Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement, à RMC le 19 août 2004, sur la surveillance des plages et sur le débat autour de Nicolas Sarkozy et de la présidence de l'UMP.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

QUESTION : C'est la grande rentrée pour le Gouvernement aujourd'hui : premier Conseil des ministres de l'après-vacances. Les vacances se sont-elles bien passées ?
Jean-François COPE (Réponse) : Oui, elles étaient brèves et studieuses.
QUESTION : Vous n'êtes pas allé au bord de la mer ?
Jean-François COPE (Réponse) : Si, si.
QUESTION : Vous avez fait attention aux dangers ? Je ne sais pas si vous étiez au bord de la Méditerranée, mais vous avez vu ce qui s'est passé : 9 morts et 2 disparus en deux jours ! Hier encore, une femme s'est noyée sur une plage de l'Aude, elle se baignait alors que c'était interdit, alors qu'il y avait le drapeau rouge. Que faire contre cette inconscience ?
Jean-François COPE (Réponse) : D'abord, commencer par en appeler à la responsabilité. J'étais allé, dans le cadre de mes fonctions ministérielles auprès de D. de Villepin, au début de l'été, à la Grande Motte, sur les plages, pour voir le dispositif, rencontrer notamment les équipes de CRS qui sont en charge de la surveillance des plages, et on avait évoqué ces questions. Que voulez-vous que je vous dise ! Nous mettons en place tous les dispositifs de vigilance possibles. Il faut maintenant en appeler à la responsabilité des gens, et en particulier des parents. Parce qu'il faut savoir que même si en apparence les choses peuvent apparaître calmes, il faut regarder la couleur des drapeaux, il faut consulter les maîtres-nageurs sauveteurs, qui sont sur place, qui sont des professionnels et qui savent. Mais attention, vraiment, parce que dans ce domaine-là, c'est une affaire de responsabilité aussi, et de vigilance.
QUESTION : Alors puisque c'est une affaire de responsabilité, faut-il dresser des procès-verbaux ? Lorsque le drapeau est rouge, quelqu'un est sur la plage et va se baigner, doit-on systématiquement dresser un procès-verbal, et doit-on faire payer les secours à ceux qui sont secourus et qui sont allés se baigner alors que
c'était interdit ?
Jean-François COPE (Réponse) : Vous savez que le principe n'est pas celui-là. Il faut, je crois, donner toute sa place à la solidarité nationale. Et puis, nous sommes dans un pays où il faut savoir pas seulement contraindre mais il faut savoir convaincre aussi. L'un des grands mots-clés de l'action que nous menons d'ailleurs, dans tous les domaines, c'est la responsabilité ; ce sont les droits et les devoirs. C'est cette idée de rééquilibrer un peu les choses pour chacun. Je crois que dans ce domaine-là, il y a vraiment lieu que chacun se dise : attention, "je suis un papa", "je suis une maman", "j'ai un enfant de dix ans, il est plus sportif que ce qu'il grandit, mais il n'est pas encore adulte", et il faut y faire attention. C'est valable aussi pour les adultes, puisque vous avez vu qu'il y a eu, notamment, à deux reprises, des adultes qui ont été noyés. Donc, je crois surtout qu'il faut écouter les conseils des spécialistes, des professionnels, ils sont là pour ça. Et le Gouvernement, comme les municipalités, les mettent à la disposition de nos concitoyens pour conseiller. Et puis, bien sûr, le cas échéant, pour intervenir.
QUESTION : Je lisais la tribune que vous avez écrite, publiée ce matin par Le Figaro. Et dans le texte, je lis : "Il nous reste un défi à relever, peut-être le plus noble et le plus important de tous : reconquérir le coeur des Français". Comment allez-vous reconquérir le coeur des Français ? D'abord, cela veut dire que vous ne l'avez pas conquis...
Jean-François COPE (Réponse) : Cela veut dire que quand on fait de la politique, on n'est pas obligé de faire de la langue de bois. Nous avons connu, ces derniers mois, des rendez-vous qui ont été des rendez-vous difficiles. Il y a bien sûr les rendez-vous électoraux, mais il y a aussi des difficultés, il y a eu des tensions sociales, etc.
QUESTION : Avez-vous commis des erreurs ?
Jean-François COPE (Réponse) : Ce qu'il faut retenir de cela, d'abord, je crois que dans la vie, il y a une valeur qui est essentielle, en politique en tout cas, c'est le courage. Et dans la notion même de courage, il y a l'idée que l'on peut et qu'il faut admettre de temps en temps que l'on peut effectivement se tromper, en allant trop vite ou pas assez vite. Mais c'est aussi, je crois, faire ce qui est nécessaire. Et ce que nous devons continuer de faire dans ce domaine, c'est continuer d'expliquer et c'est continuer d'agir. Car ce que j'ai écrit dans cette tribune, c'est que nous avons, nous, une obligation absolue : c'est de refuser toute forme d'immobilisme. Parce que cela, les Français, quelle que soit leur opinion, ne nous le pardonneraient jamais. Et la deuxième chose, c'est qu'il faut maintenant, à l'occasion de cette rentrée, en appeler à l'engagement des Français. Nous avons quelques rendez-vous essentiels : nous avons à préparer l'avenir - notamment l'école, la recherche scientifique -, nous avons à engager une vraie bataille pour la relocalisation des emplois - ces entreprises qui se délocalisent, c'est une préoccupation majeure -, nous avons à nous occuper de sécurité, et puis enfin, nous avons à parler d'Europe. Et sur tous ces sujets, on ne peut pas avoir, d'un côté le Gouvernement qui engage des réformes, et de l'autre des Français qui ne s'engagent pas. Je crois qu'il est indispensable que sur ces sujets, le débat politique, au sens noble, reprenne toute sa place dans les foyers.
QUESTION : Nous allons aborder des sujets-là. Mais, vous l'avez constaté comme moi - peut-être le regrettez-vous - le débat s'est focalisé depuis plusieurs semaines autour de N. Sarkozy et de sa rivalité avec Jacques Chirac. A qui la faute ?
Jean-François COPE (Réponse) : Non, je ne crois pas que ce soit un jeu facile que celui qui consiste à raisonner comme cela.
QUESTION : Comment ? Il n'y a pas de débat autour de N. Sarkozy, on n'en parle pas ?
Jean-François COPE (Réponse) : Non, ce n'est pas que l'on n'en parle pas, mais il y a derrière tout cela des choix, des décisions. Pour prendre le cas sur lequel vous ne m'avez pas encore interrogé mais je sens que cela va venir, puisque, effectivement, les journalistes, ça les passionne - je ne sais pas si cela passionne les Français, mais cela passionne les journalistes !...
QUESTION : Mais vous cela ne vous passionne pas parce que cela vous gêne à l'UMP !
Jean-François COPE (Réponse) : Mais non, mais attendez, j'arrive ! Justement, je vous en parle de moi-même, donc voyez... En ce qui concerne ce sujet précis, c'est une décision qui est importante et qui est difficile à prendre pour N. Sarkozy, que de savoir s'il s'engage vers cette candidature. Alors, à ce jour, il n'a pas encore rendu sa décision, parce qu'effectivement...
QUESTION : Enfin, il va être candidat à la présidence de l'UMP, vous n'en doute plus ?
Jean-François COPE (Réponse) : En tout cas, c'est vrai que chaque jour qui passe l'approche de cette décision. Mais enfin, attendez : au jour d'aujourd'hui, il a recueilli beaucoup de signatures, mais il ne l'a pas annoncé, et vous comprenez qu'on n'anticipe pas. Mais néanmoins, je conçois que c'est une décision qui est difficile, compte tenu...
QUESTION : S'il est élu président de l'UMP, doit-il rester au Gouvernement ?
Jean-François COPE (Réponse) : Je crois que là-dessus, il n'y a pas de débat en réalité, puisque le président de la République a fixé une règle que chacun connaît.
QUESTION : Oui, mais pour N. Sarkozy, il n'y a pas de règle, il peut faire ce qu'il veut, franchement, ou alors on change de Gouvernement ?
Jean-François COPE (Réponse) : Ah oui, c'était ça ...! Encore une fois, moi, là-dessus, je ne suis pas en charge de ce genre de décision.
QUESTION : Mais quel est votre avis ? Est-ce qu'un ministre aussi important que lui peut à la fois être ministre de l'Economie et président de l'UMP ?
Jean-François COPE (Réponse) : Je renverse un peu le propos, parce que ce n'est pas tout à fait comme cela que les choses se passent. Le président de la République a fixé une règle à l'occasion du 14 Juillet, qui consiste à dire qu'il ne souhaite pas que l'on cumule une fonction de membre du Gouvernement avec celle de président de l'UMP...
QUESTION : Donc, N. Sarkozy doit obéir ?
Jean-François COPE (Réponse) : Là-dessus, la règle a été fixée par le président de la République.
QUESTION : Donc, il doit obéir ?
Jean-François COPE (Réponse) : Mais ce n'est pas ça, c'est que c'est le président de la République qui fait le Gouvernement.
QUESTION : Oui, d'accord... J'ai compris.
Jean-François COPE (Réponse) : Mais là, en l'occurrence, il n'y a rien de nouveau sur ce point-là. Mais je crois qu'au-delà de ça, c'est une décision qui est difficile à prendre.
QUESTION : Alors à qui la faute ? Pourquoi le débat s'est-il focalisé ? Est-ce la faute des journalistes ? Est-ce la faute de l'UMP ? A qui la faute ? Est-ce parce qu'il y a un manque de projet politique ?
Jean-François COPE (Réponse) : Mais attendez : le vrai sujet, c'est que tout cela va se dérouler en l'état. D'abord, je rappelle que pour reprendre votre formule, tout cela est venu du fait que A. Juppé a quitté ses fonctions, sinon le débat n'aurait pas lieu. A. Juppé a quitté ses fonctions pour les raisons que vous savez. A partir de ce moment-là, s'est posé la question de savoir qui pourrait être, le cas échéant, candidat à la présidence de l'UMP. Et c'est cela qui, en fait, fait le débat.
QUESTION : Souhaitez-vous que N. Sarkozy soit président de l'UMP, très honnêtement ? Parce qu'il vous a beaucoup aidé dans votre campagne aux régionales.
Jean-François COPE (Réponse) : Chacun connaît la qualité de mes relations avec N. Sarkozy. Mais, encore une fois, je crois que le sujet n'est pas là. Le sujet c'est qu'à ce stade, c'est une décision personnelle, qui est une décision dont j'imagine qu'elle est difficile, parce qu'elle est importante par rapport au parcours qui est le sien. Mais au-delà de cela, c'est aussi la réflexion qu'on doit tous avoir sur l'avenir de notre famille politique : quel projet, quelle organisation ? Sachant, bien entendu, que l'essentiel de la préoccupation des Français aujourd'hui - pardon de le dire et quitte à vous décevoir - c'est ce que va faire le Gouvernement, c'est ce que nous allons engager...
QUESTION : Mais non, ce n'est pas moi !
Jean-François COPE (Réponse) : ...C'est un "vous" collectif, je parle de la profession de journaliste. Mais ce que je veux dire par là, c'est que je crois qu'aujourd'hui, la grande préoccupation des Français quand ils vont rentrer de vacances, c'est quels seront les grands enjeux du budget, comment va-t-on réformer l'école, sur quoi va-t-on travailler, comment prépare-t-on l'avenir, comment parle-t-on d'Europe... Et c'est vrai que sur tous ces sujets, nous aurons besoin d'un parti politique qui soit, effectivement...
QUESTION : On va parler des projets du Gouvernement, on va parler de l'Europe. Mais encore un mot sur cette histoire Sarkozy : c'est vraiment un chewing-gum qui vous colle à la main "cette affaire" - entre guillemets - Sarkozy -, parce que cela empoisonne la vie politique depuis des mois ! C'est pour cela que cela intéresse les Français, parce que cela empoisonne, cela empêche peut-être le Gouvernement d'agir.
Jean-François COPE (Réponse) : Très honnêtement, je comprends votre enthousiasme, on est au mois d'août, etc. Mais très franchement, cela n'empêche absolument aucune réforme, bien au contraire. Sinon, cela signifierait que le Gouvernement n'a pas fait la réforme de l'assurance maladie, n'a pas fait...
QUESTION : Mais c'était avant...
Jean-François COPE (Réponse) : Mais vous rigolez ! C'est au mois de juillet qu'elle a été votée. Sans oublier la décentralisation, sans oublier la réforme de la dépendance, où nous avons renoncé à un jour férié pour financer la solidarité pour les personnes âgées et les personnes handicapées, sans oublier l'action conduite, et à Bercy, pour ce qui concerne la réforme d'EDF, etc. Et puis, le pouvoir d'achat des consommateurs ; vous savez qu'on y travaille beaucoup - qu'il y travaille beaucoup. Et puis, enfin - vous comprendrez que j'y pense aussi -, au chantier de D. de Villepin, notamment en matière de sécurité.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 août 2004)