Texte intégral
Q- Commençons avec les 35 heures : N. Sarkozy demande une réforme profonde ; on a vu l'idée avancée par J.-P. Raffarin : de l'argent contre une réduction des RTT. Echanger ses RTT contre de l'argent, est-ce une bonne idée ?
R- Je pense que c'est une bonne idée, à une condition, parce que l'on n'a absolument aucun détail sur cette idée. Je suis favorable à une idée simple, que j'ai défendue, vous vous en souvenez, pendant la campagne présidentielle, et qui est celle-ci : les heures supplémentaires continuent à porter une prime pour le salarié mais cette prime est défalquée des charges sociales de manière à ce que, pour l'employeur, cette heure supplémentaire, entre 35 et 39, ne coûte pas plus cher qu'une heure normale. Autrement dit, on joue sur les charges sociales, de manière à ce que l'heure soit récompensée par une prime d'heure supplémentaire, et qu'ainsi les choses puissent un attrait pour le travail, un plus pour le travail, un gain pour le salarié et pas une charge de plus pour l'entreprise.
Q- Sentez-vous monter la revendication essentielle, aujourd'hui, de l'augmentation des salaires ? J'entends tous les jours les auditeurs, les salariés nous dire : "Maintenant, il faut augmenter les salaires !". Faut-il augmenter les salaires ?
R- En tout cas, pour moi, le souci principal, c'est 12 millions de personnes en France qui travaillent à temps plein et qui gagnent très peu. Les fins de mois sont très difficiles pour elles. Elles ont l'impression que tout ce que la société montre, tout ce à quoi elle appelle n'est pas fait pour eux. Et donc, ils vivent avec des aides, des primes, des aides sociales. Et tout cela leur donne un sentiment d'inachèvement, il y a quelque chose qui ne va pas.
Q- Que proposeriez-vous ?
R- Il me semble que c'est dans le salaire direct que se trouve la réponse, dans une politique qui permet à l'entreprise d'assumer un vrai salaire sans avoir besoin d'être assommé de charges sociales supplémentaires.
Q- Donc, on réduit les charges sociales, on essaye...
R- En tout cas...oui, on les réduit et on réfléchit sur quoi on peut les...
Q- Vous avez entendu N. Sarkozy, nouveau président de l'UMP.
Qu'attendez-vous de lui, vous, président de l'UDF ?
R- Je pense que nous devons avoir de bonnes relations, ce qui est le cas, et en même temps, que nous devons présenter des projets différents aux Français. Que les trois formations politiques qui vont présenter des projets aux Français - le PS, l'UDF et l'UMP - creusent chacune la cohérence de leur projet. Et que les Français voient bien sur quels choix ils vont pouvoir se prononcer.
Q- Précisément : quelle différence avez-vous avec l'UMP ?
R- Les différences sont importantes. La première différence, c'est que l'UMP est un parti qui cherche à concentrer entre ses mains tous les pouvoirs. Ce qui est le cas aujourd'hui. Vous savez que l'UMP, aujourd'hui, est le parti qui a le plus de pouvoir depuis que la République existe. Est-ce plus efficace pour la société française ? Pour moi, la réponse est non. Les réformes ont-elles plus avancé qu'elles ne le faisaient par le passé ? Pour moi, la réponse est non. La situation a-t-elle changé comme on l'avait promis en 2002 ? Pour moi, la réponse est non. Et donc, je suis pour une société dans laquelle il y a équilibre des pouvoirs et dans laquelle, par exemple, les contentent de suivre. Première différence. Deuxième différence que j'aie avec N. Sarkozy - pas avec l'UMP mais avec N. Sarkozy - : il a fait le choix d'adapter ou d'adopter pour la France les recettes de la société américaine. Et je ne crois pas que cela marche. Je pense que la France a son modèle, l'Europe a son modèle, et c'est dans ce modèle qu'il faut creuser. Vous voyez bien les signes nombreux qui font que nous sommes sur une ligne différente. Troisième point : N. Sarkozy a choisi, quand il a été au Gouvernement, de s'attaquer aux conséquences et pas aux causes. Je prends un exemple : il a fait une réunion à Bercy et il a décidé que les prix des supermarchés devaient baisser de 2 %. Evidemment, ce n'a pas été le cas, et en tout cas, lorsqu'il y a eu une petite baisse, cela a été, bien souvent, au détriment des fournisseurs, qui, eux, se sont sentis complètement contraints et en situation extrêmement difficile. Il me semble que c'est aux causes qu'il faut s'attaquer et pas aux conséquences. Et que ce n'est pas, par exemple, à Bercy de fixer le prix des grandes surfaces. Il y avait trente ans que l'on avait renoncé, en France, à cette idée. En revanche, il y a des points sur lesquels je suis en accord avec lui : j'ai par exemple approuvé ce qu'il a fait en matière de politique industrielle, avec Alstom, parce qu'il est juste et normal que l'on s'intéresse aux structures des grandes entreprises et que l'Etat donne des signaux qui soient positifs et ne puissent pas être ignorés dans cette affaire.
Q- Vous avez déjeuné avec lui le week-end dernier ; vous lui avez dit que le congrès de l'UMP avait coûté trop cher ?
R- Je n'ai pas eu besoin de lui dire parce que j'imagine qu'il le sait très bien. Pourquoi cette remarque ou cette inquiétude ? Parce que je n'ai pas envie d'une vie politique qui soit dominée par l'argent. Cela aussi c'est un modèle américain, à mon sens détestable. Vous avez vu combien de millions de dollars ont été dépensés pour la campagne présidentielle américaine. Qu'est-ce qu cela veut dire ? Cela veut dire que, lorsque vous êtes ainsi, à ce point, sous la contrainte de l'argent, que évidemment l'égalité de chances n'est pas établie entre formations politiques, et que ceux qui fournissent l'argent ont un poids très important. Ce n'est pas le cas en France, où nous avons des lois sur le financement des partis politiques, heureusement. Elles sont injustes puisqu'elles permettent de concentrer les moyens sur les uns et de réduire les autres à la portion congrue. Je pense qu'elles changeront un jour ou l'autre et je n'ai pas envie d'une vie politique dominée par l'argent. J'ai envie d'une vie politique dominée par des idées et des hommes qui les défendent.
Q- Le président de la République doit-il changer de Premier ministre ?
R- C'est sa responsabilité et je ne crois pas que ce soit des affaires de personnes ou seulement des affaires de personnes.
Q- Cela ne changera rien ?
R- Je pense que les choix politiques, c'est le président de la République qui les fait, et le président de la République, lorsqu'il met des équipes en place c'est pour appliquer une politique. Je ne regarde pas tant les hommes que la politique suivie.
Q- Etes-vous, comme V. Giscard d'Estaing, favorable à deux mandats présidentiels et pas plus ?
R- C'est un amendement que nous avions déposé au moment où on a voté le quinquennat. Et je maintiens que, en effet, il devrait y avoir en France une limitation des mandats dans le temps.
(2ème partie)
Q- Regardons cet amendement Garraud : de quoi s'agit-il ? Il y a un projet loi qui est examiné par les députés en deuxième lecture, qui crée la Haute autorité contre les discriminations. J.-P. Garraud, député UMP, veut limiter la possibilité aux seules associations reconnues d'utilité publique de se porter partie civile en cas de propos sexistes et homophobes, ce qui allège le texte. Que vont faire les députés UDF ?
R- Ils ne voteront certainement pas cet amendement, parce que c'est un amendement hypocrite qui vise purement et simplement à supprimer la loi, puisque, l'on peut être pour ou contre, on peut avoir des avis différents sur cette affaire mais l'amendement Garraud consiste à dire : "ne pourront se porter partie civile que des associations reconnues d'utilité publique", or il n'y a aucune association de défense d'homosexuels qui sera reconnue d'utilité publique. C'est dire que c'est une manière détournée et hypocrite de vider son sens le texte.
Q- Croyez-vous que les députés UMP vont voter cet amendement ?
R- J'espère que non. Ils l'ont voté en première lecture devant la commission des lois, j'espère qu'ils vont réfléchir désormais. Je suis réservé devant l'idée de multiplier les définitions de discrimination. Il me semble qu'une discrimination à l'égard d'une personne âgée en raison de son âge est exactement de même nature, aussi grave, qu'une discrimination à l'égard d'un homosexuel, en raison de son "orientation sexuelle", comme on dit, de ses choix de vie, ou une discrimination à l'égard d'une femme, en raison de propos sexistes, en raison de son sexe. Pour moi, les discriminations devraient être englobées dans un texte général et pas multiplier ainsi "les niches", "les tranches" de discrimination. Ce serait plus raisonnable et cela correspondrait plus à l'idée que je me fais de la loi.
[...]
Q- D. de Villepin est catégorique : "il n'est pas question de toucher à la loi de 1905, qui régit en France depuis plus d'un siècle les rapports entre les Eglises et l'Etat". Etes-vous sur le même point de vue ?
R- Oui, je suis pour que l'on ne touche pas à la loi de 1905 parce que lorsque l'on a réussi à bâtir un équilibre au cours de cent ans d'essais et d'erreurs, d'avancées et de reculs, on fait attention avant d'y toucher. Mais je suis aussi de son avis sur un point : il faut que l'on trouve le moyen de favoriser ou en tout cas de réguler les financements qui vont en direction des lieux de cultes musulmans. Il n'est pas sain que ces financements soient faits pas des pays étrangers. De ce point de vue, du point de vue de la formation des imams, l'idée de créer une fondation qui serait alimentée par un certain nombre de sources légales. On avait pensé autrefois par exemple - c'est C. Pasqua qui avait pensé à cela - à une participations sur l'achat de la viande halal. Tout cela me paraît aller dans le bon sens, c'est un problème que nous devons affronter simplement. Il y a un problème de financement qui est aujourd'hui dangereux ; il faut le remplacer par un financement légitime et équilibré aux yeux de la société française.
Q- Une fondation serait donc créée, destinée à gérer des fonds pour la construction de mosquées, mais aussi destinée à payer des cours de rattrapage de français pour les imams ; un tiers des imams ne parle pas français.
R- Et encore... Cela me parait une statistique assez faible.
Q- N. Sarkozy est pour un "toilettage" si je puis dire, de la loi de 1905, il est président de l'UMP et il s'oppose sur ce sujet au Gouvernement. Mais comment cela va-t-il se passer dans les semaines qui viennent ?
R- Cela va être intéressant disons. Mais vous voyez bien qu'il y a là un conflit en germe qui traîne depuis très longtemps. Il vient, en grande partie de ce que l'on a renoncé au pluralisme dans la majorité ou de ce que l'UMP a voulu renoncer au pluralisme. Supprimer le pluralisme, c'est inévitablement ouvrir des guerres civiles internes à l'intérieur du parti unique. Vous vous souvenez que j'avais fait cette prédiction lorsque ce parti unique s'est créé ; je la maintiens aujourd'hui. Il me parait évident que c'est la structure même de cette majorité, que l'on a voulu, à toute force, enfermer dans le même moule, et qui créera des turbulences très importantes. Mais ceci va se voir. Désormais, on n'a plus besoin de faire des prédictions, il suffit d'ouvrir les yeux et de regarder ce qui va se passer.
Q- Soutenez-vous le plan Borloo ?
R- En tout cas ses intentions, oui, mais le financement du plan Borloo, c'est 15 milliards et il y a aujourd'hui 1 milliard qui est financé. C'est toute la différence entre les bonnes intentions et la réalité. Et puis, ensuite, c'est le retour à un certain nombre de choix politiques ou de recettes que l'on avait écartés en 2002, que l'on retrouve en 2004 ; voilà. Faire et défaire, c'est toujours travailler.
[...]
(source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 décembre 2004)
R- Je pense que c'est une bonne idée, à une condition, parce que l'on n'a absolument aucun détail sur cette idée. Je suis favorable à une idée simple, que j'ai défendue, vous vous en souvenez, pendant la campagne présidentielle, et qui est celle-ci : les heures supplémentaires continuent à porter une prime pour le salarié mais cette prime est défalquée des charges sociales de manière à ce que, pour l'employeur, cette heure supplémentaire, entre 35 et 39, ne coûte pas plus cher qu'une heure normale. Autrement dit, on joue sur les charges sociales, de manière à ce que l'heure soit récompensée par une prime d'heure supplémentaire, et qu'ainsi les choses puissent un attrait pour le travail, un plus pour le travail, un gain pour le salarié et pas une charge de plus pour l'entreprise.
Q- Sentez-vous monter la revendication essentielle, aujourd'hui, de l'augmentation des salaires ? J'entends tous les jours les auditeurs, les salariés nous dire : "Maintenant, il faut augmenter les salaires !". Faut-il augmenter les salaires ?
R- En tout cas, pour moi, le souci principal, c'est 12 millions de personnes en France qui travaillent à temps plein et qui gagnent très peu. Les fins de mois sont très difficiles pour elles. Elles ont l'impression que tout ce que la société montre, tout ce à quoi elle appelle n'est pas fait pour eux. Et donc, ils vivent avec des aides, des primes, des aides sociales. Et tout cela leur donne un sentiment d'inachèvement, il y a quelque chose qui ne va pas.
Q- Que proposeriez-vous ?
R- Il me semble que c'est dans le salaire direct que se trouve la réponse, dans une politique qui permet à l'entreprise d'assumer un vrai salaire sans avoir besoin d'être assommé de charges sociales supplémentaires.
Q- Donc, on réduit les charges sociales, on essaye...
R- En tout cas...oui, on les réduit et on réfléchit sur quoi on peut les...
Q- Vous avez entendu N. Sarkozy, nouveau président de l'UMP.
Qu'attendez-vous de lui, vous, président de l'UDF ?
R- Je pense que nous devons avoir de bonnes relations, ce qui est le cas, et en même temps, que nous devons présenter des projets différents aux Français. Que les trois formations politiques qui vont présenter des projets aux Français - le PS, l'UDF et l'UMP - creusent chacune la cohérence de leur projet. Et que les Français voient bien sur quels choix ils vont pouvoir se prononcer.
Q- Précisément : quelle différence avez-vous avec l'UMP ?
R- Les différences sont importantes. La première différence, c'est que l'UMP est un parti qui cherche à concentrer entre ses mains tous les pouvoirs. Ce qui est le cas aujourd'hui. Vous savez que l'UMP, aujourd'hui, est le parti qui a le plus de pouvoir depuis que la République existe. Est-ce plus efficace pour la société française ? Pour moi, la réponse est non. Les réformes ont-elles plus avancé qu'elles ne le faisaient par le passé ? Pour moi, la réponse est non. La situation a-t-elle changé comme on l'avait promis en 2002 ? Pour moi, la réponse est non. Et donc, je suis pour une société dans laquelle il y a équilibre des pouvoirs et dans laquelle, par exemple, les contentent de suivre. Première différence. Deuxième différence que j'aie avec N. Sarkozy - pas avec l'UMP mais avec N. Sarkozy - : il a fait le choix d'adapter ou d'adopter pour la France les recettes de la société américaine. Et je ne crois pas que cela marche. Je pense que la France a son modèle, l'Europe a son modèle, et c'est dans ce modèle qu'il faut creuser. Vous voyez bien les signes nombreux qui font que nous sommes sur une ligne différente. Troisième point : N. Sarkozy a choisi, quand il a été au Gouvernement, de s'attaquer aux conséquences et pas aux causes. Je prends un exemple : il a fait une réunion à Bercy et il a décidé que les prix des supermarchés devaient baisser de 2 %. Evidemment, ce n'a pas été le cas, et en tout cas, lorsqu'il y a eu une petite baisse, cela a été, bien souvent, au détriment des fournisseurs, qui, eux, se sont sentis complètement contraints et en situation extrêmement difficile. Il me semble que c'est aux causes qu'il faut s'attaquer et pas aux conséquences. Et que ce n'est pas, par exemple, à Bercy de fixer le prix des grandes surfaces. Il y avait trente ans que l'on avait renoncé, en France, à cette idée. En revanche, il y a des points sur lesquels je suis en accord avec lui : j'ai par exemple approuvé ce qu'il a fait en matière de politique industrielle, avec Alstom, parce qu'il est juste et normal que l'on s'intéresse aux structures des grandes entreprises et que l'Etat donne des signaux qui soient positifs et ne puissent pas être ignorés dans cette affaire.
Q- Vous avez déjeuné avec lui le week-end dernier ; vous lui avez dit que le congrès de l'UMP avait coûté trop cher ?
R- Je n'ai pas eu besoin de lui dire parce que j'imagine qu'il le sait très bien. Pourquoi cette remarque ou cette inquiétude ? Parce que je n'ai pas envie d'une vie politique qui soit dominée par l'argent. Cela aussi c'est un modèle américain, à mon sens détestable. Vous avez vu combien de millions de dollars ont été dépensés pour la campagne présidentielle américaine. Qu'est-ce qu cela veut dire ? Cela veut dire que, lorsque vous êtes ainsi, à ce point, sous la contrainte de l'argent, que évidemment l'égalité de chances n'est pas établie entre formations politiques, et que ceux qui fournissent l'argent ont un poids très important. Ce n'est pas le cas en France, où nous avons des lois sur le financement des partis politiques, heureusement. Elles sont injustes puisqu'elles permettent de concentrer les moyens sur les uns et de réduire les autres à la portion congrue. Je pense qu'elles changeront un jour ou l'autre et je n'ai pas envie d'une vie politique dominée par l'argent. J'ai envie d'une vie politique dominée par des idées et des hommes qui les défendent.
Q- Le président de la République doit-il changer de Premier ministre ?
R- C'est sa responsabilité et je ne crois pas que ce soit des affaires de personnes ou seulement des affaires de personnes.
Q- Cela ne changera rien ?
R- Je pense que les choix politiques, c'est le président de la République qui les fait, et le président de la République, lorsqu'il met des équipes en place c'est pour appliquer une politique. Je ne regarde pas tant les hommes que la politique suivie.
Q- Etes-vous, comme V. Giscard d'Estaing, favorable à deux mandats présidentiels et pas plus ?
R- C'est un amendement que nous avions déposé au moment où on a voté le quinquennat. Et je maintiens que, en effet, il devrait y avoir en France une limitation des mandats dans le temps.
(2ème partie)
Q- Regardons cet amendement Garraud : de quoi s'agit-il ? Il y a un projet loi qui est examiné par les députés en deuxième lecture, qui crée la Haute autorité contre les discriminations. J.-P. Garraud, député UMP, veut limiter la possibilité aux seules associations reconnues d'utilité publique de se porter partie civile en cas de propos sexistes et homophobes, ce qui allège le texte. Que vont faire les députés UDF ?
R- Ils ne voteront certainement pas cet amendement, parce que c'est un amendement hypocrite qui vise purement et simplement à supprimer la loi, puisque, l'on peut être pour ou contre, on peut avoir des avis différents sur cette affaire mais l'amendement Garraud consiste à dire : "ne pourront se porter partie civile que des associations reconnues d'utilité publique", or il n'y a aucune association de défense d'homosexuels qui sera reconnue d'utilité publique. C'est dire que c'est une manière détournée et hypocrite de vider son sens le texte.
Q- Croyez-vous que les députés UMP vont voter cet amendement ?
R- J'espère que non. Ils l'ont voté en première lecture devant la commission des lois, j'espère qu'ils vont réfléchir désormais. Je suis réservé devant l'idée de multiplier les définitions de discrimination. Il me semble qu'une discrimination à l'égard d'une personne âgée en raison de son âge est exactement de même nature, aussi grave, qu'une discrimination à l'égard d'un homosexuel, en raison de son "orientation sexuelle", comme on dit, de ses choix de vie, ou une discrimination à l'égard d'une femme, en raison de propos sexistes, en raison de son sexe. Pour moi, les discriminations devraient être englobées dans un texte général et pas multiplier ainsi "les niches", "les tranches" de discrimination. Ce serait plus raisonnable et cela correspondrait plus à l'idée que je me fais de la loi.
[...]
Q- D. de Villepin est catégorique : "il n'est pas question de toucher à la loi de 1905, qui régit en France depuis plus d'un siècle les rapports entre les Eglises et l'Etat". Etes-vous sur le même point de vue ?
R- Oui, je suis pour que l'on ne touche pas à la loi de 1905 parce que lorsque l'on a réussi à bâtir un équilibre au cours de cent ans d'essais et d'erreurs, d'avancées et de reculs, on fait attention avant d'y toucher. Mais je suis aussi de son avis sur un point : il faut que l'on trouve le moyen de favoriser ou en tout cas de réguler les financements qui vont en direction des lieux de cultes musulmans. Il n'est pas sain que ces financements soient faits pas des pays étrangers. De ce point de vue, du point de vue de la formation des imams, l'idée de créer une fondation qui serait alimentée par un certain nombre de sources légales. On avait pensé autrefois par exemple - c'est C. Pasqua qui avait pensé à cela - à une participations sur l'achat de la viande halal. Tout cela me paraît aller dans le bon sens, c'est un problème que nous devons affronter simplement. Il y a un problème de financement qui est aujourd'hui dangereux ; il faut le remplacer par un financement légitime et équilibré aux yeux de la société française.
Q- Une fondation serait donc créée, destinée à gérer des fonds pour la construction de mosquées, mais aussi destinée à payer des cours de rattrapage de français pour les imams ; un tiers des imams ne parle pas français.
R- Et encore... Cela me parait une statistique assez faible.
Q- N. Sarkozy est pour un "toilettage" si je puis dire, de la loi de 1905, il est président de l'UMP et il s'oppose sur ce sujet au Gouvernement. Mais comment cela va-t-il se passer dans les semaines qui viennent ?
R- Cela va être intéressant disons. Mais vous voyez bien qu'il y a là un conflit en germe qui traîne depuis très longtemps. Il vient, en grande partie de ce que l'on a renoncé au pluralisme dans la majorité ou de ce que l'UMP a voulu renoncer au pluralisme. Supprimer le pluralisme, c'est inévitablement ouvrir des guerres civiles internes à l'intérieur du parti unique. Vous vous souvenez que j'avais fait cette prédiction lorsque ce parti unique s'est créé ; je la maintiens aujourd'hui. Il me parait évident que c'est la structure même de cette majorité, que l'on a voulu, à toute force, enfermer dans le même moule, et qui créera des turbulences très importantes. Mais ceci va se voir. Désormais, on n'a plus besoin de faire des prédictions, il suffit d'ouvrir les yeux et de regarder ce qui va se passer.
Q- Soutenez-vous le plan Borloo ?
R- En tout cas ses intentions, oui, mais le financement du plan Borloo, c'est 15 milliards et il y a aujourd'hui 1 milliard qui est financé. C'est toute la différence entre les bonnes intentions et la réalité. Et puis, ensuite, c'est le retour à un certain nombre de choix politiques ou de recettes que l'on avait écartés en 2002, que l'on retrouve en 2004 ; voilà. Faire et défaire, c'est toujours travailler.
[...]
(source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 décembre 2004)