Texte intégral
Affirmer que le fossé se creuse entre la société et le monde paysan est devenu malheureusement un poncif. Les raisons à cela sont nombreuses et bien connues : crises sanitaires retentissantes, pollutions d'origine agricole pointées du doigt, mutation importante et rapide du métier d'agriculteur, pendant que les citadins redécouvrent d'un nouvel oeil l'espace rural. Les préoccupations des uns s'éloignent incontestablement de celles des autres, engendrant incompréhension, méfiance et distance réciproques.
Il est vrai qu'en proie à de profondes mutations le monde paysan n'a pas pu ou pas voulu communiquer, pensant que la force de son métier suffisait encore à le légitimer. C'était oublier un peu vite le rôle croissant des médias et notre attrait instinctif pour leurs images chocs. Non seulement nous ne sommes dorénavant plus compris, mais la perception de notre métier a même été amplement déformée par le prisme médiatique, et la " Ferme des célébrités " ne fait certainement pas exception à la règle...
Qui peut affirmer connaître aujourd'hui le métier d'agriculteur en faisant abstraction des clichés d'usage ? Qui a pleine conscience des mutations engendrées par l'élargissement, la réforme de la Politique agricole commune européenne, ou les négociations internationales sur notre agriculture, notre alimentation, notre environnement et notre économie ? Je souhaite par cette tribune apporter quelques éléments au débat, témoigner de nos craintes, faire part de nos attentes. Puisque nous sommes tous concernés par l'agriculture présente demain sur notre territoire, choisissons-la ensemble.
L'agriculture est en passe d'être bradée sur l'autel du libéralisme dans les négociations internationales, qu'il s'agisse des négociations européennes avec le Mercosur ou à l'OMC. Elle est exposée à une concurrence toujours plus exacerbée, qui rend difficile le fait même de pouvoir vivre de notre métier, de pouvoir valoriser notre production à un juste prix. En témoigne la baisse croissante des actifs agricoles. Et la pression exercée par la grande distribution amplifie largement la situation de crise à laquelle sont confrontées nos filières. Soyons vigilants, le libéralisme conduit à considérer l'agriculture comme un marché économique équivalent à tout autre, sans considération de ses spécificités, de son lien intime avec la santé et l'environnement. Au détriment des hommes qui ont choisi ce métier, des consommateurs, et des citoyens.
Parallèlement, l'agriculture change de sens. Nous serons désormais rémunérés davantage pour notre fonction de producteurs de services (entretien du territoire, animation de l'espace rural) que pour notre fonction de producteurs de biens alimentaires ou non alimentaires (biocarburants). C'est le sens du " découplage des aides " instauré par l'Union européenne dans le cadre de sa réforme. Nous attirons vivement l'attention des citoyens sur les conséquences qui menacent d'en découler : intensification d'une partie de la production agricole, abandon de certaines autres productions, remise en cause de l'indépendance alimentaire européenne, et diminution certaine du nombre d'agriculteurs...
Dans ce contexte, l'élargissement de l'Europe à 25 le 1er mai dernier est une chance extraordinaire. Si elle est le signe d'une Europe en paix avec elle-même, l'affirmation d'un idéal démocratique commun, un espace économique représentant près de 30 % de la richesse mondiale... elle est aussi l'occasion de faire valoir avec plus de force un modèle agricole européen. Une agriculture multifonctionnelle avec des produits de qualité et d'origine. Une agriculture durable, assurant sécurité sanitaire, bien-être animal, respect de l'environnement et des conditions de travail, participant à la dynamique de l'emploi, tout en demeurant rémunératrice...
C'est pourquoi nous restons vigilants aux faiblesses que cette Europe à 25 contient en germe, telles que son excessive lourdeur administrative, et sa vision de l'économie dominée par un libéralisme qui ne laisse guère de place à l'action des corps intermédiaires. N'oublions pas que la richesse et la force de la démocratie sont de s'appuyer sur l'ensemble de la société civile...
Nous ouvrir davantage à la société, expliquer aux uns et aux autres les bouleversements de notre secteur de production, nos nouvelles missions et nos préoccupations, entendre et intégrer en retour les attentes de chaque acteur en matière agricole, qu'il soit économique ou issu de tout autre secteur de la société, est la tâche que nous nous efforçons aujourd'hui de mener. Un dialogue constructif me semble être la meilleure voie pour renouer des liens plus authentiques et moins conflictuels avec chacun, pour conserver notre juste place dans la sphère économique, sociale et culturelle. S'ouvrir, c'est donner une âme, un plus, une valeur ajoutée à notre pays. Ne nous contentons pas de lui donner des racines, donnons-lui également de la sève. L'agriculture peut être un terreau fertile pour la société, ne la bradons pas !
(source http://www.fnsea.fr, le 5 juillet 2004)
Il est vrai qu'en proie à de profondes mutations le monde paysan n'a pas pu ou pas voulu communiquer, pensant que la force de son métier suffisait encore à le légitimer. C'était oublier un peu vite le rôle croissant des médias et notre attrait instinctif pour leurs images chocs. Non seulement nous ne sommes dorénavant plus compris, mais la perception de notre métier a même été amplement déformée par le prisme médiatique, et la " Ferme des célébrités " ne fait certainement pas exception à la règle...
Qui peut affirmer connaître aujourd'hui le métier d'agriculteur en faisant abstraction des clichés d'usage ? Qui a pleine conscience des mutations engendrées par l'élargissement, la réforme de la Politique agricole commune européenne, ou les négociations internationales sur notre agriculture, notre alimentation, notre environnement et notre économie ? Je souhaite par cette tribune apporter quelques éléments au débat, témoigner de nos craintes, faire part de nos attentes. Puisque nous sommes tous concernés par l'agriculture présente demain sur notre territoire, choisissons-la ensemble.
L'agriculture est en passe d'être bradée sur l'autel du libéralisme dans les négociations internationales, qu'il s'agisse des négociations européennes avec le Mercosur ou à l'OMC. Elle est exposée à une concurrence toujours plus exacerbée, qui rend difficile le fait même de pouvoir vivre de notre métier, de pouvoir valoriser notre production à un juste prix. En témoigne la baisse croissante des actifs agricoles. Et la pression exercée par la grande distribution amplifie largement la situation de crise à laquelle sont confrontées nos filières. Soyons vigilants, le libéralisme conduit à considérer l'agriculture comme un marché économique équivalent à tout autre, sans considération de ses spécificités, de son lien intime avec la santé et l'environnement. Au détriment des hommes qui ont choisi ce métier, des consommateurs, et des citoyens.
Parallèlement, l'agriculture change de sens. Nous serons désormais rémunérés davantage pour notre fonction de producteurs de services (entretien du territoire, animation de l'espace rural) que pour notre fonction de producteurs de biens alimentaires ou non alimentaires (biocarburants). C'est le sens du " découplage des aides " instauré par l'Union européenne dans le cadre de sa réforme. Nous attirons vivement l'attention des citoyens sur les conséquences qui menacent d'en découler : intensification d'une partie de la production agricole, abandon de certaines autres productions, remise en cause de l'indépendance alimentaire européenne, et diminution certaine du nombre d'agriculteurs...
Dans ce contexte, l'élargissement de l'Europe à 25 le 1er mai dernier est une chance extraordinaire. Si elle est le signe d'une Europe en paix avec elle-même, l'affirmation d'un idéal démocratique commun, un espace économique représentant près de 30 % de la richesse mondiale... elle est aussi l'occasion de faire valoir avec plus de force un modèle agricole européen. Une agriculture multifonctionnelle avec des produits de qualité et d'origine. Une agriculture durable, assurant sécurité sanitaire, bien-être animal, respect de l'environnement et des conditions de travail, participant à la dynamique de l'emploi, tout en demeurant rémunératrice...
C'est pourquoi nous restons vigilants aux faiblesses que cette Europe à 25 contient en germe, telles que son excessive lourdeur administrative, et sa vision de l'économie dominée par un libéralisme qui ne laisse guère de place à l'action des corps intermédiaires. N'oublions pas que la richesse et la force de la démocratie sont de s'appuyer sur l'ensemble de la société civile...
Nous ouvrir davantage à la société, expliquer aux uns et aux autres les bouleversements de notre secteur de production, nos nouvelles missions et nos préoccupations, entendre et intégrer en retour les attentes de chaque acteur en matière agricole, qu'il soit économique ou issu de tout autre secteur de la société, est la tâche que nous nous efforçons aujourd'hui de mener. Un dialogue constructif me semble être la meilleure voie pour renouer des liens plus authentiques et moins conflictuels avec chacun, pour conserver notre juste place dans la sphère économique, sociale et culturelle. S'ouvrir, c'est donner une âme, un plus, une valeur ajoutée à notre pays. Ne nous contentons pas de lui donner des racines, donnons-lui également de la sève. L'agriculture peut être un terreau fertile pour la société, ne la bradons pas !
(source http://www.fnsea.fr, le 5 juillet 2004)