Déclaration de M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur l'apprentissage et l'orientation scolaire et la découverte professionnelle en classe de troisième, Paris le 14 janvier 2005.

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Circonstance : Inauguration du Carrefour des métiers et de l'entreprise à Paris le 14 janvier 2005

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
C'est avec enthousiasme que j'ai parcouru ce matin le " Carrefour de l'orientation, des métiers et de l'entreprise ", qui s'est imposé comme un incontournable rendez-vous de l'orientation. Il constitue une rencontre privilégiée entre les jeunes, les métiers et l'entreprise. Chaque année ce sont ainsi plus de 2000 élèves qui voient s'ouvrir, au contact des 300 exposants, des pistes pour leur avenir.
Je souhaiterais ici féliciter les organisateurs de ce salon, et remercier chacun des exposants pour leur engagement.
L'objectif d'une meilleure orientation de notre jeunesse est une priorité. Il est au cur de mon projet de loi pour l'École.
Ce projet, Mesdames et Messieurs, est bâti sur un constat : la France est dans monde ouvert et compétitif. De nouvelles puissances émergent, de nouvelles formes de production et d'échanges s'imposent, des pôles d'excellence scientifique apparaissent aux quatre coin du globe Bref l'époque où avec quelques autres Nations, la France dominait le monde est révolue !
Face à cette nouvelle donne, deux options s'offrent à nous : soit on continue de vivre comme si de rien n'était, comme au temps des trente glorieuses en somme Et alors le déclin est assuré.
Soit, comme je le propose, on affûte nos armes, on développe nos atouts et nos potentiels, et on se bat !
Face à cette concurrence internationale, la plus-value française résidera dans le haut niveau de qualification de ses salariés ; et donc dans le haut niveau de formation de sa jeunesse.
Pour cela, il faut adapter notre système scolaire.
Dans quel état est-il ?
L'École a plutôt bien assumé l'objectif voulu à la Libération d'une élévation du niveau d'études des Français. Mais des " points noirs " existent. Les plus inacceptables sont les 15 % d'élèves qui ont le plus grand mal à lire, écrire, compter ; et les 150 000 d'entre eux qui sortent, chaque année, du système sans diplôme, ni qualification. Ces chiffres ne sont pas sans incidence sur une situation qui est propre à la France : je veux parler du taux de chômage anormalement élevé qui frappe notre jeunesse.
Ce triste record appelle une réaction de chacun, et d'abord de l'école Pour cela, l'institution scolaire doit être plus efficace !
Plus efficace, en mettant l'accent sur ce qui est essentiel dans la formation initiale d'un jeune. Au-delà des 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat, je me fixe un autre objectif : celui de 100 % de qualification.
C'est ici l'idée du socle de connaissance et de compétences fondamentales qui devra être impérativement acquis par tous les élèves. La maîtrise de la langue française, de notions de base en mathématiques, d'une culture générale, d'une langue étrangère, de l'usage de l'informatique : tels sont pour moi les axes prioritaires de ce socle.
Une école plus efficace, c'est aussi une école qui, par l'information et la mise en valeur des potentiels de chacun, construit, avec l'élève, un parcours d'orientation choisi plutôt que subi.
Trop de jeunes aujourd'hui butent sur des questions simples et pourtant essentielles : " Quelle est ma voie ? " ; " Où puis-je m'épanouir ? " ; " Quel métier vais-je faire demain ? " ; " Quelle formation suivre ? "
L'éducation nationale doit les aider à trouver des réponses.
Un bon collège ou un bon lycée, c'est certes un établissement qui fournit le bagage nécessaire à la construction intellectuelle d'un enfant. Mais c'est aussi un établissement qui offre en parallèle une sensibilisation sur les métiers et le monde de l'entreprise. Bref, c'est un établissement qui aide l'élève à bâtir son projet professionnel !
Je lisais cette semaine, dans un " grand journal du soir " que " le projet Fillon [orientait] l'école vers l'entreprise. " Je vous le confirme Et je n'ai aucun complexe avec cela !
Il est temps de rappeler que l'École a aussi pour mission de préparer les adolescents à l'entrée dans la vie active ! Il est temps de donner toute sa place aux filières professionnelles et aux enseignements pratiques ! Bref, il faut arrêter de dire qu'entre École et les entreprises, aucune relation n'est envisageable !
Je récuse ce discours qui a conduit une partie de notre jeunesse dans le mur.
C'est pourquoi, j'ai lancé la découverte professionnelle en classe de 3ème. A compter de l'année prochaine tous les jeunes se verront offrir un nouvel enseignement -de 3 à 6 heures par semaines- qui sera consacré aux métiers et à la vie professionnelle. Mon objectif est que d'ici 5 ans, au moins 100 000 élèves suivent cet enseignement.
Cet enseignement permettra aux élèves d'élaborer un projet personnel à travers la présentation de différents métiers, des compétences qu'ils supposent, des débouchés qu'ils offrent et des voies de formation qui y conduisent.
A présent, il faut que chacun s'approprie ce nouvel enseignement. J'en ai conscience, celui-ci a les allures d'une petite révolution au sein de notre système éducatif. Mais j'ai confiance dans les professeurs qui regorgent d'initiatives pédagogiques et d'esprit d'innovation. J'ai confiance dans les chefs d'entreprise qui devront, eux aussi, accepter -comme vous le faites ici à Cholet- de prendre sur leur temps pour ouvrir leurs portes ou se rendre dans les classes afin de parler de leur métier et de la passion qui est la leur
C'est ainsi que les élèves -et leurs parents- seront mieux éclairés dans leur choix d'orientation. En toute connaissance de cause, ils pourront décider entre filières académiques et filières professionnelles.
Ces filières professionnelles ont toute leur place dans notre système éducatif, une place qui doit être reconnue -je l'ai dit- à l'égale de toutes les autres. Préparer un diplôme professionnel est tout aussi respectable que présenter un diplôme universitaire ou une école de commerce
Pour ce faire, il faut arrêter de hiérarchiser ou stigmatiser le parcours des jeunes qui choisissent ces filières pratiques Et je vois comme un signe encourageant le fait qu'un candidat sur deux inscrit au baccalauréat présente une série professionnelle ou technologique. Ce chiffre témoigne de l'évolution du regard qui est porté sur les débouchés de ces formations et sur le sérieux qu'elles inspirent aux acteurs du monde économique.
Un autre regard doit être également porté sur l'apprentissage.
Depuis trop longtemps il draine une image négative, comme si cette voie de formation serait l'apanage de ceux en échec scolaire Et pourtant, c'est une voie exigeante qui offre des perspectives professionnelles ouvertes. Les métiers auxquels elles préparent ne sont pas ceux qui connaissent le plus de problème d'emploi.
Oui, l'apprentissage j'y crois !
J'ai donc décidé d'augmenter de 50 %, dans les 5 ans à venir, le nombre d'apprentis dans les centres de formation publics. Pour ce faire, nous développerons les missions des lycées publics professionnels et technologiques afin d'offrir, sur un même site, une formation scolaire, une formation pratique, une formation tout au long de la vie.
Cette formation tout au long de la vie, ce nouveau droit essentiel reconnu à chaque salarié, je l'ai fait voté, il y a un an, par le Parlement. L'époque est terminée où l'on était formé une fois pour toute, le diplôme en poche. Désormais, chaque salarié doit pouvoir s'enrichir de connaissances nouvelles pour s'adapter aux évolutions des méthodes et des techniques de travail. Il en va de son épanouissement professionnel, de sa capacité de rebondir professionnellement, de la compétitivité de notre pays.
Mesdames, Messieurs,
La France est le seul pays d'Europe à disposer de milliers d'offres d'emplois non pourvues et de voir autant de jeunes qui cherchent leur voie, parfois au chômage et sans qualification adaptée
Par une orientation mieux choisie ; par un lien direct avec la vie active ; par des filières professionnelles réhabilitées : l'Ecole n'entend plus être complice de ce triste paradoxe.

(Source http://www.education.gouv.fr, le 19 janvier 2005)