Texte intégral
1 : Quelle est la position de la France sur l'élargissement de l'OTAN ?
Alain RICHARD : L'élargissement de l'OTAN fait partie d'un processus général d'ouverture à l'Est des institutions européennes et euro-atlantiques. L'entrée de la Pologne, de la Hongrie et de la République Tchèque leur permettra de bénéficier des garanties de sécurité prévues dans le traité de Washington : en tant que membre de ce traité, la France participera à l'extension de cette garantie. Dans quelques semaines, le Parlement français ratifiera l'accord de la France à cette adhésion. Mais lors du sommet de Madrid, en juillet 1997, nous avions souhaité, avec une majorité d'Alliés, que l'élargissement comprenne également la Roumanie et la Slovénie. Il est pour nous essentiel que cette démarche d'élargissement se poursuive, au bénéfice de pays qui contribuent à la stabilité de la zone Sud-Est de l'Europe.
2 : Dans le cadre de l'élargissement de l'OTAN, quelle doit être la position de ses membres face à la Russie ?
Alain RICHARD : Dans la nouvelle situation stratégique, il est apparu indispensable de prendre en compte les préoccupations de la Russie. La France s'y est attachée dès le début et s'est appuyée sur le dialogue privilégié avec la Russie qui est sa tradition ancienne. L'élargissement de l'OTAN a été précédé de la signature, le 27 mai 1997 à Paris, de l'Acte Fondateur entre l'Alliance atlantique et la Russie, qui jette les bases d'un véritable partenariat de sécurité entre les deux anciens adversaires, en mettant en place des structures de coopération et de concertation, en particulier le Conseil Permanent OTAN-Russie. Ce partenariat doit devenir un élément essentiel de la stabilité et de l'équilibre de l'Europe et du monde multipolaire qui s'ébauche.
3 : Le rôle de l'OTAN dans les opérations en Bosnie vous semble-t-il adapté ? Quel est le rôle de la France dans ce dispositif ?
Alain RICHARD : La France a été présente en Bosnie dès 1992, parmi les premiers pays résolus à rétablir la paix dans cette région. Son engagement ininterrompu a coûté la vie à 72 soldats français, dont le Président de la République et moi avons salué la mémoire à Sarajevo le 6 avril. Lorsque l'OTAN a été engagée en Bosnie en décembre 1995, après la signature des Accords de paix, le contingent français est passé de l'autorité des Nations Unies à celle de l'OTAN, comme les autres contingents de la FORPRONU. L'engagement d'unités alliées, OTAN et non-OTAN, est significatif de la contribution que les uns et les autres peuvent apporter à la sécurité européenne. La France assume son rôle dans toute la structure de l'Alliance déployée en Bosnie ; elle occupe des postes de responsabilité dans la chaîne de commandement dont celui de commandant en second de la SFOR ; elle assume le commandement de la Division Multinationale Sud Est composée notamment d'Allemands, Italiens, Espagnols, Marocains, Ukrainiens et Portugais. Avec près de 3 300 hommes, elle est le troisième contributeur de troupes.
4 : La France a été critiquée, notamment à propos de la recherche des criminels de guerre. Que pouvez-vous en dire ?
Alain RICHARD : La France a participé directement à l'élaboration et à la négociation des Accords de Dayton qui ont été signés à Paris. Elle adhère donc pleinement aux dispositions relatives à l'interpellation des criminels de guerre et participe activement à leur mise en oeuvre : un criminel de guerre serbe s'est rendu récemment aux forces françaises présentes à Foca. J'ai eu l'occasion de l'affirmer, dès ma première visite à Sarajevo en juillet 1997, les militaires français participent pleinement aux opérations de recherche qui, je vous le rappelle, sont décidées ponctuellement par le commandement allié de la SFOR.
5 : La stabilité du flanc Sud de l'OTAN est un impératif. Comment la maintenir ? La France pose-t-elle toujours le problème du commandement Sud ?
Alain RICHARD : La stabilité du flanc Sud est un impératif en premier lieu pour les pays européens directement concernés. Comme nous l'ont montré les opérations en Bosnie et en Albanie, la stabilité de cette région doit être assurée par l'action complémentaire et conjuguée des institutions européennes et euro-atlantiques : l'ONU, l'Union européenne, l'OSCE, l'UEO et bien entendu l'Alliance atlantique.
En ce qui concerne la question du commandement Sud, la position française n'a jamais varié : la mise en oeuvre d'une véritable identité européenne de sécurité et de défense au sein de l'Alliance nécessite un meilleur partage des responsabilités entre Européens et Américains. Les commandants suprêmes des forces de l'OTAN en Europe et en Atlantique sont Américains. Pour parvenir à un équilibre des responsabilités, il apparaît normal que les commandements régionaux, en Europe soient confiés à des officiers généraux européens. Nous sommes disposés à poursuivre les discussions avec les Alliés pour la recherche d'un meilleur équilibre au service d'une plus grande cohésion de l'Alliance.
6 : Comment évaluez-vous la dialectique entre la Grèce et la Turquie, la constitution par ces pays d'arsenaux importants, et les risques pour la stabilité régionale ?
Alain RICHARD : La Grèce et la Turquie sont parties intégrantes de l'architecture européenne de sécurité. En dépit de leurs relations singulières, ces deux pays ont toujours assumé avec une très grande conscience politique leurs responsabilités en ce domaine. Il apparaît primordial qu'ils puissent maintenir un dialogue indispensable à la recherche d'une solution équilibrée. La France entend tout mettre en oeuvre avec ses partenaires de l'Union européenne, de l'OTAN et de l'UEO, pour préserver ce dialogue grâce aux excellentes relations qu'elle s'est toujours attachée à entretenir avec la Grèce et la Turquie.
7 : Comment jugez-vous l'attitude américaine dans la crise irakienne, et quel est engagement de la France par rapport à ses Alliés ? Où apparaît sur ce plan une politique européenne concertée ?
Alain RICHARD : C'est l'action conjuguée de la pression militaire engagée par les Etats-Unis et des démarches diplomatiques multiples qui a permis d'obtenir un règlement de la crise irakienne. A cet égard, nous nous félicitions du succès de la mission de Kofi Annan qui a abouti à l'accord du 23 février dernier.
Pour ce qui concerne l'engagement de la France, sa solidarité vis-à-vis de ses partenaires Alliés n'a jamais été démentie.
Les Alliés européens n'ont cessé de se concerter, et les 15 membres de l'U.E. ont été en mesure d'adopter des positions communes : d'une part Saddam Hussein devait appliquer la totalité des résolutions du Conseil de sécurité et d'autre part, il convenait d'explorer toutes les options diplomatiques pour résoudre la crise. L'Irak présente toujours une menace qu'il convient d'évaluer à sa juste mesure. Aussi, dans le cadre de la résolution 715, la France estime souhaitable une présence soutenue de l'UNSCOM en Irak à laquelle elle est prête à concourir de manière accrue. Pour autant, nous marquons notre insistance, dans le cadre de la résolution 1154, sur le caractère non-automatique du recours à la force en cas de rupture des engagements par l'Irak. Et nous rappelons que, lorsque l'Irak aura satisfait à toutes ses obligations vis-à-vis des Nations-Unies, les sanctions économiques à son encontre devront être levées.
8 : En cas de mauvaise volonté irakienne vis-à-vis des contrôles, quels peuvent être les moyens d'inventorier et de détruire les armes de destruction massive irakiennes ?
Alain RICHARD : Beaucoup d'armes de destruction massives ont été détruites par l'UNSCOM, ce qui réduit l'importance des stocks restants. Mais la vigilance s'impose, et nous ne sommes pas en mesure aujourd'hui de localiser d'éventuels stocks existants. L'objet principal de la poursuite des inspections est de s'en assurer. Le mandat de l'UNSCOM lui donne autorité à la fois pour aller sur les sites suspects où seraient stockés les armements, et pour procéder à leur destruction.
9 : Pouvez-vous faire le point, au stade actuel, sur la réorganisation de l'industrie de défense française et les perspectives à long terme?
Alain RICHARD : Nous sommes confiants dans la capacité des industriels Dasa, Aérospatiale et British Aerospace à élaborer un projet commun d'intégration des activités aérospatiales et électroniques européennes, civiles et militaires, conformément à la déclaration trilatérale des Chefs d'état et de gouvernement du 9 décembre dernier, et comme ils en ont donné un signal clair dans leur document du 31 mars.
En ce qui concerne la forme de cette restructuration, la fusion des différentes sociétés européennes ne produira son plein effet que si se constituent des sociétés européennes par métiers, dans les secteurs des hélicoptères, des missiles, des avions de combat. Ce projet suppose l'élaboration par les industriels, en particulier Dassault Aviation et BAe, d'une stratégie industrielle et commerciale commune.
Il est clair en tous cas, dans l'esprit du gouvernement français, que la nature de l'actionnariat, public ou privé, ne saurait être posée comme un préalable à la constitution de la future société européenne. Les intérêts de cette dernière sont en effet compatibles avec l'existence d'un actionnariat public, qui a démontré sa crédibilité par le succès de l'Aerospatiale.
Le dialogue entre les gouvernements sur cette restructuration européenne joue un rôle moteur, et j'ai développé des contacts personnels et réguliers avec mes principaux homologues européens, en particulier les ministres allemand, britannique, italien et espagnol. Il se dégage à mes yeux une volonté commune d'accompagner les industriels pour mener à bien leur nécessaire regroupement.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 8 janvier 2002)
Alain RICHARD : L'élargissement de l'OTAN fait partie d'un processus général d'ouverture à l'Est des institutions européennes et euro-atlantiques. L'entrée de la Pologne, de la Hongrie et de la République Tchèque leur permettra de bénéficier des garanties de sécurité prévues dans le traité de Washington : en tant que membre de ce traité, la France participera à l'extension de cette garantie. Dans quelques semaines, le Parlement français ratifiera l'accord de la France à cette adhésion. Mais lors du sommet de Madrid, en juillet 1997, nous avions souhaité, avec une majorité d'Alliés, que l'élargissement comprenne également la Roumanie et la Slovénie. Il est pour nous essentiel que cette démarche d'élargissement se poursuive, au bénéfice de pays qui contribuent à la stabilité de la zone Sud-Est de l'Europe.
2 : Dans le cadre de l'élargissement de l'OTAN, quelle doit être la position de ses membres face à la Russie ?
Alain RICHARD : Dans la nouvelle situation stratégique, il est apparu indispensable de prendre en compte les préoccupations de la Russie. La France s'y est attachée dès le début et s'est appuyée sur le dialogue privilégié avec la Russie qui est sa tradition ancienne. L'élargissement de l'OTAN a été précédé de la signature, le 27 mai 1997 à Paris, de l'Acte Fondateur entre l'Alliance atlantique et la Russie, qui jette les bases d'un véritable partenariat de sécurité entre les deux anciens adversaires, en mettant en place des structures de coopération et de concertation, en particulier le Conseil Permanent OTAN-Russie. Ce partenariat doit devenir un élément essentiel de la stabilité et de l'équilibre de l'Europe et du monde multipolaire qui s'ébauche.
3 : Le rôle de l'OTAN dans les opérations en Bosnie vous semble-t-il adapté ? Quel est le rôle de la France dans ce dispositif ?
Alain RICHARD : La France a été présente en Bosnie dès 1992, parmi les premiers pays résolus à rétablir la paix dans cette région. Son engagement ininterrompu a coûté la vie à 72 soldats français, dont le Président de la République et moi avons salué la mémoire à Sarajevo le 6 avril. Lorsque l'OTAN a été engagée en Bosnie en décembre 1995, après la signature des Accords de paix, le contingent français est passé de l'autorité des Nations Unies à celle de l'OTAN, comme les autres contingents de la FORPRONU. L'engagement d'unités alliées, OTAN et non-OTAN, est significatif de la contribution que les uns et les autres peuvent apporter à la sécurité européenne. La France assume son rôle dans toute la structure de l'Alliance déployée en Bosnie ; elle occupe des postes de responsabilité dans la chaîne de commandement dont celui de commandant en second de la SFOR ; elle assume le commandement de la Division Multinationale Sud Est composée notamment d'Allemands, Italiens, Espagnols, Marocains, Ukrainiens et Portugais. Avec près de 3 300 hommes, elle est le troisième contributeur de troupes.
4 : La France a été critiquée, notamment à propos de la recherche des criminels de guerre. Que pouvez-vous en dire ?
Alain RICHARD : La France a participé directement à l'élaboration et à la négociation des Accords de Dayton qui ont été signés à Paris. Elle adhère donc pleinement aux dispositions relatives à l'interpellation des criminels de guerre et participe activement à leur mise en oeuvre : un criminel de guerre serbe s'est rendu récemment aux forces françaises présentes à Foca. J'ai eu l'occasion de l'affirmer, dès ma première visite à Sarajevo en juillet 1997, les militaires français participent pleinement aux opérations de recherche qui, je vous le rappelle, sont décidées ponctuellement par le commandement allié de la SFOR.
5 : La stabilité du flanc Sud de l'OTAN est un impératif. Comment la maintenir ? La France pose-t-elle toujours le problème du commandement Sud ?
Alain RICHARD : La stabilité du flanc Sud est un impératif en premier lieu pour les pays européens directement concernés. Comme nous l'ont montré les opérations en Bosnie et en Albanie, la stabilité de cette région doit être assurée par l'action complémentaire et conjuguée des institutions européennes et euro-atlantiques : l'ONU, l'Union européenne, l'OSCE, l'UEO et bien entendu l'Alliance atlantique.
En ce qui concerne la question du commandement Sud, la position française n'a jamais varié : la mise en oeuvre d'une véritable identité européenne de sécurité et de défense au sein de l'Alliance nécessite un meilleur partage des responsabilités entre Européens et Américains. Les commandants suprêmes des forces de l'OTAN en Europe et en Atlantique sont Américains. Pour parvenir à un équilibre des responsabilités, il apparaît normal que les commandements régionaux, en Europe soient confiés à des officiers généraux européens. Nous sommes disposés à poursuivre les discussions avec les Alliés pour la recherche d'un meilleur équilibre au service d'une plus grande cohésion de l'Alliance.
6 : Comment évaluez-vous la dialectique entre la Grèce et la Turquie, la constitution par ces pays d'arsenaux importants, et les risques pour la stabilité régionale ?
Alain RICHARD : La Grèce et la Turquie sont parties intégrantes de l'architecture européenne de sécurité. En dépit de leurs relations singulières, ces deux pays ont toujours assumé avec une très grande conscience politique leurs responsabilités en ce domaine. Il apparaît primordial qu'ils puissent maintenir un dialogue indispensable à la recherche d'une solution équilibrée. La France entend tout mettre en oeuvre avec ses partenaires de l'Union européenne, de l'OTAN et de l'UEO, pour préserver ce dialogue grâce aux excellentes relations qu'elle s'est toujours attachée à entretenir avec la Grèce et la Turquie.
7 : Comment jugez-vous l'attitude américaine dans la crise irakienne, et quel est engagement de la France par rapport à ses Alliés ? Où apparaît sur ce plan une politique européenne concertée ?
Alain RICHARD : C'est l'action conjuguée de la pression militaire engagée par les Etats-Unis et des démarches diplomatiques multiples qui a permis d'obtenir un règlement de la crise irakienne. A cet égard, nous nous félicitions du succès de la mission de Kofi Annan qui a abouti à l'accord du 23 février dernier.
Pour ce qui concerne l'engagement de la France, sa solidarité vis-à-vis de ses partenaires Alliés n'a jamais été démentie.
Les Alliés européens n'ont cessé de se concerter, et les 15 membres de l'U.E. ont été en mesure d'adopter des positions communes : d'une part Saddam Hussein devait appliquer la totalité des résolutions du Conseil de sécurité et d'autre part, il convenait d'explorer toutes les options diplomatiques pour résoudre la crise. L'Irak présente toujours une menace qu'il convient d'évaluer à sa juste mesure. Aussi, dans le cadre de la résolution 715, la France estime souhaitable une présence soutenue de l'UNSCOM en Irak à laquelle elle est prête à concourir de manière accrue. Pour autant, nous marquons notre insistance, dans le cadre de la résolution 1154, sur le caractère non-automatique du recours à la force en cas de rupture des engagements par l'Irak. Et nous rappelons que, lorsque l'Irak aura satisfait à toutes ses obligations vis-à-vis des Nations-Unies, les sanctions économiques à son encontre devront être levées.
8 : En cas de mauvaise volonté irakienne vis-à-vis des contrôles, quels peuvent être les moyens d'inventorier et de détruire les armes de destruction massive irakiennes ?
Alain RICHARD : Beaucoup d'armes de destruction massives ont été détruites par l'UNSCOM, ce qui réduit l'importance des stocks restants. Mais la vigilance s'impose, et nous ne sommes pas en mesure aujourd'hui de localiser d'éventuels stocks existants. L'objet principal de la poursuite des inspections est de s'en assurer. Le mandat de l'UNSCOM lui donne autorité à la fois pour aller sur les sites suspects où seraient stockés les armements, et pour procéder à leur destruction.
9 : Pouvez-vous faire le point, au stade actuel, sur la réorganisation de l'industrie de défense française et les perspectives à long terme?
Alain RICHARD : Nous sommes confiants dans la capacité des industriels Dasa, Aérospatiale et British Aerospace à élaborer un projet commun d'intégration des activités aérospatiales et électroniques européennes, civiles et militaires, conformément à la déclaration trilatérale des Chefs d'état et de gouvernement du 9 décembre dernier, et comme ils en ont donné un signal clair dans leur document du 31 mars.
En ce qui concerne la forme de cette restructuration, la fusion des différentes sociétés européennes ne produira son plein effet que si se constituent des sociétés européennes par métiers, dans les secteurs des hélicoptères, des missiles, des avions de combat. Ce projet suppose l'élaboration par les industriels, en particulier Dassault Aviation et BAe, d'une stratégie industrielle et commerciale commune.
Il est clair en tous cas, dans l'esprit du gouvernement français, que la nature de l'actionnariat, public ou privé, ne saurait être posée comme un préalable à la constitution de la future société européenne. Les intérêts de cette dernière sont en effet compatibles avec l'existence d'un actionnariat public, qui a démontré sa crédibilité par le succès de l'Aerospatiale.
Le dialogue entre les gouvernements sur cette restructuration européenne joue un rôle moteur, et j'ai développé des contacts personnels et réguliers avec mes principaux homologues européens, en particulier les ministres allemand, britannique, italien et espagnol. Il se dégage à mes yeux une volonté commune d'accompagner les industriels pour mener à bien leur nécessaire regroupement.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 8 janvier 2002)