Texte intégral
LANCEMENT DE LA NOUVELLE PHASE DE LA CAMPAGNE EURO INTERVENTION DU MINISTRE DELEGUE, CHARGE DES AFFAIRES EUROPEENNES, M. PIERRE MOSCOVICI
Paris - 12.11.1998
Mesdames, Messieurs,
Dans 49 jours exactement, nous basculerons dans l'euro. Je devrais dire d'ailleurs dans 53 jours pour être tout à fait exact, puisque le "pont" du 1er janvier conduira les opérateurs à coter l'euro sur les marchés seulement le 4 janvier.
L'euro, dans ces dernières semaines avant le big bang, cela peut sembler d'abord l'affaire des hommes de marché, des banquiers, des financiers. C'est vrai, ce sont eux qui sont les plus immédiatement concernés par cette révolution monétaire. Pour eux, l'euro est une préoccupation quotidienne. L'adaptation de leurs équipes, des institutions financières qu'ils dirigent, est une clé de leur bonne insertion dans l'Europe financière et bancaire de demain. Ils le savent. Ils s'y préparent.
1- Mais l'euro, c'est aussi l'affaire de tous, hommes et femmes, consommateurs, salariés, pensionnés, assurés sociaux, bref des 58 millions de Français qui ont l'habitude depuis quelques siècles d'utiliser des francs et des centimes, et vont devoir désormais raisonner en euro.
Notre référence monétaire va changer, et il ne faut pas sous-estimer la difficulté à opérer ce changement, en particulier pour les publics les plus fragiles, les personnes âgées notamment, mais aussi les non-voyants, auprès de qui des actions particulières de sensibilisation devront être menées. Telle est bien la préoccupation qui inspire la campagne lancée aujourd'hui.
Il ne faut pas non plus surestimer la difficulté du changement. Les Français montrent quotidiennement leur formidable capacité d'adaptation aux nouvelles technologies, leur appétence à disposer de nouvelles fonctionnalités toujours plus élaborées dans le domaine des technologies de l'information et de la communication notamment.
Plusieurs éléments très concrets me confortent dans cette opinion :
- Les Français dans leur quasi-totalité savent que l'euro va être là. Et, à une très large majorité, ils veulent l'euro et estiment qu'il sera un élément de changement positif pour eux. Ce sont les enseignements des dernières enquêtes d'opinion qui viennent de nous être présentées. Or il est évident que l'on se prépare mieux et que l'on s'adapte mieux à quelque chose que l'on attend, que l'on anticipe et que l'on désire, plutôt qu'à une échéance à laquelle on tournerait le dos.
- Très peu de changements interviendront dans la vie quotidienne des Français à partir du 1er janvier prochain. La vie quotidienne, ce sont les règlements en espèces, et vous savez tous que les pièces et les billets en euro seront introduits seulement en 2002. Les Français disposeront donc de trois ans pour s'acclimater complètement à ce nouvel environnement monétaire.
2- Les Français vont donc s'approprier individuellement l'euro. Ils vont aussi s'approprier collectivement l'euro. L'euro va devenir notre monnaie, c'est-à-dire un élément important de notre identité. Il faut donc donner du sens à cette formidable entreprise historique.
Le gouvernement y a consacré une part importante de son énergie depuis 18 mois. L'euro, tel que nous le faisons aujourd'hui, n'est pas tout à fait celui qui aurait été fait par d'autres que nous il y a encore un an. L'euro n'est pas une fin en soi. Il doit être un levier pour la croissance et pour l'emploi :
- Un levier pour la croissance :
Nous en bénéficions déjà, car on voit bien aujourd'hui que l'euro nous protège des turbulences monétaires et financières internationales. L'Europe constitue aujourd'hui le principal espace de croissance dans le monde. Elle le doit en grande partie à l'euro, qui diminue dans des proportions considérables notre exposition au risque de change, et nous rend par conséquent moins vulnérable aux aléas de la conjoncture extérieure.
Pour autant, il va de soi que l'Europe ne peut pas, ne doit pas se désintéresser des crises monétaires, financières ou économiques qui affectent d'autres régions du monde. L'Europe doit se poser en pôle de stabilité et de croissance pour elle-même d'abord, mais aussi pour le monde dans son ensemble. C'est ce que je résume parfois sous l'idée d'Europe-puissance, c'est-à-dire d'une Europe qui assume pleinement les responsabilités particulières que lui donne une intégration renforcée. A cet égard, l'euro doit nous inciter à accélérer les travaux sur la réforme institutionnelle de l'Europe et favoriser l'émergence d'une Europe politique, capable de peser de tout son poids dans le concert mondial.
- L'euro doit aussi être un levier pour l'emploi :
Les politiques de croissance mises en oeuvre en Europe doivent être résolument orientées en faveur de l'emploi.
Nous avons initié au niveau européen une démarche commune lors du Sommet extraordinaire de Luxembourg en novembre de l'année dernière. Nous y avons adopté des objectifs communs dans le domaine de l'emploi et des politiques de l'emploi que je rappelle : nouveau départ offert aux jeunes chômeurs, nouveau départ offert aux chômeurs de longue durée, effort de formation en direction des chômeurs.
Nous avons ensuite élaboré un plan national d'action qui décrit aussi précisément que possible notre cheminement pour satisfaire à ces objectifs communs. La qualité de notre plan national a été saluée à juste titre par la Commission européenne. Et nous allons évaluer les premiers résultats des plans nationaux des Quinze au Conseil européen de Vienne dans cinq semaines.
Il faut maintenant faire vivre cette démarche communautaire profondément novatrice sur les questions d'emploi, épanouir toutes ses potentialités et l'enrichir progressivement.
Nos partenaires européens y sont disposés, l'Allemagne de Gerhard Schroeder en tête.
Chez nous, l'attente créée dans le monde du travail commence à grandir. Je l'ai constaté moi-même, il y a trois semaines, lorsque j'ai réuni les partenaires sociaux pour faire le point sur la procédure de Luxembourg.
Du reste, l'euro rend cette concertation sociale absolument indispensable sur l'ensemble des questions européennes, et tout particulièrement sur l'accompagnement social de l'euro. Nous devons rénover de fond en comble le dialogue social sur les questions européennes, l'améliorer rapidement en régularité, en densité, et lui assurer un ancrage par rapport aux nouveaux espaces de décision publique que crée l'euro. C'est le sens des propositions formulées très récemment par Philippe Herzog, à qui j'avais confié l'année dernière la mission de faire rapport au gouvernement sur ces questions.
Incontestablement, une étape s'achève le 1er janvier prochain, avec le lancement de la troisième phase de l'Union économique et monétaire. Elle a été conduite avec succès, et c'est à l'évidence une grande chance pour l'Europe.
Il faut maintenant que cet investissement porte tous ses fruits. Les Français sont en droit maintenant d'attendre les dividendes de l'euro, pour l'emploi, pour une croissance plus forte et plus équilibrée, pour la promotion d'un modèle social européen que nous devons défendre et consolider. C'est le principal défi européen qui nous attend demain. Le gouvernement auquel Dominique Strauss-Kahn et moi-même appartenons, sera attentif à ne pas l'esquiver, soyez-en certains.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2001)
Conférence de presse avec Messieurs Strauss-Kahn
le 12 novembre 1998
Lancement de la campagne de communication sur l'euro en France.
Mesdames et messieurs,
Nous allons passer à l'euro le 1er janvier 1999. C'est un fait, presque une évidence naturelle - cela ne semblait pourtant pas acquis il y a seulement un an et demi et, puisque les pièces et les billets en euro ne seront introduits qu'au 1er janvier 2002, certains peuvent avoir le sentiment qu'il ne se passera pas grand chose le 1er janvier alors que l'événement est historique.
1. C'est pourquoi je voudrais que chacun mesure bien l'ampleur de ce que nous allons vivre. Pour la première fois en Europe, par la voie pacifique, 290 millions d'hommes et de femmes ont décidé d'unir leurs destins en partageant leur souveraineté monétaire pour mieux l'exercer. Car loin d'être un renoncement, l'euro est un espoir de progrès économique et social et une conquête:
- une conquête de souveraineté. L'euro nous rend des marges de manoeuvre économique, il est l'instrument de maîtrise de la mondialisation;
- une conquête d'identité également. De Lisbonne à Helsinki, de Paris à Vienne, ce sera un symbole exceptionnel d'identité européenne au quotidien. C'est l'aboutissement d'un rêve envisagé par Victor Hugo il y a un siècle et demi lorsqu'il parlait de "monnaie continentale ayant pour point d'appui le capital Europe et l'activité libre de 200 millions d'hommes" ou des Etats-Unis d'Europe, et patiemment entretenu par les pères fondateurs de l'Europe moderne.
On me demande souvent: où en est l'intégration européenne, est-ce que l'Europe politique progresse ? La réponse est pourtant sous nos yeux. Je rejoins P.Moscovici pour dire que l'euro, c'est un élément fondamental de la construction politique de l'Europe. Il est un formidable symbole et repère de l'identité européenne qui se construit. En 2002, avoir l'euro en poche sera avoir un petit morceau d'Europe sur soi.
Formidable atout économique aussi, l'euro sera le moyen pour les Européens de s'affirmer dans la gestion des affaires économiques mondiales. La zone euro aura le même poids économique que les Etats-Unis. A nous de faire en sorte qu'elle ait également le même poids politique. J'ai bon espoir que d'ici la fin de l'année nous aurons décidé de la manière dont les Européens s'exprimeront de manière unifiée sur la scène internationale, sur les sujets liés à l'euro bien sûr mais plus largement sur l'ensemble des questions financières internationales.
2. J'ajoute que l'euro qui va arriver, c'est bien l'euro pour la croissance que le gouvernement français souhaitait. Le débat européen a complètement changé en un an et demi. Bien sûr, l'arrivée de gouvernements sociaux-démocrates au pouvoir dans la majorité des pays européens a facilité cette évolution. Les thèmes de la coordination des politiques économiques, de l'emploi, de l'harmonisation fiscale et sociale, ont pris une acuité nouvelle à la faveur du lancement de l'euro et d'une volonté politique nouvelle au sein du Conseil de l'euro ou euro-11. Je considère que les conditions sont aujourd'hui réunies pour mener une politique de croissance en Europe, fondée sur l'euro:
- les politiques économique et monétaire doivent être conduites en vue de mobiliser le potentiel de croissance que recèle l'euro, en veillant à ne pas compromettre la stabilité des prix et des taux de change. Cela signifie aujourd'hui poursuivre l'assainissement des finances publiques, tandis que la politique monétaire doit veiller à maintenir les conditions d'une croissance non inflationniste. Pour mettre en oeuvre cette combinaison des politiques budgétaires et monétaire, la coordination des politiques économiques sur laquelle la France a insisté depuis un an et demi est particulièrement nécessaire. Elle doit concerner les gouvernements, mais recouvrir aussi un dialogue avec la BCE, dans le respect de l'indépendance de chacun;
- l'euro a déjà commencé à jouer son rôle positif. Dans les turbulences financières récentes, d'une ampleur exceptionnelle, les taux de change des Onze n'ont pas bougé; les taux d'intérêt sont restés à leurs niveaux exceptionnellement faibles (4,3 % à 10 ans). Cette réduction de la contrainte de change, cette faiblesse des taux d'intérêt, ne peuvent qu'être favorables à l'investissement, à la consommation, donc à la croissance (la Commission estime que la zone euro sera la plus dynamique des pays industrialisés de 1998 à 2000). En outre, la très faible inflation profite directement aux ménages, avec des progressions de pouvoir d'achat (+ 3 % en 1998) qui n'avaient pas été vues depuis longtemps.
L'euro ne nous isole cependant pas du reste du monde. Lorsque le Japon, les pays émergents d'Asie, la Russie... sont en récession, il est clair que nous en subissons les effets. C'est pourquoi le gouvernement fiançais a proposé à ses partenaires européens il y a un mois et demi une série de propositions visant à mieux organiser le système financier international, par plus de transparence pour l'ensemble des acteurs et par plus de légitimité politique donnée aux institutions financières internationales. Dans le cadre de cette réflexion sur un système financier international mieux ordonné, la stabilisation des taux de change entre les principales devises est une question importante. Je ne suis pas favorable à une politique de change de l'euro fondée sur une "douce insouciance" européenne.
Les Français d'ailleurs me semblent conscients de ce que je viens de décrire. Comme le montre l'étude de la SOFRES présenté par P.Mechet, l'attachement à la construction européenne progresse et l'approbation du passage à l'euro demeure forte (58% contre 36 % réservés, soit le meilleur résultat depuis que ce baromètre a été créé), dans un contexte où le niveau d'information a nettement progressé depuis un an et le scepticisme à l'égard du projet européen nettement reculé.
3. L'euro pratique
Que va-t-il se passer concrètement le ler janvier ?
La sphère financière bascule complètement. Les cotations boursières se feront désormais en euro, la dette publique est convertie en euro.
Pour les particuliers et les entreprises s'ouvre une période de transition de trois ans, dans laquelle il sera possible d'utiliser l'euro par chèque, virement ou carte bancaire, sans obligation. Cette période de trois ans peut sembler longue. Elle sera surtout très utile pour finaliser les préparatifs (production physique des pièces et des billets, modalités d'introduction de ceux-ci au ler janvier 2002, adaptations informatiques...) et habituer progressivement chacun à l'euro.
Les entreprises qui souhaiteront passer à l'euro dès 1999 pourront le faire. L'option tout euro, créée par la loi du 2 juillet 1998, leur permettra de tenir leur comptabilité, faire leurs déclarations fiscales, payer leurs impôts en euro dès 1999. Le cadre juridique est clair. Les derniers décrets (fixant la liste des déclarations fiscales et douanières possibles en euro, ou relatif au basculement des marchés financiers) et l'arrêté qui étaient encore nécessaires viennent d'être pris à l'issue de concertations de place. J'invite les entreprises à basculer tôt, d'une part pour éviter un possible engorgement en fin de période, d'autre part parce que le fait d'être passé à l'euro pourrait se révéler rapidement un atout dans la concurrence internationale.
De même, je crois essentiel d'inciter nos concitoyens à ne pas attendre le ler janvier 2002 pour s'habituer à l'euro, même si les déclarations d'impôt ne basculeront qu'en 2002 pour des raisons de simplicité. Car cela ne signifie pas, au contraire, qu'il ne se passe pas grand chose pendant trois ans. Je considère essentiel que chacun s'habitue progressivement à des valeurs en euro, et c'est pourquoi l'administration et les services publics (EDF, La Poste, France Télécom...) fournissent déjà ou fourniront dès le ler janvier une double information en franc et en euro sur les relevés et factures. Je souhaite de même que la pratique du double affichage des prix chez les commerçants se développe. C'est ainsi que nous construirons progressivement des repères en euro qui faciliteront le basculement de 2002.
Les banques auront naturellement un rôle essentiel à jouer pour faciliter la transition. Je salue leurs engagements sur le fait que les opérations de conversion courantes (versement d'un salaire en euro sur un compte resté en franc par exemple) seront effectuées automatiquement et gratuitement. Dès janvier, ceux qui le souhaite pourront avoir un compte courant en euro et un chéquier en euro.
Il y aura sans doute des difficultés pratiques. C'est normal pour une opération d'une telle nature. C'est pourquoi le gouvernement souhaite la mise en place d'instances locales d'alerte et de médiation. Ce sera notamment le rôle des Observatoires départementaux de l'euro, dont la création devrait être confirmée lors du prochain Comité National de l'euro.
La diffusion de l'euro dans la société sera ainsi progressive et dans la plus grande sécurité juridique. J'imagine que dès cet hiver des touristes européens ou des frontaliers demanderont à payer en euro par carte bancaire, ce qui incitera les commerçants à s'équiper ou par chèque.
4. L'action du gouvernement
Les pouvoirs publics ont deux objectifs.
Faciliter le passage à l'euro: c'est l'Administration et les services publics qui s'adapteront aux souhaits de chacun quant à son rythme de passage. Naturellement, nous devrons consacrer un effort spécifique en direction:
- des publics fragiles. Il est essentiel que la cohésion sociale soit préservée à l'occasion du passage à l'euro. Nous allons intensifier nos partenariats avec les associations qui les connaissent le mieux. Je m'engage à ce que le gouvernement distribue à ces publics d'ici à fin 2001 une calculette ou convertisseur franc/euro;
- des PME. Une charte a été signée avec 25 partenaires. J'entends qu'elle vive localement et très concrètement pour apporter aux PME de manière gratuite les informations essentielles dont elles ont besoin.
Informer et agir en partenariat: c'est l'objet de cette nouvelle action d'information grand public. Elle vient amplifier la politique patiente de partenariats que nous avons initiée depuis un an, souvent avec la Commission et j'en remercie le Commissaire de Silguy. Je salue également tous les partenaires présents aujourd'hui. n est clair que sans eux notre action n'aurait pas la même efficacité. Chacun doit se sentir investi d'une mission d'explication: élus locaux, médias, organisations professionnelles, partenaires des PME, associations... C'est collectivement que nous réussirons.
J'entends participer personnellement aux actions de partenariat autant que possible (information dans les lycées, sensibilisation des PME et des collectivités locales...).
La campagne lancée aujourd'hui repose sur une brochure, diffusée à 33 millions d'exemplaires, ce qui ne s'est encore jamais fait dans notre pays, et selon un mode de diffusion original. L'an dernier nous étions passés par les réseaux bancaires. Ceux-ci étant maintenant mobilisés, nous avons décidé d'une part d'apporter la brochure au domicile des Français en la distribuant dans les boites aux lettres, d'autre part de passer par d'autres réseaux irriguant le territoire: débitants de tabac, marchands de journaux. Comme l'an dernier, la Poste reste à nos côtés dans cette action d'information et bien sûr les Mairies et administrations locales diffuseront également l'information.
Maintenant passons aux images, nous allons vous projeter en avant-première le spot de publicité qui démarre demain et qui passera jusqu'au 6 décembre sur 13 chaînes. Notre signature reste la même: "l'euro fait la force". Nous avons, grâce au travail de deux réalisateurs autrichiens, tenté de susciter un peu d'émotion et d'espoir, grâce à l'euro.
(source http://www.euro-expert.com, le 17 octobre 2001)
Paris - 12.11.1998
Mesdames, Messieurs,
Dans 49 jours exactement, nous basculerons dans l'euro. Je devrais dire d'ailleurs dans 53 jours pour être tout à fait exact, puisque le "pont" du 1er janvier conduira les opérateurs à coter l'euro sur les marchés seulement le 4 janvier.
L'euro, dans ces dernières semaines avant le big bang, cela peut sembler d'abord l'affaire des hommes de marché, des banquiers, des financiers. C'est vrai, ce sont eux qui sont les plus immédiatement concernés par cette révolution monétaire. Pour eux, l'euro est une préoccupation quotidienne. L'adaptation de leurs équipes, des institutions financières qu'ils dirigent, est une clé de leur bonne insertion dans l'Europe financière et bancaire de demain. Ils le savent. Ils s'y préparent.
1- Mais l'euro, c'est aussi l'affaire de tous, hommes et femmes, consommateurs, salariés, pensionnés, assurés sociaux, bref des 58 millions de Français qui ont l'habitude depuis quelques siècles d'utiliser des francs et des centimes, et vont devoir désormais raisonner en euro.
Notre référence monétaire va changer, et il ne faut pas sous-estimer la difficulté à opérer ce changement, en particulier pour les publics les plus fragiles, les personnes âgées notamment, mais aussi les non-voyants, auprès de qui des actions particulières de sensibilisation devront être menées. Telle est bien la préoccupation qui inspire la campagne lancée aujourd'hui.
Il ne faut pas non plus surestimer la difficulté du changement. Les Français montrent quotidiennement leur formidable capacité d'adaptation aux nouvelles technologies, leur appétence à disposer de nouvelles fonctionnalités toujours plus élaborées dans le domaine des technologies de l'information et de la communication notamment.
Plusieurs éléments très concrets me confortent dans cette opinion :
- Les Français dans leur quasi-totalité savent que l'euro va être là. Et, à une très large majorité, ils veulent l'euro et estiment qu'il sera un élément de changement positif pour eux. Ce sont les enseignements des dernières enquêtes d'opinion qui viennent de nous être présentées. Or il est évident que l'on se prépare mieux et que l'on s'adapte mieux à quelque chose que l'on attend, que l'on anticipe et que l'on désire, plutôt qu'à une échéance à laquelle on tournerait le dos.
- Très peu de changements interviendront dans la vie quotidienne des Français à partir du 1er janvier prochain. La vie quotidienne, ce sont les règlements en espèces, et vous savez tous que les pièces et les billets en euro seront introduits seulement en 2002. Les Français disposeront donc de trois ans pour s'acclimater complètement à ce nouvel environnement monétaire.
2- Les Français vont donc s'approprier individuellement l'euro. Ils vont aussi s'approprier collectivement l'euro. L'euro va devenir notre monnaie, c'est-à-dire un élément important de notre identité. Il faut donc donner du sens à cette formidable entreprise historique.
Le gouvernement y a consacré une part importante de son énergie depuis 18 mois. L'euro, tel que nous le faisons aujourd'hui, n'est pas tout à fait celui qui aurait été fait par d'autres que nous il y a encore un an. L'euro n'est pas une fin en soi. Il doit être un levier pour la croissance et pour l'emploi :
- Un levier pour la croissance :
Nous en bénéficions déjà, car on voit bien aujourd'hui que l'euro nous protège des turbulences monétaires et financières internationales. L'Europe constitue aujourd'hui le principal espace de croissance dans le monde. Elle le doit en grande partie à l'euro, qui diminue dans des proportions considérables notre exposition au risque de change, et nous rend par conséquent moins vulnérable aux aléas de la conjoncture extérieure.
Pour autant, il va de soi que l'Europe ne peut pas, ne doit pas se désintéresser des crises monétaires, financières ou économiques qui affectent d'autres régions du monde. L'Europe doit se poser en pôle de stabilité et de croissance pour elle-même d'abord, mais aussi pour le monde dans son ensemble. C'est ce que je résume parfois sous l'idée d'Europe-puissance, c'est-à-dire d'une Europe qui assume pleinement les responsabilités particulières que lui donne une intégration renforcée. A cet égard, l'euro doit nous inciter à accélérer les travaux sur la réforme institutionnelle de l'Europe et favoriser l'émergence d'une Europe politique, capable de peser de tout son poids dans le concert mondial.
- L'euro doit aussi être un levier pour l'emploi :
Les politiques de croissance mises en oeuvre en Europe doivent être résolument orientées en faveur de l'emploi.
Nous avons initié au niveau européen une démarche commune lors du Sommet extraordinaire de Luxembourg en novembre de l'année dernière. Nous y avons adopté des objectifs communs dans le domaine de l'emploi et des politiques de l'emploi que je rappelle : nouveau départ offert aux jeunes chômeurs, nouveau départ offert aux chômeurs de longue durée, effort de formation en direction des chômeurs.
Nous avons ensuite élaboré un plan national d'action qui décrit aussi précisément que possible notre cheminement pour satisfaire à ces objectifs communs. La qualité de notre plan national a été saluée à juste titre par la Commission européenne. Et nous allons évaluer les premiers résultats des plans nationaux des Quinze au Conseil européen de Vienne dans cinq semaines.
Il faut maintenant faire vivre cette démarche communautaire profondément novatrice sur les questions d'emploi, épanouir toutes ses potentialités et l'enrichir progressivement.
Nos partenaires européens y sont disposés, l'Allemagne de Gerhard Schroeder en tête.
Chez nous, l'attente créée dans le monde du travail commence à grandir. Je l'ai constaté moi-même, il y a trois semaines, lorsque j'ai réuni les partenaires sociaux pour faire le point sur la procédure de Luxembourg.
Du reste, l'euro rend cette concertation sociale absolument indispensable sur l'ensemble des questions européennes, et tout particulièrement sur l'accompagnement social de l'euro. Nous devons rénover de fond en comble le dialogue social sur les questions européennes, l'améliorer rapidement en régularité, en densité, et lui assurer un ancrage par rapport aux nouveaux espaces de décision publique que crée l'euro. C'est le sens des propositions formulées très récemment par Philippe Herzog, à qui j'avais confié l'année dernière la mission de faire rapport au gouvernement sur ces questions.
Incontestablement, une étape s'achève le 1er janvier prochain, avec le lancement de la troisième phase de l'Union économique et monétaire. Elle a été conduite avec succès, et c'est à l'évidence une grande chance pour l'Europe.
Il faut maintenant que cet investissement porte tous ses fruits. Les Français sont en droit maintenant d'attendre les dividendes de l'euro, pour l'emploi, pour une croissance plus forte et plus équilibrée, pour la promotion d'un modèle social européen que nous devons défendre et consolider. C'est le principal défi européen qui nous attend demain. Le gouvernement auquel Dominique Strauss-Kahn et moi-même appartenons, sera attentif à ne pas l'esquiver, soyez-en certains.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2001)
Conférence de presse avec Messieurs Strauss-Kahn
le 12 novembre 1998
Lancement de la campagne de communication sur l'euro en France.
Mesdames et messieurs,
Nous allons passer à l'euro le 1er janvier 1999. C'est un fait, presque une évidence naturelle - cela ne semblait pourtant pas acquis il y a seulement un an et demi et, puisque les pièces et les billets en euro ne seront introduits qu'au 1er janvier 2002, certains peuvent avoir le sentiment qu'il ne se passera pas grand chose le 1er janvier alors que l'événement est historique.
1. C'est pourquoi je voudrais que chacun mesure bien l'ampleur de ce que nous allons vivre. Pour la première fois en Europe, par la voie pacifique, 290 millions d'hommes et de femmes ont décidé d'unir leurs destins en partageant leur souveraineté monétaire pour mieux l'exercer. Car loin d'être un renoncement, l'euro est un espoir de progrès économique et social et une conquête:
- une conquête de souveraineté. L'euro nous rend des marges de manoeuvre économique, il est l'instrument de maîtrise de la mondialisation;
- une conquête d'identité également. De Lisbonne à Helsinki, de Paris à Vienne, ce sera un symbole exceptionnel d'identité européenne au quotidien. C'est l'aboutissement d'un rêve envisagé par Victor Hugo il y a un siècle et demi lorsqu'il parlait de "monnaie continentale ayant pour point d'appui le capital Europe et l'activité libre de 200 millions d'hommes" ou des Etats-Unis d'Europe, et patiemment entretenu par les pères fondateurs de l'Europe moderne.
On me demande souvent: où en est l'intégration européenne, est-ce que l'Europe politique progresse ? La réponse est pourtant sous nos yeux. Je rejoins P.Moscovici pour dire que l'euro, c'est un élément fondamental de la construction politique de l'Europe. Il est un formidable symbole et repère de l'identité européenne qui se construit. En 2002, avoir l'euro en poche sera avoir un petit morceau d'Europe sur soi.
Formidable atout économique aussi, l'euro sera le moyen pour les Européens de s'affirmer dans la gestion des affaires économiques mondiales. La zone euro aura le même poids économique que les Etats-Unis. A nous de faire en sorte qu'elle ait également le même poids politique. J'ai bon espoir que d'ici la fin de l'année nous aurons décidé de la manière dont les Européens s'exprimeront de manière unifiée sur la scène internationale, sur les sujets liés à l'euro bien sûr mais plus largement sur l'ensemble des questions financières internationales.
2. J'ajoute que l'euro qui va arriver, c'est bien l'euro pour la croissance que le gouvernement français souhaitait. Le débat européen a complètement changé en un an et demi. Bien sûr, l'arrivée de gouvernements sociaux-démocrates au pouvoir dans la majorité des pays européens a facilité cette évolution. Les thèmes de la coordination des politiques économiques, de l'emploi, de l'harmonisation fiscale et sociale, ont pris une acuité nouvelle à la faveur du lancement de l'euro et d'une volonté politique nouvelle au sein du Conseil de l'euro ou euro-11. Je considère que les conditions sont aujourd'hui réunies pour mener une politique de croissance en Europe, fondée sur l'euro:
- les politiques économique et monétaire doivent être conduites en vue de mobiliser le potentiel de croissance que recèle l'euro, en veillant à ne pas compromettre la stabilité des prix et des taux de change. Cela signifie aujourd'hui poursuivre l'assainissement des finances publiques, tandis que la politique monétaire doit veiller à maintenir les conditions d'une croissance non inflationniste. Pour mettre en oeuvre cette combinaison des politiques budgétaires et monétaire, la coordination des politiques économiques sur laquelle la France a insisté depuis un an et demi est particulièrement nécessaire. Elle doit concerner les gouvernements, mais recouvrir aussi un dialogue avec la BCE, dans le respect de l'indépendance de chacun;
- l'euro a déjà commencé à jouer son rôle positif. Dans les turbulences financières récentes, d'une ampleur exceptionnelle, les taux de change des Onze n'ont pas bougé; les taux d'intérêt sont restés à leurs niveaux exceptionnellement faibles (4,3 % à 10 ans). Cette réduction de la contrainte de change, cette faiblesse des taux d'intérêt, ne peuvent qu'être favorables à l'investissement, à la consommation, donc à la croissance (la Commission estime que la zone euro sera la plus dynamique des pays industrialisés de 1998 à 2000). En outre, la très faible inflation profite directement aux ménages, avec des progressions de pouvoir d'achat (+ 3 % en 1998) qui n'avaient pas été vues depuis longtemps.
L'euro ne nous isole cependant pas du reste du monde. Lorsque le Japon, les pays émergents d'Asie, la Russie... sont en récession, il est clair que nous en subissons les effets. C'est pourquoi le gouvernement fiançais a proposé à ses partenaires européens il y a un mois et demi une série de propositions visant à mieux organiser le système financier international, par plus de transparence pour l'ensemble des acteurs et par plus de légitimité politique donnée aux institutions financières internationales. Dans le cadre de cette réflexion sur un système financier international mieux ordonné, la stabilisation des taux de change entre les principales devises est une question importante. Je ne suis pas favorable à une politique de change de l'euro fondée sur une "douce insouciance" européenne.
Les Français d'ailleurs me semblent conscients de ce que je viens de décrire. Comme le montre l'étude de la SOFRES présenté par P.Mechet, l'attachement à la construction européenne progresse et l'approbation du passage à l'euro demeure forte (58% contre 36 % réservés, soit le meilleur résultat depuis que ce baromètre a été créé), dans un contexte où le niveau d'information a nettement progressé depuis un an et le scepticisme à l'égard du projet européen nettement reculé.
3. L'euro pratique
Que va-t-il se passer concrètement le ler janvier ?
La sphère financière bascule complètement. Les cotations boursières se feront désormais en euro, la dette publique est convertie en euro.
Pour les particuliers et les entreprises s'ouvre une période de transition de trois ans, dans laquelle il sera possible d'utiliser l'euro par chèque, virement ou carte bancaire, sans obligation. Cette période de trois ans peut sembler longue. Elle sera surtout très utile pour finaliser les préparatifs (production physique des pièces et des billets, modalités d'introduction de ceux-ci au ler janvier 2002, adaptations informatiques...) et habituer progressivement chacun à l'euro.
Les entreprises qui souhaiteront passer à l'euro dès 1999 pourront le faire. L'option tout euro, créée par la loi du 2 juillet 1998, leur permettra de tenir leur comptabilité, faire leurs déclarations fiscales, payer leurs impôts en euro dès 1999. Le cadre juridique est clair. Les derniers décrets (fixant la liste des déclarations fiscales et douanières possibles en euro, ou relatif au basculement des marchés financiers) et l'arrêté qui étaient encore nécessaires viennent d'être pris à l'issue de concertations de place. J'invite les entreprises à basculer tôt, d'une part pour éviter un possible engorgement en fin de période, d'autre part parce que le fait d'être passé à l'euro pourrait se révéler rapidement un atout dans la concurrence internationale.
De même, je crois essentiel d'inciter nos concitoyens à ne pas attendre le ler janvier 2002 pour s'habituer à l'euro, même si les déclarations d'impôt ne basculeront qu'en 2002 pour des raisons de simplicité. Car cela ne signifie pas, au contraire, qu'il ne se passe pas grand chose pendant trois ans. Je considère essentiel que chacun s'habitue progressivement à des valeurs en euro, et c'est pourquoi l'administration et les services publics (EDF, La Poste, France Télécom...) fournissent déjà ou fourniront dès le ler janvier une double information en franc et en euro sur les relevés et factures. Je souhaite de même que la pratique du double affichage des prix chez les commerçants se développe. C'est ainsi que nous construirons progressivement des repères en euro qui faciliteront le basculement de 2002.
Les banques auront naturellement un rôle essentiel à jouer pour faciliter la transition. Je salue leurs engagements sur le fait que les opérations de conversion courantes (versement d'un salaire en euro sur un compte resté en franc par exemple) seront effectuées automatiquement et gratuitement. Dès janvier, ceux qui le souhaite pourront avoir un compte courant en euro et un chéquier en euro.
Il y aura sans doute des difficultés pratiques. C'est normal pour une opération d'une telle nature. C'est pourquoi le gouvernement souhaite la mise en place d'instances locales d'alerte et de médiation. Ce sera notamment le rôle des Observatoires départementaux de l'euro, dont la création devrait être confirmée lors du prochain Comité National de l'euro.
La diffusion de l'euro dans la société sera ainsi progressive et dans la plus grande sécurité juridique. J'imagine que dès cet hiver des touristes européens ou des frontaliers demanderont à payer en euro par carte bancaire, ce qui incitera les commerçants à s'équiper ou par chèque.
4. L'action du gouvernement
Les pouvoirs publics ont deux objectifs.
Faciliter le passage à l'euro: c'est l'Administration et les services publics qui s'adapteront aux souhaits de chacun quant à son rythme de passage. Naturellement, nous devrons consacrer un effort spécifique en direction:
- des publics fragiles. Il est essentiel que la cohésion sociale soit préservée à l'occasion du passage à l'euro. Nous allons intensifier nos partenariats avec les associations qui les connaissent le mieux. Je m'engage à ce que le gouvernement distribue à ces publics d'ici à fin 2001 une calculette ou convertisseur franc/euro;
- des PME. Une charte a été signée avec 25 partenaires. J'entends qu'elle vive localement et très concrètement pour apporter aux PME de manière gratuite les informations essentielles dont elles ont besoin.
Informer et agir en partenariat: c'est l'objet de cette nouvelle action d'information grand public. Elle vient amplifier la politique patiente de partenariats que nous avons initiée depuis un an, souvent avec la Commission et j'en remercie le Commissaire de Silguy. Je salue également tous les partenaires présents aujourd'hui. n est clair que sans eux notre action n'aurait pas la même efficacité. Chacun doit se sentir investi d'une mission d'explication: élus locaux, médias, organisations professionnelles, partenaires des PME, associations... C'est collectivement que nous réussirons.
J'entends participer personnellement aux actions de partenariat autant que possible (information dans les lycées, sensibilisation des PME et des collectivités locales...).
La campagne lancée aujourd'hui repose sur une brochure, diffusée à 33 millions d'exemplaires, ce qui ne s'est encore jamais fait dans notre pays, et selon un mode de diffusion original. L'an dernier nous étions passés par les réseaux bancaires. Ceux-ci étant maintenant mobilisés, nous avons décidé d'une part d'apporter la brochure au domicile des Français en la distribuant dans les boites aux lettres, d'autre part de passer par d'autres réseaux irriguant le territoire: débitants de tabac, marchands de journaux. Comme l'an dernier, la Poste reste à nos côtés dans cette action d'information et bien sûr les Mairies et administrations locales diffuseront également l'information.
Maintenant passons aux images, nous allons vous projeter en avant-première le spot de publicité qui démarre demain et qui passera jusqu'au 6 décembre sur 13 chaînes. Notre signature reste la même: "l'euro fait la force". Nous avons, grâce au travail de deux réalisateurs autrichiens, tenté de susciter un peu d'émotion et d'espoir, grâce à l'euro.
(source http://www.euro-expert.com, le 17 octobre 2001)