Texte intégral
G. Morin Il y a beaucoup de choses à dire cette semaine, puisqu'on est en plein débats budgétaires - cela vous concerne directement - il y a un sommet de la gauche plurielle que vous devez suivre aussi avec attention, avec un débat sur l'utilisation des fruits de la croissance. Que fait-on ? Du pouvoir d'achat sur les salaires ou baisse d'impôts ? Quelle est votre préférence ?
- "Ma préférence est de continuer la politique actuelle, car elle donne de bons résultats en terme de croissance et d'emploi. Il faut garder le cap. En même temps, il faut éviter l'augmentation des déficits et de l'endettement ; si cet endettement augmentait, cela pèserait sur la croissance et mettrait en cause tout ce que l'on a fait sur l'emploi. Donc, il faut maintenir le cap et éviter de déraper sur le plan des finances sociales et des finances publiques."
Pas d'inflation, si possible ?
- "Il n'y a pas beaucoup de risques en ce qui concerne l'inflation. On a eu une montée à cause de la hausse du prix du pétrole, mais la base même reste bonne. On va continuer à avoir une bonne croissance, à diminuer le chômage, mais je suis très attentif à ce qu'on ne dérape sur le plan des finances publiques : il faut être généreux, mais pour être généreux, il faut être sérieux et se rappeler que deux et deux font quatre."
Vous avez pourtant des partenaires - il y en même au sein du Parti socialiste, mais il y en a aussi chez les Communistes, chez les Verts - qui voudraient qu'on remonte sensiblement les revenus minimums, le SMIC, les minimas sociaux...
- " Il est normal qu'on soit généreux, en particulier sur les bas salaires et les bas revenus : c'est la justice, et c'est en particulier le message de la gauche. Mais il faut en même temps rester équilibré."
Un SMIC qui tienne compte de la croissance, cela vous paraît possible maintenant ? C'est sa définition en principe - salaire minimum de croissance.
- "Il tient compte de la croissance. Une autre formule avait été proposée, mais quand on la recalcule, on s'aperçoit qu'elle serait moins favorable que la formule actuelle. Ce n'est pas une très bonne chose ! Il faut aller vers une progression des bas salaires - c'est tout à fait normal - mais en même temps, éviter le déséquilibre, parce que sinon, on perdrait tout d'un coup ce qu'on a mis pas mal de temps à gagner."
Avoir cette attitude permet de maintenir une maison cohérente au sein du PS ?
- "Oui, je le crois."
Pas de déchirement entre la gauche du PS et les autres tendances ?
- "La gauche du PS."... Tout le PS est à gauche !"
Certains plus que d'autres quand même !
- "Je ne sais pas..."
Vous êtes moins à gauche, dit-on, qu'Emmanuelli. Cela veut dire quelque chose ?
- "Ca ne veut rien dire du tout. Heureusement, on peut être de gauche et savoir que deux et deux font quatre."
Les fonctionnaires veulent des augmentations de traitement. Les négociations vont entrer dans le vif du sujet très bientôt, le 21 novembre, je crois. Etes-vous prêt à ce qu'il ait quelque chose sans qu'il y ait pour autant des folies ?
- "C'est tout à fait la bonne définition. Il est évident que les fonctionnaires doivent avoir leur part de la croissance générale, comme les autres catégories professionnelles."
Après des années de gel ?
- "La fonction publique pèse directement sur le budget, il faut être très attentif. La fonction publique d'Etat représente plus de 700 milliards de francs. Et quand on ajoute la fonction publique hospitalière et les collectivités locales, cela fait encore 700 milliards. Tout cela est évidemment payé par nos impôts."
La droite vous reproche d'avoir créé beaucoup d'emplois dans la fonction publique. cela vous empêcherait donc d'en créer maintenant avec l'application des 35 heures."
- "L'opposition a un langage un peu particulier. Elle nous demande plus de professeurs, plus de policiers, plus d'infirmières. Et elle dit qu'il faudrait moins de fonctionnaires. Mais ces catégories que je viens de citer sont des fonctionnaires ! Il faut rester équilibré, là comme ailleurs. Il y a des secteurs où on peut avoir des créations, d'autres au contraire où il peut y avoir des diminutions."
Les 35 heures dans les PME, c'est un souci...
- "Souplesse, souplesse, souplesse, souplesse ! Cela doit être le mot d'ordre. On a voter les 35 heures, il n'est pas question de revenir sur ces lois, mais en même temps, il faut que cela se passe bien, que ce soit positif pour les salariés, les entreprises, pour la croissance, pour l'emploi. Il y a certainement des souplesses à introduire, en particulier pour les PME ; on a commencé à travailler là-dessus. Par exemple, on peut avoir à l'esprit que lorsqu'il y a des dépassements par rapport au heures supplémentaires, cela pourrait affecter ce qu'on appelle l'épargne-temps. Plus généralement, il faut qu'on continue à développer notre économie, puisque l'objectif, c'est l'emploi. On n'a pas une croissance suffisamment forte pour pouvoir se disperser vers différents sujets : l'objectif, c'est l'emploi. Cela veut dire : une formation meilleure - il y a encore beaucoup d'efforts à faire en matière de formation. Cela veut dire changer une approche qui existe dans la société française où on dit aux gens de plus de cinquante ans que leur expérience n'est plus bonne à rien, alors que l'expérience est utile. Cela veut dire aussi développer la mobilité, la mixité des emplois - vous avez un chômage plus important pour les femmes que pour les hommes - ; si les femmes pouvaient accéder à un certain nombre de métiers qui sont réservés aux hommes, cela permettrait là aussi d'avoir plus d'emplois. Il faut donc jouer sur tous ces tableaux à la fois.
Il y a aujourd'hui un débat sur les farines animales. En tant que membre du Gouvernement et ministre de l'économie, pensez-vous qu'il faille les retirer rapidement de l'utilisation ?
- "Je suis extrêmement précis : il faut aller très vite, parce que c'est l'application du principe de précaution. Il y a suffisamment d'indices de danger pour ne perdre vraiment aucun temps."
Cela veut dire quoi " très vite " ? En combien de temps ?
- "L'Agence pour la sécurité alimentaire doit prendre sa décision dans quelques mois. Il faut éviter absolument tout risque. Plus vite cela peut être fait, mieux ce sera. C'est un domaine très difficile, mais on n'a pas le droit de courir de risques."
Demain, on élit le président des Etats-Unis. Bush ou Gore, c'est indifférent pour l'économie française ?
- "Je ne crois pas que ce sera ce qui déterminera le vote des Américains !"
Mais cela nous intéresse ! Quelle serait votre préférence ?
- "Je serais partisan de Gore, que je connais, qui est un homme bien peut-être d'apparence trop sérieuse - c'est son handicap ! - alors que maintenant, la politique aux Etats-Unis, c'est vraiment celui qui fabrique le mieux la pâte à crêpes !"
On dit quand même que Bush ne vous dérangerait pas !
- "Ce sont les Américains qui élisent le président, et on fera avec !"
(source http.sig.premier-ministre.gouv.fr, le 6 novembre 2000)
- "Ma préférence est de continuer la politique actuelle, car elle donne de bons résultats en terme de croissance et d'emploi. Il faut garder le cap. En même temps, il faut éviter l'augmentation des déficits et de l'endettement ; si cet endettement augmentait, cela pèserait sur la croissance et mettrait en cause tout ce que l'on a fait sur l'emploi. Donc, il faut maintenir le cap et éviter de déraper sur le plan des finances sociales et des finances publiques."
Pas d'inflation, si possible ?
- "Il n'y a pas beaucoup de risques en ce qui concerne l'inflation. On a eu une montée à cause de la hausse du prix du pétrole, mais la base même reste bonne. On va continuer à avoir une bonne croissance, à diminuer le chômage, mais je suis très attentif à ce qu'on ne dérape sur le plan des finances publiques : il faut être généreux, mais pour être généreux, il faut être sérieux et se rappeler que deux et deux font quatre."
Vous avez pourtant des partenaires - il y en même au sein du Parti socialiste, mais il y en a aussi chez les Communistes, chez les Verts - qui voudraient qu'on remonte sensiblement les revenus minimums, le SMIC, les minimas sociaux...
- " Il est normal qu'on soit généreux, en particulier sur les bas salaires et les bas revenus : c'est la justice, et c'est en particulier le message de la gauche. Mais il faut en même temps rester équilibré."
Un SMIC qui tienne compte de la croissance, cela vous paraît possible maintenant ? C'est sa définition en principe - salaire minimum de croissance.
- "Il tient compte de la croissance. Une autre formule avait été proposée, mais quand on la recalcule, on s'aperçoit qu'elle serait moins favorable que la formule actuelle. Ce n'est pas une très bonne chose ! Il faut aller vers une progression des bas salaires - c'est tout à fait normal - mais en même temps, éviter le déséquilibre, parce que sinon, on perdrait tout d'un coup ce qu'on a mis pas mal de temps à gagner."
Avoir cette attitude permet de maintenir une maison cohérente au sein du PS ?
- "Oui, je le crois."
Pas de déchirement entre la gauche du PS et les autres tendances ?
- "La gauche du PS."... Tout le PS est à gauche !"
Certains plus que d'autres quand même !
- "Je ne sais pas..."
Vous êtes moins à gauche, dit-on, qu'Emmanuelli. Cela veut dire quelque chose ?
- "Ca ne veut rien dire du tout. Heureusement, on peut être de gauche et savoir que deux et deux font quatre."
Les fonctionnaires veulent des augmentations de traitement. Les négociations vont entrer dans le vif du sujet très bientôt, le 21 novembre, je crois. Etes-vous prêt à ce qu'il ait quelque chose sans qu'il y ait pour autant des folies ?
- "C'est tout à fait la bonne définition. Il est évident que les fonctionnaires doivent avoir leur part de la croissance générale, comme les autres catégories professionnelles."
Après des années de gel ?
- "La fonction publique pèse directement sur le budget, il faut être très attentif. La fonction publique d'Etat représente plus de 700 milliards de francs. Et quand on ajoute la fonction publique hospitalière et les collectivités locales, cela fait encore 700 milliards. Tout cela est évidemment payé par nos impôts."
La droite vous reproche d'avoir créé beaucoup d'emplois dans la fonction publique. cela vous empêcherait donc d'en créer maintenant avec l'application des 35 heures."
- "L'opposition a un langage un peu particulier. Elle nous demande plus de professeurs, plus de policiers, plus d'infirmières. Et elle dit qu'il faudrait moins de fonctionnaires. Mais ces catégories que je viens de citer sont des fonctionnaires ! Il faut rester équilibré, là comme ailleurs. Il y a des secteurs où on peut avoir des créations, d'autres au contraire où il peut y avoir des diminutions."
Les 35 heures dans les PME, c'est un souci...
- "Souplesse, souplesse, souplesse, souplesse ! Cela doit être le mot d'ordre. On a voter les 35 heures, il n'est pas question de revenir sur ces lois, mais en même temps, il faut que cela se passe bien, que ce soit positif pour les salariés, les entreprises, pour la croissance, pour l'emploi. Il y a certainement des souplesses à introduire, en particulier pour les PME ; on a commencé à travailler là-dessus. Par exemple, on peut avoir à l'esprit que lorsqu'il y a des dépassements par rapport au heures supplémentaires, cela pourrait affecter ce qu'on appelle l'épargne-temps. Plus généralement, il faut qu'on continue à développer notre économie, puisque l'objectif, c'est l'emploi. On n'a pas une croissance suffisamment forte pour pouvoir se disperser vers différents sujets : l'objectif, c'est l'emploi. Cela veut dire : une formation meilleure - il y a encore beaucoup d'efforts à faire en matière de formation. Cela veut dire changer une approche qui existe dans la société française où on dit aux gens de plus de cinquante ans que leur expérience n'est plus bonne à rien, alors que l'expérience est utile. Cela veut dire aussi développer la mobilité, la mixité des emplois - vous avez un chômage plus important pour les femmes que pour les hommes - ; si les femmes pouvaient accéder à un certain nombre de métiers qui sont réservés aux hommes, cela permettrait là aussi d'avoir plus d'emplois. Il faut donc jouer sur tous ces tableaux à la fois.
Il y a aujourd'hui un débat sur les farines animales. En tant que membre du Gouvernement et ministre de l'économie, pensez-vous qu'il faille les retirer rapidement de l'utilisation ?
- "Je suis extrêmement précis : il faut aller très vite, parce que c'est l'application du principe de précaution. Il y a suffisamment d'indices de danger pour ne perdre vraiment aucun temps."
Cela veut dire quoi " très vite " ? En combien de temps ?
- "L'Agence pour la sécurité alimentaire doit prendre sa décision dans quelques mois. Il faut éviter absolument tout risque. Plus vite cela peut être fait, mieux ce sera. C'est un domaine très difficile, mais on n'a pas le droit de courir de risques."
Demain, on élit le président des Etats-Unis. Bush ou Gore, c'est indifférent pour l'économie française ?
- "Je ne crois pas que ce sera ce qui déterminera le vote des Américains !"
Mais cela nous intéresse ! Quelle serait votre préférence ?
- "Je serais partisan de Gore, que je connais, qui est un homme bien peut-être d'apparence trop sérieuse - c'est son handicap ! - alors que maintenant, la politique aux Etats-Unis, c'est vraiment celui qui fabrique le mieux la pâte à crêpes !"
On dit quand même que Bush ne vous dérangerait pas !
- "Ce sont les Américains qui élisent le président, et on fera avec !"
(source http.sig.premier-ministre.gouv.fr, le 6 novembre 2000)