formation dans les lycées professionnels, puisque aucune étude n'est disponible à ce jour faute de n'avoir jamais été demandée au cours des vingt dernières années. L'observation de terrain permet cependant de savoir qu'un nombre très significatif de jeunes adultes lycéens ont une activité salariée en dehors de leurs heures de cours. De ce fait leur disponibilité pour le travail scolaire est évidemment affectée. Les succès de l'apprentissage (qui est rémunéré), les départs vers l'emploi en cours de stage attestent de la force de cette contrainte financière sur le parcours scolaire de nos jeunes. J'ai donc voulu poser franchement la question du statut social du jeune en formation. Ma préoccupation fait écho aux interventions de la représentation syndicale lycéenne sur ce point. Mais, la question du statut social des étudiants en formation est exactement de même nature pour les jeunes inscrits dans les filières professionnelles de l'enseignement supérieur, même si elle se pose dans des termes différents. Inclus dans le plan global concernant le statut social étudiant qu'impulse le ministère de l'éducation nationale, les jeunes post-bac de l'enseignement technologique et professionnel bénéficieront pleinement des 6 mesures de progrès social de ce plan. Mais, on voit que dans le secondaire comme dans le supérieur se pose la question de l'autonomie sociale du jeune comme condition pour qu'il soit réellement coproducteur de sa propre formation, libre de ses choix et disponible pour réussir son parcours qualifiant. J'ai ouvert ce dossier en proposant la rétribution obligatoire des stages et périodes de formation en entreprise. Mes consultations ont commencé. Mon projet est d'élargir le débat jusqu'à la possibilité de contrats de pré-embauche rétribuant les jeunes dans leur dernière année de formation avant le diplôme professionnel.
Une seconde avancée me semble indispensable pour prendre en compte le besoin d'une plus forte implication des jeunes dans le déroulement de leur vie lycéenne. Il s'agit de la mise en place d'un véritable statut citoyen du lycéen dans son établissement. J'ai donc pris les mesures d'extension des droits des élus lycéens que cette question appelle. En même temps, j'ai voulu faire évoluer le régime disciplinaire qui leur est applicable. Dans mon esprit, cette démarche appelle aussi une véritable formation citoyenne des jeunes et j'ai donc entamé une réflexion sur la mise en place d'un module d'enseignement consacré aux "grands problèmes contemporains ".
L'Europe de l'enseignement professionnel
La mobilité des enseignants et des élèves a été proclamée objectif prioritaire de la présidence française. L'enseignement professionnel est pionnier dans ce domaine. 4000 de ses élèves ont déjà participé à une période de formation en entreprise dans un pays européen. J'ai décidé de faire doubler ce nombre l'année prochaine. De nombreuses classes " européennes " existent dans l'enseignement professionnel. J'ai donc publié la décision de créer une mention " section européenne " pour les lauréats de Bac-pro acquis dans ces conditions et ayant obtenu la moyenne nécessaire pour la mention " bien ". Ajoutons ici, pour le symbole qu'il veut représenter, la création d'un prix de la " Fraternité professionnelle " que j'ai décidée pour récompenser une équipe européenne à l'occasion de l'éco-Marathon Shell, qui a vu cette année 35 équipes étrangères participer à cette grande compétition technique des établissements d'enseignements professionnels français.
Mesurer la qualité
Dans le cadre de cette présidence française, le ministre de l'éducation nationale, Jack Lang, a délégué au ministère de l'enseignement professionnel le pilotage des initiatives qui doivent conduire l'Union européenne à se doter d'indicateurs de qualité pour évaluer les performances des divers systèmes éducatifs. De fait, d'ores et déjà, Jack Lang a installé un haut comité de l'évaluation présidé par Claude Thélot qui est en charge de cette mission pour le système éducatif français. C'est dans le cadre de cette action qu'un indicateur de qualité de l'enseignement professionnel sera également élaboré. L'intérêt de tels indicateurs est naturellement dans l'évaluation des résultats qu'il permet et donc l'aide à la décision qu'il apporte. Mais, il inclut également un enjeu plus politique. La question posée par la formation de cette sorte d'indicateur est de savoir ce qu'il va mesurer. Par-là même se trouvent définies les valeurs qu'une société veut voir porter par son système éducatif.
En conclusion de ce bilan, je veux souligner que la brièveté de la période qu'il concerne n'a donc pas empêché la vigueur de l'action. Celle - ci est conduite en étroite collaboration avec le ministre de l'Education Nationale, Jack Lang. Les principes mis en uvre dans les changements impulsés comme dans la gestion quotidienne sont bien les mêmes des deux côtés de la rue de Grenelles. Cette unité de pilotage est me semble-t-il un gage d'efficacité conforme à l'exigence de réussite de la mission qui est confiée à l'éducation Nationale.
(source http://www.education.gouv.fr, le 2 octobre 2000)