Interview de Mme Nelly Olin, Ministre délégué à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, sur BFM le 4 avril 2005, sur la mise en place et les missions de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

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Circonstance : Semaine de l'intégration du 3 au 8 avril 2005-nomination des membres de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) par M. Chirac, président de la République le 3 mars 2005

Média : BFM

Texte intégral

Q- La Semaine de l'intégration, c'est aussi la mise en place récente de cette Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité qu'on appelle la HALDE, tout simplement, avec le sigle. Le nouveau président c'est L. Schweitzer, choisi par J. Chirac. Il y a vraiment du travail : l'ostracisme envers les plus de 50 ans, les femmes, les étrangers, dans l'entreprise comme à l'embauche également. C'est un vaste chantier.
R- Je crois que chacun s'aperçoit que l'intégration au jour d'aujourd'hui a posé de nombreux problèmes, puisque la discrimination est une des conséquences ou une des causes qui a fait que, le président de la République et le Premier ministre ont voulu réaffirmer une politique assumée. Donc, aujourd'hui, il est évident qu'un certain nombre de dispositifs ont été mis en place, dont la HALDE que vous venez de souligner, il est évident également que dans les banlieues au jour d'aujourd'hui, lorsque nous avons - et je suis bien placée pour le savoir en tant que maire de Garges, ancienne maire de Garges, dans le Vald'Oise - les jeunes issus des quartiers difficiles et portant des noms à connotation étrangère se voient refuser très souvent un emploi. Moi-même, j'ai mis une Maison de l'emploi pour les jeunes en place en 1996 à Garges-les-Gonesses, compte tenu de ces phénomènes et de ces problèmes. Alors aujourd'hui, si vous voulez, il y a plusieurs problèmes : il y a ceux des jeunes qui méritent un emploi, et nous ne voulons absolument pas tenir compte ni de la couleur de la peau - la France reconnaît la discrimination uniquement par le mérite. Et je crois que c'est important de le dire et de le réaffirmer.
Q- Est-ce qu'il faut une discrimination positive ?
R- Le mot "discrimination positive", je ne le partage pas, parce que dès l'instant où l'on parle de discrimination, il y a déjà un facteur négatif.
Q- D'infériorité, absolument, oui.
R- Alors donc, pour moi cela ne va pas, au même titre que "les quotas" : je ne suis pas pour les quotas, c'est un mot également qui ne me convient pas.
Q- Au-delà des mots, le principe même ?
R- Le principe aujourd'hui : on ne pourra plus vivre en France, et il est évident, sans respecter les droits et les devoirs. Mais il y a eu aussi par le Gouvernement, la réaffirmation du "principe de laïcité" à l'école, qui a été quelque chose de contesté, mais de très fort et d'important. Le principe de l'égalité de traitement - d'où la création de la HALDE - est de lutter donc contre toutes les discriminations, et surtout pour l'égalité. Et une stricte égalité des statuts entre les hommes et les femmes, et notamment pour les femmes issues de l'immigration puisque l'on s'aperçoit encore que de ce côté-là, le fossé est grand. Puis, il y a dans les institutions la réactivation du HCI - qui a été remis en place en octobre 2002 par le Premier ministre...
Q- Le Haut Conseil de l'Intégration.
R- ...qui ne se réunissait plus - et le Comité interministériel à l'intégration qui, lui, ne s'était pas réuni depuis plus de 13 ans, et qui a été remis en place en avril 2003.
Q- Mais ont-ils des moyens efficaces ? Par exemple, la HALDE a-t-elle une adresse, là, actuellement ?
R- Oui, la HALDE se trouve rue Saint-Georges, à côté de mon ministère, c'est un hasard mais en tout cas c'est comme cela. Ils ont 2.000 mètres carrés de locaux et ils ont un budget de 10,7 millions d'euros, ce qui n'est quand même pas une petite allocation financière
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Q- Mais avec des moyens coercitifs ?
R- Avec des moyens coercitifs. Le président est en train de recruter son équipe ; il y aura d'ailleurs des magistrats, parce que c'est important. Et l'important de la HALDE, c'est, chacun, chaque personne qui se sentira discriminée pourra s'adresser directement à cette Haute autorité, et c'est la HALDE qui apportera la preuve, puisqu'en droit français la preuve est la chose difficile à apporter. Donc, si vous voulez, le fait que les gens s'adressent personnellement à la HALDE et qu'ensuite ce soit traité par la HALDE au niveau de la preuve, c'est quelque chose en tout cas qui aura des résultats tout à fait significatifs.
Q- D'autant plus que, peut-être qu'avec le vieillissement de la population active, il faudra peut-être de plus en plus recourir - en tout cas il y a certains économistes qui suggèrent cette idée, des chefs d'entreprise aussi - à l'immigration. Et si, justement, les moyens ne sont pas faits pour accueillir des immigrés dans les entreprises, cela ne servirait pas à grand-chose.
R- Tout à fait. Mais bon...Nous avons mis en place les chances de la diversité dans des entreprises comme France Télévision, Radio France, Casino, PSA et le Printemps, cela marche, et cela marche très bien. Et puis nous avons eu la Conférence sur l'égalité des chances où nous avons incités les partenaires sociaux à travailler dans ce cadre-là. Et nous avons la négociation collective sur la prévention des discriminations dans l'accès à l'emploi, la formation et la promotion professionnelle. Et je crois que tous ces dispositifs qui ont été mis en place...Nous avons également les parcours d'excellence, avec l'ESSEC, Polytechnique, Science Po. Je crois que c'est une machine qui a été mise en place par le Gouvernement avec un certain nombre de dispositifs bien ciblés pour que nous n'oubliions personne. Et quant aux vieux immigrés, au jour d'aujourd'hui, le Haut Conseil à l'Intégration a rendu un rapport au Premier ministre tout à fait récemment. Et nous travaillons dessus, nous avons créé un certain nombre de groupes de travail. Les problèmes qui ont été soulevés, c'est le logement, c'est la santé, l'accès aux soins et l'accès aux droits. Et donc, j'ai rencontré personnellement des associations qui se sont regroupées et qui sont des gens d'ailleurs extrêmement posés - et qui, je dirais, même touchants parce que c'est vrai qu'ils demandent peu de choses, et c'est une raison de plus pour ne pas les oublier. Donc, nous allons travailler en direction du logement, de la santé et de l'accès aux droits, c'est important pour eux. Et puis, pour leur rendre hommage aussi, parce qu'il ne faut pas nier que l'immigration a pris une part importante dans la vie économique de notre pays. Il y a cette Cité nationale de l'histoire de l'immigration, dont J. Toubon est chargé, et qui va être mise en place dans les deux ans qui viennent en tout cas, et sur laquelle, aussi un travail de mémoire est fait.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 avril 2005)