Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je tiens tout d'abord à vous remercier pour avoir répondu à mon invitation à participer à ce Séminaire sur la prospective énergétique en France et en Europe et notamment à remercier les experts étrangers qui viennent parfois de loin. La variété de votre auditoire, tant géographique que sectorielle, a permis une confrontation des points de vue nécessaire à toute exercice de prospective. Je forme le souhait qu'elle permette également d'assurer la diffusion la plus large à ces travaux car il importe que l'ensemble des décideurs dans le monde prenne conscience de l'importance de la question énergétique pour nos sociétés.
Comme l'a dit le physicien Niels Bohr, " prévoir est une opération difficile, surtout lorsqu'il s'agit de l'avenir ". Cette difficulté ne doit pour autant nous arrêter car l'enjeu est de taille. Il s'agit ni plus ni moins que de l'avenir de notre planète.
Cette demi-journée qui vous a permis de passer en revue les différents scénarios a montré en effet que seuls les plus optimistes nous permettraient de réduire drastiquement nos émissions de CO2 et donc de stabiliser la température de la planète et d'éviter ainsi les désordres climatiques qui se préparent.
Cette demi-journée a également montré que le problème auquel nous sommes confrontés est un problème de long terme à l'échelle du siècle et qu'il exige donc à la fois une action dans la durée et une tentative de décrire l'état du monde en 2050 - ce qui est justement l'objectif de la prospective.
La responsabilité qui nous incombe en tant que politique, par sa durée et son ampleur est donc majeure. C'est une responsabilité auquel ce Gouvernement a décidé de faire face à travers la loi d'orientation qui vient d'être votée et le plan climat qui sera prochainement rendu public.
1 - La première leçon que je tire de vos travaux, c'est que la tendance n'est pas bonne, elle est même franchement alarmante !
Tous les scénarii tendanciels prouvent en effet que si l'on ne fait rien la consommation d'énergie finale comme les émissions de CO2 augmenteront d'environ 30 % d'ici 2030.
Ces mêmes scénarii montrent également que la consommation d'hydrocarbures va continuer de croître de 10 % pour le pétrole et de 50 % pour le gaz dans un contexte où pourtant ces énergies vont inévitablement se renchérir au fur et à mesure que la production mondiale va stagner et l'offre des pays en développement va croître.
Face à cette tendance, la maîtrise de l'énergie doit être notre première priorité. Des efforts ont déjà été faits dans ce domaine et sont d'ailleurs pris en compte dans vos estimations des évolutions futures : la réduction des émissions des véhicules à 140 gCO2 par km parcourus ou le renforcement de la réglementation thermique. Mais vos travaux montrent que ces efforts ne sont pas suffisants et qu'ils devront à l'avenir être constamment renforcés.
C'est bien l'objectif de la loi d'orientation sur l'énergie qui se fixe comme objectif de réduire l'intensité énergétique de 2 % par an d'ici 2015, et de 2,5 % d'ici 2030. A cet effet, il est prévu de mobiliser toutes les politiques et notamment :
- la sensibilisation du public qui sera déterminante même si elle est difficile à modéliser ;
- le renforcement des réglementations qui doit suivre le progrès technologique ;
- la fiscalité afin d'inciter les Français à utiliser les équipements les plus efficaces énergétiquement.
2 - La deuxième leçon de votre journée d'étude : c'est la nécessité de développer les énergies qui n'émettent pas de gaz à effet de serre - c'est-à-dire les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire.
L'étude de vos scenarii montre en effet que nos sociétés modernes ne pourront pas à la fois conserver leur niveau de vie et diminuer par quatre leurs émissions de gaz à effet de serre sans progressivement substituer aux énergies fossiles les énergies renouvelables et le nucléaire.
C'est vrai dans le domaine de l'électricité où le développement des centrales au gaz à la place du parc nucléaire français se traduirait par une augmentation de plus de 30% des émissions de gaz à effet de serre.
Le développement des énergies renouvelables électriques figure donc logiquement parmi les priorités du Gouvernement avec un objectif initial de 21 % de la production d'électricité à l'horizon 2010. Le développement des énergies renouvelables ne pourra toutefois constituer qu'un complément et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité préparer le renouvellement du parc nucléaire en autorisant EDF à lancer un réacteur de nouvelle génération, l'EPR.
Mais la substitution énergies fossiles / autres énergies doit également être recherchée dans les autres secteurs :
- d'abord, le résidentiel-tertiaire où les énergies renouvelables - le solaire, les pompes à chaleur - et, dans une certaine mesure, l'utilisation de l'électricité tant qu'elle n'accroît pas les besoins de production de pointe d'électricité doivent être développés ;
- ensuite, en matière de transport, où le développement des biocarburants est également une voie à explorer même si cette filière coûte encore très cher.
Des objectifs et les moyens pour y parvenir ont donc été fixés dans la loi d'orientation sur l'énergie : notamment l'augmentation de 50 % à l'horizon 2015 des énergies renouvelables thermiques et l'augmentation du crédit d'impôt de 15 à 40 % pour les ménages dans ce domaine.
3 - Enfin la dernière leçon que je tire de vos travaux, c'est la nécessité de développer la recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie.
La division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 nécessitera, en effet, inévitablement des "ruptures" technologiques majeures, notamment dans le domaine des transports. On peut par exemple penser au développement de l'utilisation de l'hydrogène, à la captation / séquestration du CO2, au développement des réacteurs de génération IV, voire à plus long terme à la fusion nucléaire.
Ces évolutions n'ont évidemment pas été prises en compte dans vos travaux de prospective mais elles sont évidemment nécessaires pour atteindre notre objectif.
En conclusion, je voudrais une fois de plus remercier tous les intervenants qui ont apporté un éclairage fort utile sur les enjeux et les défis à venir et je souhaite évidemment que cette réflexion se poursuive dans les mois à venir et soit notamment élargie à l'Europe.
Dans un contexte marqué par l'ouverture des marchés à la concurrence, la politique énergétique de la France ne peut plus en effet se définir sans prendre en compte la dimension européenne et la diversité de chaque pays.
A cet égard, je crois qu'aucun pays ne pourra échapper à un débat sérieux et sans tabou sur la manière de mettre en cohérence sa politique énergétique avec la nécessité de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre.
C'est Albert Einstein qui qualifiait de triste l'époque où il vivait car il y était plus difficile de briser un préjugé qu'un atome.
Je ne doute pas que vos travaux contribuent à remédier à cette situation qui est encore la nôtre.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 1er juillet 2004)
Je tiens tout d'abord à vous remercier pour avoir répondu à mon invitation à participer à ce Séminaire sur la prospective énergétique en France et en Europe et notamment à remercier les experts étrangers qui viennent parfois de loin. La variété de votre auditoire, tant géographique que sectorielle, a permis une confrontation des points de vue nécessaire à toute exercice de prospective. Je forme le souhait qu'elle permette également d'assurer la diffusion la plus large à ces travaux car il importe que l'ensemble des décideurs dans le monde prenne conscience de l'importance de la question énergétique pour nos sociétés.
Comme l'a dit le physicien Niels Bohr, " prévoir est une opération difficile, surtout lorsqu'il s'agit de l'avenir ". Cette difficulté ne doit pour autant nous arrêter car l'enjeu est de taille. Il s'agit ni plus ni moins que de l'avenir de notre planète.
Cette demi-journée qui vous a permis de passer en revue les différents scénarios a montré en effet que seuls les plus optimistes nous permettraient de réduire drastiquement nos émissions de CO2 et donc de stabiliser la température de la planète et d'éviter ainsi les désordres climatiques qui se préparent.
Cette demi-journée a également montré que le problème auquel nous sommes confrontés est un problème de long terme à l'échelle du siècle et qu'il exige donc à la fois une action dans la durée et une tentative de décrire l'état du monde en 2050 - ce qui est justement l'objectif de la prospective.
La responsabilité qui nous incombe en tant que politique, par sa durée et son ampleur est donc majeure. C'est une responsabilité auquel ce Gouvernement a décidé de faire face à travers la loi d'orientation qui vient d'être votée et le plan climat qui sera prochainement rendu public.
1 - La première leçon que je tire de vos travaux, c'est que la tendance n'est pas bonne, elle est même franchement alarmante !
Tous les scénarii tendanciels prouvent en effet que si l'on ne fait rien la consommation d'énergie finale comme les émissions de CO2 augmenteront d'environ 30 % d'ici 2030.
Ces mêmes scénarii montrent également que la consommation d'hydrocarbures va continuer de croître de 10 % pour le pétrole et de 50 % pour le gaz dans un contexte où pourtant ces énergies vont inévitablement se renchérir au fur et à mesure que la production mondiale va stagner et l'offre des pays en développement va croître.
Face à cette tendance, la maîtrise de l'énergie doit être notre première priorité. Des efforts ont déjà été faits dans ce domaine et sont d'ailleurs pris en compte dans vos estimations des évolutions futures : la réduction des émissions des véhicules à 140 gCO2 par km parcourus ou le renforcement de la réglementation thermique. Mais vos travaux montrent que ces efforts ne sont pas suffisants et qu'ils devront à l'avenir être constamment renforcés.
C'est bien l'objectif de la loi d'orientation sur l'énergie qui se fixe comme objectif de réduire l'intensité énergétique de 2 % par an d'ici 2015, et de 2,5 % d'ici 2030. A cet effet, il est prévu de mobiliser toutes les politiques et notamment :
- la sensibilisation du public qui sera déterminante même si elle est difficile à modéliser ;
- le renforcement des réglementations qui doit suivre le progrès technologique ;
- la fiscalité afin d'inciter les Français à utiliser les équipements les plus efficaces énergétiquement.
2 - La deuxième leçon de votre journée d'étude : c'est la nécessité de développer les énergies qui n'émettent pas de gaz à effet de serre - c'est-à-dire les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire.
L'étude de vos scenarii montre en effet que nos sociétés modernes ne pourront pas à la fois conserver leur niveau de vie et diminuer par quatre leurs émissions de gaz à effet de serre sans progressivement substituer aux énergies fossiles les énergies renouvelables et le nucléaire.
C'est vrai dans le domaine de l'électricité où le développement des centrales au gaz à la place du parc nucléaire français se traduirait par une augmentation de plus de 30% des émissions de gaz à effet de serre.
Le développement des énergies renouvelables électriques figure donc logiquement parmi les priorités du Gouvernement avec un objectif initial de 21 % de la production d'électricité à l'horizon 2010. Le développement des énergies renouvelables ne pourra toutefois constituer qu'un complément et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité préparer le renouvellement du parc nucléaire en autorisant EDF à lancer un réacteur de nouvelle génération, l'EPR.
Mais la substitution énergies fossiles / autres énergies doit également être recherchée dans les autres secteurs :
- d'abord, le résidentiel-tertiaire où les énergies renouvelables - le solaire, les pompes à chaleur - et, dans une certaine mesure, l'utilisation de l'électricité tant qu'elle n'accroît pas les besoins de production de pointe d'électricité doivent être développés ;
- ensuite, en matière de transport, où le développement des biocarburants est également une voie à explorer même si cette filière coûte encore très cher.
Des objectifs et les moyens pour y parvenir ont donc été fixés dans la loi d'orientation sur l'énergie : notamment l'augmentation de 50 % à l'horizon 2015 des énergies renouvelables thermiques et l'augmentation du crédit d'impôt de 15 à 40 % pour les ménages dans ce domaine.
3 - Enfin la dernière leçon que je tire de vos travaux, c'est la nécessité de développer la recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie.
La division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 nécessitera, en effet, inévitablement des "ruptures" technologiques majeures, notamment dans le domaine des transports. On peut par exemple penser au développement de l'utilisation de l'hydrogène, à la captation / séquestration du CO2, au développement des réacteurs de génération IV, voire à plus long terme à la fusion nucléaire.
Ces évolutions n'ont évidemment pas été prises en compte dans vos travaux de prospective mais elles sont évidemment nécessaires pour atteindre notre objectif.
En conclusion, je voudrais une fois de plus remercier tous les intervenants qui ont apporté un éclairage fort utile sur les enjeux et les défis à venir et je souhaite évidemment que cette réflexion se poursuive dans les mois à venir et soit notamment élargie à l'Europe.
Dans un contexte marqué par l'ouverture des marchés à la concurrence, la politique énergétique de la France ne peut plus en effet se définir sans prendre en compte la dimension européenne et la diversité de chaque pays.
A cet égard, je crois qu'aucun pays ne pourra échapper à un débat sérieux et sans tabou sur la manière de mettre en cohérence sa politique énergétique avec la nécessité de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre.
C'est Albert Einstein qui qualifiait de triste l'époque où il vivait car il y était plus difficile de briser un préjugé qu'un atome.
Je ne doute pas que vos travaux contribuent à remédier à cette situation qui est encore la nôtre.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 1er juillet 2004)