Déclaration de M. François Fillon, Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le rôle du livre au sein du système éducatif et les partenariats destinés à le développer, notamment l'organisation du concours 'Faites des livres', Paris le 21 mars 2005.

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Circonstance : Remise des prix 'Faites des livres' lors du 25ème Salon du Livre à Paris le 21mars 2005

Texte intégral

Madame l'Inspectrice générale honoraire,
Monsieur le Directeur de l'enseignement scolaire,
Mesdames et Messieurs les membres du jury Faites des livres,
Mesdames et Messieurs les enseignantes et enseignants,
Mesdames et messieurs,
Chers élèves,
Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui, à l'occasion de la remise des prix Faites des livres, et j'aurai dans un instant le plaisir de vous remettre les récompenses que mérite la qualité de vos participations. Mais avant de procéder à cette cérémonie proprement dite, laissez-moi vous dire quelques mots de cette opération, et des raisons pour lesquelles nous avons choisi d'en célébrer la première réalisation ici même, en plein cur du Salon du Livre.
Le choix de ce lieu emblématique est pour nous l'occasion de rappeler la place privilégiée qu'occupe le livre, au sein de l'institution éducative. Peut-être aurez-vous relevé, en feuilletant le programme des manifestations qui se tiennent en marge du Salon, que nous étions en charge de deux tables rondes : l'une sur les relations privilégiées mais complexes qui relient éducation et édition, l'autre pour discuter, entre professionnels du livre et de l'éducation, de la possibilité de relever le défi du Livre pour tous. Vous-même, en venant jusqu'à cette salle, aurez sans doute constaté que le ministère de l'Éducation nationale occupait lui-même un stand, avec deux de ses établissements publics partenaires : l'ONISEP et le CNDP. Vous y aurez retrouvé des ouvrages réalisés de A à Z par les élèves lauréats au niveau académique ; vous y aurez découvert une projection de diaporamas retraçant la fabrication des livres en ateliers scolaires, ainsi qu'une information circonstanciée sur les diverses opérations menées autour de la présence du Livre à l'école.
Vous comprenez en somme que ma présence ici n'est pas le fait des circonstances. En choisissant ce temps fort de la vie littéraire et des métiers de l'édition pour vous convier à cette célébration commune, j'ai souhaité réaffirmer de façon explicite et volontaire la présence du livre au sein de l'école, son rôle sous les formes les plus variées, dans les apprentissages comme dans la création, et la force du lien qui l'associe aux priorités éducatives. Ce point me paraît tout à fait essentiel et vous comprendrez que je m'y arrête avec vous. Trop souvent en effet, on entend affirmer que la transmission des savoirs est désormais liée aux supports audio-visuels et aux nouvelles technologies de l'information ; que c'est à l'image qu'il faudrait s'adresser pour former le plus grand nombre ; bref, que l'écran a remplacé l'écrit.
Sans doute la maîtrise de ces nouveaux supports de communication est-elle aujourd'hui indispensable, et c'est pourquoi l'éducation à l'image fait partie, elle aussi, de nos priorités.
Mais cette priorité n'a rien d'exclusif, et si l'image et l'écran sont de toute évidence appelés à jouer un rôle accru au sein du système éducatif, le livre et l'écrit n'en demeurent pas moins, au cur de l'école, ses médias privilégiés. Répétons-le, au risque du truisme : le livre est chez lui à l'école, et il nous importe qu'il y soit plus que jamais valorisé.
Songez ainsi que le livre est présent dès l'école maternelle, avant même la lecture, et que ce contact précoce avec l'objet, avec la " langue des livres ", encore mystérieuse, constitue la première introduction de l'enfant à la future communauté des lecteurs. L'enfant qui entend lire n'acquiert pas seulement les moyens d'apprendre ; en découvrant que le livre ouvre à l'univers du sens, de l'imaginaire et du plaisir, il se forge aussi ses premières envies de lire - approche combinée de l'intelligible et du sensible.
Le livre, maillon essentiel de la chaîne éducative, conserve cette importance décisive à tous les échelons du système. A l'école primaire, au-delà des acquisitions techniques complexes qui constituent le premier apprentissage de la lecture, l'école n'a de cesse que de familiariser les enfants avec les livres, notamment avec la littérature de jeunesse, qui occupe une place importante dans les programmes du premier degré ; elle espère ainsi conduire les élèves à aimer lire autant qu'à savoir lire, double condition d'accès à cette éducation de soi par soi qui fait l'individu. Car la rencontre du livre à l'école primaire, c'est aussi la conquête de l'autonomie, face à tous les supports de lecture que les enfants devront manier, dans la suite de leur histoire scolaire et de leur existence : romans, affichages, manuels, journaux, dictionnaires, documents, etc. L'école primaire présente ainsi le livre comme un compagnon de vie, qui aide à déchiffrer le monde, à l'interroger et à l'inventer ; à se comprendre, en somme, et donc à grandir.
Quant à l'enseignement secondaire, il conforte et complète cette disposition d'esprit, en multipliant les occasions de rencontre avec le livre dans tous ses états. Du collège au lycée, le livre, manuel, ouvrage documentaire, reste bien sûr le premier des supports pédagogiques, tant en classe qu'au centre de documentation et dans les bibliothèques. Mais le livre n'est pas seulement outil de transmission ; il devient aussi, lui-même, objet d'étude ou de création, que ce soit dans les enseignements, les approches croisées ou dans les actions complémentaires. C'est la culture tout entière qui passe à travers lui, avec ses dimensions littéraire, historique, esthétique ou encore scientifique ; il est en somme un formidable vecteur d'ouverture, d'évasion, d'enrichissement personnel et d'intégration sociale par l'appropriation d'une culture et d'un patrimoine communs à tous.
Cette richesse que représente le livre au sens large, de sa création à sa diffusion, est prise en compte de la manière la plus large par les partenariats que développent les établissements. Dans les ateliers d'écriture, par exemple, les élèves rencontrent des écrivains qui les initient aux diverses modalités de la création ; ils peuvent également être amenés à créer un objet-livre, et entrer en contact avec des plasticiens et des professionnels de l'image et de l'édition, ainsi qu'avec des relieurs. Enfin, le partenariat avec les professionnels de l'édition et de la diffusion complète la connaissance de la chaîne du livre proposée aux élèves ; c'est vrai tout particulièrement au lycée professionnel où le livre peut devenir un objet de spécialisation, voire de professionnalisation, pour les élèves inscrits dans des filières spécifiques les préparant aux mille facettes des métiers techniques et artistiques de l'édition.
Tout ceci ne pourrait se faire sans liens étroits avec les différents acteurs extérieurs qui tous, chacun à leur façon, participent de cette même passion pour le livre et souhaitent la partager avec notre communauté éducative. C'est la raison pour laquelle le ministère conduit de nombreux partenariats avec le monde du livre et de l'édition, l'enjeu étant pour nous la cohérence et l'envergure d'une politique accordant à l'écrit et à ses supports une place privilégiée au sein de l'institution éducative. Nous menons dans ce cadre auprès de nos écoles et établissements une grande variété d'actions afin de permettre à la communauté éducative de découvrir et de mieux connaître tous ceux qui font les livres - qu'il s'agisse de les écrire, de les réaliser ou de les diffuser. Ainsi ai-je eu plaisir à signer, aujourd'hui même, une convention de partenariat avec La Maison des écrivains, dont j'ai eu l'occasion de saluer le président un peu plus tôt sur l'espace du Salon ; je leur redis ici combien nous est précieux le travail que nous souhaitons mener avec eux, tant il est vrai que la présence des écrivains dans les classes constitue un témoignage irremplaçable sur la création et une incitation profonde auprès des élèves à rencontrer en direct la littérature telle qu'elle se fait et se vit. Cette convention sera pour nous l'occasion de consolider nos actions ensemble en matière de lecture, d'écriture, de maîtrise des langages et d'approche des littératures, notamment par la rencontre avec des auteurs contemporains
Mais nous avons aussi bien d'autres partenaires : le Centre national du Livre du ministère de la Culture, dont je viens de visiter le stand qui nous fait face ; l'Académie française, dont un éminent membre, François Cheng, a bien voulu présider le jury de ce concours ; le Syndicat National de l'Édition , dont je salue ici le délégué général qui nous a fait lui aussi l'amitié de siéger au jury et avec qui nous menons bien des opérations ; et puis d'autres encore, des structures culturelles au monde associatif, et dont la liste est trop longue pour être ici citée. Tous ces acteurs animent des opérations de découverte, des activités de création ou des manifestations de promotion auxquelles nous sommes toujours heureux de nous associer : je pense entre autres à Lire en fête, à La Bataille de la lecture, à Poésie en Liberté, au festival Étonnants voyageurs ou encore au Prix Goncourt des lycéens. De tels partenariats sont pour nous des plus précieux : ils nous sont en effet le gage que des créateurs, des professionnels et des passionnés du livre et de l'édition sont à nos côtés pour tenter, aux côtés de nos enseignants et de nos responsables éducatifs, de faire partager leur amour du livre et de ses métiers.
Cet amour du livre dans toutes ses dimensions (création et production, uvre et objet), vous y avez été sensibles plus que d'autres, vous qui vous êtes engagés avec enthousiasme et réussite dans l'opération Faites des livres que le ministère vous proposait. Vous le savez, notre projet en lançant cette initiative était de sensibiliser les élèves, à travers la réalisation collective d'un ouvrage, aux aspects matériels et techniques du livre en prenant appui par exemple sur l'illustration, la mise en page, la reliure ou encore la typographie. Il s'agissait ainsi d'amener les jeunes à découvrir la valeur de " l'objet livre " dans une perspective dynamique : entre savoir et savoir faire, du projet d'écriture à la réalisation technique, de la découverte d'un patrimoine à la création collective.
La première édition de ce concours, organisé par la direction de l'enseignement scolaire du ministère de la Jeunesse, de l'Éducation nationale et de la recherche en concertation avec le CNDP et sa Mission du Livre à l'Ecole, s'est tenue pendant l'année scolaire 2003-2004. Elle concernait les établissements du second degré (collège et lycée professionnel avec une mention particulière pour les formations spécialisées dans l'édition). Cette première édition a reçu un accueil enthousiaste puisque 4500 élèves se sont investis dans ce concours, soit un total de 200 projets en provenance de 26 académies. La qualité des projets n'était pas en reste, et le jury national a salué la richesse des réalisations, soulignant notamment la fertilité des démarches pédagogiques ainsi que la remarquable implication conjointe des élèves et des enseignants (notamment dans les établissements professionnels dont il faut relever la mobilisation).
J'ajouterai volontiers pour ma part avoir été très sensible à la diversité des formes artistiques convoquées, et à l'extrême qualité des réalisations proposées. Je vous avouerai même que j'aurais eu beaucoup de mal à devoir trancher à la place du jury, tant les uvres que j'ai eu l'occasion d'avoir entre les mains m'ont paru de belle facture et d'une originalité du meilleur aloi. Je vous en félicite chaleureusement, et suis d'autant plus heureux et honoré d'être celui qui vous remettra dans un instant la récompense de votre participation. Mais je tiens avant cela à vous faire part d'une autre observation que je me suis faite en découvrant vos réalisations. J'ai été en effet frappé par la grande variété des thèmes abordés : citoyenneté, environnement, langues, découverte du monde ou encore gastronomie. J'ai été touché tout autant par la diversité de vos parcours, et particulièrement intéressé de constater à quel point des contributions élaborées dans des contextes différents pouvaient donner une aussi harmonieuse impression d'unité. Je ne peux, vous vous en doutez, rester insensible à cette cohérence dans la diversité. Et je me suis fait cette remarque que je vous livre en guise de conclusion : que le goût du livre n'est pas l'apanage de quelques lettrés, mais véritablement un bien commun partagé par tous quels que soient les attentes, les connaissances et les centres d'intérêt. Un Livre ouvert à tous dans une école qui veut la réussite de tous, c'est le plus beau message que je puisse aujourd'hui retirer de cette célébration.
Je vous remercie.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 23 mars 2005)