Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Messieurs les Premiers ministres,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Maire de Lyon,
Je suis heureux d'apporter mon soutien à la rencontre " Partenaires pour le Développement ". Ambitieux, ce projet devient aujourd'hui une réalité grâce à l'initiative partagée du Secrétaire général de la Commission des Nations Unies pour le Commerce et le Développement, M. Rubens Ricupero, et du Maire de Lyon, M. Raymond Barre. Je les en remercie tous les deux et les félicite d'avoir su poser les termes d'un pari audacieux. Une telle rencontre internationale souligne la capacité d'accueil de la France et celle d'une ville comme Lyon. Elle confirme également l'intérêt de notre pays pour la question du développement : la France fut par exemple la première à organiser, en 1981 à Paris, une conférence pour les pays les moins avancés.
A l'orée du XXIème siècle, le développement équilibré de la planète reste notre objectif : les moyens de l'atteindre doivent évoluer vers une plus grande efficacité. (I) La crise récente souligne cette nécessité : il nous faut stabiliser le cadre économique et financier mondial en un nouveau partenariat avec les pays les plus pauvres. (II) Pour cela, de nouvelles méthodes, de nouveaux instruments, associant mieux les sociétés et les hommes, sont indispensables.
(I) Le défi qui nous est lancé est triple : il concerne l'aide publique, les flux de capitaux privés et l'organisation du commerce mondial.
L'aide publique est indispensable : elle ne répond cependant pas à tous les besoins.
La France promeut depuis longtemps l'aide au développement, le dialogue Nord-Sud et l'amélioration des conditions des échanges en faveur des pays du Sud. Jeune diplomate, j'ai eu moi-même l'occasion de siéger à la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement à New Delhi. L'engagement de la France depuis ces années ne s'est pas démenti. Mais les conditions régnant dans le monde ont changé. Nous mettions autrefois l'accent de façon presque exclusive sur l'aide publique au développement et sur une politique d'Etats à Etats, des plus industrialisés vers ceux qui le sont moins.
Reconnaissons-le : cela n'a pas suffit à éviter la marginalisation d'un trop grand nombre de pays. Ces dernières années, les flux de capitaux privés ont représenté la source essentielle du financement des pays en développement. Multipliés par sept depuis 1990, ils ont dépassé 250 milliards de dollars en 1997. Ils représentent 85 % des ressources à long terme de ces pays.
Ces chiffres masquent cependant d'importantes disparités : les flux privés internationaux se concentrent sur une dizaine de pays émergents. La majorité des pays les plus pauvres reste totalement dépendante des apports publics pour amorcer leur développement.
Il faut donc un cadre stable pour les investissements directs, mais aussi réguler les mouvements de capitaux à court terme.
L'aide publique au développement doit désormais contribuer à créer les conditions nécessaires au développement des investissements privés dans les pays qui n'en bénéficient pas encore. Il s'agit d'instaurer les conditions de transparence et de stabilité, notamment fiscale et réglementaire, nécessaires aux investisseurs.
La libéralisation des mouvements de capitaux doit cependant se faire de manière progressive et ordonnée. Elle doit suivre, et non précéder, la mise en place d'infrastructures financières robustes. L'apport de capitaux à long terme constitue un incontestable facteur de stabilité. Mais, comme la crise récente l'a montré, il n'empêche pas certains pays de subir des entrées excessives de capitaux à cours terme, suivies de retraits tout aussi excessifs.
Une régulation adéquate des entrées de capitaux à court terme est donc nécessaire et peut conduire, dans des conditions exceptionnelles, à des mesures de " sauvegarde " financière. Il faut éviter qu'elles ne se multiplient de façon unilatérale, avec tous les risques que cela comporte. La France a donc proposé la mise en place d'une telle clause de sauvegarde sous l'égide du Fonds monétaire international, dont les statuts en envisagent d'ailleurs le principe.
La crise asiatique a aussi montré les risques d'un développement rapide, sans souci d'une adaptation correspondante du modèle social des pays en développement. Le volet social des programmes d'ajustements économiques doit être renforcé par la mise en oeuvre d'un filet de sécurité adapté. La France souhaite que soit élaboré, en liaison étroite avec l'Organisation internationale du travail, un code de bonne pratique en matière de politique sociale, pour affirmer que la communauté internationale reconnaît et encourage la responsabilité des Etats dans ce domaine. L'aide publique au développement doit accompagner leurs efforts.
Troisième axe d'action : il faut aider les pays les plus pauvres à trouver leur place dans le commerce mondial.
Au-delà de l'investissement, nous savons aujourd'hui que le développement durable se heurte à la marginalisation des pays les moins avancés dans le commerce mondial. Celui-ci a connu ces dernières années une croissance rapide au profit, notamment, des pays émergents. Or les pays les moins avancés, qui représentaient 1,5 % des exportations mondiales en 1970, ne contribuent plus qu'à hauteur de 0,3 % aux échanges depuis les années 1980.
La CNUCED l'a constaté : la promotion des industries naissantes des PMA (pays les moins avancés) passe par un accès peu coûteux aux biens intermédiaires et par un renforcement des infrastructures. Le développement de zones d'intégration régionales peut y contribuer. Il faut encore que l'aide publique au développement accompagne, voire supplée, dans l'équilibre des comptes publics de ces pays, les efforts nécessaires pour l'abaissement des tarifs douaniers.
L'intégration des PMA dans l'économie mondiale justifie en outre les dispositions dérogatoires qui leur sont accordées dans l'accès aux marchés des pays industrialisés. Ces dispositions sont nombreuses. Elles offrent des avantages réels aux exportateurs de ces pays. Elles ne sont cependant pas pleinement utilisées, souvent par manque d'information. Nous devons réfléchir à la mise en place d'un cadre multilatéral plus clair et plus pérenne pour faciliter l'accès de leurs produits à nos marchés.
Les pays les plus pauvres participent peu aux travaux de l'Organisation mondiale du commerce. Ils n'interviennent qu'au travers de quelques grands pays émergents dont les intérêts ne coïncident pas toujours pleinement avec les leurs. La France suit donc avec une attention particulière les initiatives conjointes de l'OMC et de la CNUCED pour renforcer les modalités de l'assistance technique aux pays les moins avancés, notamment dans la perspective des négociations globales qui s'engageront à partir de 2000.
II. Pour atteindre ce triple objectif, il nous faut de nouvelles méthodes et de nouveaux instruments associant mieux les sociétés et les hommes.
Un niveau suffisant d'aide publique doit être maintenu.
La France se situe aujourd'hui, en valeur absolue, au deuxième rang des bailleurs de fonds et en tête des sept pays les plus industrialisés en termes d'effort par habitant. Elle entend maintenir ce niveau élevé de contribution publique au développement. Elle incitera ses partenaires du Nord à augmenter leurs propres participations au développement.
Autre versant de l'aide publique, le traitement de la dette des pays les plus pauvres mérite toute notre attention. La France, qui préside le Club de Paris, continuera de contribuer à la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour résoudre les difficultés des pays les plus endettés. Il est notamment indispensable que les plans d'ajustement qui leur sont associés ne remettent pas en cause la capacité de ces pays à bénéficier de concours nouveaux.
Le monde en développement a un besoin urgent d'un cadre financier et monétaire international stable.
La crise financière de ces derniers mois a directement touché certains pays émergents. Les pays les plus pauvres en subiront aussi des conséquences, même si elles sont plus indirectes. C'est pourquoi la France a réuni dans un mémorandum ses propositions en vue de rendre au système financier international, par une meilleure régulation et une plus grande transparence, son efficacité.
La création de l'euro contribuera, par la création d'une devise clé, à stabiliser le système monétaire et financier international. Elle permettra de plus aux pays en développement producteurs de matières premières d'assurer une plus grande stabilité à leurs ressources. Ils pourront en effet utiliser l'euro comme monnaie de facturation de leurs exportations. Enfin, les pays de la zone franc seront dès le 1er janvier 1999 associés à l'Europe de la monnaie unique : nos partenaires européens ont accepté que les accords qui régissent cette zone demeurent inchangés.
Mais ne répétons pas les erreurs du passé. La stabilisation du cadre économique et financier, le traitement de la dette, le maintien d'un niveau élevé d'aide publique au développement, ne suffiront pas si, dans ces pays, la constitution d'un tissu social stable n'est pas assuré, si le développement des initiatives individuelles n'est pas soutenu.
Il y faut de nouvelles méthodes, et de nouveaux instruments, associant mieux les sociétés et les hommes au développement.
Le gouvernement français a pris la mesure de la transformation radicale des données du développement. C'est pour en tenir compte que nous venons, en accord avec le Président de la République, de réorganiser profondément notre dispositif de coopération. Nous sommes sortis de la logique d'assistance. Notre coopération s'inscrit désormais dans des accords de partenariat et de développement, fondés sur l'égalité et le respect mutuel et qui permettent une rencontre entre les hommes.
Cette approche est essentielle pour permettre à ces sociétés de retenir l'épargne et l'investissement de leurs propres ressortissants. Ceux-ci doivent se convaincre qu'ils trouveront dans leur pays les moyens d'un avenir économique meilleur, et y employer très efficacement leurs capacités professionnelles.
L'appui aux populations, en priorité dans les secteurs de la santé et de l'éducation, suppose un soutien accru aux initiatives locales, qu'il s'agisse des communautés rurales ou des quartiers urbains défavorisés.
Notre effort doit aussi porter sur l'aide au bon fonctionnement des administrations, c'est-à-dire sur ce que nos amis anglo-saxons appellent, d'un vieux mot français, la "bonne gouvernance". Dans le domaine économique, qui est plus particulièrement le vôtre, cela signifie en particulier l'existence de règles claires et cohérentes, de procédures légales transparentes et équitables pour toutes les entreprises, protégeant notamment les entrepreneurs et les investisseurs contre ceux de leurs concurrents qui ne respecteraient pas la stricte légalité.
L'initiative privée et l'action autonome des citoyens sont indispensables au processus de développement. Le seul dialogue des responsables politiques ne suffit plus. Les organisations non gouvernementales de solidarité internationale, les collectivités territoriales, les entreprises et les organisations professionnelles sont autant de partenaires qui concourent au même objectif de développement.
Avec l'aide et le soutien des représentants gouvernementaux, vous êtes parvenus à mettre en contact des représentants des milieux d'affaires et de la société civile, venus aussi bien des pays industrialisés que des pays en développement. Faire de ces interlocuteurs des partenaires : voilà votre projet. Les partenariats concrets issus de ces rencontres et de ces contacts vivront par eux-mêmes. Ils permettront - c'est notre pari, c'est ma conviction - de générer du travail, de l'emploi et des richesses dans les pays en développement et des revenus à leurs partenaires industrialisés.
Le travail, au Bangladesh, d'un homme de dévouement et de grand talent, M. Mohamed Younous, est à cet égard exemplaire. Grâce à lui, les microfinancements ont désormais droit de cité. Les institutions populaires qui se développent sur ce modèle si efficace ont grandement aidé les populations à mobiliser des capacités d'épargne jusqu'ici négligées. Au cours de vos travaux, vous allez encourager les institutions financières à soutenir ces entreprises de caractère coopératif ou mutualiste qui ont fait leurs preuves pour aider les plus pauvres. De telles entreprises doivent sans aucun doute se multiplier et des grands partenaires, publics ou privés, peuvent les y aider. Mais nous devons aussi être attentifs à ce qu'elles restent au plus près des besoins des populations.
Le soutien de la France à ce processus doit s'exprimer à la fois au travers des mécanismes traditionnels, et par la recherche de formules nouvelles mieux adaptées aux exigences de notre temps.
L'ouverture des marchés, les progrès des techniques de communication et de l'information nous invitent à exploiter pleinement ces nouveaux instruments.
L'un des sujets les plus actuels sur lesquels vous allez travailler est celui du commerce électronique. Le développement spectaculaire des nouveaux réseaux, en particulier d'Internet, constitue un défi majeur. La réflexion sur les enjeux du commerce électronique ne doit pas rester l'apanage de quelques pays, mais prendre effectivement une dimension mondiale. En voici l'une des occasions.
Il faut maintenant étendre les bénéfices du commerce électronique à l'ensemble du monde. Ce devrait être l'objet, en particulier, du programme de travail que l'OMC vient d'adopter sur le commerce électronique. Ce programme examinera les conséquences de ce nouvel instrument sur le développement et prendra en compte les besoins des pays les plus pauvres. Dans la perspective de la réunion ministérielle qui doit se tenir l'année prochaine, il est essentiel que les pays en développement participent activement à l'élaboration des règles de l'OMC. Un climat de confiance doit s'instaurer entre l'ensemble des acteurs du développement. La CNUCED y contribuera, j'en suis sûr.
Mon gouvernement a décidé de mettre en place un programme de promotion de ces technologies. Il sera doté de 25 millions de francs sur trois ans et facilitera les transferts de savoir-faire. Dans le cadre de l'Agence de la francophonie, la France et ses partenaires ont mis en place un " fonds francophone des inforoutes ", doté de 40 millions de francs. Sa logique est partenariale. Ce fonds associera des acteurs des pays développés et de pays en développement autour de projets concrets pour favoriser l'entrée des pays en développement dans la société de l'information. Le premier appel à propositions a réuni près de deux cents projets. Je souhaite que ce premier succès soit amplifié.
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à remercier la Commission des Nations Unies pour le Commerce et le Développement d'avoir organisé, pour la première fois de son existence, une Conférence qui met en présence des chefs d'Etat et de gouvernement, des ministres du Développement, du Commerce, de l'Industrie, mais aussi des chefs d'entreprise, des universitaires et des associations, des représentants de ce qu'il est convenu d'appeler la société civile - et qui est en fait la collectivité humaine dont les responsables politiques ne sont qu'une des émanations.
La mondialisation est à l'oeuvre. Elle change certains mécanismes du développement. Elle n'éteint pas l'initiative, le concours de volontés, l'action coordonnée - bien au contraire. Elle renforce notre détermination à l'organiser, à lui donner un cadre, à la mettre au service de l'homme afin que s'améliorent les conditions de vie de tous les peuples du monde. Je sais que la CNUCED partage cette philosophie et c'est une autre raison pour moi d'être heureux de participer à cette rencontre que j'espère féconde.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 30 mai 2001)
Messieurs les Premiers ministres,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Maire de Lyon,
Je suis heureux d'apporter mon soutien à la rencontre " Partenaires pour le Développement ". Ambitieux, ce projet devient aujourd'hui une réalité grâce à l'initiative partagée du Secrétaire général de la Commission des Nations Unies pour le Commerce et le Développement, M. Rubens Ricupero, et du Maire de Lyon, M. Raymond Barre. Je les en remercie tous les deux et les félicite d'avoir su poser les termes d'un pari audacieux. Une telle rencontre internationale souligne la capacité d'accueil de la France et celle d'une ville comme Lyon. Elle confirme également l'intérêt de notre pays pour la question du développement : la France fut par exemple la première à organiser, en 1981 à Paris, une conférence pour les pays les moins avancés.
A l'orée du XXIème siècle, le développement équilibré de la planète reste notre objectif : les moyens de l'atteindre doivent évoluer vers une plus grande efficacité. (I) La crise récente souligne cette nécessité : il nous faut stabiliser le cadre économique et financier mondial en un nouveau partenariat avec les pays les plus pauvres. (II) Pour cela, de nouvelles méthodes, de nouveaux instruments, associant mieux les sociétés et les hommes, sont indispensables.
(I) Le défi qui nous est lancé est triple : il concerne l'aide publique, les flux de capitaux privés et l'organisation du commerce mondial.
L'aide publique est indispensable : elle ne répond cependant pas à tous les besoins.
La France promeut depuis longtemps l'aide au développement, le dialogue Nord-Sud et l'amélioration des conditions des échanges en faveur des pays du Sud. Jeune diplomate, j'ai eu moi-même l'occasion de siéger à la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement à New Delhi. L'engagement de la France depuis ces années ne s'est pas démenti. Mais les conditions régnant dans le monde ont changé. Nous mettions autrefois l'accent de façon presque exclusive sur l'aide publique au développement et sur une politique d'Etats à Etats, des plus industrialisés vers ceux qui le sont moins.
Reconnaissons-le : cela n'a pas suffit à éviter la marginalisation d'un trop grand nombre de pays. Ces dernières années, les flux de capitaux privés ont représenté la source essentielle du financement des pays en développement. Multipliés par sept depuis 1990, ils ont dépassé 250 milliards de dollars en 1997. Ils représentent 85 % des ressources à long terme de ces pays.
Ces chiffres masquent cependant d'importantes disparités : les flux privés internationaux se concentrent sur une dizaine de pays émergents. La majorité des pays les plus pauvres reste totalement dépendante des apports publics pour amorcer leur développement.
Il faut donc un cadre stable pour les investissements directs, mais aussi réguler les mouvements de capitaux à court terme.
L'aide publique au développement doit désormais contribuer à créer les conditions nécessaires au développement des investissements privés dans les pays qui n'en bénéficient pas encore. Il s'agit d'instaurer les conditions de transparence et de stabilité, notamment fiscale et réglementaire, nécessaires aux investisseurs.
La libéralisation des mouvements de capitaux doit cependant se faire de manière progressive et ordonnée. Elle doit suivre, et non précéder, la mise en place d'infrastructures financières robustes. L'apport de capitaux à long terme constitue un incontestable facteur de stabilité. Mais, comme la crise récente l'a montré, il n'empêche pas certains pays de subir des entrées excessives de capitaux à cours terme, suivies de retraits tout aussi excessifs.
Une régulation adéquate des entrées de capitaux à court terme est donc nécessaire et peut conduire, dans des conditions exceptionnelles, à des mesures de " sauvegarde " financière. Il faut éviter qu'elles ne se multiplient de façon unilatérale, avec tous les risques que cela comporte. La France a donc proposé la mise en place d'une telle clause de sauvegarde sous l'égide du Fonds monétaire international, dont les statuts en envisagent d'ailleurs le principe.
La crise asiatique a aussi montré les risques d'un développement rapide, sans souci d'une adaptation correspondante du modèle social des pays en développement. Le volet social des programmes d'ajustements économiques doit être renforcé par la mise en oeuvre d'un filet de sécurité adapté. La France souhaite que soit élaboré, en liaison étroite avec l'Organisation internationale du travail, un code de bonne pratique en matière de politique sociale, pour affirmer que la communauté internationale reconnaît et encourage la responsabilité des Etats dans ce domaine. L'aide publique au développement doit accompagner leurs efforts.
Troisième axe d'action : il faut aider les pays les plus pauvres à trouver leur place dans le commerce mondial.
Au-delà de l'investissement, nous savons aujourd'hui que le développement durable se heurte à la marginalisation des pays les moins avancés dans le commerce mondial. Celui-ci a connu ces dernières années une croissance rapide au profit, notamment, des pays émergents. Or les pays les moins avancés, qui représentaient 1,5 % des exportations mondiales en 1970, ne contribuent plus qu'à hauteur de 0,3 % aux échanges depuis les années 1980.
La CNUCED l'a constaté : la promotion des industries naissantes des PMA (pays les moins avancés) passe par un accès peu coûteux aux biens intermédiaires et par un renforcement des infrastructures. Le développement de zones d'intégration régionales peut y contribuer. Il faut encore que l'aide publique au développement accompagne, voire supplée, dans l'équilibre des comptes publics de ces pays, les efforts nécessaires pour l'abaissement des tarifs douaniers.
L'intégration des PMA dans l'économie mondiale justifie en outre les dispositions dérogatoires qui leur sont accordées dans l'accès aux marchés des pays industrialisés. Ces dispositions sont nombreuses. Elles offrent des avantages réels aux exportateurs de ces pays. Elles ne sont cependant pas pleinement utilisées, souvent par manque d'information. Nous devons réfléchir à la mise en place d'un cadre multilatéral plus clair et plus pérenne pour faciliter l'accès de leurs produits à nos marchés.
Les pays les plus pauvres participent peu aux travaux de l'Organisation mondiale du commerce. Ils n'interviennent qu'au travers de quelques grands pays émergents dont les intérêts ne coïncident pas toujours pleinement avec les leurs. La France suit donc avec une attention particulière les initiatives conjointes de l'OMC et de la CNUCED pour renforcer les modalités de l'assistance technique aux pays les moins avancés, notamment dans la perspective des négociations globales qui s'engageront à partir de 2000.
II. Pour atteindre ce triple objectif, il nous faut de nouvelles méthodes et de nouveaux instruments associant mieux les sociétés et les hommes.
Un niveau suffisant d'aide publique doit être maintenu.
La France se situe aujourd'hui, en valeur absolue, au deuxième rang des bailleurs de fonds et en tête des sept pays les plus industrialisés en termes d'effort par habitant. Elle entend maintenir ce niveau élevé de contribution publique au développement. Elle incitera ses partenaires du Nord à augmenter leurs propres participations au développement.
Autre versant de l'aide publique, le traitement de la dette des pays les plus pauvres mérite toute notre attention. La France, qui préside le Club de Paris, continuera de contribuer à la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour résoudre les difficultés des pays les plus endettés. Il est notamment indispensable que les plans d'ajustement qui leur sont associés ne remettent pas en cause la capacité de ces pays à bénéficier de concours nouveaux.
Le monde en développement a un besoin urgent d'un cadre financier et monétaire international stable.
La crise financière de ces derniers mois a directement touché certains pays émergents. Les pays les plus pauvres en subiront aussi des conséquences, même si elles sont plus indirectes. C'est pourquoi la France a réuni dans un mémorandum ses propositions en vue de rendre au système financier international, par une meilleure régulation et une plus grande transparence, son efficacité.
La création de l'euro contribuera, par la création d'une devise clé, à stabiliser le système monétaire et financier international. Elle permettra de plus aux pays en développement producteurs de matières premières d'assurer une plus grande stabilité à leurs ressources. Ils pourront en effet utiliser l'euro comme monnaie de facturation de leurs exportations. Enfin, les pays de la zone franc seront dès le 1er janvier 1999 associés à l'Europe de la monnaie unique : nos partenaires européens ont accepté que les accords qui régissent cette zone demeurent inchangés.
Mais ne répétons pas les erreurs du passé. La stabilisation du cadre économique et financier, le traitement de la dette, le maintien d'un niveau élevé d'aide publique au développement, ne suffiront pas si, dans ces pays, la constitution d'un tissu social stable n'est pas assuré, si le développement des initiatives individuelles n'est pas soutenu.
Il y faut de nouvelles méthodes, et de nouveaux instruments, associant mieux les sociétés et les hommes au développement.
Le gouvernement français a pris la mesure de la transformation radicale des données du développement. C'est pour en tenir compte que nous venons, en accord avec le Président de la République, de réorganiser profondément notre dispositif de coopération. Nous sommes sortis de la logique d'assistance. Notre coopération s'inscrit désormais dans des accords de partenariat et de développement, fondés sur l'égalité et le respect mutuel et qui permettent une rencontre entre les hommes.
Cette approche est essentielle pour permettre à ces sociétés de retenir l'épargne et l'investissement de leurs propres ressortissants. Ceux-ci doivent se convaincre qu'ils trouveront dans leur pays les moyens d'un avenir économique meilleur, et y employer très efficacement leurs capacités professionnelles.
L'appui aux populations, en priorité dans les secteurs de la santé et de l'éducation, suppose un soutien accru aux initiatives locales, qu'il s'agisse des communautés rurales ou des quartiers urbains défavorisés.
Notre effort doit aussi porter sur l'aide au bon fonctionnement des administrations, c'est-à-dire sur ce que nos amis anglo-saxons appellent, d'un vieux mot français, la "bonne gouvernance". Dans le domaine économique, qui est plus particulièrement le vôtre, cela signifie en particulier l'existence de règles claires et cohérentes, de procédures légales transparentes et équitables pour toutes les entreprises, protégeant notamment les entrepreneurs et les investisseurs contre ceux de leurs concurrents qui ne respecteraient pas la stricte légalité.
L'initiative privée et l'action autonome des citoyens sont indispensables au processus de développement. Le seul dialogue des responsables politiques ne suffit plus. Les organisations non gouvernementales de solidarité internationale, les collectivités territoriales, les entreprises et les organisations professionnelles sont autant de partenaires qui concourent au même objectif de développement.
Avec l'aide et le soutien des représentants gouvernementaux, vous êtes parvenus à mettre en contact des représentants des milieux d'affaires et de la société civile, venus aussi bien des pays industrialisés que des pays en développement. Faire de ces interlocuteurs des partenaires : voilà votre projet. Les partenariats concrets issus de ces rencontres et de ces contacts vivront par eux-mêmes. Ils permettront - c'est notre pari, c'est ma conviction - de générer du travail, de l'emploi et des richesses dans les pays en développement et des revenus à leurs partenaires industrialisés.
Le travail, au Bangladesh, d'un homme de dévouement et de grand talent, M. Mohamed Younous, est à cet égard exemplaire. Grâce à lui, les microfinancements ont désormais droit de cité. Les institutions populaires qui se développent sur ce modèle si efficace ont grandement aidé les populations à mobiliser des capacités d'épargne jusqu'ici négligées. Au cours de vos travaux, vous allez encourager les institutions financières à soutenir ces entreprises de caractère coopératif ou mutualiste qui ont fait leurs preuves pour aider les plus pauvres. De telles entreprises doivent sans aucun doute se multiplier et des grands partenaires, publics ou privés, peuvent les y aider. Mais nous devons aussi être attentifs à ce qu'elles restent au plus près des besoins des populations.
Le soutien de la France à ce processus doit s'exprimer à la fois au travers des mécanismes traditionnels, et par la recherche de formules nouvelles mieux adaptées aux exigences de notre temps.
L'ouverture des marchés, les progrès des techniques de communication et de l'information nous invitent à exploiter pleinement ces nouveaux instruments.
L'un des sujets les plus actuels sur lesquels vous allez travailler est celui du commerce électronique. Le développement spectaculaire des nouveaux réseaux, en particulier d'Internet, constitue un défi majeur. La réflexion sur les enjeux du commerce électronique ne doit pas rester l'apanage de quelques pays, mais prendre effectivement une dimension mondiale. En voici l'une des occasions.
Il faut maintenant étendre les bénéfices du commerce électronique à l'ensemble du monde. Ce devrait être l'objet, en particulier, du programme de travail que l'OMC vient d'adopter sur le commerce électronique. Ce programme examinera les conséquences de ce nouvel instrument sur le développement et prendra en compte les besoins des pays les plus pauvres. Dans la perspective de la réunion ministérielle qui doit se tenir l'année prochaine, il est essentiel que les pays en développement participent activement à l'élaboration des règles de l'OMC. Un climat de confiance doit s'instaurer entre l'ensemble des acteurs du développement. La CNUCED y contribuera, j'en suis sûr.
Mon gouvernement a décidé de mettre en place un programme de promotion de ces technologies. Il sera doté de 25 millions de francs sur trois ans et facilitera les transferts de savoir-faire. Dans le cadre de l'Agence de la francophonie, la France et ses partenaires ont mis en place un " fonds francophone des inforoutes ", doté de 40 millions de francs. Sa logique est partenariale. Ce fonds associera des acteurs des pays développés et de pays en développement autour de projets concrets pour favoriser l'entrée des pays en développement dans la société de l'information. Le premier appel à propositions a réuni près de deux cents projets. Je souhaite que ce premier succès soit amplifié.
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à remercier la Commission des Nations Unies pour le Commerce et le Développement d'avoir organisé, pour la première fois de son existence, une Conférence qui met en présence des chefs d'Etat et de gouvernement, des ministres du Développement, du Commerce, de l'Industrie, mais aussi des chefs d'entreprise, des universitaires et des associations, des représentants de ce qu'il est convenu d'appeler la société civile - et qui est en fait la collectivité humaine dont les responsables politiques ne sont qu'une des émanations.
La mondialisation est à l'oeuvre. Elle change certains mécanismes du développement. Elle n'éteint pas l'initiative, le concours de volontés, l'action coordonnée - bien au contraire. Elle renforce notre détermination à l'organiser, à lui donner un cadre, à la mettre au service de l'homme afin que s'améliorent les conditions de vie de tous les peuples du monde. Je sais que la CNUCED partage cette philosophie et c'est une autre raison pour moi d'être heureux de participer à cette rencontre que j'espère féconde.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 30 mai 2001)