Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur la politique économique et sociale du Gouvernement, notamment la réduction du temps de travail, la protection sociale et la mise en oeuvre de la lutte contre le chômage, les inégalités et l'exclusion, Paris le 14 mars 2000.

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Circonstance : Intervention devant le Conseil Economique et Social le 14 mars 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames les conseillères, messieurs les conseillers,
Laissez-moi vous dire ma satisfaction d'intervenir aujourd'hui devant votre assemblée. Votre conseil a un rôle majeur à jouer pour éclairer l'avenir de notre pays. Au moment où nous relevons des défis économiques et sociaux essentiels, j'ai jugé particulièrement important de discuter avec vous des principes sur lesquels le gouvernement fonde sa politique.
Depuis juin 1997, à l'instar de la déclaration de politique générale du Premier Ministre, le gouvernement n'a eu de cesse de réaffirmer une ambition sociale et une volonté réformatrice forte.
Le gouvernement de Lionel JOSPIN s'est immédiatement attelé à tenter de résoudre la double équation suivante. Comment articuler efficacement l'économique et le social, d'une part, et quelles places respectives laisser, à l'Etat et aux acteurs économiques et sociaux, à la loi et au contrat pour mettre en uvre les réformes, d'autre part ?
Des solutions proposées pour résoudre cette double équation dépend, selon nous, l'efficacité des politiques mises en uvre pour lutter contre le chômage, les inégalités et l'exclusion dans notre pays.
Première Partie : comment articuler l'économique et le social ?
Ecartons d'emblée, si vous le voulez bien, l'idée selon laquelle les exigences de l'économie sont forcément contradictoires avec celles du social. Ces oppositions me semblent stériles. La politique sociale n'est pas la conséquence fâcheuse et obligatoire de la politique économique. Il n'y a pas
- d'un côté, une matière noble, l'économie, celle qui traite de l'enrichissement global de notre pays,
- de l'autre côté, une matière secondaire, le social, qui ne chercherait qu'à corriger les effets néfastes du marché et à redistribuer ainsi une partie de la richesse produite.
Deux principes complémentaires méritent un rappel. Le premier consiste à réaffirmer que la fonction des politiques sociales ne se résume pas à l'assistance. Bien sûr, celle ci doit être mise en uvre pour répondre à l'urgence. Mais l'objectif de la politique sociale c'est avant tout de garantir à tous l'égal accès aux droits fondamentaux. En second lieu, il faut rappeler que la misère, la pauvreté, les inégalités ont un coût social, un coût qui peut devenir très vite insupportable pour l'économie elle-même, si on ne les combat pas de manière structurelle.
Partant de ce constat le gouvernement est convaincu qu'une politique sociale ambitieuse, qui lutte contre le chômage et les exclusions, réduit les inégalités et donc garantit la fermeté de notre cohésion sociale, est une condition essentielle à la pérennisation d'une croissance dynamique dans notre pays. N'ayons donc pas peur de l'affirmer : le progrès social peut être un agent majeur du progrès économique, du développement économique.
Améliorer la situation quotidienne des français s'est donc imposé comme une clé et un objectif indispensables pour récréer la confiance et relancer la croissance. Dés juin 1997, nous avons choisi de combiner immédiatement une double initiative politique afin de redonner confiance aux français : le lancement du programme emplois jeunes et la hausse du pouvoir d'achat des ménages. Cette augmentation moyenne de 1,1 % du pouvoir d'achat des ménages a été possible grâce au transfert des cotisations d'assurance maladie vers la CSG, la revalorisation des allocations de rentrée scolaire et l'augmentation des minima sociaux.
Progressivement la confiance est revenue. Elle a permis de relancer la consommation des ménages, remplit les carnets de commandes des entreprises et recréé ainsi un environnement favorable à la croissance et à l'emploi. Naturellement le rythme des créations d'emplois s'accélérant, la demande interne a continué de croître, soutenant la relance des investissements des entreprises. Partie d'un taux de 2 % en 1997, l'économie française a affiché une croissance de 3,4 % en 98 et 2,7 % en 1999. Cette bonne santé de notre économie devrait se confirmer en 2000 avec une prévision de 3,5 %. La machine n'est plus en panne ; elle fonctionne à un bon rythme.
Et logiquement, c'est maintenant la croissance qui amplifie l'impact des politiques volontaristes de l'emploi mises en uvre par le gouvernement et consolide un peu plus la confiance des ménages et des chefs d'entreprise dans notre pays. Nous avons ainsi pu créer un cercle vertueux entre la confiance, la croissance et l'emploi. Ce cercle s'enrichit chaque année de nouvelles contributions. Après les emplois jeunes et la réduction de la durée du travail, l'allégement des cotisations sociales sur les bas et les moyens salaires, prévu par la loi dans le cadre de la réduction du temps de travail est la dernière réforme importante de soutien aux créations d'emplois que nous avons lancée.
La mise en route concrète de ce nouveau couple qui lie intimement l'économique et le social est d'autant plus féconde qu'elle est soutenue par une volonté politique sans faille de lutter contre le chômage en ne négligeant aucune piste.
Si la confiance naît des résultats des politiques mises en place, elle se nourrit aussi du crédit que nos concitoyens placent dans la détermination de leurs responsables politiques à faire ce qu'ils ont dit. Force est de constater que jusqu'ici les français avaient quelques raisons de croire que même si les discours sur le chômage parlaient fort, les actes derrière ne suivaient pas. Aujourd'hui le chômage recule et sans doute avec lui, le sentiment de l'impuissance du politique à rendre la société plus juste.
Nous avons donc choisi d'explorer toutes les voies susceptibles d'accélérer la décrue du chômage. Cette priorité à l'emploi exige de dépasser les oppositions stériles et les querelles sans fin. Nous pensons qu'aucun dogme ne saurait nous écarter des solutions les plus efficaces pour lutter contre le chômage. C'est pourquoi, tout est mis en uvre pour attaquer le chômage par le bon bout au bon moment.
Observons la palette des instruments utilisés :
- Nous avons recréé un environnement économique et social favorable à une croissance pérenne, en relançant la consommation grâce à des hausses du pouvoir d'achat des ménages obtenues par le transfert des cotisations d'assurance maladie vers la CSG, l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire et la hausse des minima sociaux La baisse des charges sur les bas et les moyens salaires et les nouvelles aides aux créateurs d'entreprises sont venues compléter en direction des entreprises les premières mesures prises en direction des ménages.
- Nous avons voulu anticiper sur les nouveaux besoins. Nous nous sommes engagés fortement dans la mise en du programme emplois jeunes qui permet la création d'activités nouvelles destinées à répondre à des besoins sociaux jusqu'ici non satisfaits. Par ailleurs, le gouvernement accompagne fortement le développement des nouvelles technologies de l'information.
- Nous avons engagé la réduction du temps du temps de travail.
- Nous avons enfin mobilisé des dispositifs particuliers en direction de ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi afin que personne ne reste au bord du chemin. Je voudrais rappeler le programme "nouveaux départs", le recentrage des contrats de solidarité en direction des publics les plus démunis et le lancement du dispositif TRACE.
Les français ont pu mesurer concrètement à travers toutes ces initiatives politiques, la mobilisation réelle du gouvernement dans sa lutte contre le chômage. C'est un facteur qui a joué, j'en suis certaine, dans ce retour progressif mais sûr de la confiance dans notre pays. Nous avons donc ainsi dessiné depuis deux ans et demi les contours d'une politique macroéconomique qui a fait des réformes sociales le moteur d'une croissance saine et durable.
Cette réconciliation de l'économique et du social, performante au plan macro-économique, l'est tout autant au niveau microéconomique.
Chacun reconnaît l'importance d'une politique efficace des ressources humaines dans l'entreprise. Elle doit permettre
- l'amélioration des conditions de vie des salariés au travail,
- une modification de l'organisation du travail pour offrir à chacun un travail valorisant et épanouissant,
- anticiper sur les évolutions techniques et technologiques pour préparer chaque salarié aux emplois de demain,
- mieux articuler vie professionnelle et vie familiale.
Une telle politique mobilise vraiment toutes les capacités des salariés, leurs compétences, leur expérience mais aussi leur imagination et leur sens de l'innovation.
En règle générale donc, au niveau macro-économique comme au niveau de chaque entreprise, une économie plus solidaire est une économie plus performante.
Pour rester quelques secondes encore dans le champ de l'entreprise, je tiens à vous indiquer que j'ai l'intention de demander au premier Ministre de saisir votre conseil afin que la section production et échange puisse réfléchir aux innovations en cours dans le secteur de l'économie sociale et les partenariats qui pourraient être organisés pour faciliter l'émergence et la valorisation d'initiatives à la fois économiques et sociales, qui améliorent la performance globale des entreprises et répondent à de nouveaux besoins.
Deuxième partie : comment articuler la négociation et la loi ?
Le sens de cette nouvelle politique économique et sociale est de rechercher les conditions optimales de justice sociale dans un contexte optimal de création de richesses et d'emploi. Redistribuer les richesses produites en conciliant l'intérêt général et la prise en compte de besoins des individus conduit naturellement à réfléchir aux rôles respectifs de l'Etat, des collectivités locales, des organisations syndicales et patronales, des associations dans l'élaboration d'un contrat social influencé par un environnement en pleine mutation.
Les relations du travail sont en plein bouleversement.
Au contrat salarial "fordiste" construit à la Libération et consolidé durant les Trente Glorieuses, garant d'un contrat à durée indéterminée et fonctionnant sur la logique de la carrière, sont venus s'ajouter d'autres types de contrats directement aux aléas de la conjoncture, liés à l'exacerbation de la concurrence économique, à la diversification des besoins et à l'accélération des évolutions technologiques.
Le droit du travail a cessé depuis d'être un bloc monolithique pour faire place à une diversité des statuts juridiques. La relance de l'emploi dans notre pays a incontestablement confirmé cette évolution à travers la part croissante de l'intérim et des CDD dans les flux de première embauche.
Soulignons cependant que la précarité plus grande qui caractérise les premières embauches est aujourd'hui compensée en règle générale, par la consolidation des contrats à moyen terme.
On peut comprendre qu'en période de reprise de la croissance, les chefs d'entreprises hésitent à embaucher de nouveaux salariés sur des contrats à durée indéterminée. On comprend déjà moins que ces pratiques se prolongent quand la croissance est durable et que les carnets de commandes sont remplis. Enfin, on ne comprend plus du tout et il n'est pas acceptable que certaines entreprises fassent des emplois précaires un mode de gestion permanent de leurs effectifs. Aussi, je serais très attentive aux discussions que les organisations syndicales et patronales auront entre elles, sur ce sujet.
Ces changements ne sont pas sans conséquence pour l'Etat, les syndicats et les chefs d'entreprise en général. Pour l'Etat, ils conduisent à repenser son intervention et à édifier un droit certes protecteur et général mais qui doit prendre en compte la diversité des situations. Ces changements posent aussi question aux syndicats, invités à intégrer les préoccupations de catégories nouvelles de salariés mais aussi à tenir compte des revendications de ceux qui sont exclus de la sphère du travail, je pense en particulier, aux mouvements de chômeurs. Pour les entreprises comme pour les salariés, il s'agit de confronter la prise en compte de l'exigence de souplesse, inhérente aux exigences des clients et de la compétition économique, et celle des sécurités nouvelles à garantir aux salariés.
Cette exigence de souplesse et de mobilité est au cur de l'économie nouvelle. L'interdire ou l'endiguer n'aurait aucun sens. Mais nous ne pouvons pas accepter qu'elle soit synonyme de précarité voire même d'exclusion. L'enjeu est dès lors de faire évoluer notre réglementation, qu'elle soit d'origine législative ou contractuelle, comme notre régime de protection sociale, de telle sorte que soient garantis aux salariés des droits nouveaux, stables et transférables, en matière de formation ou de couverture chômage par exemple. Il s'agit de bâtir de nouvelles sécurités pour les salariés, adaptées aux souplesses nouvelles du marché du travail. C'est un impératif majeur.
Des risques nouveaux émergent également. Les caractéristiques de la protection sociale ont, elles aussi, été soumises à un profond changement au regard de ce qu'elles étaient lors de la mise en place de la sécurité sociale à la Libération. La couverture du risque maladie a, dans la réalité, pratiquement laissé place à une exigence d'une autre nature, axée sur la qualité et le confort des soins ; l'assurance vieillesse a largement atteint son premier objectif de garantir aux "vieux salariés" un revenu décent pour désormais relever les défis de l'allongement de la durée de la vie et de la perte d'emploi. La politique familiale ne se résume pas à une politique nataliste : elle recherche une meilleure articulation entre les projets de chacun de ses membres et vise à mieux garantir l'égalité entre hommes et femmes notamment en améliorant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Sur ce point, je crois particulièrement décisive, l'amélioration des modes de garde des enfants. La levée des obstacles rencontrés par les couples et les femmes en particulier pour assurer la garde de leurs enfants doit devenir une priorité de notre politique familiale.
Les risques ont évolué et avec eux les besoins et la nature des prises en charge souhaitées.
A la garantie assurantielle minimale, il faut maintenant prendre d'avantage en compte l'aspiration à des réponses plus ciblées et plus adaptées aux situations individuelles.
Les interrogations nouvelles portent donc sur la nature et le financement des prestations sociales, la capacité du patronat et des syndicats à prendre en compte la diversité des statuts du travail, et naturellement sur le rôle de l'Etat et l'articulation entre la loi et le contrat. Le droit du travail repose dans notre pays sur l'articulation féconde de la négociation sociale et de la loi. Opposer l'un à l'autre est stérile, dangereux même, pour les salariés. Pour cela encore faut-il d'abord fixer le cadre général de l'ordre public social.
C'est le rôle de l'Etat.
Contester à l'Etat et plus encore à la représentation nationale, la responsabilité de fixer le cadre général de l'ordre public social, c'est prendre un double risque. C'est d'abord entretenir l'idée fausse selon laquelle le social serait autonome par rapport au reste de la sphère publique. Je ne le crois pas. C'est ensuite considérer dans le rapport inégal entre salariés et employeurs, [puisqu'il implique la subordination de l'un à l'autre inscrite dans le contrat de travail], que l'Etat n'aurait plus à intervenir en tant qu'arbitre et facteur de rééquilibrage.
Le rôle de l'Etat doit être redéfini autour de trois principes :
- Il doit toujours incomber à la loi de fixer les règles relatives à l'ordre public social, les principes qui ne doivent pas souffrir d'exceptions : la durée légale du travail, le salaire minimum, l'hygiène et la sécurité, etcSeule la loi peut fixer les règles générales de notre organisation sociale, arbitrer entre des intérêts nécessairement contradictoires. Seule, la loi est en mesure de garantir l'égal accès aux droits fondamentaux, les principes qui relèvent de l'intérêt général et qui fondent la cohésion sociale. En ce sens, rien ne peut s'y substituer, car rien ne peut concurrencer sa légitimité, celle issue du suffrage universel.
- L'état doit lui-même être exemplaire. Comment peut-il être un arbitre efficace et impartial entre des intérêts contradictoires dans la société, si l'Etat ne montre pas lui-même l'exemple. Il doit le faire dans plusieurs domaine. D'abord, l'Etat et les services publics doivent mieux remplir leurs missions vis à vis des usagers. Si les tempêtes de la fin d'année 1999 ont montré la performance de nos services publics et de nos administrations, il demeure des inégalités intolérables dans l'accès aux droits fondamentaux dont l'Etat est garant.
En second lieu, un franc confié par nos concitoyens à l'Etat doit être un franc bien utilisé. Plus que jamais, l'exigence d'efficacité est indissociable de celle de service public. L'exemple de l'hôpital vient à point nommé pour illustrer cet impératif. Les récentes discussions que j'ai eues avec les représentants des personnels de santé ont montré la nécessité d'organiser différemment le travail à l'hôpital, de décloisonner les services ou de mieux prendre en compte les besoins et les attentes des malades.
Mais l'Etat doit continuer à être exemplaire dans le domaine de l'emploi et de la lutte contre la précarité. Un plan de résorption des emplois précaires dans l'administration est à l'uvre depuis deux et demi. Il a permis, pour ne prendre que les seules administrations sous ma tutelle, de transformer plus de 70% des contrats précaires en contrats stables. En outre, il faut en règle générale que l'Etat améliore sa gestion prévisionnelle des effectifs. La réduction du temps de travail doit contribuer à changer l'organisation du travail pour rendre l'Etat plus efficace, davantage capable d'assurer ses missions dans l'intérêt de tous et au service de chacun simultanément.
- Enfin, il appartient aux pouvoirs publics d'intervenir dans le champ économique et social, quand les réformes sont nécessaires et que les acteurs ne s'en sont pas saisis. La négociation est le plus souvent préférable à la loi lorsqu'il ne s'agit pas de mettre en cause des droits fondamentaux. Encore faut-il cependant qu'il y ait volonté de négocier et des résultats à la clé. Aussi, alors que la négociation collective était en panne à tous les niveaux, il est apparu nécessaire d'engager la réduction de la durée du travail pour réduire le chômage. La loi a fixé un cap, tout en laissant toute sa place à la négociation entre organisation syndicales et patronales. De la même manière, la loi de lutte contre les exclusions a fixé des principes fondamentaux pour que l'ensemble des partenaires puissent s'en inspirer pour agir.
Mais la loi ne peut pas tout faire.
Aujourd'hui des volets entiers des droits des salariés reposent sur la négociation sociale. Celle ci doit être valorisée à tous les niveaux, qui sont complémentaires, et notamment celui de l'entreprise. En effet, c'est au niveau de l'entreprise que les salariés et leurs employeurs trouvent le lieu privilégié pour construire ces solutions qui optimisent les exigences liées à la compétitivité économique et celles liées aux conditions de travail et de vie des salariés. La réduction du temps de travail a montré, combien la négociation au niveau de l'entreprise permettait de dégager des solutions originales à des problèmes jugés en théorie insolubles.
Souvenez-vous, à l'Assemblée Nationale ou ailleurs, on disait, par exemple, qu'on ne pourrait pas réduire le temps de travail des cadres. Et bien négociation après négociation, les entreprises ont imaginé des solutions qui permettent de répondre à l'aspiration des cadres à la réduction du temps de travail en tenant compte de la spécificité de leurs missions. La négociation est dans ce cas venue naturellement inspirer la loi.
L'histoire sociale de notre pays égrène plusieurs grandes négociations collectives dont le débouché s'est traduit par la loi. Je pense aux accords sur la formation professionnelle en juillet 1970 et plus récemment en juillet 1991, à celui sur la formation professionnelle des jeunes en 1983, qui ont tous deux, débouché sur une loi. Je pense également à l'accord interprofessionnel important sur la mensualisation conclu en décembre 1977 traduit dans la loi en janvier 1978.
D'autres grands accords interprofessionnels nationaux ont permis des avancées sociales majeures : les accords sur la retraite complémentaire des cadres en 1947, le chômage en 1958, la retraite complémentaire des non cadres en 1961, la 4ème semaine de congés payés en 1965, l'indemnisation du chômage partiel en 1968, la sécurité de l'emploi en 1969, les conditions de travail en 1975
La négociation collective quand elle n'inspire pas la loi, s'est souvent montrée indispensable à la réussite de réformes initiées par le législateur. En tout état de cause, la mobilisation des organisations syndicales et patronales et du monde associatif s'avère fondamentale dans la mise en uvre concrète des réformes économiques et sociales destinées à lutter contre le chômage.
A nouveau, l'exemple de la réduction du temps de travail s'impose. Nous connaissons aujourd'hui un rythme de négociations sans précédent. Et nous savons que s'il avait fallu passer aux 35H00 de façon immédiate, et autoritaire sans laisser aux chefs d'entreprises et aux syndicats, optimiser entreprise par entreprise, branche par branche, la réduction du temps de travail, nous n'aurions pas réussi et créé autant d'emplois.
Mais La mobilisation a été tout aussi décisive dans la mise en uvre de la loi de lutte contre les exclusions et du programme emploi jeune. Elle a, en priorité, fait appel, aux associations et aux collectivités locales.
Prenons le cas du programme emplois jeunes. Nous avons assis le principe de ce programme sur l'identification d'activités nouvelles susceptibles de répondre à des besoins sociaux jusqu'ici non satisfaits Nous avons confié dans un première étape, le soin de faire émerger ces activités à des comités de pilotage qui associent étroitement services de l'état, collectivités locales et associations. Le travail de ces comités a été décisif, car leur connaissance du terrain a permis la création d'activités nouvelles réellement utiles à tous et jamais concurrentielles d'activités privées ou publiques préexistantes. C'est ainsi qu'aujourd'hui, 236 000 emplois jeunes ont été créés, dont 140 000 par les associations et les collectivités. Qui peut nier que ces emplois en CDI ou en CDD sur 5 ans, par les services nouveaux qu'ils apportent, contribuent à recréer du lien social et donc à renforcer la cohésion de notre société ?
Sur la loi de lutte contre les exclusions, notre ambition était identique. Nous avons voulu décréter la mobilisation générale contre l'exclusion, celle des collectivités locales et de l'Etat, celle des acteurs associatifs. D'abord parce qu'il est inadmissible que des millions de nos concitoyens soient exclus de l'accès aux droits fondamentaux. C'est pourquoi nous avons créé notamment la couverture maladie universelle, réforme dont je suis à ce jour la plus fière. Mais pour être mise correctement en uvre, il fallait que cette loi de lutte contre toutes les exclusions puisse être relayée sur le terrain au plus près des besoins et des aspirations de ceux pour qui elle a été faite. Les associations, les mutuelles, jouent aujourd'hui un rôle déterminant dans l'application de la loi. Inspiratrices de ce texte, de nombreuses associations de lutte contre les exclusions sont aujourd'hui les pivots et les relais indispensables de la mise en place concrète de cette loi sur le terrain. Il faut avoir en tête le rôle que ces acteurs du monde associatif jouent dans en faveur du relogement, de la lutte contre le surendettement ou l'orientation des plus démunis vers les aides dont ils ont besoin. Si cette loi rencontre encore des difficultés dans sa mise en uvre, elle a permis de corriger les ruptures d'égalité qui existaient d'un département à l'autre grâce aux moyens affectés mais aussi à l'engagement commun des services de l'Etat, des associations et des collectivités locales.
Vous voyez donc toute l'importance accordée par le gouvernement à la mise en mouvement de la société et au dialogue avec les collectivités locales, d'une part, les organisations syndicales et patronales et les associations, d'autre part. Cette confiance se retrouve dans la formule qui résume notre méthode sur tous les grands dossiers depuis deux ans et demi : diagnostic-dialogue-décision.
On le voit, les questions sont suffisamment larges et nombreuses pour justifier la négociation entre le patronat et organisations syndicales et leur intervention dans l'élaboration et la mise en uvre des réformes économiques et sociales.
De ce point de vue, je me réjouis, comme le Premier Ministre, qui l'a rappelé lors du dernier comité du dialogue social, de voir que ce dialogue a pu être réouvert et qu'il s'inscrit directement dans la continuité de ce qui avait été préconisé à l'automne 97 lors du sommet social.
Je me réjouis que les syndicats et le patronat aient arrêté un calendrier pour discuter de thèmes aussi fondamentaux que les retraites complémentaires, les voies et moyens d'un approfondissement de la négociation collective qu'ils discutent aujourd'hui même, l'assurance chômage et la précarité ou encore les accidents du travail, les maladies professionnelles ou la formation professionnelle. Je souhaite vivement que ces négociations débouchent sur des avancées qui permettent aux salariés d'être mieux protégés et aux entreprises de mieux fonctionner. Je suivrais avec une grande attention ces négociations sans m'immiscer car elles sont au cur du fonctionnement de notre pays, d'une part, et puisqu'il faut avancer, d'autre part.
Je me réjouirais donc de tous les progrès de la négociation collective dans notre pays. Depuis les lois Auroux en 1982 qui ont relancé les négociations collectives jusqu'à la réduction du temps de travail qui lui a laissée toute sa place, je me suis toujours battue pour que notre pays soit capable, à tous les niveaux de développer la négociation. Dans la gestion des organismes paritaires nous avions besoin d'un débat démocratique.
Si notre pays a besoin d'une démocratie sociale vivante, c'est particulièrement vrai dans la gestion des organismes paritaires. Je ne vous apprendrais rien, je suis favorable à un paritarisme de responsabilité. Les relations entre l'Etat et les partenaires sociaux ne peuvent plus souffrir d'ambiguïté. Il faut rompre avec ce lien asymétrique qui trop longtemps caractérisé les relations entre l'Etat et les organismes paritaires. Il n'est pas possible de faire appel à l'Etat pour combler les déficits de la sécurité sociale, pour ensuite lui interdire de vouloir mobiliser une partie des excédents en faveur de la lutte contre le chômage et l'accuser d'interventionnisme. Jusqu'ici l'intervention de l'Etat a davantage été le résultat d'une nécessité que, de je ne sais quelle stratégie d'ingérence. L'Etat intervient quand il considère nécessaire d'avancer parfois aussi quand la négociation sociale est en panne ou que les déficits s'accroissent, il intervient enfin dans le cadre de ses prérogatives fondamentales, la garantie de l'intérêt général.
(source http://www.travail.gouv.fr, le 27 mars 2000)
Troisième partie : le bilan de notre politique économique et sociale
Ce souci permanent d'articuler l'économique et le social et de trouver le bon équilibre entre le rôle de l'Etat et celui des acteurs économiques et sociaux, nous l'avons appliqué à l'ensemble de notre politique économique et sociale.
Et d'abord à l'emploi.
Je voudrais revenir en quelques minutes sur nos résultats.
La baisse du chômage est d'une ampleur et d'une durée sans précédent.
Depuis juin 1997, il y a 572 000 chômeurs de moins dans notre pays, soit une baisse de 18,3 %.
Le taux de chômage est passé de 12,6 % en juin 97 à 10,5 % aujourd'hui.
Cette baisse, engagée depuis 97, s'est accélérée en 1999, avec un reflux du chômage de 340000 personnes sur l'année, alors même que la croissance était moins forte qu'en 1998. C'est là, la démonstration concrète de l'impact de nos politiques de l'emploi engagées par le gouvernement sur le chômage. Cette baisse du chômage, et c'est un point fondamental, profite à toutes les catégories de chômeurs. Le chômage des jeunes a reculé de 26 %, celui des chômeurs de longue durée de près de 17 %.
Les créations d'emplois atteignent des niveaux records aujourd'hui : plus de 120 000 emplois ont été créés au cours du dernier trimestre 99. C'est tout simplement le meilleur résultat depuis que cette statistique existe (1970). Au total, près d'un million d'emplois ont été créés depuis juin 1997.
Ce dynamisme exceptionnel de l'emploi a permis, malgré une progression de la population active supérieure à celle de la plupart des pays industrialisés, le recul du chômage que je viens d'évoquer.
Alors on peut aller chercher dans la divine providence ou dans le fruit d'un hasard miraculeux les raisons de cette embellie de l'économie française et de ce recul du chômage. Je conseille à ceux qui professent en ce sens de revenir rapidement sur terre, ils y verront que grâce à la volonté politique, les responsables que nous sommes, publics, économiques et sociaux disposent de marges de manuvres pour lutter efficacement contre le chômage et relancer durablement la croissance.
La baisse du chômage est due, certes à une conjoncture internationale favorable, mais surtout au double effet de la relance de la croissance économique et au lancement des politiques volontaristes pour l'emploi. J'ai eu l'occasion de l'indiquer plus tôt, toutes les pistes ont été utilisées pour lutter contre le chômage. Je voudrais revenir sur l'impact des principales d'entre elles.
Piste majeure pour enrichir la croissance en emploi, la réduction de la durée du travail porte également en elle un projet de transformation sociale de première importance. Elle a toujours figuré au cur des grandes luttes sociales de notre pays, pour de meilleures conditions de travail, pour une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale et pour la création d'emplois. Les 35 heures s'inscrivent ainsi dans l'histoire du progrès social de notre pays.
Nous avons engagé une démarche résolue et souple : résolue car il nous semblait nécessaire que l'Etat fixe le cap et montre la direction par la loi ; souple car nous avons laissé à la négociation, entreprise par entreprise, branche par branche, le soin de discuter des modalités concrètes de la réduction du temps de travail. Nous avons ainsi procédé en deux temps : une première loi d'incitation et d'orientation à la RTT ; une seconde loi pour tirer les enseignements des accords conclus et fixer un cadre et des règles précises.
Votée le 13 juin 98, la première loi a initié dans le pays un mouvement de négociation collective sans précédent : plus de 26 000 accords d'entreprises et 112 accords de branche ont été conclus ; près de 3 millions de salariés, soit un tiers des salariés d'entreprises de plus de 20 salariés, sont passés à 35 heures. Les négociateurs, chefs d'entreprises, syndicalistes, salariés mandatés, ont su faire preuve d'une étonnante maturité et trouver des solutions à des problèmes que beaucoup présentaient comme insolubles : je pense par exemple au temps de travail des cadres ou aux salariés à temps partiel. L'emploi est au rendez-vous : plus de 172000 emplois ont d'ores et déjà été créés ou préservés par la réduction du temps de travail. La montée en charge de la RTT au second semestre 99 est pour beaucoup dans l'accélération de la décrue du chômage.
Le programme emplois jeunes a également largement contribué à enrichir la croissance en emplois. 236 000 jeunes ont grâce à ce programme trouver une place dans la société et reprendre confiance. La montée en charge rapide de ce programme, dès la fin de l'année 97, a évidemment joué un rôle majeur dans le recul du chômage des jeunes, qui, rappelons le quand même, était un des principaux sujets de préoccupation des Français avant notre arrivée. Dans des associations, des collectivités qui ont créé 140 000 de ces emplois, ils développent des services utiles à tous (préservation de l'environnement, développement du tourisme, médiation sociale, aide aux personnes âgées, développement des nouvelles technologies), créent ou recréent du lien social et contribuent ainsi à améliorer notre vivre ensemble.
Enrichir la croissance en emplois était donc notre premier objectif. Il est me semble-t-il atteint puisque jamais depuis 30 ans, notre pays n'avait créé autant d'emplois. Faire que chacun puisse bénéficier du retour de la confiance est notre seconde priorité. Il est nécessaire que chacun vive mieux pour que nous puissions tous mieux vivre ensemble.
C'est tout l'objet des dispositifs personnalisés de retour vers l'emploi que nous avons mis en place pour les chômeurs de longue durée, dans le cadre de la loi de lutte contre les exclusions. Je pense ici au programme TRACE pour les jeunes en grande difficulté et au programme " nouveau départ " pour les chômeurs de longue durée. Ces publics nécessitaient des dispositifs " sur mesure " et une mobilisation accrue du service public de l'emploi. En combinant des bilans de compétence, des formations et des périodes d'activité en entreprise suivis dans le temps en permanence par des agents du service public de l'emploi, ils permettent peu à peu à des gens souvent " cassés " par le chômage et les difficultés, de trouver le chemin d'une réinsertion sociale et professionnelle. 190 000 chômeurs de longue durée ont pu quitter le chômage. 42 000 jeunes sont actuellement engagés dans le programme TRACE et 900 000 personnes dans le programme "nouveau départ".
Avec l'accès à l'emploi pour tous, le renforcement du droit des salariés constitue une autre de nos priorités. Nous avons d'abord amélioré les conditions de travail. En libérant du temps, la RTT améliore les conditions de vie des salariés dans et hors de l'entreprise. Elle offre aussi aux salariés, fragilisés par des années de crise, de nouvelles garanties : modulation annuelle simplifiée, délais de prévenance améliorés, consultation renforcée. Au lieu d'une flexibilité subie et imposée d'en haut, la RTT met en place des souplesses négociées et concertées. Les salariés ont largement su tirer parti de cet échange, puisque plus de 85 % d'entre eux estiment avoir " gagné " au passage aux 35 heures. Là encore, je suis convaincue que l'amélioration des conditions de travail va de pair avec celle des performances de l'entreprise : des salariés moins stressés, ce sont des salariés plus mobilisés. On travaille mieux quand on se sent en sécurité. C'est pourquoi, afin d'amplifier notre action en faveur des droits des salariés, j'ai l'intention de demander au premier Ministre de saisir votre conseil sur la question du harcèlement moral.
La protection sociale ensuite
Renforcer les droits des salariés, c'est également bien entendu renforcer la protection sociale. Dans ce domaine, le chemin parcouru depuis juin 97 est considérable : nous sommes passés d'un déficit de 54 milliards en 1996 à un excédent prévu de 2 milliards cette année. Ce retour à l'équilibre des comptes est notre priorité depuis deux ans et demi pour assurer à nos concitoyens à chaque étape de leur vie, une protection sociale efficace et leur garantir face à la maladie l'égalité d'accès à des soins de qualité.
Ce redressement a été obtenu sans augmentation des cotisations, ni chute des prestations, ni baisse des remboursements. Il s'est construit en lien étroit avec les partenaires sociaux, aussi bien au moment où nous avons du prendre des mesures correctrices qu'au moment où nous avons élaboré les réformes structurelles nécessaires à l'équilibre durable des comptes de la sécurité sociale.
Cinq axes majeurs caractérisent notre politique depuis deux ans et demi pour renforcer notre protection sociale :
- nous avons décidé d'engager des réformes structurelles pour maîtriser l'évolution des dépenses de santé. L'égalité d'accès à des soins de qualité ne peut être obtenue si nous ne gérons pas avec rigueur les moyens dont nous disposons. Je vous rappelle à cet égard, que grâce aux dispositions prises en accord avec les professionnels de santé (cardiologues, biologistes, radiologues), les honoraires sont restés conformes en 1999 à nos objectifs. Nous avons engagé une rénovation profonde du cadre conventionnel qui régit les relations entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé. Une étape décisive a été franchie à l'occasion du PLFSS 2000. La régulation de la médecine de ville a été mise sous l'entière responsabilité des caisses et des professionnels de santé. Désormais, ce sont les caisses qui gèrent un objectif de dépenses et sont libres de prendre toutes mesures nécessaires au respect de celui ci. Ces politiques structurelles concernent aussi le médicament, domaine dans lequel le gouvernement met en uvre trois orientations principales : le développement du médicament générique, la réévaluation des médicaments, la réforme du remboursement et le développement de la politique conventionnelle. Nous poursuivons enfin à l'Hôpital, l'adaptation de notre système de santé aux besoins de la population et aux exigences du progrès des technologies en recherchant une utilisation optimale des ressources. Trois priorités sont réaffirmées et ont d'ailleurs fait l'objet d'un consensus à l'occasion des discussions récentes que j'ai eues avec les personnels et les praticiens hospitaliers : promouvoir la qualité et la sécurité des soins, réduire les inégalités dans l'accès aux soins et adapter l'offre de soins aux besoins de la population. Ces discussions, avec ceux qui vivent et font l'hôpital chaque jour ont permis de déboucher sur deux protocoles d'accord, dont le premier mobilise 10 milliards pour l'hôpital en trois ans, dont 3,8 milliards dés 2000, et le second revalorise considérablement les conditions d'exercice et l'attractivité du métier des praticiens hospitaliers. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2000, l'accès aux soins est considérablement renforcé grâce à la mise en place de la Couverture Maladie Universelle est en place. Elle va permettre à 6 millions d'hommes et de femmes de bénéficier du même droit que tous à accéder à des soins de qualité.
- Consolider les régimes par répartition. Des concertations ont eu lieu pendant plusieurs mois sur l'avenir des retraites. Maintenant est venu le temps de prendre des décisions, dont le Premier Ministre rendra bientôt compte des axes principaux. Au demeurant, notre objectif reste clair, nous voulons consolider le régime par répartition. C'est ce qui justifie la création du fond de réserve. Nous avons voulu, sur ce dossier auquel les Français sont attachés, - car la retraite est au cur du contrat social dans notre pays -, nous avons voulu que la concertation prenne tout le temps nécessaire. Prendre le temps du dialogue en politique, c'est toujours gagner du temps au moment de la mise en uvre des réformes, car le changement n'a de chance d'être effectif sur le terrain que si l'on sait mettre en mouvement la société.
- Améliorer la prise en charge des maladies professionnelles. Nous avons également progressé dans la reconnaissance des maladies professionnelles, notamment par la réouverture de tous les dossiers des victimes de l'amiante et l'extension de la cessation anticipée d'activité aux travailleurs de l'amiante.
- Une politique familiale ambitieuse. Tous les acteurs de la politique familiale ont été associés à la préparation des deux conférences de la famille qui ont été tenues sous l'égide du Premier Ministre depuis juin 1997. Quatre axes principaux ont été mis en uvre en 1998. Une meilleure prise en charge des jeunes adultes en relevant à 21 ans, l'âge limite pris en compte pour le calcul des allocations logement et le versement du complément familial. Un appui renforcé des services publics pour conforter les parents dans leur rôle éducatif. Une simplification et une amélioration des aides au logement. Une amélioration de l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale via notamment la réduction du temps de travaiL. Je crois que la prochaine conférence de la famille devra amplifier davantage l'effort dans ce dernier domaine, notamment pour améliorer de manière décisive les modes de garde des enfants. Il y a à là une inégalité et une injustice insupportables qui constituent un obstacle à l'épanouissement professionnel et personnel de nombreux couples et en particulier des femmes.
J'en termine avec un sujet qui me tient à cur, comment mieux vivre ensemble dans notre pays.
Mieux vivre ensemble
Je considère que nous aurions échoué à préparer la France aux défis du nouveau siècle si nous ne parvenons pas davantage à rassembler les français à mieux vivre ensemble. Je suis frappée de constater combien notre société continue à stigmatiser les différences. Nous vivons dans un univers cloisonné. Cloisonné entre catégories sociales. Cloisonné entre les âges. Cloisonné entre ville et campagne. Cloisonné entre communautés parfois On se croise, on se frôle, on se devine, mais on ne se mélange pas assez.
La différence est vécue, non pas comme source d'enrichissement mais comme une crainte, une menace parfois. Cela fait de notre société une société qui exclut au nom de ce que l'on paraît, au nom du groupe auquel on appartient, au nom de ce que l'on est. Et c'est la République qui vacille à chaque comportement discriminatoire.
- Je pense tout d'abord aux personnes âgées. Combien sont-elles qui se morfondent faute de ne plus être reconnues utiles ! Nous devons redonner toute leur place aux personnes âgées. Nous devons mieux prendre en charge leurs nouveaux besoins et ceux de leurs familles. Je pense notamment à la dépendance. Dans le prolongement du rapport de madame Paulette Guinchard Kunstler, j'ai confié une mission à Jean Pierre Sueur. Ce travail doit éclairer les conditions dans lesquelles il faut prendre en compte la dépendance alors que la prestation spécifique dépendance est aujourd'hui, reconnaissons le, un échec. J'ai souhaité confier également au professeur Girard, une mission sur la maladie d'helzaïmer qui touchent de nombreuses familles françaises et crée des situations de dépendance particulièrement lourdes.
- Les personnes handicapées sont aussi en quête d'une reconnaissance et d'un respect qui leur échappent depuis trop longtemps. 3 millions de nos concitoyens sont affectés d'un handicap plus ou moins grave, et 1,8 millions d'un handicap sévère. L'objectif du gouvernement depuis deux ans et demi est de rendre à ces personnes handicapées notre société plus, dans le respect de leur pleine citoyenneté. Le Premier Ministre a annoncé récemment l'engagement de l'Etat dans un effort sans précédent en faveur de l'intégration des personnes handicapées. 2,5 milliards de francs y seront consacrés jusqu'en 2003. Cette politique rompt avec celles qui l'ont précédée en privilégiant l'autonomie des personnes et leur intégration dans le milieu de vie ordinaire. Il faut que la France rattrape son retard dans ce domaine. Je souhaite que cela contribue à faire évoluer les comportements de chacun
- Les discriminations raciales et sociales. Délit de faciès, délit d'adresse, délit de nom, la liste est longue de ces vexations dont sont victimes des jeunes issus de l'immigration ou des jeunes issus simplement de quartiers difficiles. Ces jeunes sont pour la plupart parfaitement intégrés culturellement. Ce que notre société leur refuse c'est l'insertion économique et sociale et de surcroît une pleine et entière citoyenneté. Cette réalité n'est pas supportable. Le 11 mai 1999, j'ai réuni les organisations patronales et syndicales à Grenelle pour dialoguer sur ce sujet. Nous avons rendu publique une déclaration commune pour fustiger le racisme sur le monde du travail et condamner les pratiques de discriminations qui existent à l'embauche ou dans l'évolution des carrières. Le gouvernement rencontrera samedi prochain, plus de 700 jeunes issus des quartiers difficiles, acteurs du monde associatif pour beaucoup d'entre eux et qui vivent quotidiennement ces discriminations. Ce combat n'est pas un combat secondaire. C'est pour moi un enjeu central dans l'engagement en faveur de l'égalité des citoyens devant les droits fondamentaux.
- Parité et égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Le gouvernement a placé depuis deux ans et demi la question le l'égalité entre les hommes et les femmes au cur de toute sa politique économique et sociale. En effet, après avoir engagé la révision constitutionnelle qui permet l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités, le gouvernement a choisi de soutenir la proposition de loi déposée par Catherine Genisson et depuis peu votée, sur l'égalité professionnel entre les hommes et les femmes. J'ai l'intention à ce sujet de demander au premier Ministre de saisir votre conseil d'une réflexion et de propositions sur la question de l'égalité entre les hommes et les femmes dans les instances socio-économiques.
Mesdames et messieurs,
J'ai la conviction chevillée au corps que notre pays propose à travers sa politique économique et sociale un modèle de développement nouveau, dont on aurait tort de réduire la performance à nos particularismes nationaux ou à une soit disante exception française. La nouvelle alliance de l'économique et du social mise en uvre dans notre pays démontre qu'une économie plus solidaire est une économie plus performante.
Nous ne pouvons pas prétendre convaincre tout le monde mais je souhaite qu'avec cette politique, nous fassions reconnaître davantage en France, en Europe et dans le reste du monde que la justice sociale et le progrès des hommes peuvent être un formidable moteur à la croissance des richesses.
J'attends beaucoup d'une assemblée comme la votre et de sa capacité à irriguer le champ économique et social pour qu'en ce début de 21ème siècle, elle apporte plus de fraternité et de solidarité dans notre pays qui ne va pas si mal.
Je vous remercie.
(source http://www.travail.gouv.fr, le 27 mars 2000)